Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



REINE BLANCHE EN PAYS NOIR
Vie de Mary Slessor, missionnaire au Calabar



TROISIÈME PARTIE

La Conquête de l'Okoyong
1881-1902.

CHAPITRE V

 La maison de Ma ressemblait toujours à une grande nursery. Bien que toutes les mamans du monde soient pareilles sous beaucoup de rapports, celles d'Afrique étaient ignorantes, étourdies, ne savaient pas prendre soin de leurs enfants, et attachaient une telle importance aux étranges coutumes païennes qu'elles se conduisaient souvent envers leurs tout petits d'une manière cruelle. Du temps de Ma, c'était encore pire qu'aujourd'hui, parce qu'alors presque tous les gens étaient esclaves.
Les bébés surtout faisaient grand'pitié à Ma, et elle se mettait en colère contre ceux qui, les négligeaient, les affamaient ou les enivraient. « Pauvre chéri », disait-elle en ramassant par terre un bébé abandonné, et en pensant aux soins dont les enfants sont entourés chez nous. À ses yeux le plus petit être possédait une âme pour laquelle Jésus était mort ; elle les aimait, tous ces négrillons, les lavait, les soignait, les berçait en chantant.

Dans la maison missionnaire il n'y avait pas de berceaux, mais il y avait quelque chose d'infiniment mieux ! Autour du lit de Ma, placé au milieu de la chambre, des hamacs étaient suspendus au plafond, et à chaque hamac une corde était fixée. On couchait les bébés dans les hamacs, et, si l'un ou l'autre se réveillait pendant la nuit, Ma, de son lit, tirait la corde et bientôt, doucement balancé, le bébé se rendormait ! Parfois, comme vous le pensez bien, plusieurs petits se réveillaient à la fois, alors Ma tirait ensemble deux ou trois bouts de corde ! Souvent il y avait une demi-douzaine de hamacs autour du lit.

Et que d'efforts Ma eut à faire pour arracher à la mort quelques-uns de ces petits êtres ! Mais jamais elle ne leur marchandait ni son temps ni sa peine. Lorsqu'elle revenait tard d'une longue marche dans la forêt, et qu'elle était fatiguée, qu'elle avait faim et sommeil, elle envoyait Janie se coucher et s'occupait elle-même des petits qui avaient besoin d'elle. Vous la représentez-vous, veillant seule dans sa maison forestière pendant les heures de la nuit, penchée sur un petit corps maigre ? Les larmes aux yeux, elle contemplait la petite figure tirée, donnait à l'enfant un médicament, le calmait, essayait de le soulager, pendant qu'à ses côtés la mort guettait une nouvelle victime. Comme les gens s'imaginaient que les maladies étaient envoyées par le mauvais esprit, on ne lui amenait les enfants que lorsqu'ils étaient mourants. Après leur avoir fermé les yeux, elle les enveloppait dans une blouse blanche, les plaçait dans un coffre, les couvrait de fleurs blanches et les enterrait dans son cimetière d'enfants.

Un jour que quelques femmes qui lui faisaient visite bavardaient entre elles au sujet des emplettes qu'elles venaient de faire au marché, l'une d'elles fit la remarque que c'était « bien drôle » qu'un bébé jeté dans la brousse cinq ou six jours auparavant fût encore vivant.
- Que voulez-vous dire ? s'écria Ma.
- Oh ! rien, Ma. C'est seulement une fillette qu'on a jetée dans la brousse parce que sa mère est morte, et qui est encore vivante ; nous l'avons entendue pleurer quand nous avons passé par là ce matin.

Ma n'en écouta pas plus long ; elle vola à l'endroit qu'on lui indiqua. Dans un terrain vague elle trouva la petite abandonnée que les insectes rongeaient déjà. L'enfant pleurait doucement. Ma la prit dans ses bras, la ramena chez elle, la coucha dans une calebasse et l'entoura de soins si tendres que la petite se reprit à la vie. Les indigènes l'appelaient « l'enfant du miracle ». Ma lui donna le nom de Mary et l'adopta comme membre de sa joyeuse nichée. Mary resta auprès d'elle jusqu'à son mariage dont nous parlerons plus tard.

