REINE
BLANCHE EN PAYS NOIR
Vie de Mary
Slessor, missionnaire au
Calabar
QUATRIÈME PARTIE
Nouvelles Conquêtes
1902-1910.
CHAPITRE III
Qu'était-ce donc qui permettait
à Ma de vivre une vie si intense, de
triompher ainsi de sa faiblesse physique, de braver
les dangers de la brousse et de la forêt
africaines et lui donnait ce charme
magnétique qui lui gagnait tous les
coeurs ? C'était sa communion constante
avec l'Invisible, - communion soigneusement
entretenue par la prière et par la lecture
de la Bible.
Elle connaissait par expérience,
- par une expérience sans cesse
renouvelée, - l'efficacité de la
prière. Un vieil ami
d'Écosse lui avait demandé son
témoignage personnel à ce sujet, afin
de l'insérer avec bien d'autres, dans un
livre qu'il publiait sous le titre :
« Notre Dieu fidèle. -
Réponses à la
prière ». Et voici le
« témoignage » qu'elle
envoya :
« Ma vie est comme un long
récit de prières exaucées.
Qu'il se soit agi de santé physique,
d'énergie morale, de directions
données d'une façon vraiment
merveilleuse, d'erreurs et de dangers à
éviter, d'hostilité vaincue, de
nourriture envoyée au moment même du
besoin, en un mot de tout ce qui constitue ma vie
et mon service, je puis attester, avec une
reconnaissance souvent accompagnée de
surprise, que je crois que Dieu répond
à la prière. Je sais que Dieu
répond à la prière.
« Durant des années et
des années, alors que j'étais seule,
loin de tout secours humain, j'ai vu que Dieu
répond à la prière. Que l'on
soulève à ce sujet des objections de
quelque genre qu'elles soient, je ne m'en mets
point en souci. La réponse à la
prière est l'atmosphère même
dans laquelle je vis ; c'est l'air que je
respire ; c'est ce qui fait ma vie heureuse,
libre, valant mille et mille fois la peine
d'être vécue. Voilà le seul
témoignage que je puisse vous
donner.
« En ce moment je suis assise
sur un tronc d'arbre renversé ; je suis
seule avec les indigènes ; mes enfants,
dont l'existence même est une preuve que Dieu
répond à la prière,
travaillent autour de moi. Des indigènes
passent en foule sur la route se
rendant à des
palabres ; je suis en pleine paix, bien que
loin de mon pays et dans de si étranges
conditions, parce que je sais que Dieu
répond à la prière. En ce
moment nous sommes à court de nourriture.
Nous vivons au jour le jour ; nous n'avons que
le nécessaire pour le repas
d'aujourd'hui ; mais je sais que nous serons
nourris, car Dieu répond à la
prière ».
Mais Ma se rendait aisément
compte que l'exaucement de la prière avait
des conditions, et que tout dépendait
à cet égard de ce qu'étaient
les rapports entre la terre et le ciel, autrement
dit, entre celui qui priait et Celui auquel
s'adressait sa prière. Pour elle, la
prière ressemblait à la transmission
d'un message par la télégraphie sans
fil.
« De notre puissance de
réceptivité dépend notre
capacité de recevoir ce que Dieu veut nous
communiquer, disait-elle. Il faut maintenir nos
récepteurs en parfait état,
prêts à répondre au premier
contact. Sans cela, les ondes aériennes
peuvent être agitées et vibrer sous
l'influence du message qu'elles portent, mais c'est
en vain, et le message n'arrive pas à
l'esprit, encore moins à
l'âme. »
Et Ma savait également que toute
prière n'est pas digne d'être
exaucée.
Elle avait une foi implicite dans la
prière d'intercession. « La
prière, disait-elle, est l'instrument le
plus efficace que Dieu ait mis entre nos mains.
