Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



REINE BLANCHE EN PAYS NOIR
Vie de Mary Slessor, missionnaire au Calabar



 QUATRIÈME PARTIE

Nouvelles Conquêtes

1902-1910.

CHAPITRE II

 

Avant d'aller plus loin, je voudrais vous dire quelques mots de chacun de ceux qui constituaient alors la famille de Ma.

Tout d'abord donc, voici Janie, notre vieille amie, maintenant devenue jeune fille. Bonne, sympathique, parlant l'anglais couramment et connaissant sa Bible comme la connaissent peu de jeunes filles et de jeunes gens européens, elle était le bras droit de Ma ; elle s'entendait à toutes les besognes, dans la maison ou au dehors, qu'il s'agit de nettoyer, de cuisiner, de porter des fardeaux, de bâtir une maison, ou de travailler aux champs (cette dernière occupation était de beaucoup celle qu'elle préférait). Bien qu'elle fût une jumelle, elle avait de nombreux amis parmi les indigènes.

Ensuite venait Mary ; très bonne fille, mais point habile à tout ouvrage, comme était Janie. Servir Ma et faire ses commissions était la joie de son coeur.

Puis c'était Alice, petite créature tranquille, bien bâtie, laborieuse, mais peu débrouillarde. Elle s'acquittait consciencieusement de tout ce qu'on lui donnait à faire, était toujours obéissante et prête à rendre service.

Annie ne s'intéressait guère aux leçons, mais n'était pas non plus paresseuse ; elle avait toujours un sourire pour chacun.

Venait ensuite la turbulente Maggie, vrai boute-en-train, qui aimait passionnément les bébés et s'occupait toujours d'eux, à moins qu'elle ne fût dans la cuisine à se préparer quelque friandise !

Le bébé de la famille, Blanchette, était une jumelle aux yeux brillants, et qui promettait de devenir une intelligente petite personne.

La famille comprenait aussi deux garçons : Dan, gai petit bonhomme, médiocrement intelligent mais gentil tout de même, et qui avait été élevé par Janie. C'était le favori de Ma. Comme c'est souvent le cas lorsqu'un garçon est encadré d'un tas de soeurs, Dan était tant soit peu gâté !

Asoquoe, le poupon qui s'essayait à marcher, complétait la famille. Il aimait tant se mettre quelque chose dans l'estomac qu'il volait souvent le lait du chat.

À ce moment-là, il y avait aussi dans la maison un petit garçon qui n'y resta pas longtemps ; il s'appelait Impie. Pauvre Impie ! il était difforme et ne pouvait pas se tenir debout. Il passait ses journées étendu, très patiemment, et souriait à tout le monde. Lorsque, le soir, miss Wright le prenait sur ses genoux jusqu'au coucher, sa pauvre petite figure exprimait la béatitude la plus complète. Heureusement il ne vécut pas longtemps.

DAN

Dès 6 heures du matin, toute la bande était debout. Annie allumait le feu et mettait l'eau à bouillir pour le thé de Ma que faisait ensuite Janie ou Mary. Puis on balayait la cour, on allait dans la brousse ramasser du bois mort ou chercher des herbes pour faire la éféré, sorte de soupe indigène. Au culte du matin les enfants s'asseyaient par terre sur la véranda ; ils chantaient un cantique en anglais, lisaient un chapitre, - les plus grands lisant un verset à tour de rôle, - Ma expliquant la lecture au fur et à mesure, car, pressée ou non, jamais celle-ci n'aurait fait le culte à la hâte. Après la lecture et l'explication elle priait en efik, et tous répétaient ensemble, en anglais, l'oraison dominicale.

Ma changeait parfois l'heure de ce culte matinal, et appelait son monde lorsqu'on était à balayer la cour ou à couper du bois ; elle réunissait son petit auditoire à l'ombre d'un palmier, d'un cotonnier, d'un oranger, à seule fin d'apprendre à ses enfants qu'on pouvait adorer Dieu partout, au travail comme à l'église.

« Garçonnets et fillettes, avait-elle coutume de dire à ses petits amis d'Écosse, apprenez à prier pendant vos jeux, pendant vos leçons, aussi bien que lorsque vous vous mettez à genoux matin et soir. Prenez-en l'habitude ; levez les yeux au ciel à quelque moment que ce soit et dites quelque mots de prière. Rappelez-vous que Dieu s'intéresse à vos jeux, à vos leçons, comme à tout ce qui vous concerne. »

Après le culte du matin venait une couple d'heures d'étude, et pendant ce temps Ma visitait des malades ou tenait un palabre. Après le déjeuner, les grands garçons et les enfants du village venaient à la maison missionnaire pour assister à l'école qui se tenait souvent en plein air, sous la véranda. À 6 heures du soir avait lieu le dernier repas, suivi de nouveau par le culte de famille. Seulement, comme à ce culte-là assistaient bon nombre de voisins, Ma le tenait en efik, sans mélange d'anglais. On chantait un cantique, Ma racontait un récit de l'Évangile, puis tous disaient ensemble :

« Je me couche sans peur,
Je m'endors sans frayeur »...

