Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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REINE BLANCHE EN PAYS NOIR
Vie de Mary Slessor, missionnaire au Calabar



 QUATRIÈME PARTIE

Nouvelles Conquêtes

1902-1910.

CHAPITRE I

Après le Calabar, l'Okoyong. « Et après l'Okoyong ? » demandez-vous. En effet, Ma faisait maintenant d'autres rêves : vous les connaîtrez bientôt.
En vous promenant dans les sentiers fleuris de la campagne, par une belle journée d'été, avez-vous parfois respiré tout à coup une douce bouffée de parfum dont vous n'arriviez pas à découvrir la provenance ? Vous aviez beau fouiller les haies, écarter les branches des buissons : impossible de trouver la plante dont l'arôme devenait pourtant de plus en plus pénétrant. Et puis, vous découvriez soudain un églantier odorant, et le mystère s'expliquait.

Mary Slessor ressemblait à cet églantier qui répand partout son doux parfum. L'influence de sa bonté gagnait de proche en proche ; sa renommée arrivait jusqu'à des contrées situées à des lieues de l'Okoyong, et les gens se disaient les uns aux autres : « Allons voir cette étonnante Mère blanche ».

Quittant leurs villages, voyageant à travers forêts, rivières et gorges profondes, risquant d'être capturés et mis à mort par les tribus hostiles dont ils traversaient les territoires, ces sauvages arrivaient auprès de Ma pour lui demander aide et conseil. Souvent ces gens parlaient un dialecte que Ma ne comprenait pas, et il fallait s'entretenir par signes. Des chefs, habitant des districts qu'elle ne connaissait même pas de nom, lui envoyait des messages comme celui-ci : « 0 grande Mère blanche ! venez demeurer au milieu de nous, et nous serons des hommes de Dieu ». Des esclaves échappés des régions de cannibales, et qui avaient été condamnés à être mangés, se réfugiaient chez elle. Là, chacun trouvait bon accueil et tout ce dont il avait besoin ; et à tous Ma parlait du divin chef et vrai Sauveur de l'Afrique,

D'autres visiteurs venaient aussi dans l'Okoyong d'au delà de la rivière ; mais eux n'étaient pas reçus avec bienveillance par Ma : c'étaient les marchands d'esclaves. Une rage sourde grondait en elle contre la cruauté de l'esclavage. Mais cette rage éclatait, lorsque, à l'ouïe d'amers sanglots, Ma se retournait vivement et voyait apparaître le lamentable défilé de petites filles nues, que poussait devant lui un homme chargé de grosses barres de cuivre, la monnaie courante du pays. Saisie de colère, elle montrait le poing au triste commerçant, et le grondait de la bonne manière ; mais celui auquel elle adressait sa harangue n'en avait cure, et se contentait de ricaner en demandant à Ma laquelle de ces esclaves elle désirait acheter ! Il énumérait les qualités de chacune comme s'il se fût agi d'autant de têtes de bétail.
Parfois il y avait des malades parmi ces esclaves ; celles-là, le marchand les laissait aux soins de Ma. Mais comme il lui était dur, à cette maman blanche, de les rendre ensuite à leur terrible propriétaire !

Ma connaissait très bien plusieurs de ces marchands de chair humaine, et avait eu de longs entretiens avec eux au sujet de la contrée mystérieuse où ils s'approvisionnaient. Aucun homme blanc n'y avait encore pénétré ; Ma se rendait compte que cette contrée était encore plus pervertie que ne l'était autrefois l'Okoyong. Ce pays s'appelait l'Ibo. Une des tribus de l'Ibo, les Aros, tribu cruelle et rusée, étendait sa domination sur une très vaste région ; et c'étaient ces Aros qui volaient des gens partout, et les vendaient aux marchands d'esclaves. Dans une autre contrée, au sud de l'Ibo, appelée l'Ibibio, ceux-ci se procuraient également de ce gibier humain. Les indigènes de l'Ibibio, sauvages très pauvres et misérables, vivaient en petits groupes cachés au plus profond des forêts, dans la terreur de ces marchands.

Les Aros avaient un fétiche, - qu'ils appelaient chuku ou juju, - dans une gorge rocheuse le long de laquelle coulait un ruisseau. Cet endroit se nommait Aros-Chuku, ce qui signifie « le dieu des Aros ». Là dans un étang, entouré d'arbres et de plantes grimpantes, couvert de nénuphars, nageaient d'affreux poissons-chats aux yeux féroces, tenus pour sacrés, et dont nul ne devait s'emparer sous peine de mort.

