Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Ton Dieu règne



La visite du Seigneur

Les enfants d'Israël firent ce qui déplaît à l'Éternel ; et l'Éternel les livra entre les mains de Madian, pendant sept ans. La main de Madian fut puissante contre Israël. Par crainte de Madian les enfants d'Israël se retiraient dans les ravins des montagnes, dans les cavernes et sur les rochers fortifiés. Quand Israël avait semé, Madian montait avec Amaleck et les fils de l'Orient, et ils marchaient contre lui. Ils campaient en face de lui, détruisaient les productions du pays jusque vers Gaza, et ne laissaient en Israël ni vivres, ni brebis, ni boeufs, ni ânes. Car ils montaient avec leurs troupeaux et leurs tentes, ils arrivaient comme une multitude de sauterelles, ils étaient innombrables, eux et leurs chameaux, et ils venaient dans le pays pour le ravager. Israël fut très malheureux à cause de Madian et les enfants d'Israël crièrent à l'Éternel.

Lorsque les enfants d'Israël crièrent à l'Éternel à cause de Madian, l'Éternel envoya un prophète aux enfants d'Israël. Il leur dit : Ainsi parle l'Éternel, le Dieu d'Israël : Je vous ai fait monter d'Egypte, et je vous ai fait sortir de la maison de servitude. Je vous ai délivrés de la main des Égyptiens et de la main de tous ceux qui vous opprimaient ; je les ai chassés devant vous, et je vous ai donné leur pays. Je vous ai dit : Je suis l'Éternel, votre Dieu, vous ne craindrez point les dieux des Amoréens dans le pays desquels vous habitez. Mais vous n'avez point écouté ma voix.

Puis vint l'ange de l'Éternel, et il s'assit sous le térébinthe d'Ophra, qui appartenait à Joas, de la famille d'Abiézer. Gédéon, son fils, battait du froment au pressoir, pour le mettre à l'abri de Madian. L'ange de l'Éternel lui apparut et lui dit : L'Éternel est avec toi, vaillant héros ! Gédéon lui dit : Ah ! mon seigneur, si l'Éternel est avec nous, pourquoi toutes ces choses nous sont-elles arrivées ? Et où sont tous ces prodiges que nos pères nous racontent quand ils disent l'Éternel ne nous a-t-il pas fait monter hors d'Égypte ? Maintenant l'Éternel nous abandonne et il nous livre entre les mains de Madian ? L'Éternel se tourna vers lui et dit : Va avec cette force que tu as, et délivre Israël de la main de Madian, n'est-ce pas moi qui t'envoie ? Gédéon lui dit : Ah ! mon seigneur, avec quoi délivrerai-je Israël ? Voici, ma famille est la plus pauvre en Manassé et je suis le plus petit dans la maison de mon père. L'Éternel lui dit : Mais je serai avec toi, et tu battras Madian comme un seul homme. Gédéon lui dit : Si j'ai trouvé grâce à tes yeux donne-moi un signe pour montrer que c'est toi qui me parles. Ne t'éloigne point d'ici jusqu'à ce que je revienne auprès de toi, que j'apporte mon offrande et que je la dépose devant toi. Et l'Éternel dit : Je resterai jusqu'à ce que tu reviennes.

Gédéon entra, prépara un chevreau et fit avec un épha de farine des pains sans levain. Il mit la chair dans un panier et le jus dans un pot, les lui apporta sous le térébinthe, et les présenta. L'ange de Dieu lui dit : Prends la chair et les pains sans levain, pose-les sur ce rocher et répands le jus. Et il fit ainsi. L'ange de l'Éternel avança l'extrémité du bâton qu'il avait à la main et toucha les pains sans levain. Alors il s'éleva du rocher un feu qui consuma la chair et les pains sans levain. Et l'ange de l'Éternel disparut à ses yeux. Gédéon, voyant que c'était l'ange de l'Éternel dit : Malheur à moi, Seigneur Éternel ! Car j'ai vu l'ange de l'Éternel face à face. Et l'Éternel lui dit : Sois en paix, ne crains point, tu ne mourras point. Gédéon bâtit là un autel à l'Éternel et lui donna pour nom : L'Éternel, le Dieu de paix ; il existe encore aujourd'hui à Ophra qui appartient à la famille d'Abiézer.
Juges 6. 1-24