Après quoi on allait se coucher. Déjà plusieurs des tout-petits avaient succombé au sommeil et on les emportait tout endormis.

Le dimanche soir on chantait plusieurs cantiques (Ma avait ajouté des choeurs à quelques-uns), et, au lieu de la lecture habituelle, les fillettes disaient ce dont elles se souvenaient du sermon que Ma avait prêché le matin. Janie excellait à cet exercice ; Mary et Alice ne se rappelaient souvent que le texte, et, quand venait le tour d'Annie, celle-ci disait invariablement : « Nkokop nte Jesus edi eyen Abasi ! » (J'ai entendu que Jésus est le Fils de Dieu).

Grande était l'animation quand revenait le jour du marché. De tous les villages voisins les gens arrivaient en foule, apportant des denrées à vendre : des ignames (quelque chose comme une grande pomme de terre), des crevettes, de l'huile de palme, des cannes à sucre, du maïs, de la volaille, etc. ; presque tous se rendaient chez Ma pour lui « présenter leurs compliments », ce qu'ils appelaient « Koem », pour lui demander un conseil... ou un médicament. Tous apportaient de petits cadeaux aux enfants, souvent des graines à semer dans leurs jardinets.
Car Ma leur avait appris à aimer les fleurs. Elle-même connaissait à fond toutes les plantes sauvages de la forêt. Ainsi, un jour qu'elle suivait un sentier en compagnie d'un visiteur, celui-ci se plaignit de mal aux dents. Au bout de quelques instants de marche, elle se baissa, et, cueillant une fleur, elle la remit à son compagnon en lui disant de bien la mâcher : presqu'instantanément le mal aux dents disparut. Le visiteur cueillit alors une autre fleur qui lui semblait identique à celle que Ma lui avait donnée, mais Ma lui dît : « Si vous mangez cette fleur, vous êtes un homme mort ».

Ma enseignait beaucoup de choses à ses chéris ; - de fait c'était d'elle qu'ils tenaient tout ce qu'ils savaient. Et de combien de patience elle avait souvent besoin à leur égard ! Ses efforts tenaient avant tout à leur faire haïr le mensonge, - une des habitudes les plus invétérées en Afrique ; elle leur répétait en toute occasion : « Dites la vérité ».

Ces heureuses années de vie familiale sous le toit de la maison missionnaire touchaient pourtant à leur fin. Depuis longtemps, comme nous l'avons vu, Ma était prête à aller de l'avant, et n'attendait pour le faire que d'être absolument sûre qu'elle suivait la route que Dieu voulait pour elle. Elle en était venue à la conviction qu'elle ne devait pas laisser si loin de tout secours médical ou autre miss Wright seule à Akpap, et qu'il fallait attendre, pour quitter définitivement l'Okoyong, l'arrivée de nouveaux renforts.

Elle décida donc que ce qu'elle avait de mieux à faire, pour le moment, c'était de visiter tantôt l'un, tantôt l'autre des différents endroits où elle désirait ouvrir une station et de rester ainsi en rapport avec les indigènes de l'Ibo, tout en demeurant encore à Akpap. C'est ce qu'elle fit ; quelle leçon de patience !

Un jour, descendant à pied les 10 kilomètres qui séparaient Akpap d'un endroit appelé Cross-River, où elle comptait prendre la chaloupe du Gouvernement pour se rendre à Itu, elle alla se reposer dans la maison d'un instituteur après avoir commandé à quelques-uns des élèves de la réveiller dès que la chaloupe serait en vue. Hélas ! les jeunes noirs ne se rappelèrent la mission dont ils étaient chargés que lorsque la chaloupe était déjà trop loin pour qu'on pût lui faire signe d'approcher ! Péniblement Ma remonta à Akpap.
« Quel dommage ! » s'écria miss Wright en écoutant le récit de Ma.
Mais Ma sourit en disant : « Tant pis, fillette. Évidemment Dieu avait des raisons pour que je ne parte pas aujourd'hui ».

