Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Ton Dieu règne



La jalousie de Dieu

Le Seigneur ton Dieu est un feu consumant, un Dieu jaloux.
Deut. 4. 24

Un Dieu jaloux ! Quand nous entendons cette parole, nous la classons vite parmi les notions périmées que les Juifs avaient de Dieu. Nous n'en sommes plus là heureusement depuis Jésus-Christ ! Nous sommes maintenant délivrés de ce Dieu barbare de l'Ancien Testament. Quel chrétien aujourd'hui songe à la jalousie de Dieu pour la craindre ? C'est peut-être déjà le raisonnement que tenaient les croyants auxquels écrivait l'auteur de l'épître aux Hébreux, puisqu'il est obligé de leur rappeler : « Notre Dieu est aussi un feu consumant. » Notre Dieu est aussi jaloux que celui de Moïse. Le Père de notre Seigneur Jésus-Christ n'est pas un autre Dieu que celui du Sinaï. Jésus-Christ n'est pas plus disposé à nous partager avec un autre que Yaveh de donner sa gloire à une idole et de collaborer avec Baal. Non seulement la jalousie de Dieu n'est pas une notion juive abolie par la nouvelle alliance, mais c'est au contraire en Jésus-Christ que nous comprenons la réalité, le sens et le bienfait de cette jalousie. Le vrai Dieu jaloux, c'est celui-là même qui a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique.

Une remarque encore. Dans le langage courant, nous confondons souvent les mots de jalousie et d'envie. Nous disons d'une personne qu'elle est jalouse de sa voisine parce que cette voisine possède plus d'argent qu'elle. Or, c'est là un sentiment d'envie et nullement de jalousie. Et il va sans dire que la jalousie dont parle notre texte n'a jamais le sens d'envie, mais doit être comprise dans son sens le plus strict ; c'est le sentiment d'un homme pour la femme qu'il aime, quand cette femme appartient à un autre, ou partage son amour avec un autre.

Écoutons maintenant ce que signifie pour nous, dans notre vie, la jalousie de Dieu. Il n'y a guère dans la Bible d'expression plus littéralement saisissante et qui exprime mieux à elle seule toute l'attitude de Dieu à notre égard.
« Je t'ai aimée d'un amour éternel - Dieu a fait éclater son amour envers nous - Il nous a aimé le premier. » Ainsi, page après page, revient dans la Bible, la grande déclaration qui est le premier et le dernier mot de la Révélation, le fond de toutes choses, la raison dernière de notre existence et de notre salut : Dieu est amour. Il faut comprendre que cette déclaration est vraiment le premier et le dernier mot de la Bible. Quoi qu'elle nous dise, la Bible ne nous dit jamais rien d'autre que : Dieu est amour ; et elle n'a rien à nous annoncer de plus que l'amour de Dieu, c'est-à-dire de plus que Jésus-Christ. Seulement si la Bible ne nous dit que l'amour de Dieu, elle nous dit tout l'amour de Dieu, tous les aspects, toute la portée de cet amour. Et nous sommes si loin d'en savoir la gravité. Nous en avons fait, dans l'Eglise en particulier, je ne sais quelle réalité sirupeuse et adoucissante et quel refrain inopérant. Il est grand temps que nous prenions garde à ce que Moïse aujourd'hui nous déclare de cet amour.

« L'Éternel ton Dieu est un feu consumant, un Dieu jaloux. » Est-ce donc une autre parole que celle que le Seigneur adresse à Jérusalem. « Je t'ai aimée d'un amour éternel ? » Non pas. Ce ne sont pas là deux paroles, c'est la même parole. C'est l'autre aspect de la même Parole, l'envers du même message.

Qu'est-ce en effet que la jalousie ? Je ne puis la définir plus simplement que par l'exigence même de l'amour. Sans cette exigence, l'amour n'existe pas, l'amour n'est qu'indifférence. Un homme qui consent à ce que sa femme appartienne à un autre n'aime pas sa femme. S'il l'abandonne à un autre, s'il la partage, l'amour qu'il prétendait avoir pour elle n'était en réalité que de l'indifférence. C'est ainsi qu'une femme infidèle devra craindre son mari dans la mesure où elle se saura aimée par lui, alors qu'elle n'aura rien à craindre si elle se sait indifférente à son époux. C'est là ce que Moïse veut, aujourd'hui, nous rappeler : « Prenez garde, l'amour de Dieu est dangereux, parce qu'il est un véritable amour et non pas une indifférence, il est un amour éternel, insondable, absolu, et non pas une inclination passagère.