La détresse de l'Eglise était grande au temps de Gédéon. Malgré les recommandations de Moïse et de Josué, le peuple de Dieu avait écouté d'autres voix que celle de l'Éternel. Au lieu de les combattre et de les détruire par la Parole de Dieu, voilà qu'Israël s'était mis à respecter, puis même à pratiquer les religions du pays où Dieu l'avait fait entrer. Cela s'était fait sans doute insensiblement, sans même qu'on y prît garde. Peu à peu les dieux du jour et les cultes à la mode s'étaient emparés des esprits. On n'en croyait pas moins demeurer fidèle à l'Éternel. Nul doute qu'Israël était persuadé de croire encore en Dieu, seulement il se disait qu'il fallait respecter toutes les opinions pourvu qu'elles fussent sincères. Ainsi l'Eglise quand elle a perdu la foi en vient à faire de l'idolâtrie, qui empoisonne le monde une opinion respectable ; puis elle finit par épouser elle-même cette idolâtrie et par mélanger la crainte de l'Éternel avec la crainte des autres dieux. Oh ! il est certain qu'on racontait aux enfants (et les paroles de Gédéon tout à l'heure le prouveront) la sortie d'Égypte, la prise de Jéricho, l'alliance du Sinaï, toutes les merveilles que Dieu avait déployées pour son peuple. Mais quoi ? c'était de grandes choses qui s'étaient passées il y a plusieurs siècles. De belles histoires mortes. On se disait : « Maintenant Dieu n'agit plus de cette façon, c'était bon pour autrefois. » On croyait bien encore à ces grands événements de l'histoire de l'Eglise, on célébrait, chaque année, le jour de Pâques, la sortie d'Égypte, on célébrait le Jubilé de la Réformation. Mais on ne croyait plus à la présence du Sauveur. On ne croyait plus à l'actualité de sa délivrance. Et l'on était bien empêché d'y croire, puisque l'on croyait à d'autres présences, à d'autres Sauveurs, à d'autres puissances que celle de l'Éternel. Puisque l'on réglait sa vie sur l'opinion publique et non plus sur la loi de Dieu, puisque l'on attendait quelque chose des Baals et des Astartés, que pouvait-on attendre encore de l'Éternel ?

Aussi l'Éternel s'était retiré et avait livré l'Eglise aux puissances étrangères qu'elle voulait servir : elle voulait servir l'État, il la livre à l'État, elle attendait quelque chose de Mammon, il la livre à Mammon. Elle veut se conformer à l'opinion publique : alors il ne lui laisse dire que ce que tout le monde sait déjà, elle n'est plus qu'un écho des besoins du jour. Ces puissances étrangères peu à peu s'emparent de l'Eglise et l'anéantissent. Ainsi les pillards madianites venaient chaque année dévaster la Terre Sainte, et réduire Israël à la dernière extrémité.

Heureusement, oui heureusement, que les compromis de l'Eglise ne lui procurent qu'un succès temporaire et très vite, se retournent contre elle, et qu'alors sa détresse lui devient si sensible qu'elle peut enfin oublier les illusions en qui elle s'était complu, pour invoquer l'Éternel à grands cris, pour appeler l'Éternel seul à son secours.

Et l'Éternel peut alors aussi montrer qu'il est le même Sauveur de l'Eglise, hier, aujourd'hui, éternellement. Les Madianites en réduisant son peuple à la dernière extrémité ont préparé ses voies ; sa colère aplanit le sentier de sa miséricorde. Il peut agir, intervenir maintenant par sa grâce souveraine et descendre visiter son peuple.