Lorsque, huit jours plus tard, Ma monta à bord de la chaloupe et vit le commandant militaire parmi les passagers, elle ne tarda pas à découvrir le pourquoi de sa déception de la semaine précédente.
« Ma, lui dit le colonel Montanaro, qui commandait le navire, je vais jusqu'à Arochuku. Venez-y avec moi. »

Ma réfléchit, puis accepta la proposition, bien qu'elle n'eût emporté ni vêtements de rechange, ni provisions de route. Elle passa donc devant Itu sans s'y arrêter et remonta en chaloupe l'Enyong Creek, un des plus ravissants petits cours d'eau du monde entier. Ma, accoutumée cependant aux beaux paysages des tropiques, n'avait jamais encore rien contemplé d'aussi splendide. Tout d'abord, la rivière était large et à ciel ouvert ; Ma y vit des pêcheurs de crevettes et certains poissons dont l'attouchement provoquait une secousse électrique, lui dit-on. La rivière traversait ensuite la forêt, paisible comme un lac au coeur des montagnes, mais assombrie par le feuillage qui se reflétait dans ses eaux ; à travers des arches de verdure Ma aperçut des beautés féeriques ; la surface de la rivière était couverte de nénuphars d'une blancheur éblouissante. À peine si un son troublait le silence de ces lieux enchantés. Parfois un martin-pêcheur s'élevait au-dessus des flots et s'envolait nonchalamment ; plus loin des singes écartaient les branches pour regarder curieusement la chaloupe ; plus loin encore, des perroquets aux ailes rouges se plaignaient avec colère d'être ainsi dérangés !

Ma, étendue sur le pont, buvait à longs traits la jouissance qu'étaient pour elle cette beauté, cette paix... Mais bientôt ses yeux semblèrent voir autre chose : des pirogues chargées d'esclaves et qui, de semaine en semaine, d'année en année, de siècle en siècle, descendaient ce même Enyong Creek... Et lorsqu'elle débarqua, la même pensée la poursuivit combien de tristes défilés d'esclaves ces sentiers avaient-ils vu passer ?
« Enfin, enfin ! se dit-elle, le règne du paganisme va finir ! La paix, la bonté, la joie, vont prendre possession du pays. »
Elle s'aperçut que villes et villages se touchaient et étaient très peuplés.
« Soyez la bienvenue, Ma ! lui dirent les marchands d'esclaves ; nous vous attendions. » Et pourtant ils savaient bien qu'elle allait user de tout son pouvoir pour mettre un terme à leur triste commerce !

Elle apprit que quelques commerçants indigènes de la côte avaient déjà parlé de Jésus dans le pays ; alors elle réunit les chefs pour un palabre, et décida de commencer par une école et une église. Et dès le début assistèrent à cette école, non seulement les enfants, mais des hommes et des femmes qui, assis par terre, apprenaient leur A. B. C., et dont quelques-uns avaient jadis fait la chasse aux esclaves.
Lorsque Ma quitta Arochuku, tout le monde lui dit : « Reviens bientôt ! Tu es la seule personne qui s'intéresse à nous ».

Pendant un autre voyage, comme, en descendant la rivière, Ma guettait des serpents qui essayaient d'aller d'un bord à l'autre, tout à coup sa pirogue fut presque renversée par une autre pirogue venant à la traverse.
« Excuse-moi, Ma, dit l'occupant de la pirogue ; voilà bien des jours que je t'attends. Mon maître désire te parler ; il habite à Akani Obi ».

UNE HUTTE DE PALABRES DANS L'IBIBIO

La pirogue de Ma changea donc de direction et entra dans une petite anse d'une merveilleuse beauté. Sur la berge se tenaient un indigène et sa femme, l'un et l'autre habillés à l'européenne. Ils conduisirent Ma dans leur confortable maison ; et voici l'histoire qu'ils lui racontèrent.

« Je m'appelle Onoyom, dit l'homme. Quand j'étais enfant et esclave, un missionnaire blanc fit un voyage d'exploration jusqu'ici. À sa vue tout le monde s'enfuit ; mais moi je n'avais pas peur et j'offris à l'homme blanc de lui servir de guide et de le conduire à notre chef. C'est ce que je fis, en effet, mais j'en fus sévèrement puni par nos gens. J'oubliai vite le missionnaire, et, devenu un jeune homme, j'assistai aux fêtes d'anthropophages d'Arochuku. À la mort de mon maître, dix petites filles furent tuées et ensevelies avec lui ; je devins intendant de sa maison et gouvernai comme un chef. Mais le malheur ne tarda pas à s'attacher à mes pas : ma maison fut brûlée et mon enfant mourut. Persuadé qu'un ennemi était cause de tout, je voulais mettre les gens à mort, mais je rencontrai sur ma route un homme qui avait autrefois été instituteur, et qui me dit : - Comment sais-tu que ce n'est pas le Dieu des blancs qui se fâche contre toi ? Il est tout puissant.
- Où puis-je trouver ce Dieu ? demandai-je.
- Je ne suis pas digne de te le dire. Va trouver la Ma blanche à Itu ; elle te le dira.

