Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Du Thabor à Golgotha



VI
GOLGOTHA

I. LE CHEMIN DE LA CROIX

 

L'injuste sentence vient d'être prononcée. Les soldats attachent la croix sur les épaules du Seigneur, comme c'était la coutume à l'égard des condamnés. La partie supérieure du bois appuyait sur son dos encore saignant et l'inférieure traînait à terre. Ainsi, forcément incliné par sa lourde croix, le Seigneur avait à la porter à travers les rues de Jérusalem, jusque sur la colline de Golgotha.

« Et comme ils l'emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait des champs, et le chargèrent de la croix, pour la porter après Jésus. » (Luc XXIII, 26.) Pourquoi Simon se trouva-t-il sur le chemin de Golgotha ? pourquoi l'obligea-t-on à porter la croix du Seigneur ? je pense que Dieu l'a permis dans un but d'amour pour Jésus premièrement, puis pour Simon et enfin pour nous.

Le Seigneur n'avait pris aucune nourriture depuis la veille au soir, lors de son dernier repas avec ses disciples. Aussi, lorsqu'on lia sur lui la pesante croix, devait-il être près de succomber de fatigue. C'est pourquoi son Père, avant le suprême combat, lui envoie Simon pour le soulager.

Le second but était Simon. Nous ne savons rien de lui, sinon qu'il était de Cyrène, dans la Libye africaine. La besogne qu'on lui impose était imprévue. humiliante ; s'il avait pu s'en douter, il aurait certainement pris un autre chemin. Mais ce fut une grande grâce pour lui et pour sa famille d'avoir porté la croix du Sauveur. Saint Marc, rappelant que Simon était le père d'Alexandre et de Rufus, fait sans doute allusion à des membres bien connus de l'Eglise. Ce même « Rufus, élu du Seigneur, et sa mère, qui est aussi la mienne » (Rom. XVI, 13), sont mentionnés par saint Paul dans l'épître aux Romains. La bénédiction de Dieu avait donc visiblement reposé sur cette famille.

Il importe peu que Simon eut connu auparavant le Seigneur. C'est maintenant qu'il voit et qu'il entend les choses qui saisissent son coeur. On aime à se le représenter, au matin de Pâque, lorsque la nouvelle de la résurrection de Christ se répandît parmi les disciples, accourant pour voir le Sauveur dont il avait porté la croix et rencontrant son regard affectueux. Et les premiers chrétiens auront sans doute témoigné une profonde reconnaissance à celui qui avait rendu ce dernier service à leur Maître. Simon ne l'avait ni désiré ni réclamé ; mais il l'accepte sans murmure, et, comme il le fait pour le Seigneur, il moissonne la bénédiction terrestre et la bénédiction céleste.

Si Dieu, en mettant en parallèle le malfaiteur Barabbas et Jésus, a voulu nous faire comprendre le but de la mort de Christ pour les pécheurs, il nous montre, en la personne de Simon, quel est le devoir du chrétien - et en même temps son bonheur et sa gloire. « Si quelqu'un veut venir après moi, dit le Seigneur, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et me suive. » (Matth. XVI, 24.) Le bon plaisir de Dieu est que tous ceux qui lui appartiennent passent par le même chemin que son Fils, c'est-à-dire celui de la croix. « Celui qui ne prend pas sa croix, et ne me suit pas, n'est pas digne de moi. » (Matth. X, 38.)

Pour des milliers de chrétiens, ce serait une joie de porter la croix du Seigneur, comme autrefois Simon. Mais ceci n'est plus possible. Simon est le seul auquel cet honneur ait été accordé. Nous ne sommes néanmoins pas privés de croix. Notre Dieu en possède un grand arsenal ; il en a pour chacun. Il est des croix que nous attire notre profession de chrétiens : « Tous ceux qui veulent vivre selon la piété en Jésus-Christ seront persécutés. » (II Tim. III, 12.) Mais ce ne sont pas les seules. Quelle que soit la croix dont Dieu nous charge, nous devons la porter sans chercher à lui échapper ou à nous en délivrer. jusqu'où ? à Golgotha ! Golgotha est le but et le terme du pèlerinage des vrais croisés. Celui qui y porte sa croix accomplit le but pour lequel Dieu la lui a dispensée ; c'est là seulement qu'il peut implorer la délivrance et qu'il reçoit secours et bénédiction.

