REINE
BLANCHE EN PAYS NOIR
Vie de Mary
Slessor, missionnaire au
Calabar
QUATRIÈME PARTIE
Nouvelles Conquêtes
1902-1910.
CHAPITRE IV
Après six mois de
déplacements incessants, Ma s'installa
à Itu, dans une hutte indigène
n'ayant pour tout mobilier qu'une table, une
chaise, quelques casseroles et quelques pots. Ses
filles travaillaient et couchaient n'importe
où ; les bébés, anciens
et nouveaux, se traînaient à quatre
pattes dans tous les coins et dormaient par terre
sur de vieux journaux en fait de paillasses !
Ma aida à bâtir la maison missionnaire
et l'église ; puis, lorsque l'une et
l'autre furent à peu près
terminées, elle demanda à Duke Town
qu'on lui envoyât un menuisier pour y poser
portes et fenêtres. On lui
délégua un artisan missionnaire que
les indigènes traitèrent comme leur
hôte. Lorsque, le soir venu, il dressait son
lit, les jeunes gens du village venaient, selon la
coutume du pays, coucher sur le sol, tout autour de
lui, en guise de garde d'honneur ; et le matin
ils allaient chercher l'eau et la nourriture dont
il avait besoin.
Ma travaillait dur. Elle dirigeait une
école de semaine, prêchait à
des auditoires de quatre cents personnes, tenait
une école du dimanche et une classe
biblique, était constamment
dérangée par une chose ou une autre,
explorait la forêt et ainsi se liait
d'amitié avec un nombre croissant
d'indigènes. De temps en temps elle
remontait l'Enyong Creek jusqu'à Arochuku,
et s'arrêtait dans les
villages riverains. De tous
côtés commençaient à
s'élever des églises aux murs de
terre glaise et aux toits de chaume.
Mais Onoyom, résolu à
avoir une « Maison de Dieu »
aussi belle que possible, prit une somme de 7.500
francs qu'il avait économisée, et
l'employa à bâtir l'édifice.
Lorsqu'il ne lui manqua plus que la chaire et les
bancs, il dit : « Il nous faut du
bois ; allons abattre l'arbre
juju ».
Or, pour les indigènes, l'arbre
juju était l'habitation du Dieu du
village ; aussi les ouvriers d'Onoyom
furent-ils atterrés.
- Le juju se mettra en colère,
dirent-ils. Il ne nous laissera pas faire ; il
nous tuera.
- Le Dieu de Ma est plus puissant que
notre juju, répondit Onoyom. Abattez
l'arbre.
Et l'on se mit à l'oeuvre ;
mais le tronc résista et l'on dut laisser
l'arbre debout. « Tu
vois ! » dirent ses ouvriers
à Onoyom.
La foule païenne faisant cercle
était transportée de joie.
« Ho ! ho ! cria-t-on :
notre juju est plus puissant que le Dieu de
Ma ».
Mais le jour suivant, Onoyom revint
à la charge, non point cette fois avec les
ouvriers de la veille, mais avec de jeunes
disciples de la foi nouvelle. Des aides et lui
commencèrent par se mettre à genoux
et demandèrent au Dieu de la Maman blanche
de prouver qu'Il était plus puissant que le
juju. Puis, se levant, ils se saisirent de leurs
haches, attaquèrent l'arbre de toute la
force de leurs muscles et de leur volonté,
et le virent chanceler et tomber avec fracas. Ce
fut au tour d'Onoyom et de ses
aides de se réjouir : le Seigneur les
avait exaucés.
Lorsque les églises du Creek
furent terminées les missionnaires du
Calabar vinrent les consacrer. Et combien grand fut
leur étonnement de voir ces auditoires
heureux, attentifs, respectueux, - bien
habillés, et les sommes qu'ils
apportèrent ! Dans un village la
collecte, représentée par des barres
de cuivre, s'élevait à 500 francs.
Or, rappelez-vous que les gens qui venaient
à ces églises étaient encore,
pour la plupart, des païens, mais des
païens désirant apprendre à
aimer et à servir le vrai Dieu.
Ce désir se manifestait partout
à la fois. Il arrivait même que Ma,
seule sur la brèche ne savait où
donner de la tête. Jour après jour lui
arrivaient des messages comme ceux-ci :
« Nous voulons connaître
Dieu ; envoyez-nous quelqu'un, même si
ce n'est qu'un jeune garçon. » -
« Il nous faut une Ma blanche comme vous,
pour nous enseigner à laver et à
coudre. » - « Nous avons de
quoi payer un instituteur ; nous
l'attendons. » - Et ainsi de suite.