LA HUTTE DU JUJU

Sur une petite île, dans une hutte, le juju vivait, disait-on, gardé par ses prêtres. Les indigènes s'imaginaient que ce fétiche pouvait les aider dans leurs difficultés, et ils se rendaient à sa hutte pour lui demander de régler leurs différends.

Quelquefois les prêtres du juju transmettaient à ses adorateurs ce qu'ils disaient être un message envoyé par lui. Mais, en d'autres occasions, ils déclaraient que la nourriture et l'argent apportés par les pèlerins ne suffisaient pas au juju et que celui-ci réclamait un sacrifice humain. Alors, un malheureux était conduit, les yeux bandés, dans le vallon, et le sang de la victime rougissait bientôt les eaux de l'étang. Enfin, d'autres fois encore, un pèlerin était, au dire des prêtres, « saisi par le juju », et les prêtres jetaient dans l'étang une teinture couleur de sang pour faire croire que le malheureux avait été offert en sacrifice ; mais en réalité il avait été, vendu aux marchands d'esclaves, ou mangé dans des festins d'anthropophages.

Or, voici quel était le rêve de Ma : aller s'établir dans cette terrible contrée et y travailler comme elle l'avait fait dans l'Okoyong. Elle parla de son projet aux marchands d'esclaves. Ceux-ci, qui l'aimaient et admiraient son courage, lui répondirent :
- En ce qui nous concerne, nous ferons de notre mieux pour vous aider ; mais nous ne pouvons répondre de la conduite des prêtres : ils vous tueront peut-être.
- J'en courrai le risque, dit-elle. Dès que je pourrai quitter l'Okoyong, vous me verrez arriver là-bas.

Afin d'en savoir davantage sur le pays, Ma remontait souvent la rivière en pirogue. Pendant un de ces voyages, et alors que plusieurs des enfants l'accompagnaient, la pirogue fut attaquée par un énorme hippopotame. S'élançant sur la frêle embarcation, l'affreuse bête essaya de la renverser ; les hommes enfoncèrent leurs rames dans sa gueule, mais le monstre leur tenait tête et faisait de vains efforts pour saisir la pirogue entre ses hideuses mâchoires. L'émotion de tous était à son comble. La bête cherchait toujours à happer la pirogue ; les eaux de la rivière n'étaient qu'un tourbillon d'écume ; les rameurs poussaient des cris et battaient l'air de leurs rames ; les enfants pleuraient ; Ma priait et donnait des ordres. Elle raconta plus tard qu'elle avait bien cru leur dernière heure à tous arrivée. Enfin, la pirogue réussit à s'éloigner.

Le récit de cette aventure se colporte encore dans le pays, et si vous demandiez à Dan (un des enfants de Ma) de vous dire ce qui s'était passé, il vous répondrait : « Une fois que Ma voyageait en pirogue, elle fut attaquée par des hippopotames ; mais, quand les hippopotames regardèrent dans la pirogue et qu'ils virent Ma, ils se sauvèrent bien vite ».

Ce qu'elle apprit dans ces voyages d'exploration fit désirer à Ma, plus ardemment que jamais, d'aller promptement s'établir dans l'Ibo. Mais il ne lui était pas possible de quitter l'Okoyong avant que quelque autre missionnaire pût l'y remplacer, et la Mission n'avait encore personne à lui envoyer. Il n'y avait qu'à attendre avec patience et en priant.

Malheureusement, pendant ce temps, la situation politique du pays s'aggravait. Les Aros détestaient cordialement le joug des blancs et refusaient de s'y soumettre. Ils essayèrent d'empêcher le Gouvernement britannique de pénétrer chez eux en interdisant aux fonctionnaires officiels de venir dans le pays ; ils bloquèrent la rivière, et continuèrent de plus belle le commerce des esclaves. Le Gouvernement britannique patienta quelque temps, puis jugea nécessaire de donner une leçon aux indigènes, et fit prévenir tous les missionnaires établis sur le bord de la rivière qu'ils eussent à se rendre sans tarder dans le Calabar.

Cet ordre n'était pas pour plaire à Ma. « L'Okoyong est tranquille, fit-elle dire ; mon peuple ne se battra pas. » Le Gouvernement répondit que la vie de Ma était trop précieuse pour être hasardée. Un vapeur fut envoyé pour la chercher, elle et les enfants.