Quand le Seigneur nous impose une croix, il ne s'informe pas si elle nous plaît ; il vient et il nous la donne souvent quand nous y sommes le moins préparés ; parfois il choisit la plus lourde, afin que nous en sentions tout le poids. Qu'il nous suffise de savoir que c'est lui qui l'a choisie. Certains chrétiens ont de la peine à accepter le caractère humiliant de leur croix - ils en désireraient une idéale, élevée, et voici, elle est vulgaire, grossière - elle vient peut-être de nos défauts, de notre famille, de nos affaires - elle n'est pas en rapport avec le règne de Christ. Oh ! que c'est fatigant et décourageant ! Consolez-vous, enfants de Dieu ! quelle que soit la cause qui vous fasse souffrir et vous oppresse, c'est précisément cette croix-là qu'il vous faut. Prenez-la avec courage en regardant à Jésus - mais surtout portez-la à Golgotha, vous en recevrez de riches bénédictions, et, un jour, vous ferez partie de la multitude « venue de la grande tribulation, qui ont blanchi leurs robes dans le sang de l'Agneau et qui sont devant le trône de Dieu. » (Apoc. VII. 14, 15.)

« Et une grande multitude de peuple et de femmes le suivaient, qui se frappaient la poitrine et se lamentaient. Mais Jésus, se tournant vers elles, leur dit : Filles de Jérusalem, ne pleurez point sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants ; car des jours viendront où l'on dira : Heureuses les stériles, les seins qui n'ont point enfanté, et les mamelles qui n'ont point allaité. Alors ils se mettront à dire aux montagnes : Tombez sur nous, et aux coteaux : Couvrez-nous. » (Luc XXIII, 27. 30.)

Au moment où toutes les souffrances s'accumulent sur lui, Jésus, bien loin de se préoccuper de lui-même, s'oublie pour ne penser qu'au salut des hommes. Tandis que le présent l'accable de son poids écrasant, l'avenir lui apparaît clair et lumineux et il voit d'avance le jour où couleront d'autres larmes. Pas une parole d'amertume pour ceux qui l'outragent. Seul, le sort des enfants l'émeut, des enfants sur lesquels leurs propres pères ont appelé la malédiction divine. « Car si l'on fait ces choses au bois vert, que fera-t-on au bois sec ? » (Luc XXIII, 31.) Cette parole prononcée en ce moment-là est d'une grande élévation.

Les femmes qui suivaient Jésus en pleurant, ne peuvent être ni les deux soeurs de Béthanie, ni les pieuses femmes dont parle l'Évangile, « qui l'assistaient de leurs biens. » (Luc VIII, 3.) Car l'avertissement du Seigneur ne leur aurait pas été approprié. Sans doute elles avaient entendu parler de Jésus et elles le savaient condamné injustement. Mais ce qu'elles ignoraient, ce qu'elles ne pouvaient prévoir, c'est qu'Israël mettait par ce meurtre le sceau à sa propre condamnation. Le Seigneur avait fréquemment averti les juifs du sort qui les attendait ; il n'avertit plus, il annonce la ruine comme prochaine.

Il est beau de voir ces humbles femmes répandre des larmes de compassion et de sympathie sur les pas du Sauveur, sans prendre garde au mépris et aux injures de ses ennemis. Dieu ne les aura certainement pas laissées sans récompense. Peut-être même les paroles, dont le Seigneur les honora, furent-elles, par la bonté de Dieu, le moyen de leur salut. Une larme de pitié à la vue des souffrances du Christ, même si la connaissance manque, même si le sentiment du péché n'existe pas encore, cette larme-là ne sera pas perdue.

L'émotion toutefois n'est ni la vraie connaissance, ni la foi et la vie. Elle peut être le noyau dans lequel se développe le bon fruit ; mais souvent elle n'est qu'un symptôme éphémère. Beaucoup de personnes se glorifient de leur bon coeur ; elles s'imaginent que Dieu leur tiendra compte de leurs émotions passagères et prendra celles-ci pour de la piété. Le rationalisme, avec ses belles théories et sa morale élevée, sait aussi ébranler l'imagination, mais les larmes sincères de la pénitence, c'est le Sauveur seul qui peut les faire couler. Il faut avoir pleuré sur son péché, comme l'apôtre Pierre, pour recevoir consolation et pardon.