Quelquefois Ma riait ; mais d'autres fois elle
pleurait. « Que faire ? que
faire ? répétait-elle avec
chagrin. Je suis seule et je suis
vieille. »
Elle priait, demandait à Dieu de
faire entendre ces requêtes à d'autres
missionnaires, et d'en envoyer beaucoup dans cet
immense champ de travail.
Un jour, un messager arriva d'Arochuku.
« Ma, dit-il, les méchants chefs
ont décidé de renvoyer du pays les
instituteurs. »
Ma tressaillit.
- Et qu'ont dit les instituteurs ?
demanda-t-elle. Ils ont répondu, que les
chefs pouvaient les chasser du pays, mais qu'ils ne
pouvaient pas les chasser loin de Dieu.
- Oh ! quel bonheur ! Et que
dit le peuple ?
- Chacun déclare qu'il est
prêt à mourir pour
Jésus.
- Joyeuse nouvelle ! s'écria
Ma avec émotion. Retourne auprès
d'eux. Dis-leur d'être courageux et patients
et que tout ira bien.
Toujours seule, Ma se rendit ensuite
dans une grande et sombre forêt à
l'ouest d'Itu, demeure des Ibibios, cette race si
longtemps foulée aux pieds et victime des
marchands d'esclaves. « Ce sont des
sauvages indomptés, sales et sans
attraits », disait Ma à leur
sujet. Mais c'était
précisément à cause de leur
triste condition qu'elle avait pitié d'eux
et voulait les aider. Plus les gens étaient
dégradés et opprimés, plus
elle, en vrai disciple de Jésus, en avait
compassion.
Le Gouvernement faisait maintenant
tracer une route à travers la forêt.
Ma, contemplant cette route si droite, si bien
nivelée, si large, se mit à
rêver de nouveau.
« Je la suivrai, cette route,
dit-elle, et je bâtirai des écoles et
des églises sur son
parcours. »
Un grand nombre de fonctionnaires
européens étaient de ses amis ;
ils l'admiraient, s'intéressaient à
elle et la pressaient de se procurer une bicyclette
et d'apprendre à la monter.
« Moi sur une
bicyclette ! Une vieille femme comme
moi ! »
Depuis longtemps elle observait les
bicyclettes des coloniaux, courant sur la route, et
elle en avait peur. Elle ne voulait même pas
en approcher, « au cas, disait-elle,
où la machine ferait
explosion ! » N'empêche que
lorsque l'un de ces fonctionnaires, revenu d'un
voyage en Angleterre, lui fit cadeau d'une
magnifique bicyclette, dernier modèle, elle
fut guérie de son aversion et dut
bientôt monter son nouveau cheval. Sa
bicyclette devint pour elle un précieux
instrument de travail.
Ma se mit un jour en route,
accompagnée d'Etim, pour un village
nommé Ikotobonq, situé à dix
kilomètres d'Itu, dans un délicieux
coin de montagnes. Elle ouvrit école et
église. Etim devint maître
d'école et se tira si parfaitement d'affaire
qu'il eut bientôt une centaine
d'élèves sachant lire presque
couramment. Ma fit l'arrangement suivant : le
chef du village donnerait à Etim sa
nourriture, et elle, Ma, lui remettrait 6 fr. 50
par mois pour envoyer à sa
mère.
Voici comment une jeune négresse,
convertie par elle, raconta l'arrivée de Ma
dans le pays. « Lorsqu'elle arriva dans
le pays et qu'elle vit les nombreuses idoles que
nous adorions tous, elle eut grand'pitié de
nous. Voyant que le peuple était assis dans
les ténèbres, elle demanda un
emplacement où établir son domicile.
Les chefs lui donnèrent une jolie petite
colline au milieu de la ville. Et dès le
premier jour tous les gens
s'étonnèrent de sa sagesse, de sa
douceur, de son amour parce qu'ils n'avaient jamais
vu une personne blanche qui lui ressemblât.
Chacun dans la ville fut frappé
de ce qu'elle lui disait de
Dieu ; et leurs coeurs furent remplis de joie
parce qu'elle demeurait parmi eux. Avant son
arrivée, les gens se détestaient et
ne connaissaient ni l'amour ni la paix ; mais,
lorsqu'elle vint à nous, son influence, son
amour nous calma. Bien qu'elle fût
déjà vieille, elle dut travailler
comme un homme fort. Les gens d'Ibibio ne cessaient
de s'étonner joyeusement à son sujet,
tant elle était pleine d'amour pour chacun
et tant elle travaillait jour après jour
pour leur bien.