Le Seigneur ton Dieu est un Dieu jaloux, parce qu'il t'aime vraiment, parce qu'il est vraiment amour. » Ainsi la jalousie de Dieu (ou sa colère) n'est pas une restriction, une diminution de son amour, elle en est la réalité même. Parce qu'Il t'aime absolument, Dieu te veut absolument, Dieu t'exige exclusivement. Et c'est au contraire toute diminution de son exigence, tout apaisement de sa jalousie qui signifierait une diminution de son amour, toute restriction de la Loi qui serait une restriction de l'Évangile. Ici nous sommes vraiment au coeur de la Parole de Dieu, et nous comprenons pourquoi elle est toujours Loi en même temps qu'Évangile, volonté en même temps que don. Car, encore une fois (et je reviens toujours à cette image parce qu'elle est courante dans la Bible, et que personne ne peut dire qu'il ne la comprend pas), comment un homme peut-il aimer une femme et se donner à elle, sans vouloir cette femme, et sans la vouloir tout entière. Un véritable amour est celui qui donne tout, mais aussi demande tout, qui dit aussi bien : « Tu es à moi », que : « Je suis à toi » ! C'est ainsi que Dieu en nous donnant tout, en se donnant Lui-même (et c'est là Jésus-Christ, c'est là son amour, c'est là l'Évangile), Dieu nous demande tout, il nous veut nous-mêmes (et c'est là sa jalousie, c'est là sa Loi).

La Loi n'est donc pas autre chose que l'Évangile, pas plus que la jalousie n'est autre chose que l'amour. La Loi et l'Évangile sont liée comme la jalousie et l'amour. Cette Loi « Tu n'auras pas d'autres dieux » n'est que l'exigence de l'Évangile, la véritable signification de l'Évangile. Sans la Loi, l'Évangile n'est plus l'Évangile, de même que sans jalousie, sans exclusivisme, l'amour n'est plus l'amour. Parce que l'Évangile est absolu, la Loi est absolue. Parce qu'il n'y a dans l'amour de Dieu aucune réserve, aucun atome d'indifférence, parce qu'en Jésus-Christ, Dieu s'est donné Lui-même, comment supporterait-il de notre part la moindre réserve, comment ne nous demanderait-il pas nous-mêmes avec tout notre coeur, toute notre force et toute notre pensée ? À quoi d'ailleurs pouvons-nous reconnaître l'amour de Dieu, dans notre vie quotidienne, sinon à sa jalousie, sinon à ce qu'Il exige de nous à chaque instant ? « Le Saint-Esprit que Dieu a fait habiter en nous, nous réclame avec jalousie », dit l'apôtre Jacques. La mesure présente de son amour à chaque pas de ma journée, ce ne sont pas les belles idées que j'en puis avoir, c'est l'absolu de sa volonté, c'est cette réclamation jalouse du Saint-Esprit : « Soyez miséricordieux, comme je suis miséricordieux », « Aimez-vous comme je vous ai aimés ». La marque de la présence du Saint-Esprit dans notre vie, c'est notre soumission totale à la volonté de notre Sauveur, de sorte que son amour signifie pour nous actuellement la nécessité d'être coûte que coûte au rendez-vous qu'il nous assigne, la nécessité de le suivre quelles que soient nos autres occupations importantes, un boeuf à vendre, un voyage de noces à faire, un père à enterrer, un regard à jeter en arrière en tenant la charrue (vous connaissez la liste des excuses que donnent les invités au festin des noces). L'amour de Dieu ne tolère pas d'excuses, ne peut pas en tolérer ; car il ne serait plus alors qu'un demi-amour, il cesserait d'être l'amour éternel, l'amour absolu. C'est dans cette connaissance que Josué déclare au peuple d'Israël : « Vous n'aurez pas la force de servir le Seigneur, car c'est un Dieu jaloux », et que Paul demande aux Corinthiens :
« Voulons-nous provoquer la jalousie du Seigneur ? »