Malgré toute sa science, malgré ses émotions passagères, malgré la bonté de son coeur, l'homme reste un bois sec, s'il ne possède ni repentir, ni foi au Sauveur ; un sort terrible lui est réservé. Nous sommes de nature « morts dans nos fautes et dans nos péchés » (Eph. Il, 1), étrangers à la vie en Dieu. La mort et la résurrection de Christ nous offrent le moyen de revenir à la vie. Repentance et foi, mort au péché, résurrection par Christ, voilà le chemin. Par la foi « en celui qui justifie le pécheur » (Rom IV, 5), nous serons transplantés dans une vie nouvelle. Nous deviendrons des sarments « du vrai cep. » (Jean XV, I.) « Si donc quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature. » (2 Cor. V, 17.)

Il. LA CRUCIFIXION

Cherchons à bien nous représenter la scène qui se passe sur Golgotha. Arrivés au sommet de la colline, les soldats font en hâte les derniers préparatifs. (Jean XIX, 18.) La croix est plantée et solidifiée. Une foule de gens sont rassemblés. D'autres se pressent, afin d'assister au sombre drame qui va se dérouler. Le Seigneur reste calme, paisible, silencieux. Les Psaumes prophétiques de David peuvent nous faire pressentir ce qui se passe dans son coeur : « Je suis un ver, et non un homme - l'opprobre des hommes et le méprisé du peuple... Ne t'éloigne pas de moi, car la détresse est proche, car il n'y a personne pour me secourir ! Toi donc, Éternel, ne t'éloigne pas ! Toi, ma force, accours à mon aide ! » (Ps. XXII, 7, 12, 20.) « Et ils lui présentèrent à boire du vin mêlé avec de la myrrhe ; mais il n'en but point, » (Marc XV, 23.) C'était la coutume d'offrir, avant l'exécution, une boisson enivrante aux condamnés. Le faisait-on par compassion pour les malheureux qui allaient subir un si cruel supplice ? Je crois plutôt que c'était afin de faciliter aux soldats leur odieuse tâche. En effet, surexcité par le désespoir et la souffrance, plus d'un malfaiteur aura cherché à se défendre et à échapper à ses bourreaux.

Le Seigneur refuse le breuvage. C'est avec sa connaissance pleine et entière qu'il veut boire la coupe qui l'attend. Il n'en laissera échapper aucune goutte amère. Ne sait-il pas qu'il ne souffrira que ce que son Père a ordonné pour l'expiation du monde tombé ?

Ceci est pour nous d'une application pratique. Souvent le monde engage les affligés à boire à la coupe d'étourdissement, afin d'oublier leur souffrance. Qui ne connaît l'histoire du grand comédien Stanley ? Se sentant souffrant, il s'adresse à un docteur de Londres. Celui-ci, après l'avoir examiné, l'assure qu'il n'est point malade, que son mal est essentiellement moral. « Il faut vous distraire, ajoute-t-il en finissant. Allez aussi souvent que possible au théâtre voir jouer le fameux Stanley qui fait rire tout Londres. Cela vous guérira. » Le malade eut un sourire navré. « Le comédien Stanley, c'est moi ), dit-il. Stanley apprit plus tard à connaître le céleste Médecin et il trouva auprès de lui paix et consolation.

Des milliers d'hommes vivent dans la tristesse et le découragement et, le plus souvent, ils ne rencontrent pas de meilleurs consolateurs que Stanley. Quand Dieu nous envoie une épreuve, il veut que nous la sentions et que nous l'acceptions avec soumission et prière. Alors elle produira « des fruits paisibles de justice chez ceux qui ont été ainsi exercés. » (Hébr. XII, 11.) « Ceux qui sèment avec larmes, moissonneront avec chants de triomphe. » (Ps. CXXVI, 5.)