Dieu choisit Gédéon pour se faire connaître à lui et en faire l'instrument de sa délivrance. Alors s'accomplit le miracle de la Révélation, l'incarnation. Un homme vient s'asseoir sous le térébinthe d'Ophra près duquel Gédéon battait son blé. Cet homme que l'Ancien Testament appelle l'ange de l'Éternel, c'est celui avec lequel Jacob a lutté toute la nuit. C'est celui qu'Abraham, Moïse, Josué, ont rencontré, c'est celui qui naîtra dans une écurie et qui mourra sur une croix. Cet homme, c'est Dieu sur la terre, c'est Jésus-Christ. Et voici qu'il adresse la parole à Gédéon et le salue d'une façon singulière : « Vaillant guerrier, l'Éternel est avec toi. » Cet homme a, seul au monde, le droit de saluer ainsi. Il ne le fait pas parce que Gédéon a quelques qualités extraordinaires en lui, ou parce qu'il est un homme pieux. Il lui dit : « L'Éternel est avec toi » parce que lui qui parle à Gédéon est lui-même « l'Éternel avec Gédéon ». C'est par le seul fait que Jésus-Christ nous parle que l'Éternel est avec nous. En saluant ainsi Gédéon cet homme s'annonce. Il ne constate pas quelque chose qui existait avant son arrivée, il se présente comme l'Éternel.
Mais Gédéon ne le comprend pas tout de suite. Il ne sait pas que l'Éternel lui-même est en effet avec lui dès l'instant où cet homme lui adresse la parole. Il prend cette bonne nouvelle pour une salutation ordinaire, une formule de politesse et il réplique amèrement : « Si l'Éternel est avec nous, pourquoi ces choses nous sont-elles arrivées ? » Pourquoi son Église est-elle dans un état si pitoyable, pourquoi les puissances du monde dominent-elles sur elle ? Où sont les merveilles d'autrefois qu'on nous raconte ? Où sont les temps héroïques de la Réforme où la Parole de Dieu renversait les murailles et bouleversait l'idolâtrie ? Où donc est la main puissante de l'Éternel qui nous conduisait, maintenant que la main des Madianites est sur nous, maintenant que nous ne sommes plus là qu'une poignée de protestants à avoir honte de l'Évangile ? Où sont ces martyrs, ces témoins de la présence divine ? Certes, Gédéon a raison de protester, il a raison de constater et de confesser que son peuple est abandonné de l'Éternel, et c'est même la salutation de l'ange qui l'oblige à s'en rendre compte.

Alors l'Éternel ne le laisse pas se lamenter plus longtemps. Il reprend la Parole : « Où sont les temps de Moïse et de Calvin ? Où sont les merveilles d'autrefois ? Elles ne sont plus derrière toi. Elles sont devant toi. Le temps de délivrer l'Eglise est là pour toi, maintenant. Va, avec la force que tu as. Va tel que tu es. Et délivre Israël. » Gédéon attendait sans doute, comme nous tous, une de ces délivrances qui tombent du ciel, je ne sais quelle transformation automatique de sa misère en prospérité. Mais Dieu lui dit : « Tu attends ma délivrance. Eh bien va ! Délivre mon peuple ! N'est-ce pas moi qui t'envoie ? Je mets dans ta main et dans ta bouche ma délivrance. » Mais Gédéon n'a pas encore compris ceci que depuis que cet homme lui parle l'Éternel est avec lui. Il ne sait pas encore qu'il a le Sauveur en personne sous les yeux. Et il reprend : « Mais avec quoi délivrerai-je l'Eglise ? Je n'ai rien pour cela. Je ne suis rien dans mon peuple et dans ma famille. »
« Parce que je serai avec toi, tu battras les Madianites comme un seul homme. »