Alors, à cause de toute sa
bonté et de toute sa compassion, on l'appela
Adiaka Makara, ce qui signifie « la fille
aînée de tous les
Européens », et Ma Akamba, ce qui
signifie « Grande
Madame ».
Le moment approchait où Dieu
allait répondre aux prières de Ma et
récompenser sa longue patience. Il le fit en
lui envoyant trois grands sujets de joie.
C'était en 1905.
1° L'Eglise d'Écosse, dont
dépendait la Société des
Missions à laquelle Ma se rattachait,
décida de faire d'Itu une station
missionnaire proprement dite, placée sous la
direction d'un docteur, d'y fonder un hôpital
qui s'appellerait « Hôpital
missionnaire Mary Slessor », puis
d'envoyer un petit vapeur pour faciliter l'oeuvre
le long de l'Enyong Creek. « On dirait un
conte de fée ! » dit
Ma.
2° Un missionnaire, venu pour
visiter Arochuku, retourna en Écosse
tellement enthousiasmé de tout ce qu'il
avait vu qu'il reprit immédiatement le
chemin de l'Afrique et ouvrit lui-même une
station à Arochuku.
3° L'Eglise fit savoir à Ma
que deux dames missionnaires allaient venir se
charger de la station d'Akpap, et qu'elle n'avait
pas besoin d'y retourner.
Enfin ! Enfin ! le ciel de sa
vie s'éclairait... le soleil se
levait...
Un après-midi elle reçut
la visite d'un fonctionnaire qui lui
dit :
- « Ma, qu'allons-nous
faire ? »
La question ne l'étonna pas vu
qu'on la lui posait sans cesse ; tous, depuis
les fonctionnaires jusqu'aux esclaves fugitifs,
venaient lui demander conseil, et nul n'aurait pris
une décision ou formé un projet sans
en avoir préalablement causé avec
elle.
- Eh bien ! de quoi s'agit-il
maintenant ? demanda-t-elle.
- Il nous faut un magistrat pour la
région ; quelqu'un de très
intelligent, de très entendu, sachant s'y
prendre avec les indigènes et s'assurer que
justice est faite à tous.
- Et après ?
- Ne comprenez-vous pas à quoi je
veux en venir ?
- Superbe ! répondit Ma les
yeux pleins de malice. Vous cherchez un homme
très intelligent, très entendu, etc,
etc. Votre but est digne de tout
éloge !
- Comme toujours vous avez raison !
Et vous êtes l'homme que nous cherchons,
Ma.
- Ta, ta, ta, mon garçon !
Je crois que le thé vous est monté
à la tête !
- Je parle sérieusement. Aucun de
nous n'est à la hauteur de ce poste, ne
fût-ce que parce que nous ne savons pas la
langue du pays. Vous, au contraire, vous la
possédez sur le bout du doigt, vous
êtes au courant des coutumes des gens et de
leurs ruses ; vous avez sur eux un grand
ascendant et tous vous respectent. Enfin, - ajouta
le fonctionnaire, malicieux à son tour, -
quelle belle occasion ce serait pour vous de
protéger les femmes et de punir les hommes
à votre guise ! Et puis, pensez aux
jumeaux !
Ma réfléchit.
- En effet, finit-elle par dire, cela
aiderait à l'oeuvre de Dieu. Ce n'est pas
dans mes goûts, mais j'accepterai le poste
pour cette raison.
- Merci. Votre titre officiel sera celui
de « vice-présidente du tribunal
indigène », mais, dans la
pratique, vous serez présidente, et agirez
comme bon vous semblera. Vos appointements seront
de...
- Je ne veux pas d' appointements,
interrompit vivement Ma. Je n'accepte le poste que
pour l'amour de Dieu.
Le Gouverneur écrivit
bientôt à Ma, la nommant
officiellement vice-présidente du tribunal
indigène, et la prévenant que ses
appointements seraient payés à la
Société des Missions, et qu'elle
pourrait ainsi les utiliser pour son oeuvre. (On
était alors en mai 1905 ; Ma avait 56
ans).