Et maintenant s'accomplit l'acte le plus épouvantable que le soleil ait jamais éclairé. On se saisit du Saint de Dieu ; on l'attache avec des cordes ; on prend de gros clous qu'on enfonce dans ses mains et ses pieds, de manière à en faire jaillir le sang. Puis on lâche les cordes et l'homme de douleur reste suspendu entre ciel et terre. Son sang coule et se répand sur la croix et sur la terre maudite.

« Ils le crucifièrent. » (Luc XXIII, 33.) Les évangélistes racontent ce fait inouï sans ajouter une seule réflexion. Imitons leur exemple. Prosternons-nous au pied de la croix, laissons le précieux sang de Christ se répandre sur nous, et adorons en silence et avec une sainte révérence notre Roi souffrant pour nous.

Une grande foule est rassemblée sur la colline. Tous ne sont pas des ennemis. Quelques femmes, fidèles disciples du Seigneur, sont présentes et répandent des larmes : Salomée, Marie-Madeleine, la mère du Sauveur dont l'âme est transpercée d'une épée ; brisée, elle se tient près de la croix à côté de Jean, l'ami de Jésus.

On aurait pu croire que la vue du Crucifié, restant calme et patient au milieu des plus vives souffrances, éveillerait la pitié de tous les assistants, de ses ennemis mêmes. Il n'en est rien. Le coeur de l'homme, une fois soumis à la puissance des ténèbres, est capable de la plus noire méchanceté. Des injures, des blasphèmes, des moqueries, s'élèvent du milieu de la foule à l'adresse du divin Patient ; les sacrificateurs, les pharisiens, le peuple, même l'un des brigands crucifiés, rivalisent d'outrages. Le sujet de leurs railleries est d'une importance capitale et vient, sans qu'ils s'en doutent, ajouter un témoignage nouveau à la divinité de Jésus.

Que peuvent-ils reprocher à cet homme, objet de tant de haine : « Il a sauvé les autres, qu'il se sauve lui-même, s'il est le Christ, l'élu de Dieu. » (Luc XXIII, 35.) Oui, il a sauvé les autres. Ses guérisons miraculeuses sont attestées par ses ennemis les plus acharnés. Et dès lors il ne cesse de sauver les hommes, de les amener des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie. « Il s'est confié en Dieu ; que Dieu le délivre maintenant, s'il lui est agréable. » (Matth. XXVII, 43.) Oui, il se confie en Dieu. Il demeure ferme comme un roc, tandis que la méchanceté et la haine surgissent autour de lui. « Il a dit : Je suis le Fils de Dieu. » (Matth. XXVII, 43.) Oui, il l'est et il le sera éternellement, et ses ennemis mêmes le verront.

Dans cette scène sans exemple qui se passe sur Golgotha, où le ciel et l'enfer, Dieu et le diable, déploient leur plus haute puissance, on ne sait ce qui impressionne le plus vivement : le péché des hommes ou la miséricordieuse patience du divin Crucifié. D'un côté, la joie diabolique et féroce des ennemis, de l'autre, la sainteté de Christ et son amour pour les pécheurs. On se sent ici en présence « du Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, abondant en grâce et en fidélité, qui conserve sa grâce jusqu'à mille générations, qui pardonne l'iniquité, le crime et le péché, mais ne tient point le coupable pour innocent. » (Exode XXXIV, 6, 7.) C'est le saint des saints dans le lieu saint du sanctuaire.

Le jugement de Dieu et sa juste colère contre le péché s'appesantissent à Golgotha sur Celui qui a voulu payer pour les pécheurs. « Il n'a point épargné son propre Fils, mais il l'a livré pour nous tous. » (Rom. VIII, 32.) Non seulement le Fils de Dieu est venu vivre sur notre triste et sombre terre, mais il s'est chargé de notre malédiction ; il a supporté lui seul tout le poids de la colère de Dieu ; il a souffert la condamnation des condamnés : « Celui qui n'a point connu le péché, il l'a traité en pécheur pour nous, afin que nous, nous devenions justes de la justice de Dieu en lui. » (2 Cor. V, 21.) Notre péché doit être, aux yeux de Dieu, chose bien affreuse, pour que Dieu ait fait venir sur son Fils bien-aimé un si terrible châtiment. Celui qui, à la vue du Christ sur la croix, pourrait envisager encore le péché comme chose légère et sans conséquence, ne croira à la justice de Dieu que lorsqu'elle s'appesantira sur lui.