Les jumeaux continuaient toujours à donner beaucoup de peine à Ma, tant les gens en avaient peur. Elle avait beau dire aux indigènes : « Les jumeaux sont tout comme les autres enfants ; si seulement vous les laissiez vivre, vous verriez bien qu'il n'y a pas de différence. Regardez ma gentille Janie : c'est une jumelle », les raisonnements ne servaient à rien. Le seul moyen pour elle de sauver ces tout petits, c'était de s'en emparer avant qu'on les eût tués. C'était Emé Eté qui la faisait prévenir secrètement de la naissance de jumeaux. Dès qu'elle recevait le message, elle abandonnait sur le champ son occupation, quelle qu'elle fût, et se rendait en hâte à la maison qu'on lui avait désignée. Hélas ! elle arrivait souvent trop tard : les pauvres petits étaient déjà morts, écrasés dans des pots, et la maman avait été chassée au loin. Mais si elle arrivait à temps, elle emportait les enfants à la maison missionnaire, prenait soin d'eux, et les protégeait contre les membres de leur famille qui essayaient, par tous les moyens possibles, de les saisir pour s'en débarrasser.

Elle eut une fois entr'autres la joie de sauver la vie à des jumeaux nés, dans son village. Elle les coucha dans son propre lit. Alors, grand émoi : chacun prédisait de terribles calamités, et Edem lui-même se tint à distance.
« Je ne pourrai plus jamais aller à la maison de ma mère, gémissait-il ; non, plus jamais. »

Personne ne parlait à Ma ; les mères défendaient à leurs enfants de se trouver sur son chemin. Triste et peinée, elle tint bon. Un des jumeaux mourut, mais l'autre vécut. Pourtant, les gens aimaient leur Ma, malgré tout, et ils finirent par venir lui demander pardon.
« Ma, pardonne-nous, dirent-ils humblement. On ne nous a jamais appris à faire ce qui est bien. Aime-nous comme autrefois. »
Ainsi se dissipa le nuage. Et même, - grand encouragement pour Ma, - le père du jumeau vivant vint chercher son enfant, et reprit chez lui la maman. Quelle preuve irréfutable que la terrible coutume commençait à perdre sa rigueur !

Puis, ce fut autre chose. Une femme esclave, nommée lyé, venait d'avoir des jumeaux. Elle demeurait à environ 8 kilomètres d'Ekenge, et Ma, prévenue, se mit immédiatement en route. Elle rencontra lyé dans la forêt, portant sur sa tête une boîte qui contenait les deux bébés, et poursuivie par une foule d'hommes et de femmes qui l'agonisaient d'injures. Tout ce qui lui appartenait avait été détruit, brisé ; on avait déchiré ses vêtements. Ma se chargea de la boîte, à laquelle personne n'aurait d'ailleurs voulu toucher, même du bout des doigts, et aida la pauvre maman à gagner la maison missionnaire. Mais il ne fallait pas songer à s'en approcher par le chemin ordinaire, car personne n'aurait osé ensuite y marcher ! Il fallut donc que Ma et Iyé attendissent patiemment, en plein soleil, qu'on eût défriché un autre sentier.

En atteignant enfin la maison, on s'aperçut que le petit garçon jumeau était mort ; mais la petite fille vivait. En réalité cette petite n'était pas une négresse, mais plutôt une mulâtresse. Elle avait la peau douce, un nez comme celui d'un enfant blanc et une jolie petite bouche, « vraie boutonnière » disait-on. Ma lui donna le nom de Susie ; et Susie devint bientôt l'enfant gâtée de la maison et la chérie de Ma. Sa maman Iyé était retournée auprès de sa maîtresse, mais revenait quelquefois voir sa jolie fillette, dont elle était fière.