De nouveau donc Ma se trouva être
la seule femme de l'Empire Britannique remplissant
les fonctions de magistrat. Le tribunal
siégeait à Ikotobong, dans une hutte
au toit de chaume. Ma, assise
devant une petite table, entourée des chefs,
leur enseignait comment agir tout à la fois
avec justice et miséricorde envers les
coupables. Souvent elle devait rappeler ces chefs
à l'ordre, tant ils aimaient à
bavarder ; s'ils ne se taisaient pas, elle se
levait et allait leur tirer les oreilles.
Elle jugeait cause après cause,
souvent pendant des journées
entières, n'ayant pour toute nourriture
qu'une tasse de thé, un biscuit et ses chers
bonbons ! Il lui fallait tout son courage pour
prêter une oreille attentive aux terribles
récits de dépravation, de
cruauté, de honte, qui lui étaient
faits. Les missionnaires des autres régions
disaient : « Comment Miss Slessor
peut-elle écouter toutes ces horreurs !
Ce qui lui en donne la force, c'est
évidemment son ardent désir
d'arracher des soeurs noires et leurs petits
enfants aux souffrances qu'ils ont à
supporter ».
Contrairement aux autres juges du monde
entier, Ma n'avait à sa disposition aucun
code de législation ; sa connaissance
des lois et des coutumes du pays et son propre bon
sens étaient ses seuls guides. Heureusement
elle avait pénétré dans chaque
coin et recoin du cerveau indigène ;
et, bien qu'il se débitât force
mensonges dans un tribunal africain, nul n'arrivait
jamais à la tromper. Non qu'on se fît
faute d'essayer ! mais c'était toujours
en vain : elle découvrait la
vérité, et les menteurs s'esquivaient
à la dérobée, suivis par son
regard pénétrant.
Des questions très difficiles
à résoudre embarrassaient souvent les
fonctionnaires anglais, mais
jamais elles n'embarrassaient
Ma. Ainsi, il arriva une fois que deux tribus
prétendirent qu'un certain terrain leur
appartenait. L'envoyé du gouvernement passa
inutilement de longues journées à
essayer de débrouiller l'affaire. En
désespoir de cause, il fit prier Ma de
venir. Celle-ci arriva, et tout de suite, selon sa
coutume, en appela aux indigènes
eux-mêmes.
- N'est-ce pas votre coutume ici,
demanda-t-elle, d'offrir des sacrifices au terrain
qui vous appartient ?
- Si parfaitement, Ma.
- Quelle est la tribu qui a
sacrifié à ce terrain ? C'est la
nôtre, répondit un homme.
- Alors le terrain appartient à
ta tribu.
- Bravo, Ma !
Et chacun s'en alla en riant, pleinement
satisfait.
Ceux qui étaient
« traduits en justice »
étaient souvent fort ignorants et
stupides ; Ma les traitait alors comme s'ils
eussent été de méchants
enfants ; elle leur donnait une tape ou un
coup sec sur la main, les
« savonnait » d'importance et
les renvoyait chez eux. Il arrivait aussi que,
lorsque des hommes étaient punis d'une
amende qu'ils ne pouvaient pas payer, elle les
conduisait à la maison missionnaire, leur
donnait à manger, puis les faisait
travailler et payait leur travail prix de l'amende.
Puis, le soir, elle leur parlait de
Jésus.
Le serment que prêtaient les
témoins était un serment
indigène appelé mbiam. On.
remplissait d'un liquide mystérieux, sentant
horriblement mauvais, un, pot en forme de
bouteille ; un des chefs trempait un
bâton dans le liquide et en touchait la
langue, la tête, le bras et le pied des
témoins ; ceux-ci croyaient
qu'après cela, s'ils disaient un mensonge,
le mbiam les tuerait. Ils tremblaient pendant qu'on
le leur administrait. Car il était
arrivé qu'un témoin était
tombé mort comme il venait de rendre un faux
témoignage, et les gens avaient vu là
un jugement des dieux.
Le « juge Slessor »
devait avoir l'oeil ouvert sur les agents de la
police indigène, bien que ceux-ci se
crussent gens de grande importance. L'un d'eux s'en
alla un jour dans un village et somma les habitants
de nettoyer les routes ; puis il entra dans
l'école missionnaire pendant que les enfants
chantaient leur cantique du matin, et faisant
claquer son fouet, il cria :
« Sortez et allez nettoyer les
routes ! » Les instituteurs
portèrent plainte et l'agent de police fut
jugé par Ma.