Prier est autrement fatigant qu'agir, du moins tel
est mon avis. Mais c'est la seule source
d'énergie en ce qui concerne l'avancement du
Royaume. »
« Priez pour la Mission et
pour ses ouvriers »,
demandait-elle sans cesse dans
ses lettres ; et elle était
persuadée que c'était en
réponse aux prières des uns et des
autres que Dieu l'aidait à accomplir sa
tâche. Elle-même s'adressait à
Dieu comme un enfant parle à son
père ; elle le faisait en toute
occasion, à n'importe quel moment, où
qu'elle fût. Ce Père céleste
était si près d'elle que, pour ainsi
dire, elle causait avec lui. Une fois, pendant un
de ses séjours en Écosse,
après un fatigant trajet, elle s'assit
devant la table à thé, et, se croyant
seule, leva les yeux au ciel et dit :
« Merci, Père ; tu sais comme
je suis fatiguée. », Dans une
autre occasion elle perdit ses lunettes, en
revenant le soir d'une réunion. La neige
tombait et il semblait bien impossible de retrouver
l'objet perdu. Pourtant, Ma ne pouvait s'en passer,
et elle pria, demandant à Dieu de les lui
faire retrouver. Le lendemain matin de bonne heure,
le laitier, en faisant sa tournée, vit par
terre quelque chose qui brillait sur la
neige : les lunettes furent remises à
Ma à temps pour sa lecture matinale.
Souvent, dans la maison missionnaire, Ma
appelait les enfants autour d'elle à des
heures inusitées pour quelques moments de
prière. « Ce n'est pas
l'heure ! » disait Janie ; et
Ma de répondre : « La porte
du ciel n'est jamais fermée ».
Elle voulait faire comprendre aux enfants qu'ils
pouvaient prier à n'importe quel moment et
où qu'ils fussent.
Vous vous rappelez que Ma avait toujours
aimé à étudier la Bible ?
À mesure qu'elle avança dans la vie,
cette Parole de Dieu lui devint de plus en
plus précieuse.
Répandre la Bible était à ses
yeux le meilleur moyen d'annoncer l'Évangile
dans toute sa pureté. Sa lecture personnelle
était faite de grand matin. Dès qu'il
faisait suffisamment jour, - vers 5 heures 1/2
généralement, - elle prenait une
plume très fine, et, ouvrant sa Bible au
livre qu'elle étudiait à ce
moment-là, elle lisait et relisait, mot
après mot, phrase après phrase,
soulignant ici et là. Quelquefois elle
restait plusieurs jours à un même
chapitre ; en marge elle écrivait
quelques notes, quelques impressions ou
commentaires sur tel ou tel verset. Lorsqu'une
Bible était trop annotée pour pouvoir
être lue facilement, Ma la mettait de
côté, en prenait une autre, et ainsi
de suite ; chaque Bible avait des annotations
différentes. Une étude aussi
approfondie de la Parole de Dieu ne pouvait que
porter ses fruits dans le caractère et la
vie de Ma ; elle était comme
imprégnée de l'esprit du Livre ;
cette Parole lui indiquait la conduite à
suivre en toute occasion. Pendant un palabre, par
exemple, si une question difficile à
résoudre se présentait, elle disait
aux chefs : « Voyons ce que la Bible
dit à ce sujet ». Dans cette
Parole elle puisait espoir, foi, courage.
Voici quelques-unes des annotations
trouvées dans ces Bibles, et prises au
hasard
« Dieu n'est jamais en
retard. »
« Si vous jouez avec la
tentation, n'attendez pas que Dieu vous en
délivre. »
« Il faut que nous vivions
dans la communion de Christ avant de pouvoir parler
de lui. »
« Le secret de tout
insuccès est la
désobéissance. »
« Les plus petites choses sont
aussi absolument nécessaires que les
grandes. »
« L'obéissance fait la
santé. »
« Heureux l'homme ou la femme
qui sait travailler également, en second.
Voilà quelque chose qui montre ce que nous
sommes réellement. »
Les premiers livres de la Bible avaient
des annotations. comme celles-ci :
« Un palabre en
Calabar » ? - « Un
chapitre de l'histoire du Calabar ». -
« Ceci se passe tous les jours dans
l'Okoyong », etc...
Chaque mot du Nouveau Testament lui
était familier, et l'Évangile de
saint-Jean lui était cher par dessus tout.
Voici quelques-unes des annotations qu'elle y avait
faites :
« Secret de notre
insuccès à gagner les hommes :
ils ne trouvent pas Jésus avec
nous. »
« Servez par
amour. »
« Non, Seigneur ! avec
Toi on ne manque de rien ! »
« C'est la vie de l'enfant qui
parlera. »
Ces quelques exemples, pris ici et
là, montrent quelle compagne intime la Bible
était pour Ma, et comment elle y puisait la
nourriture nécessaire à sa vie
spirituelle.
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