L'amour de Dieu pour le monde tombé se manifeste à Golgotha dans sa grandeur infinie et incommensurable. Il est difficile au premier abord de parler de l'amour de Dieu, quand on contemple les souffrances de Christ et la rage de ses ennemis. Cependant Jésus lui-même avait dit, en faisant allusion à sa mort : « Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle. » (Jean III, 16.) De Golgotha se répand sur la terre un fleuve d'amour - ses eaux portent le salut à tous les peuples. Le nègre ignorant répand des larmes de joie au pied de la croix ; le coeur du froid Esquimau se réchauffe en contemplant son Sauveur - le Brahmane et le Chinois, le philosophe et le cultivateur, répètent tous avec une profonde émotion :

C'est Golgotha ! c'est le Calvaire !
C'est le jardin des Oliviers,
Qui sont mes maisons de prière
Et mes rendez-vous journaliers.

La croix de Christ nous parle de paix : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. » (Esaïe XL, 1.) Le pardon des péchés est la plus grande de toutes les grâces. Le sang de Christ ayant été répandu pour nos péchés, le Dieu juste et saint peut maintenant les pardonner, les couvrir, les jeter derrière lui. « Ce sang de l'aspersion prononce de meilleures choses que celui d'Abel. » (Hébr. XII, 24.) Il crie miséricorde et non pas vengeance. « Nous vous supplions au nom de Christ : soyez réconciliés avec Dieu ; car Celui qui n'a point connu le péché, il l'a traité en pécheur pour nous, afin que nous, nous devenions justes de la justice de Dieu en lui. » (2 Cor. V, 20, 21.)

La croix est encore un saint avertissement pour les enfants de Dieu : « Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux. » (2 Cor. V, 15.) « Ceux qui appartiennent à Christ, ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises, » (Gal. V, 24.) « Je suis crucifié avec Christ, et si je vis, ce n'est plus moi, mais c'est Christ qui vit en moi ; et si je vis encore dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé, et qui s'est donné lui-même pour moi. » (Gal. II, 20.) Mourir avec Christ, vivre avec Christ, voilà la gloire et le bonheur de la vie chrétienne.

III. L'ÉCRITEAU

C'était la coutume, dans l'empire romain, d'afficher près de la croix le motif de la condamnation du malfaiteur.
Pilate fit placer cet écriteau au-dessus de la croix. « Et on y avait écrit : Jésus de Nazareth, roi des juifs. » (Jean XIX, 19.) Quel sentiment avait pu pousser le gouverneur romain à faire mettre cette inscription ? J'aime à penser que c'était le cri d'une conscience accusatrice et indignée. Pilate avait été frappé de la dignité et de la noblesse de la personne de Jésus. Ne pouvant le sauver, il voulait au moins lui donner ce dernier témoignage. Quoi qu'il en soit, il fut, sans s'en douter, guidé par la main de Dieu. Ces mots furent écrits dans les langues en usage alors : la langue hébraïque, celle des juifs ; le grec, que parlaient les gens instruits ; et le latin, la langue officielle. (Jean XIX, 20.) Chose merveilleuse ! de la crèche à la croix, la royauté de Jésus est sans cesse proclamée. À sa naissance, les anges la chantent dans les airs ; ses disciples la reconnaissent à plusieurs reprises ; et le juge païen lui-même vient lui rendre hommage.

Les principaux sacrificateurs sont indignés ; ils se rendent auprès du gouverneur et le prient de faire enlever l'écriteau « N'écris pas : le roi des juifs ; mais qu'il a dit je suis le roi des juifs. Pilate répondit : Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit. » (Jean XIX, 21, 22.) Quel homme étrange que Pilate !
Chaque fois qu'il prend la parole, c'est pour dire quelque chose d'important, d'historique, qui signifie plus qu'il ne le pense lui-même.