Quatorze mois se passèrent pendant lesquels Susie prit de plus en plus possession du coeur de sa maman adoptive. Mais un jour, pendant une courte absence de Ma, et alors que Janie était en haut à endormir un enfant, Mamie, une autre des fillettes, fut chargée de s'occuper de Susie qu'il fallait toujours surveiller pour l'empêcher de faire quelque bêtise. Mamie assit l'enfant par terre pendant qu'elle préparait le thé, et, étourdiment, posa non loin d'elle un pot d'eau bouillante : en un clin d'oeil Susie s'empara du pot et en renversa sur elle le contenu. Elle fut horriblement brûlée. La pauvre Mamie, croyant bien faire, versa de l'eau froide sur les brûlures. À son retour Ma, hors d'elle, prit la mignonne dans ses bras, et ne la quitta ni jour ni nuit pendant quinze jours. Dans l'espoir qu'un médecin pourrait sauver sa chérie, elle descendit avec elle à Creek Town, et au milieu de la nuit réveilla le docteur ; mais celui-ci l'assura qu'elle avait fait tout le nécessaire et qu'il n'y avait rien d'autre à tenter. Elle retourna donc à Ekenge, chargée de son précieux fardeau, et ne put qu'assister en pleurant aux derniers jours de la fillette. Susie bégayait tout doucement : « Mem ! Mem ! » nom qu'elle donnait à Ma, et tendait sa menotte pour une caresse. Elle s'endormit un dimanche matin dans les bras de Ma. Vêtue d'une robe blanche, son petit collier autour du cou, tenant à la main une fleur, la chérie ressemblait à un petit ange. Le chagrin de Ma faisait pitié. Les gens s'en étonnaient et se disaient les uns aux autres : « Vois comme elle l'aimait ! » Ils vinrent tous pleurer avec elle, et se tinrent debout autour de la petite tombe.

Ma écrivait à ses amis d'Écosse :
« Mon coeur languit après ma petite bien-aimée. Oh ! ce silence ! cette place vide ! ce besoin d'entendre de nouveau la petite voix câline ! 0 Susie ! Susie ! »

Dans son déchirement elle se décida à acheter la mère de Susie, Iyé, et à l'affranchir. Elle paya l'esclave 250 francs ; et, à partir de ce jour, Iyé demeura dans la maison de la mission où elle fut d'un grand secours à Ma et aux missionnaires qui lui succédèrent.

Il est impossible de raconter ici toutes les aventures de Ma avec des jumeaux : il y en aurait trop à dire ! Pourtant voici une autre histoire à ce sujet.
Un après-midi, pendant qu'elle donnait une leçon à l'école, ou lui cria tout à coup par la fenêtre : « Mal viens vite ! des jumeaux ! - Où ? demanda-t-elle. - À vingt kilomètres d'ici, dans la brousse ; et la mère est très malade ».
« Il va faire un orage, dit Ma en regardant au dehors, et j'ai un bébé malade à la maison. C'est égal : viens Janie, partons. »

Les deux voyageuses arrivèrent à destination par la nuit noire. D'épais nuages cachaient les étoiles ; à peine y voyait-on à quelques pas devant soi. Ma trouva la mère sans connaissance, étendue par terre. Un des bébés était mort, et Janie creusa un trou dans lequel elle l'enterra. Obéissant bien malgré eux et avec force protestations aux directions de Ma, le père des jumeaux et son esclave fabriquèrent une sorte de brancard sur lequel Ma plaça la femme ; après quoi elle obligea les deux hommes à porter le brancard à travers la forêt. Janie prit dans ses bras le bébé vivant, et l'on se mit en marche à la seule lumière d'un morceau de bois allumé à une des extrémités, et qui ne tarda pas à s'éteindre. Il n'y avait plus qu'à avancer de son mieux en pleine obscurité ; mais bientôt tous s'arrêtèrent car ils s'étaient perdus. Posant à terre le brancard, les deux hommes s'éloignèrent pour essayer de retrouver le sentier. Ma et Janie restèrent seules dans la forêt mystérieuse, ayant à leurs pieds la femme qui commençait à gémir.
- O Mal dit Janie avec angoisse, s'ils ne revenaient pas !
- Alors, fillette, nous resterions ici jusqu'au matin.

Mais ils revinrent. Quelque chose brilla tout à coup dans les ténèbres et Janie trembla de frayeur. C'était une torche que les hommes s'étaient procurée dans une hutte, et à l'aide de laquelle ils retrouvèrent le sentier. On se remit en route. Lorsqu'enfin le triste cortège atteignit la maison missionnaire, les porteurs étaient si exténués de fatigue qu'ils tombèrent à terre et s'endormirent. Ma aussi, certes, était lasse ! mais sa journée, à elle, n'était pas terminée. Armée d'un marteau et de clous, elle alla chercher des feuilles de zinc et construisit un petit abri appuyé au mur de la maison. Sous cet abri elle étendit la femme qui bientôt reprit connaissance et à laquelle elle donna tous les soins nécessaires. Ce ne fut qu'alors qu'elle put songer à son propre repos. À bout de forces elle s'étendit sur son lit sans se déshabiller et s'endormit profondément.