Nous voudrions toujours autre chose que Dieu pour triompher, nous répondons que nous sommes trop faibles, que nous ne pouvons pas, sans voir qu'avec ces excuses, c'est justement sur nous-mêmes que nous comptons, et que nos protestations d'incapacité sont encore un dernier acte d'orgueil, une dernière façon de compter avec nous-mêmes. Jamais Dieu ne nous demande quoi que ce soit sans nous faire en même temps cette promesse : « Je serai avec toi » ; et cette parole est la seule possibilité pour qui que ce soit d'accomplir la volonté de Dieu. Mais c'est une possibilité suffisante parce que tout est possible à Dieu, parce que « je puis, tout par celui qui me fortifie ». Je suis avec toi, dit l'homme à Gédéon. Ce même homme dira plus tard à ses apôtres : « Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. » Toute la puissance du monde, des idoles, de l'Égypte, de Rome et des Madianites, de l'opinion publique et de Mammon est vaincue par la réalité de cette seule parole : Emmanuel ! Dieu avec nous ! Il n'y a donc plus à chercher d'autres forces. Il n'y a plus à s'occuper de ce que nous sommes et de ce que nous pouvons ou non. Va avec la force que tu as! Il n'y a pas ici pour Gédéon d'échelon à gravir, de progrès à faire, de force à prendre. La force que nous avons, notre force d'homme pécheur et sans force, est à chaque instant où Il le veut, le commande et le promet, la force même du Roi des rois. Nous n'aurons jamais à nous que notre force, une force parfaitement inefficace. Mais quand Dieu dit : « C'est moi qui t'envoie », il se tient alors avec notre force, il en fait ce qu'il veut. Il n'est poux nous comme pour Gédéon, ni progrès, ni stade préparatoire, ni ascension spirituelle. Il y a seulement que l'Éternel est ou n'est pas avec la force que nous avons. « Je serai avec toi. N'est-ce pas moi qui t'envoie ? »

Mais Gédéon n'est pas tout à fait sûr encore. Il entend bien que « jamais homme n'a parlé comme cet homme. » Mais il n'est pas sûr que c'est vraiment l'Éternel qui lui parle. Comment croire d'emblée, comment croire sans passer par une singulière angoisse qu'un homme assis sous un térébinthe soit l'Éternel, le Créateur Tout-Puissant ? C'est pourquoi Gédéon demande un signe, une preuve que cet homme est bien l'Éternel.
« Donne-moi la preuve que c'est toi qui me parles. » Parce que la demande de Gédéon signifie : « Je crois, Seigneur, viens en aide à mon incrédulité » et non pas : « Si tu es le Fils de Dieu descends de la croix afin que nous voyions et que nous croyions », l'Éternel dans sa bonté accorde un signe. Quand Gédéon lui présente, l'offrande qu'il est allé préparer, l'ange touche la viande et le gâteau, le feu les consume, et à ce moment même l'ange de l'Éternel disparaît aux yeux de Gédéon comme il disparaîtra aux yeux des pèlerins d'Emmaüs au moment de rompre le pain. Il disparaît à l'instant où il se fait reconnaître afin que sa gloire ne nous réduise pas en poussière. Ainsi dans le temps d'un éclair, dans le feu qui a consumé le sacrifice, Gédéon a vu la gloire du Ressuscité, l'incompréhensible gloire du Dieu vivant. Il sait maintenant que cet homme avec lequel il a causé tout à l'heure, c'est le Seigneur, le Roi des rois ; il change de ton, il ne discute plus, mais s'écrie : « Malheur à moi, Seigneur Éternel, car j'ai vu l'ange de l'Éternel face à face. »