Oui, Pilate ! ce que tu as écrit demeurera jusque dans l'éternité. C'est peut-être la seule chose vraiment bonne que tu auras faite. Oh ! si l'innombrable foule des écrivains voulait bien méditer cette parole ! Qu'éprouveront-ils, au grand jour de l'éternité, des hommes tels que Voltaire, Strauss, et bien d'autres, qui ont employé leur talent et leurs forces à combattre l'Évangile, quand ils verront que la révélation de Dieu manifestée en chair était la vérité ? Ils seront forcés de reconnaître qu'ils ont fait la guerre à Dieu ; non seulement ils auront à subir le jugement éternel, mais ils assisteront à la ruine de milliers de leurs semblables que leurs pernicieux écrits auront entraînés au mal. « Celui qui sème pour la chair, moissonnera de la chair la corruption ; mais celui qui sème pour l'Esprit, moissonnera de l'Esprit la vie éternelle. » (Gal. VI, 8.)

Nous aurons à rendre compte, non seulement de nos écrits, mais de nos actions, de nos paroles, de toute notre conduite. « Les hommes rendront compte, au jour du jugement, de toute parole vaine qu'ils auront dite. » (Matth. XII, 36.) Combien elle sera grande, incommensurable, la dette d'un grand nombre ! N'attendons pas que « les livres soient ouverts. » (Apoc. XX, 12.) Pendant que nous sommes en chemin, demandons au Sauveur d'effacer, par son sang, la page accusatrice qui témoigne contre nous ; c'est pour cela qu'il a été répandu.

IV. LE PARTAGE DES VÊTEMENTS

« Après que les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits, et ils en firent quatre parts, une part pour chaque soldat ; ils prirent aussi la robe ; mais la robe était sans couture, d'un seul tissu, depuis le haut. Ils dirent donc entre eux : Ne la partageons pas, mais tirons au sort à qui l'aura ; afin que fut accomplie cette parole de l'Écriture : Ils se sont partagé mes vêtements, et ils ont tiré au sort ma robe. Ainsi firent les soldats. » (Jean XIX, 23, 24.)

Le Seigneur est venu pauvre au monde et il le quitte dépouillé de tout ! Les armées du ciel célèbrent sa naissance et, sur la terre, il ne possède pas un berceau. L'enfant royal n'a pour couche qu'une crèche. Les cieux sont l'ouvrage de ses mains et quelques vêtements sont le seul héritage qu'il laisse en quittant la terre. Encore ce précieux souvenir n'échoit-il pas même aux siens. Ce sont des étrangers qui se le partagent sous la croix sanglante.

C'était le droit des soldats de s'approprier la dépouille des condamnés à mort. La manière dont ils le font à quelque chose de bien émouvant, non seulement parce qu'ils accomplissent, sans le savoir, la prophétie de David, vieille de plus de mille ans : « Ils partagent entre eux mes vêtements, ils tirent ma robe au sort » (Ps. XXII, 19), mais parce que, dans un moment d'une importance universelle, où le Sauveur répand son sang pour le monde pécheur, ces hommes ne trouvent rien de mieux à faire que de jouer au sort les vêtements du Seigneur. Ils ont sans doute ouï dire des choses merveilleuses de Jésus, ils ont entendu sa prière sacerdotale : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. » (Luc XXIII, 34.) Mais leur coeur demeure insensible, leur pensée attachée à de misérables vêtements. lis jouent !

Ces soldats romains sont les représentants d'une classe d'hommes très nombreuse. De dimanche en dimanche, le grand salut de Dieu est proclamé; les cloches d'innombrables églises résonnent à travers monts et vaux, invitant les pécheurs à venir entendre la bonne nouvelle du salut. Mais les foules passent, sans écouter, préoccupées du désir de gagner de l'argent ou de se divertir. La croix de Christ est plantée dans tous les pays du monde, elle pénètre chez les peuplades les plus sauvages, les subjuguant et leur apportant salut, paix et bonheur. Et les enfants de la maison se retirent en arrière et ne songent nullement à réclamer leurs droits et leurs privilèges !

Arrêtons-nous au pied de la croix - c'est le lieu de prédilection « de la grande multitude que personne ne peut compter » (Apoc. VII, 9), et qui est composée de tous « ceux qui sont fatigués et chargés et qui y ont trouvé le repos de leurs âmes. » (Matth. XI, 28, 29.) Écoutons les paroles que l'Agneau de Dieu a prononcées pendant les six heures qu'il est demeuré sur la croix. C'est l'héritage le plus précieux qu'il ait laissé à son Église.