Le lendemain. le second des bébés mourut et sa pauvre maman ne tarda pas à le suivre. Brisée de chagrin, elle ne cessait de se lamenter d'avoir eu des jumeaux et d'avoir ainsi perdu l'affection de son mari. Mais Ma la consola, l'assurant que dans le monde meilleur qu'elle allait habiter personne ne lui en voudrait d'être la maman de jumeaux. Ma mit le corps dans un cercueil qui fut ensuite enseveli dans la brousse par le mari de la femme et son esclave.
- Oh ! pauvres mamans africaines !

La maisonnée de Ma s'était augmentée peu à peu. À Janie et Mary étaient venus s'ajouter Mana, que deux hommes avaient saisie lorsqu'elle était allée chercher de l'eau à la fontaine, et vendue à Emé Eté qui l'avait donnée à Ma ; la petite Annie qui eût été ensevelie vivante dans la tombe de sa mère si Ma ne l'avait recueillie ; et six autres garçons et filles ! Rien d'étonnant à ce que la maman adoptive fût souvent embarrassée de savoir comment nourrir, vêtir, élever tout ce monde !

Parfois les provisions se trouvaient subitement épuisées ; il n'y avait plus de boîtes de lait pour les tout petits et il fallait, coûte que coûte, aller sans retard s'en procurer à Creek Town. Un jour que Ma montait la garde auprès de quelques femmes enfermées dans une palissade et condamnées à mort, Janie, qui de temps en temps lui passait une tasse de thé à travers la clôture, vint tout à coup lui dire tout bas : « Nous n'avons plus de lait, et bébé pleure ».

Comment s'en tirer ? Dès qu'il fit nuit, Ma se glissa chez elle, coucha le petit affamé dans un panier qu'elle remit à une femme, et à elles deux les voilà parties pour Creek Town où elles n'arrivèrent qu'à 4 heures du matin. Ma réveilla une des dames missionnaires, se reposa pendant une heure, puis elle et sa compagne retournèrent à Ekenge. Seulement cette fois ce fut dans la pirogue du bon roi Eyo et sous la garde de ses rameurs ; ô joie ! l'absence de Ma n'avait pas été remarquée ; et cette fois encore la maman blanche obtint la libération de toutes les prisonnières.

Comme vous le pensez bien, cette vaste « famille », composée de tant d'éléments divers, n'engendrait pas la mélancolie ! Et Ma aimait à rire et à s'amuser tout autant que ses petits. Elle ne pouvait pas les conduire dans de beaux magasins en au cinéma ! Alors elle imaginait de loin en loin un jour de vacance, avec un goûter « très spécial » et des cadeaux pour chacun. Mais le plus grand bonheur de tout ce monde, c'était l'arrivée à Ekenge des caisses envoyées d'Écosse.
Car, là-bas, on n'oubliait pas Ma et on travaillait pour elle - des vêtements, des livres, des gravures, des riens de toutes sortes étaient réunis, emballés dans des caisses expédiées dans l'Okoyong, à l'adresse de « Miss Slessor ».

Les élèves des écoles du dimanche écossaises pensaient eux aussi à la Mission du Calabar et lui consacraient leurs petites économies, comme Ma l'avait fait autrefois. Ces élèves finirent par réunir une somme suffisante à la construction d'un vapeur destiné à faire le service le long des deux rivières, le Calabar et l'Okoyong. Le petit vapeur, une fois construit, reçut le nom de David Williamson en souvenir d'un pasteur qui avait autrefois visité les stations missionnaires de ces contrées. Mais vous ne devineriez jamais le nom que lui donnèrent les indigènes ! Ils l'appelaient : la pirogue qui fume !
Imaginez un peu l'excitation de tous les habitants de la maison missionnaire lorsqu'un messager à moitié nu, la sueur luisant au soleil sur sa peau noire, apparaissait à Ekenge, et criait de loin :
« Ma ! la pirogue qui fume est à l'escale ! »
« Bravo ! répondaient une douzaine de voix. Des cadeaux ! Ma, pouvons-nous partir tout de suite ? »

Ma, non moins ravie que ses négrillons, était tout aussi pressée qu'eux de déballer les caisses ! Hommes, femmes et enfants, dévalaient en courant le sentier conduisant à la berge où le David Williamson était amarré.