Si la jalousie est l'exigence de l'amour, il faut bien voir aussi qu'elle est le danger de l'amour, le risque de l'amour. L'amour ne serait plus l'amour, mais bien une contrainte automatique, s'il ne comportait pas ce risque, cette possibilité de perdre au lieu de sauver. Nous ne servirions pas par amour le Dieu d'amour si nous ne courions pas le risque à tout moment « d'enflammer sa jalousie », si nous n'en connaissions pas la menace. Les pierres et les plantes qui obéissent aux lois de la nature ne connaissent pas le risque de l'amour : ce sont des pierres et des plantes, mais le croyant, le nouvel homme créé en Jésus-Christ à l'image de Dieu, cet homme-là court en chacun de ses gestes le risque de l'amour, le risque définitif de la jalousie du Seigneur. Il n'y aurait pas de risque, si Dieu n'était pas amour ; il n'y aurait qu'à suivre le train de ce monde. Il n'y aurait jamais de décision à prendre, de choix qui nous engagerait. Tous les arrangements, toutes les excuses, tous les partages seraient possibles. Mais notre existence ne serait pas différente de celle d'une locomotive, ou d'une ardoise pour qui il n'y a évidemment pas de risque, pas de choix, pas d'enfer et pas de paradis.

L'amour de Dieu est un véritable risque. Cela veut dire qu'on ne plaisante pas avec lui, cela veut dire que cet amour si nous ne lui répondons pas, nous perd au lieu de nous sauver. II est inutile ici de chercher à se rassurer en se répétant que Dieu est amour, puisque justement là est le danger, le sérieux de notre situation. L'Écriture est formelle. L'Apocalypse parle de la colère de l'Agneau, de l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde, de l'Agneau qui est l'expression unique et parfaite de l'amour éternel de Dieu ; colère qui n'est donc pas autre chose que l'amour, mais qui est cet amour même pour celui qui s'y soustrait et demeure dans l'incrédulité. Il ne fait pas bon se tenir en dehors de l'amour de celui qui nous aime, car si l'amour de Dieu est à l'intérieur douceur et tendresse infinies, à l'extérieur il est une flamme dévorante ; s'il est pour le croyant, pour celui qui se tient dans cet amour, vie éternelle, il est pour l'incroyant, pour celui qui se tient hors de cet amour, mort éternelle. La colère de l'Agneau n'est pas un jeu.
La jalousie de Dieu est aussi réelle, aussi éternelle que son amour. Il n'y a de salut possible par l'amour de Dieu que s'il y a une perdition possible par la jalousie de Dieu. Autrement tout sombre dans l'indifférence, dans la neutralité, dans l'athéisme. Notre vie perd toute espèce de sérieux. Il revient au même de croire ou de ne pas croire, d'être un homme ou un caillou. C'est pourquoi plusieurs Pères de l'Eglise et Luther ont eu raison de noter que l'enfer était aussi plein de l'amour de Dieu que le paradis. Tout ce qui existe, dans le temps et dans l'éternité, est à jamais soutenu et rempli par l'amour de Dieu. Satan lui-même en est enveloppé, et c'est là, oui, c'est là justement son supplice, d'être consumé par l'amour qu'il refuse et de n'en connaître ainsi que la jalousie, le feu dévorant. L'amour ne peut que perdre ce qui n'est pas amour. Il ne règne pas en enfer une autre loi que dans le paradis. Rien jamais n'échappe à Celui qui est amour. Mais l'amour éternel est la perdition éternelle de ceux qui le refusent. Si nous répétons souvent : « Dieu qui est amour ne peut tout de même pas perdre éternellement des hommes », nous ne savons pas de quoi nous parlons, puisque la souffrance des damnés, c'est justement que Dieu soit amour, puisque l'indifférence de Dieu pourrait seule les mettre à l'aise, puisque leur malheur, c'est d'être consumés par la jalousie de l'Éternel. Quand par sentimentalisme, nous nous plaignons de la jalousie de Dieu, quand nous refusons de courir le risque de son amour et d'admettre la possibilité de la perdition, ne sommes-nous pas nous-mêmes déjà comme les démons qui demandent à Dieu de les laisser tranquilles, de ne pas être amour, mais indifférence, et qui crient à Jésus : « Tu es venu poux nous perdre ! » N'est-ce pas alors que la bonne nouvelle de l'amour de Dieu n'est déjà plus pour nous que la mauvaise nouvelle de sa jalousie, tandis que la « mauvaise nouvelle » de sa jalousie ne devrait être pour nous que la bonne nouvelle de son amour ?