V. LE GRAND SOUVERAIN SACRIFICATEUR

« Mais Jésus disait : Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. » (Luc XXIII, 34.) Les circonstances et le moment où cette parole a été prononcée, ajoutent encore à sa beauté divine, à son élévation céleste. La crucifixion est terminée. Le sang de Christ se répand à flots. Pas un mot de sympathie ou de compassion, pas une protestation ne s'est élevée du milieu de la foule. Tout au contraire. Les insultes, les moqueries, les blasphèmes éclatent de toute part.

Quelles peuvent bien être les pensées du Seigneur en présence de cette rage infernale ? Les sévères jugements de Dieu lui viennent-ils à la mémoire ? Se souvient-il de Corée, qui, s'étant soulevé contre Moïse et Aaron, fut englouti tout vivant par la terre s'ouvrant pour le recevoir ? (Nombr. XVI.) Il y avait ici plus que Moïse et Aaron. Pense-t-il au roi impie qui avait envoyé des capitaines pour se saisir du prophète Elie et le faire périr et dont le feu consuma les messagers ? (2 Rois 1, 9-12.) Il y avait ici plus qu'Elie.

« Père, pardonne-leur. » Cette prière manifeste une fois de plus la grandeur et la compassion infinie de Christ. Non seulement il n'appelle pas le courroux de Dieu sur ses ennemis, mais il l'éloigne, le désarme et il intercède en leur faveur. On pourrait dire que cette mansuétude est plus que divine, si ce n'était pas précisément la nature divine du Sauveur qui s'y révélé à nous « pleine de grâce et de vérité. » (Jean I, 14.) Tout, dans la vie du Seigneur, est glorieux et divin, ses enseignements, ses miracles ; mais pour le bien connaître, il faut le contempler sur la croix. Sa prière n'est pas seulement la sainte conclusion d'une vie d'amour ; elle est en même temps un symbole, le commencement de son office de souverain Sacrificateur. Elle nous donne un aperçu de son activité au sein de la gloire, de l'oeuvre qu'il poursuit en faveur de tous les hommes, de ses ennemis mêmes. C'est grâce à son intercession qu'ils vivent, que nous vivons tous.

Le Seigneur ne pouvait intercéder pour eux et désarmer le bras de la justice divine, qu'après avoir pardonné complètement et parfaitement à ses ennemis. Sans doute il ressentait profondément les insultes dont les hommes accablaient son agonie. Mais nulle ombre d'amertume, d'irritation, de désir de vengeance n'effleurait sa pensée. La compassion, le pardon, la prière d'intercession, voilà ce que renfermait son coeur, un coeur véritablement grand et incomparable. Lui seul pouvait réclamer de Dieu le pardon pour le plus grand péché qui ait jamais été commis, parce que, sur la croix, il expiait tous les péchés du monde. Ne semble-t-il pas que l'on entende retentir de nouveau cette parole venant du ciel : « C'est ici mon Fils bien-aimé. » ?

La prière d'intercession d'hommes pieux, tels que Abraham, Moïse, Étienne, ne se peuvent comparer à celle de Jésus. Abraham et Moïse sont grands devant le Seigneur et nul homme ne les a égalés ; mais ils n'ont pas eu à supporter de pareilles épreuves. La mort d'Étienne est saisissante, mais c'est l'esprit de Christ, l'espérance de Christ, qui lui donnent la force de pardonner. Étienne « voit le ciel ouvert » (Act. VII, 56) ; pour Jésus il est fermé. Étienne meurt pour son Maître ; le Seigneur meurt pour les péchés du monde. La mort d'Étienne est paisible, joyeuse ; celle de Jésus est ténèbres, condamnation, jugement. Sans le Sauveur, il n'y aurait jamais eu d'Étienne. C'est en nous réconciliant avec Dieu par sa mort, que Christ nous a acquis la force de lui devenir semblable dans la mort.