J'ai pris une pirogue pour venir au-devant de toi, mais je t'ai manquée. Alors j'ai laissé un de mes hommes aux aguets, et c'est lui qui t'a conduite ici. Maintenant, dis-moi ce que je dois faire. »

Ma avait écouté, les yeux brillants de joie. Elle parla longuement de Jésus et de son Évangile à cet homme, à sa femme, et à tous les gens de leur maison ; elle pria avec eux et promit de revenir, d'ouvrir une école et de bâtir une église. On lui fit une tasse de thé et on la ramena à la plage.

Comme sa pirogue glissait sur les eaux, la nuit survint et la pluie se mit à tomber par torrents. Ma, transie et mouillée jusqu'à la moelle, s'en inquiétait fort peu ; elle chantait, le coeur joyeux : le Soleil d'en haut commençait à se lever sur ce pays si longtemps plongé dans les ténèbres et le péché.

Ainsi, descendant et remontant sans cesse l'Enyong Creek, visitant des lieux jusqu'alors inconnus, campant où que ce fut, Ma mena en ces jours-là une vie bien mouvementée et très fatigante. Quelquefois elle couchait en plein air, quelquefois sur le sol des huttes ; parfois elle était surprise par un orage et n'avait plus sur elle un fil de sec ; parfois il lui était impossible de se laver pendant plusieurs jours ; en d'autres circonstances ses provisions se trouvaient inopinément épuisées, et il lui fallait se contenter d'herbes indigènes ; il lui fallait verser son thé dans une boîte de conserves en guise de tasse, etc.

Souvent elle se sentait malade, souffrait de partout et brûlait de fièvre ; n'importe : jamais sa gaieté d'esprit et son rire joyeux ne l'abandonnaient. Comme un souffle bienfaisant traversant la contrée, elle allait ça et là, symbole de la vie nouvelle qui animait le pays. Le peuple se réveillait d'un sommeil qui avait duré des siècles ; tous étaient désireux de s'instruire ; partout on demandait à grands cris instituteurs et missionnaires.
« Si seulement je pouvais redevenir jeune et travailler davantage ! s'écriait Ma. Si seulement l'Eglise de chez nous voulait bien nous envoyer des hommes et des femmes missionnaires ! Si... si... »

Ses forces la trahirent ; elle était maintenant si frêle, si affaiblie par de longues nuits d'insomnie, que son énergie des anciens jours semblait presque l'abandonner : elle reculait devant la tâche qui l'attendait dans l'Ibo. Elle se levait parfois au milieu de la nuit, errait dans la maison, puis allait sans bruit contempler le paisible sommeil de ses enfants.
« Dieu qui veille sur eux veillera aussi sur moi, pensait-elle. J'ai encore plus de raison qu'eux d'avoir confiance en Lui, puisque c'est Lui qui a dirigé tous mes pas jusqu'ici. Calme-moi, mon Dieu, et aide-moi à rester calme ».

Il était de règle que les missionnaires retournassent chez eux tous les cinq ans, et il y avait déjà cinq ans que Ma était revenue d'Écosse ; mais elle était trop malade pour voyager. Elle prit un long repos qui lui fit grand bien, puis décida, - non pas de partir pour l'Écosse, - mais de demander un congé de six mois qu'elle emploierait à visiter, à ses frais, les stations missionnaires, à y faire des séjours plus on moins longs, et à en fonder de nouvelles.
« Ma », lui écrivirent les autres missionnaires lorsqu'ils entendirent parler de son projet, « à quoi pensez-vous ! Après vos années de dur labeur il vous faut des vacances. Allez vous reposer en Écosse, et à votre retour vous entreprendrez cette tournée. »

Mais non Ma avait mis son coeur à ce projet ; elle ne l'abandonna pas. Elle descendit à Duke Town pour remettre en d'autres mains la présidence du tribunal indigène, puis elle partit à la recherche de nouvelles tâches et de nouveaux triomphes.

Toi qui mènes à bien les tâches commencées, =
Et qui prêtes ton aide à qui veut les finir,
Mon Dieu ! je te bénis pour les heures passées
Et je me fie à toi pour celles à venir.

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