Comprenons-nous la gravité, le singulier risque qu'il y a à être aimé de Dieu ? Comprenons-nous pourquoi, à tant de reprise, Moïse et les prophètes et les apôtres nous répètent que notre Seigneur est un Dieu jaloux ? C'est dire que nul ici présent, que pas un d'entre nous ne peut échapper à celui qui nous déclare : « Je t'ai aimé d'un amour éternel », et que jamais rien au monde ne pourra effacer cette déclaration qui nous est faite en Jésus-Christ. Pour l'effacer, il faudrait que Dieu soit le Dieu des philosophes et des savants, et non le Dieu d'Abraham, le Dieu de Moïse et le Dieu de Jérémie. Nous sommes ici tombés dans les mains de celui qui est. amour, nous sommes tous devant l'Agneau de Dieu, tous devant Jésus-Christ. Il n'y a que Lui, partout.

Toute-puissance lui a été remise au ciel et sur la terre. Mais alors Lui, l'Agneau de Dieu, Lui, l'amour de Dieu, sera-t-il notre salut ou notre perte, notre béatitude ou notre supplice, telle est en cet instant la question de notre foi ou de notre incrédulité. Heureux ceux qui savent que c'est une chose terrible de tomber dans les mains de celui qui pardonne. Heureux ceux qui se laissent dire aujourd'hui : le Seigneur est jaloux de toi, le Seigneur te veut tout entier. Ceux-là connaîtront pour l'éternité et déjà connaissent la puissance et la douceur de son amour. Mais malheur à nous si le message de l'amour éternel de Dieu nous laisse indifférents, partagés, ou même nous rassure dans notre égoïsme. Malheur à nous si ce message n'est pas notre nouvelle naissance. Car nous n'empêcherons pas Dieu d'être amour, et cet amour d'être l'éternel tourment de notre égoïsme, le feu qui consumera notre alliance avec le Prince de ce monde.

Que maintenant donc notre seule consolation, notre seul espoir, notre seule joie dans la vie et dans la mort, soit d'appartenir au seul vrai Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, qui nous aime éternellement et qui est éternellement jaloux de nous.



La Prospérité des méchants
Oui, Dieu est bon pour Israël,
Pour ceux qui ont le coeur pur.
Toutefois mon pied allait fléchir,
Mes pas étaient sur le point de glisser ;
Car je portais envie aux orgueilleux
En voyant le bonheur des méchants.
Rien ne les tourmente jusqu'à leur mort,
Et leur corps est chargé d'embonpoint ;
Ils n'ont aucune part aux souffrances humaines,
Ils ne sont point frappés comme le reste des hommes.
Aussi l'orgueil leur sert de collier,
La violence est le vêtement qui les enveloppe ;
L'iniquité sort de leurs entrailles,
Les pensées de leur coeur se font jour.
Ils raillent, et parlent méchamment d'opprimer ;
Ils profèrent des discours hautains,
Ils élèvent leur bouche jusqu'aux cieux,
Et leur langue se promène sur la terre.
Voilà pourquoi son peuple se tourne de leur côté,
Il avale l'eau abondamment,
Et il dit : « Comment saurait-il,
Comment le Très-Haut connaîtrait-il ? »
Ainsi sont les méchants :
Toujours heureux ils accroissent leurs richesses.
C'est donc en vain que j'ai purifié mon coeur,
Et que j'ai lavé mes mains dans l'innocence :
Chaque jour je suis frappé.
Tous les matins mon châtiment est là.
Si je disais : « je veux parler comme eux,
Voici, je trahirais la race de tes enfants.
J'ai donc cherché a comprendre ces mystères
Mais la tâche a été trop pénible pour moi,
Jusqu'à ce que j'aie pénétré dans les sanctuaires de Dieu,
Et que j'eusse pris garde au sort final des méchants.
Oui tu les places sur des voies glissantes,
Tu les fais tomber et les mets en ruines.
Eh quoi ! En un instant les voilà détruits !
Ils sont enlevés, anéantis par une fin soudaine !
Tel un songe quand on s'éveille,
Ainsi, Seigneur, quand tu le lèves,
Tu les dissipes comme de vains fantômes.