« Vous avez besoin d'une bonne
punition, lui dit celle-ci, car vous vous croyez si
grand que bientôt votre tête touchera
le plafond. » Ces quelques mots plurent
infiniment à ceux qui écoutaient, -
s'ils ne furent pas du goût de
l'accusé !
La renommée de ce tribunal
s'étendait partout les gens savaient qu'on y
était toujours traité avec justice.
Ils finirent même par prendre l'habitude de
venir voir Ma dès qu'une dispute
s'élevait entre eux on qu'ils étaient
dans l'embarras. Ma les écoutait, les
obligeait à faire la paix entre eux et leur
évitait ainsi d'avoir recours à la
loi. Même lorsqu'elle était malade,
les gens venaient la trouver. Ils s'asseyaient par
terre sous sa fenêtre et
racontaient leur histoire
à Janie qui la transmettait à
Ma ; après quoi Ma élevait la
voix, et, par la fenêtre, disait à
chacun ce qu'il devait faire !
Un jeune esclave vint un jour la
consulter sur les moyens de recouvrer sa
liberté. « Je regrette beaucoup,
lui dit-elle, que le tribunal ne puisse en rien
vous aider ; mais vous avez tout le pays
devant vous... »
Le jeune homme comprit : il prit la
clé des champs !
Un chasseur en quête de gibier,
voyant quelque chose bouger dans un buisson,
cria : « Qui est
là ? » Ne recevant pas de
réponse il fit feu ; mais un cri
perçant retentit : il avait tiré
sur une jeune fille. Atterré, il transporta
celle-ci dans la maison la plus proche, où
elle ne tarda pas à mourir. Conduit devant
le tribunal de Ma, le meurtrier involontaire fut
acquitté. Mais, comme la loi indigène
disait : « vie pour vie »,
les gens réclamaient une nouvelle victime.
Le chasseur au désespoir courut chez Ma : se
coupant une mèche de cheveux il la lui
offrit, ce qui signifiait que tout était en
commun entre eux deux, même sa condamnation
à mort ! Mais Ma, qui savait que si cet
homme restait dans le pays il le payerait de sa
vie, l'obligea à prendre la fuite.
Notez bien que, pendant tout ce temps,
Ma continuait son oeuvre la plus importante :
elle prêchait, enseignait, apprenait aux
jeunes à devenir missionnaires autour d'eux,
et portait la lumière de l'Évangile
toujours plus avant dans la forêt
païenne. Puis, - pour ne pas en perdre
l'habitude ! - elle rêvait !
Se rappelant le projet de M. Thomson de
bâtir une maison de vacances pour les
missionnaires, elle se dit : « Ne
puis-je pas le faire
moi-même ? » Quelqu'un venait
justement de lui envoyer un cadeau de 500 francs,
et elle décida de l'employer à la
réalisation de son rêve. Elle choisit
un terrain sur la hauteur à un endroit
appelé Use, entre Ikotobong et Itu, au
centre d'un magnifique panorama.
Elle fit déblayer le terrain,
puis se mit à bâtir de petites
maisonnettes, mi-européennes
mi-indigènes, dans l'espoir de les voir
bientôt occupées par des dames
missionnaires. Elle fit la plus grande partie du
travail avec l'aide de Janie et de ses compagnes,
couchant le soir sur le sol d'une hutte afin de
n'avoir pas à redescendre chez elle.
LES
MAISONS DE MA À USE
Au sujet des travaux matériels entrepris
par Ma, je voudrais vous raconter quelque chose qui
vous montrera, dans quel esprit elle les
accomplissait. Une fois, on lui demanda en
Écosse comment il se faisait qu'elle
fût si experte à faire du ciment.
« Avez-vous pris des leçons
à ce sujet ? » -
« Non, répondit Ma ; je
tourne le ciment comme si c'était
un potage de farine d'avoine,
puis je le verse par terre et je l'égalise
avec un bâton ; mais, tout le temps, je
ne cesse de prier en disant :
« Seigneur, voilà le ciment ;
si c'est à ta gloire, permet qu'il
prenne ». Et mon ciment a toujours
réussi. »
Une dame missionnaire en séjour
chez Ma devait partir de grand matin le lendemain,
et se demandait comment elle serait sûre de
se réveiller à temps. « Ne
vous inquiétez pas, lui dit Ma : je
remonterai le réveil », et elle
alla chercher un coq qu'elle attacha au pied du
lit. Dès l'aube, ce réveil nouveau,
genre réveilla la dormeuse !
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