Dans son incertitude, Gédéon était tranquille. Mais voici qu'au moment où Dieu lui donne la certitude de sa présence, il tombe dans l'épouvante, et la mort vient sur lui. Nous voudrions tous voir Dieu et nous réclamons des signes sans savoir ce que nous faisons, et nous ne comprenons pas que c'est pour nous épargner l'épouvante et la mort que Dieu vient à nous sous l'aspect misérable et quelconque du charpentier de Nazareth, de cet homme qui s'assied sous un térébinthe et qui mange à notre table. Nous nous plaignons du manque d'évidence de la Révélation, et nous ne voyous pas que l'obscurité et l'anéantissement du Crucifié sont la seule possibilité pour le Dieu saint de parvenir jusqu'à nous sans faire notre malheur.
Oui, Gédéon s'écroule maintenant privé d'appui, devant celui que nul ne peut voir sans mourir. Mais l'Éternel qui heureusement a suspendu le signe et s'est effacé à ses regards lui rappelle qu'il est le Dieu miséricordieux et prononce les paroles de Noël : « Ne crains point. Tu ne mourras point ! »

Alors Gédéon bâtit un autel et l'appela l'Éternel, le Dieu de paix ! Le Dieu de paix qui disait à Gédéon. « Tu battras les Madianites comme un seul homme. » Oui. Parce qu'il n'y a de paix que quand toutes les puissances de la terre sont réduites à la puissance de Dieu. Il n'y a de paix que le jour où toutes les pensées sont captives de Jésus-Christ. C'est bien le Dieu de paix, le Prince de la paix qui envoie Gédéon délivrer l'Eglise, renverser les idoles et battre les Madianites. C'est aussi le Prince de la paix qui disait à ses disciples : « Je ne suis pas venu apporter la paix mais l'épée. » Car la Parole de Dieu est une épée à deux tranchants, et il n'y a point de paix dans le monde, et il n'y a point de paix dans nos vies, ni dans notre coeur avant que l'épée du Dieu de paix nous ait transpercés nous-mêmes, et avant que l'épée du Dieu de paix n'ait dépouillé les dominations et les puissances. Gédéon sait maintenant que la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence n'existe que dans la victoire sur le monde et que le Dieu de paix, c'est celui qui a vaincu le monde, c'est celui qui délivre Israël de la main des Madianites et qui dit : « Ne crains point, tu ne mourras point. Celui qui vit et croit en moi ne mourra jamais. » Il n'y a pas de paix pour qui traite avec Baal, avec les Madianites et avec la mort. La paix de Dieu est sur les champs de bataille où gisent anéantis le monde et les religions, le péché et la mort. Amen.



L'Intercession

Sur les murailles, Jérusalem, j'ai placé des sentinelles ; ni le jour, ni la nuit, jamais elles ne se tairont. 0 vous qui faites appel au souvenir de l'Éternel, ne prenez aucun repos. Ne lui laissez point de repos jusqu'à ce qu'il ait rétabli Jérusalem et qu'il en ait fait la gloire de toute la terre.
Esaïe 62. 6-7

C'est un rempart que notre Dieu ! Oui certes, la promesse que Dieu fait à son Église, que sa lumière et sa justice un jour éclateront sur toute la terre, cette promesse est l'invincible muraille qui garde Jérusalem contre tous les désespoirs, toutes les tentations et tous les déchaînements du monde. Nous sommes membres de l'Eglise du Christ, cela veut dire que nous habitons la cité à laquelle Dieu a déclaré : « Je me souviendrai de toi, je reviendrai vers toi, je te sauverai moi-même. Comme la fiancée fait la joie de son époux, tu feras la joie de ton Dieu. Souviens-toi seulement de ma promesse et attends-moi. » Pour le peuple qui la reçoit, cette promesse est un rempart absolument inébranlable mais non pas, prenons-y garde, le rempart de sa sécurité et de son sommeil. Ce n'est pas un rempart derrière lequel on s'endort et se repose. Et ceux qui font de la Parole de Dieu le refuge douillet de leur spiritualité s'exposent à un mauvais réveil. Ceux pour qui la Parole de Dieu est vraiment une muraille, ceux là sont postés dessus et non dormant derrière. Ceux-là crient et ne se taisent point. Ceux-là protestent et ne consentent pas.