Ps. 73/ 1-20

Les questions les plus graves, les plus dangereuses, disons même les plus « subversives » que l'homme puisse se poser, la Bible les pose avec une franchise et une violence qui dépassent de beaucoup les nôtres. On l'oublie trop facilement. Il nous semble volontiers que les chrétiens sont de braves gens qui se bouchent les yeux et de la tête desquels aucun démenti ne pourra enlever l'idée qu'ils s'y sont mise. En tout cas, les chrétiens donnent souvent aux incrédules l'impression de préférer leurs illusions à une vérité trop brutale qu'ils ne veulent pas voir en face. Et le malheur est qu'il en est souvent ainsi, que le Dieu des chrétiens est une pieuse illusion que l'on s'efforce tout au fond de son coeur de tenir à l'abri des coups durs de la réalité et des questions sommaires du bon sens : « Que fait ton Dieu pendant que les hommes se battent ? Pendant que l'injustice, le mensonge et la violence triomphent ? Si Dieu existait, il ne permettrait pas ces choses. » Et beaucoup de croyants sont là qui tremblent et qui pensent : « Ne me dites pas cela, car mon Dieu n'y résisterait pas. Vous avez raison, mais je ne veux pas le savoir. » Cette espèce de fuite devant les vrais problèmes, qui caractérise bien souvent l'attitude chrétienne, confirme les incrédules dans leur idée que nous sommes des gens peu sérieux, des gens qui ne sont pas allés jusqu'au fond des choses, qui n'ont pas vraiment souffert, et ne se sont jamais posé les grandes questions du mal et de la douleur, des gens qui vivent dans un décor religieux, et non dans la réalité.

Si cela est, hélas, vrai pour beaucoup de soi-disant chrétiens, c'est assurément faux pour les hommes de la Bible. Car personne autant qu'eux n'a regardé les choses en face. Personne autant qu'eux n'a posé directement les questions que l'incrédulité croit être seule à poser. À cet égard, le Psaume 73 est merveilleusement et infiniment utile. Il nous montre bien que la foi chrétienne ne repose pas sur une ignorance des vraies questions, mais sur une connaissance qui les a traversées, qui les a surmontées et vidées de tout leur venin.

En effet, il n'est guère pour nous de venin plus dangereux que celui des questions que l'on n'ose pas poser, et rien n'oppresse autant les gens du dehors que cette impression de nous fermer à la réalité et de vivre obstinément dans un univers fictif. Rien ne peut nuire davantage à notre témoignage. Étant sous les armes, parmi les soldats, qui malgré leur couche de christianisme n'ont pour la plupart aucune idée de l'Évangile, on constatera qu'il y a pour beaucoup un véritable soulagement, non pas même à voir les chrétiens répondre à certaines questions, mais déjà simplement à les entendre les poser.

« Tiens, se disent les hommes, il y a donc des chrétiens qui sont avec nous, qui sont aux prises avec les mêmes problèmes ! Il y a donc des chrétiens pour qui la foi est un combat et une victoire sur le doute et non un simple voile jeté sur lui. La foi pourrait donc être quelque chose d'authentique. Elle pourrait venir à bout des objections brutales que nous fait chaque jour la souffrance sous toutes ses formes. » C'est à ce combat et à cette victoire de la foi que nous assistons dans le Psaume 73. Un combat où la force de l'ennemi n'est pas masquée mais est au contraire mise en évidence. Écoutez plutôt :

Le Psaume commence par ce cri de victoire : Oui, Dieu est bon pour Israël, pour ceux qui ont le coeur pur. Oui, la bonté de Dieu est le dernier mot de tout. Mais cette profession de foi, cette victoire est l'issue d'un combat terrible, d'un vrai corps à corps avec l'angoisse, c'est le port où le psalmiste n'est parvenu qu'après avoir traversé une effroyable tempête. « Dieu est bon pour l'Eglise ! » Cette certitude a coûté cher à Asaph. Elle n'a rien d'une évidence. C'est une connaissance qu'il a dû conquérir de haute lutte contre les doutes les plus graves. Elle n'est pas une de ces pacotilles religieuses que l'on se procure à peu de frais dans les magasins du bon Dieu. Pour tout dire, la bonté du Dieu d'Israël n'a rien à faire avec le bon Dieu. Voici des mois que, je l'espère bien, la grande épreuve a balayé de votre coeur toute « bondieuserie » possible. Et c'est seulement quand tous les bons dieux de la terre ont fait naufrage dans notre souffrance, quand l'épreuve nous a libérés de toute certitude non authentique, que nous pouvons, par delà le feu qui consume notre iniquité, par derrière le creuset de la colère divine, entrevoir la bonté du Dieu d'Israël. Oui, Dieu est bon pour Israël ! Maintenant qu'il a retrouvé cette assurance, Asaph peut nous dire par où il a passé :
Cependant mes pieds ont failli broncher. Il s'en est fallu de peu que j'aie glissé. Glisser ? Qu'entend par là le Psalmiste ?