L'expédition militaire débarqua sur le territoire des Aros, et, traversant à grand'peine ce pays de marécages, se trouva bientôt face à face avec les indigènes qui lui barraient le chemin. Ces derniers furent vaincus, mais non réduits encore à l'impuissance ; ils ne voulaient pas céder, et la tâche des soldats envoyés à leur poursuite dans la forêt fut des plus ardues.

À Arochuku, l'expédition descendit la gorge escarpée et sinueuse qui conduisait à la demeure du juju. À la porte de la hutte les soldats trouvèrent une chèvre blanche que les prêtres faisaient lentement mourir de faim. Des crânes humains et des casseroles racontaient, dans leur langage silencieux, des scènes à faire dresser les cheveux... Une charge de dynamite eut bientôt raison du juju et de sa gorge sacrée.

LE CHEMIN CONDUISANT AU JUJU

Ma regretta amèrement de n'être pas arrivée dans l'Ibo avant les soldats ; elle se rendait compte que sa présence aurait évité la guerre.
« L'Évangile aurait dû être le tout premier à pénétrer dans le pays, disait-elle ; mais puisque, hélas ! l'épée et le canon nous y ont devancés, suivons-les sans retard. »

Pressée de trouver un lieu qui pût servir d'avant-poste à l'oeuvre qu'il lui tardait tellement d'entreprendre, et sachant que les aînés de ses écoliers en savaient assez pour enseigner à leur tour, elle partit un jour - c'était en janvier 1903 - avec deux des garçons, Esieu et Effiom, et une de ses filles, Mana, qui connaissait bien sa Bible et parlait couramment l'anglais. Remontant la rivière en pirogue, elle et ses compagnons remarquèrent bientôt à leur gauche une autre rivière plus étroite et qui semblait couler entre l'Ibo et l'Ibibio. Au confluent des deux rivières, ils débarquèrent au pied d'une colline. L'endroit s'appelait Itu, et était jadis tristement célèbre par son marché d'esclaves, un des plus importants de l'Afrique occidentale. Le long de cette étroite rivière appelée Enyong Creek, on faisait descendre les esclaves dans des pirogues, puis on les vendait dans la contrée ou on les embarquait pour les Indes occidentales ou pour l'Amérique.

A Itu, Ma ouvrit sans retard une école dont Mana et Esieu furent les instituteurs, pendant qu'Effiom s'occupait du chant. Puis elle commença la construction d'une église. Les indigènes l'aidaient, car, après avoir souffert si longtemps sous le joug de l'esclavage, ils ne demandaient pas mieux, disaient-ils, que de permettre à leurs enfants « d'apprendre le livre ».

Laissant Mana et les deux garçons à leur tâche nouvelle, Ma retourna à Akpap, traînant derrière elle une chèvre noire, cadeau des chefs d'Ibo ! « La pirogue qui fume » la ramena au débarcadère de l'Okoyong. Nu-tête et nu-pieds, comme toujours, et réjouie du succès de son voyage, elle traversa la forêt en chantant, mais toujours en tirant sa chèvre !

Mana accomplit à Itu un grand et beau travail.
Non seulement elle enseigna aux femmes et aux fillettes à lire et à coudre, mais tous les soirs elle fit une réunion religieuse dans la cour du chef, et elle prêcha tous les dimanches. Elle aimait le Seigneur Jésus, essayait de suivre l'exemple de Ma, et bientôt des centaines d'indigènes subirent son influence et marchèrent dans la voie qu'ouvrit devant eux cette humble jeune fille, autrefois esclave. Mana resta toute sa vie un vrai disciple du Seigneur.
« Oh ! si seulement quelqu'un voulait bien venir prendre ma place à Akpap ! » répétait Ma en priant. Miss Wright, jeune missionnaire du Calabar, offrit d'aller à Akpap pour y être initiée à la direction de la station, et son offre fat acceptée.

Quelle joie fut pour Ma l'arrivée de cette jeune servante du Seigneur ! Elle et Miss Wright eurent bientôt fait de s'entendre et de se lier d'affection.


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ACHAPITRE Il - Avant d'aller plus loin, je voudrais vous dire quelques mots de chacun de ceux qui constituaient alors la famille de Ma.
 

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