Les hommes auxquels le Dieu trois fois saint a déclaré : « Je me souviendrai de toi », sont entraînés dans une singulière aventure. Par la puissance de cette promesse, par cette Parole qui les tient, ils sont postés aux frontières de l'Histoire, aux frontières du Monde. Ils sont devenus les sentinelles de l'Éternité, dans un monde qui semble bien avoir été à jamais oublié par l'Éternel. Ils font appel au souvenir de l'Éternel. Le Monde dort profondément, le monde souffre, le monde meurt derrière cette muraille ; mais les sentinelles guettent, elles appellent, elles se passent l'une à l'autre le mot d'ordre, elles se rappellent l'une à l'autre la promesse. « Ni le jour, ni la nuit, jamais elles ne se tairont. »
Ni le jour, ni la nuit, ni pendant la paix, ni pendant la guerre, ni durant les périodes de prospérité, ni durant celles de misères, ni dans le temps de la joie, ni dans le temps de l'épreuve. Jour et nuit, les sentinelles crient. Elles ont à crier de deux côtés, elles ont à combattre de deux côtés. Elles ont à se tourner vers les hommes pour leur parler de Celui qui vient, pour leur dire la Parole de Dieu : « Fils de l'Homme, dit Esaïe, je t'ai établi pour servir de sentinelle à la Maison d'Israël ; écoute la Parole de ma bouche et avertis les Israélites de ma part ! » Il y a ce combat-là pour les sentinelles, ce combat livré au sommeil des hommes, à leur sécurité, à leur injustice, au nom du Soleil de Justice qui va se lever bientôt. Nous aurons certes l'occasion de revenir sur ce côté de la bataille. Mais il n'est pas question de lui dans notre texte. Il est question de l'autre côté seulement, de l'autre front. Les sentinelles crient, mais c'est vers Dieu. Elles sont tournées vers le jour qui se lève. Elles combattent, mais c'est avec celui qui tarde à venir et laisse encore son peuple dans la détresse.

Certes l'Eglise est là pour empêcher les hommes de se reposer dans leur égoïsme, dans leurs turpitudes, dans leurs armistices. Mais elle est là tout autant pour empêcher Dieu de se reposer, de se retirer du monde, et de l'abandonner à son mensonge, à ses illusions, à ses violences. L'Eglise est là pour se battre contre le Monde, certes, mais tout autant pour se battre contre Dieu. Elle est là pour arracher les hommes à leur sommeil, mais tout autant pour arracher Dieu à son sommeil, et le sommeil de Dieu, c'est sa colère ; c'est Dieu qui, dégoûté de nous, écoeuré de notre infamie, s'est détourné de nous et a cessé de s'occuper des affaires de ce monde. Oui, nous avons continuellement cette bataille à livrer, nous ne pouvons cesser d'être aux prises avec la juste colère de Dieu, ou alors nous sommes morts, nous sommes tombés dans le repos du monde. Ne prenez aucun repos ; ne laissez à l'Éternel aucun repos. Cette bataille porte un nom, elle s'appelle l'intercession. C'est la bataille par excellence que Jésus est venu livrer et ne cesse de livrer pour nous devant la face de son Père. C'est la bataille qu'en Lui nous ne pourrons cesser de livrer nous-mêmes. Une Église qui intercède, c'est une Église aux prises avec son Seigneur, c'est une Église qui garde le contact, qui ne laisse pas Dieu se retirer : « Je ne te laisserai pas aller que tu ne m'aies béni », dit Jacob.