Quelque tentation charnelle : colère, mensonge ou vol ? Non pas, il s'agit d'une glissade bien autrement grave, autrement profonde que les péchés que nous voyons, il s'agit de la tentation du désespoir, de la glissade définitive dans l'incrédulité. Il s'en est fallu de peu que l'homme de Dieu, Asaph, ne glisse hors de la foi en la bonté de Dieu et en sa justice. Lequel d'entre nous n'a pas connu ces derniers temps la tentation du désespoir, la pensée démoniaque que Dieu pourrait ne pas être bon et le monde être un enfer définitif, à jamais le royaume du Malin. Cette pensée avait effleuré Asaph quand il avait regardé le monde bien en face, et qu'il avait vu la prospérité des méchants, le triomphe de l'orgueil et de la violence, la santé et la paix des incrédules. En effet, j'ai porté envie aux orgueilleux, quand j'ai vu la prospérité des méchants ! Il peut arriver qu'au travers d'un excès de souffrances on se dise : après tout, pourquoi ne pas être comme ces hommes à qui tout est permis et à qui tout réussit ? Ou vit tout aussi bien sans Dieu. On vit même beaucoup mieux. On se tire décidément mieux d'affaire avec de l'orgueil, de la confiance en soi et de la violence, qu'avec de l'humilité, de la confiance en Dieu et de la douceur. Car la vie sans Dieu est une vie facile, plaisante, agréable. « Les impies, constate Asaph, sont exempts de souffrance. Ils ont la santé qui est assurément un des plus grands biens. Ils n'ont aucune part aux peines de la mort ; ils ne sont point frappés avec les autres humains. » C'est encore plus singulier, cela, car on entend souvent répéter que la mort n'est pas une peine pour le croyant (c'est même un des lieux communs des réunions religieuses), tandis qu'elle serait terrible pour l'incrédule. Cela n'est pas exact. Asaph en tout cas constate le contraire, et nous pouvons tous aussi le constater. Le païen meurt souvent avec une facilité déconcertante, l'incrédule ne ressent pas du tout comme les chrétiens l'horreur de la mort. Son mépris de la vie humaine lui rend la mort aisée. Il est parvenu à glorifier la mort, à en faire une sorte de déesse, d'amie, de compagne poétique. Mais pour le croyant, la mort est salaire du péché, le royaume du Diable. C'est une peine effroyable qu'il ressent chaque jour, dont il souffre sans cesse, jusqu'à ce que Dieu l'anéantisse.

Non seulement l'impie vit en bonne santé et en sécurité, mais encore il parle bien. Il se vante de ses violences, il sème la calomnie sur la terre, il ricane. « Aussi attire-t-il à sa cause une foule de gens qui boivent avidement ses paroles. » Il est inutile que j'insiste sur ce tableau. Il est plus que jamais la photographie de notre temps. Nous ne connaissons que trop la puissance inouïe de la propagande et comment elle parvient à submerger le monde et à s'infiltrer dans les derniers recoins de l'opinion publique.