D'ordinaire les caisses étaient trop lourdes pour être transportées telles quelles chez Ma ; il fallait les ouvrir sur place, réunir plusieurs paquets en un seul, et confier ces colis aux indigènes qui les portaient sur leurs têtes et défilaient un à un sur le sentier à travers la forêt. Parfois il fallait deux ou trois voyages avant que tout le contenu de toutes les caisses fût réuni dans la maison missionnaire. Mais alors, avec quelles délices on ouvrait les paquets ! Quels cris de ravissement poussaient les enfants, - et mêmes les grandes personnes ! - en contemplant tel ou tel objet qui leur paraissait tenir du prodige !

On trouvait dans ces caisses des douzaines de vêtements en indienne, des lainages, des bérets, des cache-nez, des mouchoirs, des serviettes, des rubans, des boutons, du fil, des lacets, des dés, des aiguilles, des épingles, des perles, des cuillères et des couteaux, des livres d'images, des textes à suspendre au mur, des plumes, et que de choses encore ! Les femmes touchaient avec une admiration pleine de respect les jolis petits objets de layette ; et les hommes battaient des mains lorsque Ma exhibait aux regards une robe ou un corsage, aux brillantes couleurs.

Ma n'osait pas donner les poupées en cadeau, parce qu'elle craignait qu'on n'en fit des idoles ! Elle se servait des poupées les plus soigneusement habillées comme leçons de choses pour enseigner aux femmes comment se faisaient les vêtements et comment ils se portaient. Certains objets fort communs chez nous étaient considérés comme des trésors là-bas. Ainsi lorsque Ma offrit un essuie-plumes à Janie, celle-ci s'écria d'un ton de reproche :
« Quoi, essuyer avec cela une plume sale ? Jamais ! » Et elle pendit son essuie-plumes au mur, en guise d'ornement.

À une vieille femme récemment convertie, Ma remit une gravure intitulée : « La lumière du monde. » La vieille, regardant la gravure avec émotion, dit : « Oh ! je ne serai plus jamais seule. »

Si vous aviez observé Ma pendant qu'elle déballait et examinait le contenu des caisses, vous l'auriez surprise fourrageant partout comme si elle cherchait quelque chose de spécial. Et lorsqu'elle avait trouvé l'objet de son désir, elle poussait un cri de triomphe ! C'étaient... des boîtes de caramels et de chocolats ! Chacun savait en Écosse qu'elle aimait les sucreries, et jamais on ne lui aurait adressé une caisse sans y mettre quelques bonbons. « Mes petits aiment les sucreries », disait-elle à ses amis ; mais ceux-ci lui riaient au nez et répondaient : « Et Mary Slessor les aime autant qu'eux ! » - « Certainement », reconnaissait-elle, riant à son tour.

Quand tout avait été examiné, et que Ma avait dit aux enfants qui avait envoyé ceci et cela, tous, se mettaient à genoux et remerciaient le Seigneur d'avoir mis au coeur de tant d'amis de penser à eux, membres de son troupeau africain.
Puis Ma disait : « Allons nous coucher, mes chéris. Mais quelle belle journée nous avons eue ! C'est presque comme un anniversaire de naissance. Puissions-nous en avoir beaucoup d'autres semblables ! »

Ma ne distribuait pas gratuitement tout ce qu'on lui envoyait d'Écosse. Elle donnait à Edem une robe de chambre aux couleurs voyantes, - robe qu'il revêtait pour les séances du tribunal, provoquant ainsi l'admiration... et la jalousie ! Ma donnait encore un vêtement en flanelle de coton à une femme pauvre et âgée, pour lui tenir chaud en hiver ; mais, en règle générale, elle préférait que l'on gagnât par son travail l'objet qu'on désirait posséder, ou que l'on payât une partie du prix. Elle enseignait ainsi aux indigènes à vouloir se procurer tel ou tel vêtement, et cela seul était déjà un progrès très réel.
À ce sujet cela vous intéressera de savoir que, de tous les objets que Ma possédait ceux que les femmes indigènes admiraient par-dessus tout étaient sa pendule, sa machine à coudre et son harmonium. On venait de bien loin pour contempler ces merveilles qui excitaient l'envie générale.


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CHAPITRE VI - Il ne faut pas s'étonner si des peuplades sauvages...
 

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