Mais que demandent au juste les sentinelles dans leur intercession ? « Ne lui laissez pas de repos jusqu'à ce qu'il ait fait de Jérusalem, la gloire de toute la terre ! » Qu'est-ce que cela veut dire Jérusalem, c'est l'Eglise. L'Eglise doit-elle vraiment demander cela ? N'est-ce par, d'une singulière présomption ? Évidemment, si nous n'avions pas compris d'où vient la gloire de l'Eglise et dans quel sens Dieu lui promet d'être la lumière du monde. Cette prière serait un comble d'orgueil s'il s'agissait tant soit peu d'une gloire venant de nous, et d'un rôle que nous aurions à jouer. Mais Jérusalem n'a pas d'autre lumière que celle de Jésus-Christ, pas d'autre justice que celle de Jésus-Christ, pas d'autre miséricorde que celle de Jésus-Christ. Demander que Jérusalem soit faite la Gloire de toute la Terre, c'est demander que Jésus-Christ soit glorifié sur toute la Terre, que sa grâce et sa justice soient connues, que toute la terre se soumette à sa volonté, et pas autre chose. L'Eglise n'est que la messagère, le support de cette lumière ; aussi une telle demande, loin d'être présomptueuse, est au contraire la demande de l'humilité et de la charité. Car pour intercéder ainsi il faut que l'Eglise ait compris qu'elle n'est pas là pour elle-même, mais pour la Terre entière ; qu'elle n'a droit à aucun repos avant que la terre entière soit entrée dans le repos de Dieu et soit soumise à Jésus-Christ. Cette lumière s'éteint quand elle veut la garder pour elle.

Ce sont là des paroles dures pour nous tous, et terribles, car nous sommes des paresseux qui ne songeons qu'à nous asseoir dans notre foi, à nous cantonner dans notre obéissance, à nous sentir bien à l'abri dans les murailles de Jérusalem, à chanter la justice de Jésus-Christ cependant que l'injustice se déchaîne au dehors, et à remercier Dieu de ce que nous ne sommes pas comme le reste de la Terre. Mais le prophète nous dit : « Point de repos avant que tout soit accompli. » Point de repos, ni pour toi, ni pour ton Dieu avant que Jésus-Christ ne gouverne toutes les nations.

Point de repos avant que toute larme ne soit séchée, que toute faim ne soit apaisée, que toute oppression ne soit ôtée, que tout orgueil ne soit détruit. Point de repos avant que la gloire de Jésus-Christ ne se dresse seule, incomparable, éternelle sur la poussière de nos idoles et de nos succès. Une foi qui consentirait à l'incrédulité des autres, ne serait plus la foi chrétienne. Une obéissance qui consentirait à la désobéissance des autres ne serait plus l'obéissance chrétienne. Une justice qui consentirait à l'injustice ne serait plus la justice de Jésus-Christ, la justice des justifiés. Renoncer à Jésus-Christ pour les autres, c'est y renoncer pour nous-mêmes.

Dès que nous prenons notre parti d'un mal qui se commet, dès que nous consentons à la raison du plus fort et à la détresse des plus faibles, dès que nous acceptons une paix fondée sur la violence ou un ordre social basé sur Mammon, ou sur l'oppression, ou sur la délation, nous prenons le repos défendu et nous laissons à Dieu le repos défendu, le repos que Satan souhaite, car un condamné ne souhaite qu'une chose, c'est que le juge prenne des vacances. Pendant que l'Eglise se repose et pendant que Dieu se repose, le Malin s'en donne à coeur joie et ravage la Création. Non, un croyant, une sentinelle ne peut pas prendre son parti de l'iniquité du monde et l'abandonner à la colère de Dieu, c'est-à-dire l'abandonner à son propre péché, l'abandonner au Malin. C'est pourquoi il ne renonce pas à la grâce de Dieu pour le Monde, il ne renonce pas à la vérité pour qui que ce soit et dans aucun domaine. Et pourtant le Malin le pousse sans cesse à y renoncer. Il tourne autour de lui en lui répétant : « Occupe-toi du salut de ton âme : c'est ton affaire. Quant à la politique, aux choses de la Terre, c'est mon affaire. Les journaux c'est mon affaire. L'honneur du pays, je sais mieux que toi ce que c'est. Il y a cent feuilles qui distillent le mensonge et la calomnie et empoisonnent l'âme de ce peuple, dis-tu. Qu'est-ce que cela peut te faire ? Cela ne t'empêchera pas de sauver ton âme, occupe-toi de tes affaires et laisse-moi la paix ! Ici la Parole de Dieu, la gloire de Jérusalem, ici la Vérité et la Justice de Jésus-Christ ne passent pas ! » - Mais intercéder, c'est supplier Dieu que sa lumière passe partout.