Et Asaph conclut : « Tels sont les méchants : toujours heureux, ils amassent des richesses... C'est donc en vain que j'ai gardé mon coeur pur et que j'ai lavé mes mains dans l'innocence ; car je suis frappé tous les jours... »

Évidemment, tout cela est encore facile à dire. Mais quand on le constate dans la réalité, quand on touche du doigt la tranquillité, le succès de ceux qui se moquent de la volonté de Dieu, quand on voit des hommes et des femmes dont toute la vie est un service de Dieu et du prochain et sur lesquels le malheur, la maladie, l'injustice s'abat systématiquement, quand on imagine le sort d'une population bombardée et ces petits peuples protestants submergés par la vague infernale du nihilisme, la question devient déchirante, insupportable même : Où est la justice de Dieu ? Où est la Providence ? Quel est donc le sens de la foi et du service de Dieu dans tout cela ? Il peut arriver qu'écrasés par la souffrance, nous disions comme le psalmiste : C'est donc en vain que j'ai gardé mon coeur pur et mes mains dans l'innocence, car je suis frappé tous les jours. La foi serait-elle vaine, serait-elle vide de sens, serait-elle illusoire ? Est-ce que Dieu se moquerait de nous ? Est-ce que nous serions des dupes ? Il faudrait tout de même savoir à quoi s'en tenir, savoir si oui ou non notre foi est vaine, et si c'est en vain que l'on met sa confiance en Jésus-Christ. Il vaut la peine de le savoir pour ne pas se laisser duper plus longtemps. C'est ici le moment de ne pas reculer, de ne pas fermer les yeux, de ne pas se laisser glisser, de ne pas se réfugier dans la phrase des lâches : « Il ne faut pas chercher à comprendre. » Car il faut justement, il faut maintenant ou jamais chercher à comprendre, et c'est ce que fait Asaph : « J'ai donc cherché à comprendre. » Mais la tâche a été trop pénible pour moi, ajoute-t-il.
Comment pourrions-nous expliquer toute l'injustice du monde et l'atrocité d'innombrables existences ? Quand le malheur est vraiment là, quand l'injustice s'accomplit sous nos yeux, que peuvent les arguments ? C'est un mur contre lequel on ne peut que se casser la tête. On cherche à comprendre, et l'on ne comprend pas. On a beau sonder son coeur et son intelligence, interroger toute la sagesse humaine, il n'existe nulle part au monde une explication, un apaisement. Nous restons dans la nuit et dans l'angoisse : le monde partout nous démontre l'absence de Dieu, et nous sommes livrés à cette absence jusqu'au moment (et c'est le grand moment, c'est l'heure de Jésus-Christ), jusqu'au moment où, avec Asaph, nous entrons dans les sanctuaires du Dieu fort et où nous prenons garde à la fin de ces gens-là.

C'est ici les paroles décisives, le tournant de ce psaume. Prenons garde à la fin des incroyants. Cette fin ne peut signifier ici la mort des méchants sur la terre, puisque nous venons de voir qu'ils n'ont pas part aux peines de la mort, qu'ils meurent plus facilement que les croyants. C'est une autre fin à laquelle nous devons prendre garde, c'est au but final de toute existence humaine. Cela, nous ne le pouvons pas sans entrer dans le sanctuaire de Dieu, sans être introduits par Dieu en sa présence et cela veut dire sans qu'Il nous donne son Fils bien-aimé. Pour nous, nous ne voyons que le monde présent et l'injustice présente, et la misère sans fin et la mort sans fin. Mais en Jésus-Christ, qui est le vivant sanctuaire de Dieu, nous voyons tout d'un coup apparaître la fin, le but éternel de toutes choses : le jugement dernier, le grand règlement de comptes. C'est Jésus qui apporte avec Lui la fin, c'est-à-dire le juste jugement de toute vie. Hors de lui rien n'a de fin, rien n'a de but. Et ce psaume est vraiment comme le commentaire du chapitre 15 de l'épître aux Corinthiens : Si les morts ne ressuscitent pas, si le Christ n'est pas ressuscité, c'est-à-dire si vous ne trouvez pas en lui votre destinée éternelle, s'il n'y a pas en lui le dernier mot sur tout ce qui se passe, alors votre foi est vaine. C'est en vain que vous avez gardé votre coeur pur et lavé vos mains dans son innocence, en vain que vous cherchez à comprendre, car il n'y aura jamais rien à comprendre. Vous faites bien d'envier les orgueilleux. Ils ont raison et ce sont eux qui triompheront en dernier ressort. Si Christ n'est pas ressuscité, si Christ ne revient pas pour juger les vivants et les morts, alors oui, nous qui avons espéré en lui, nous sommes les plus misérables des hommes, nous sommes de lamentables dupes.