Le jour de la Pentecôte, Pierre et les autres apôtres, ont recueilli les fruits de la prière d'intercession du Seigneur, lorsque des milliers d'Israélites, « touchés de componction en leur coeur, s'écrièrent : Hommes frères, que ferons-nous ? » (Act. II, 37.) Aujourd'hui encore, il est plus d'un moqueur de la prédication de la croix, pour lequel le Seigneur intercède et réclame un nouveau délai de grâce. C'est qu'il voit d'avance le moment où le moqueur, renonçant à son mauvais train de vie, s'humiliera et se prosternera devant son Sauveur et son Maître. C'est l'histoire des hommes les plus remarquables de l'Eglise chrétienne, à commencer par l'apôtre Paul. Là prière du Seigneur pour ses ennemis est sa plus grande victoire ; sa patience est leur salut.

Le Seigneur appuie sa demande sur ce motif : « Ils ne savent ce qu'ils font. » (Luc XXIII, 34.)
« Je sais que vous avez agi par ignorance, aussi bien que vos chefs » (Act. III, 17), dit saint Pierre, et saint Paul : « S'ils avaient connu la sagesse de Dieu, ils n'auraient point crucifié le Seigneur de gloire. » (I Cor. II, 8.) Il est positif que l'ignorance est, jusqu'à un certain point, à la base de toutes nos transgressions. Si nous nous rendions parfaitement compte de la haine que le Dieu saint ressent contre le péché et de la récompense qui attend le fidèle lutteur, notre conduite serait certainement tout autre. Nous savons ces choses, nous en sommes convaincus, puis elles nous échappent au moment où nous en aurions le plus urgent besoin.

Le Psalmiste confessait ses fautes d'ignorance :
« Ne te souviens point des péchés de ma jeunesse, ni de mes transgressions. » (Ps. XXV, 7.) « Pardonne-moi mes fautes cachées. » (Ps. XIX, 12.) « Tu connais ma folie, et mes fautes ne te sont point cachées. » (Ps. LXIX, 6.) Souvent on traîne avec soi toute sa vie de vieux défauts, de mauvaises habitudes, sans réfléchir que, si les hommes ne les remarquent pas, elles déplaisent à Dieu. Pour ne citer qu'un exemple, combien de personnes ont la coupable habitude de prendre le nom de Dieu en vain, même après leur conversion.

Cependant l'intercession du Seigneur a ses limites. « Si nous péchons volontairement, après avoir reçu la connaissance de la vérité, il ne reste plus de sacrifice pour les péchés, mais une terrible attente du jugement et un feu ardent, qui doit détruire les adversaires. » (Hébr. X, 26, 27.) S'il est des hommes qui font le mal, tout en sachant parfaitement ce qu'ils font, il n'y a pas d'espoir de pardon pour eux ; car ils ne sont plus capables de repentir. Pour une grande partie des Juifs, la requête du Seigneur est demeurée sans effet. Leur opposition fut tout aussi vive, lors des premières prédications des apôtres, que pendant la vie du Seigneur. Il est impossible qu'un homme soit convaincu de la vérité de l'Évangile et qu'en même temps, il fasse opposition au Sauveur et à son règne.

« Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent ; faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous outragent et qui vous persécutent » (Matth. V, 44), dit le Seigneur. Saint Pierre ajoute : « Christ a souffert pour vous, VOUS laissant un exemple afin que vous suiviez ses traces - lui qui, outragé, ne rendait point d'outrage, et maltraité, ne faisait point de menaces, mais s'en remettait à Celui qui juge justement. » (I Pier. II, 21, 23.)

Le motif sur lequel le Seigneur appuie sa prière : « ils ne savent ce qu'ils font », doit nous rendre le pardon plus aisé, quand il s'agit de blessures faites à notre amour-propre ou à notre personnalité. Cherchons à voir les circonstances atténuantes pour ce qui concerne notre prochain ; si nous nous mettons à sa place, si nous nous rendons compte de ses tentations, de ses difficultés, de l'éducation qu'il a reçue, alors nous ne le jugerons plus aussi sévèrement et nous apprendrons à prier pour lui.


Table des matières

Page précédente:
VOILA L'HOMME (suite - LE ROI HÉRODE)
Page suivante:
GOLGOTHA (suite - LES DEUX BRIGANDS)
 

- haut de page -