Je pense à cet ecclésiastique qui, il y a quelques mois, venait de prendre une décision politique grave et à qui l'on demandait : « Mais, monsieur, et la foi chrétienne là dedans ? » et qui répondait naïvement : « Eh, mon pauvre ami, ce n'est pas le moment d'y penser ! » Le brave homme allait sans doute le lendemain au culte ou à la messe pour essayer de sauver son âme, car c'était alors le moment d'y penser (1).

Occupe-toi du salut de ton âme !
C'est un conseil que le Diable nous donne assez volontiers pour se débarrasser des chrétiens qui pourraient le gêner. Trouvez-vous que les prophètes, les apôtres, les Réformateurs s'occupent du salut de leur âme ? Pas le moins du monde. Ils ne s'occupent que d'une chose : faire de Jésus-Christ la gloire de toute la terre, la lumière de tous les moments des hommes. Par leur témoignage et par leur intercession, ils sont les sentinelles de Jérusalem, qui crient nuit et jour sur les remparts de la ville, et il n'y a point de repos pour eux, ni pour vous, ni pour Dieu, et il n'y a point de salut pour eux, ni poux nous, tant que la gloire de la Ville sainte n'a pas éclairé toutes les nations et renversé toutes les frontières que le Diable veut installer. Il n'y a ni repos ni salut jusqu'à ce que vienne le Seigneur pour prendre en mains le gouvernement du monde et faire de Jérusalem la gloire de toute la Terre. L'exaucement d'une telle prière et sa fin ne sauraient être autre chose que le retour de Jésus-Christ.

La grande tentation pour l'Eglise, c'est de se replier sur elle-même pour avoir la paix et prendre du repos, oubliant peu à peu l'indicible souffrance du monde qui oublie Dieu et que Dieu oublie. Aussi rien ne nous est plus salutaire qu'une vibrante intercession. Pour bien la faire, nous devons vraiment sortir de nous-mêmes, vouloir le salut du monde et intervenir en sa faveur auprès de Dieu. L'intercession, c'est l'acte de résistance absolue à la forme mauvaise de ce monde, et l'acte d'amour absolu pour ce monde que l'on veut arracher à la puissance des ténèbres, et dont on sait qu'il lui manque une seule chose, c'est de laisser tout pour suivre Jésus-Christ.

Oui, la tentation est forte de nous replier sur nous-mêmes en nous disant que nous n'y pouvons rien, que nous n'avons qu'à laisser faire ! Nous pouvons toujours quelque chose. Nous pouvons toujours intercéder. Nous pouvons toujours parler de tout à Dieu, et faire appel à son souvenir, et arracher de ses mains son secours et son pardon et sa consolation pour tous ceux qui ne le connaissent pas. Nous sommes seuls à le pouvoir, et c'est pour cela que nous sommes dans l'Eglise. C'est pour cela que nous sommes des sentinelles sur les remparts de Jérusalem.

Ne prenez aucun repos ! Ne laissez pas de repos à Dieu jusqu'à ce que votre lumière soit celle de toute la terre, de tous les hommes sur la terre et de tous les moments des hommes sur la terre.


Table des matières

Page suivante:


1 Il s'agit de ceux qui votèrent « oui » à l'assemblée de Vichy en été 1940.

 

- haut de page -