C'est donc l'accès au sanctuaire de Dieu, la connaissance de Christ ressuscité qui seule retient le psalmiste de la glissade et qui seule peut empêcher chacun de nous de verser dans l'abîme du désespoir, ou de se ruer dans la course à la domination universelle. Dans le sanctuaire de Dieu, dans l'attente de Celui qui vient, nous pouvons comprendre enfin : Pour l'instant, Dieu patiente encore et laisse le monde aller son train et les méchants prospérer, voulant, non pas la mort du méchant, mais sa conversion et sa vie. C'est là justement une manifestation de sa bonté, ce temps où Dieu suspend les arrêts de sa justice pour appeler tout homme à la repentance et à la foi en Jésus-Christ. C'est le temps dans lequel il nous est demandé « d'aimer nos ennemis... » (Matthieu 5. 44-45). C'est forcément le temps où ceux qui obéissent souffriront des impies comme Dieu en a souffert, et porteront la croix de leur Seigneur. Pourquoi voudriez-vous que les méchants se conduisent mieux envers les chrétiens qu'envers le Christ lui-même. Pourquoi la guerre, pourquoi la persécution nous étonnent-elles plus que la croix ?

Pour l'instant, Dieu supporte encore l'iniquité du monde et notre iniquité. Cela ne lui est pas facile, il la supporte dans sa propre chair. « Christ est en agonie jusqu'à la fin du monde. » Mais le jour approche où Il ne la supportera plus, où le Crucifié apparaîtra dans la gloire éternelle et prononcera le dernier mot, le mot sans appel, la juste sentence qui révélera à tout homme son véritable état. Et pour les méchants, pour nous-mêmes aussi, si nous n'appartenons pas à Jésus-Christ, ce mot sera : ruine soudaine, écroulement. Tout ce qui s'élève sera abaissé.

« Oui, tu les mets sur un terrain glissant ; tu les fais tomber et ils s'écroulent... Enlevés et consumés par une destruction soudaine ! Ainsi, Seigneur, quand tu te lèves, tu les dissipes comme de vains fantômes. » La gloire du Seigneur, quand elle se lèvera au dernier jour, dissipera comme un fantôme tout ce que nous appelons la réalité, toute la vie de ceux qui n'ont pas été ensevelis avec Christ. Comme un fantôme ! Est-ce possible ? Voilà notre question du début toute retournée : Ce n'est pas le croyant, c'est l'incrédule qui vit dans l'illusion, un monde illusoire. Ce n'est pas l'existence le Dieu et de son Royaume qui n'est qu'un rêve, mais bien notre existence sans Lui et celle de tous les royaumes de ce monde. Ce qui nous apparaît comme atrocement réel, ce déchaînement démoniaque, cette montagne de souffrance, ce triomphe du péché et de la mort, il apparaîtra à la lumière du jugement dernier que ce n'est qu'un cauchemar, que le démon loin de faire quelque chose de réel, de substantiel, ne peut que prêter un masque de réalité à des fantasmagories. Déjà la Bible est toute pleine des signes de ce jugement : les murailles de Jéricho s'écroulent, la tempête est apaisée, les démons s'enfuient, la justice des pharisiens s'effondre, les paralytiques se lèvent, la lèpre s'évanouit, les muets crient de joie, la pierre du tombeau est roulée. En présence de Jésus-Christ, la réalité de ce monde devient fantomatique. Les peuples hypnotisés par le serpent se réveillent de leur léthargie. Toute l'histoire de l'humanité se dissipe comme un songe. Quand le matin de l'éternité se lèvera sur le monde, rien ne subsistera, sinon le temps que Dieu en Jésus-Christ est venu passer sur la terre et ce que les hommes auront accompli dans la foi en cette venue, dans l'attente du Seigneur et de sa justice.

Pour l'instant, nous voici placés devant cette alternative : être un fantôme, ou bien être un croyant. Un fantôme bien portant, sans doute, sûr et certain d'exister, ou bien un enfant de Dieu brisé et misérable peut-être, mais comblé d'espérance. L'incroyant peut prospérer, être heureux et vaincre, ce n'est jamais que la prospérité, le bonheur et la victoire d'un fantôme. Le croyant peut être accablé de douleur et d'angoisse, c'est au moins la douleur et l'angoisse d'un homme réel.

Il n'y a pas d'autre choix dans la perspective du jugement dernier : notre vie est un songe, ou bien notre vie c'est Jésus-Christ.


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