Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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FRANK THOMAS
SA VIE - SON OEUVRE



CHAPITRE IV
ÉTABLISSEMENT A GENÈVE.
L'ÉVANGÉLISATION POPULAIRE.
PREMIERS CULTES AU VICTORIA HALL.
VOYAGE EN AMÉRIQUE.
 Les dons que Frank Thomas avait reçus de la Providence étaient trop brillants, sa parole trop entraînante et persuasive pour qu'on le laissât longtemps à l'ombre d'une cure de campagne. Il fallait qu'il exerçât son influence sur un théâtre plus vaste où il aurait plus de liberté d'action. C'est ce qui ne tarda pas à se produire.

En octobre 1891, il quittait Mézières pour venir travailler à Genève, comme agent de l'Évangélisation populaire, où il était appelé par le Comité de cette oeuvre. L'Évangélisation populaire est une mission populaire, comme l'indique son nom, qui fut fondée en 1879 par le regretté Ernest Favre à l'instigation de deux évangélistes anglais : MM. Lloyd et Workman. Cette institution, qui débuta modestement, avait, avec le temps, pris un assez grand développement. De nombreuses personnalités soit laïques, soit ecclésiastiques lui avaient apporté leur concours et, depuis 1883, elle s'était adjoint un agent officiel en la personne de M. le pasteur Yung ; celui-ci ayant donné sa démission, on s'adressa pour le remplacer à Frank Thomas dont la réputation commençait déjà à s'étendre et dont on connaissait le succès auprès de la classe laborieuse.

Frank Thomas arrivant à Genève, ce fut comme une étincelle projetée sur un bûcher tout préparé et prêt à s'enflammer. Non seulement il vivifia toutes les activités de l'Évangélisation populaire et en créa de nouvelles, mais il apporta à la vie religieuse de Genève un élément jeune et plein d'ardeur. Étant pasteur auxiliaire de l'Eglise nationale de sa ville natale, il lui arrivait aussi de prêcher dans ses temples et il y attira une foule nombreuse. Ce fut une ère nouvelle de la vie religieuse genevoise qui commença avec lui. Dès le début de son ministère il exerça une grande action qui alla toujours croissant. Avant de poursuivre le récit de son activité à Genève, cherchons à nous rendre compte de ce qui fit de lui une personnalité de premier plan, dont le renom ne tarda pas à s'étendre bien au delà de son pays.
En premier lieu ses fortes convictions religieuses. Il était un croyant, dans toute l'acception du terme, et un croyant qui n'avait qu'une pensée : faire partager sa foi à tous ceux auxquels il s'adressait. En voici un exemple : une demoiselle qui habitait dans son enfance la paroisse de Mézières nous a raconté qu'ayant croisé à l'âge de douze ans environ, dans un chemin de campagne, son pasteur nouvellement arrivé, celui-ci lui parla avec tant de bonté, l'interrogeant sur ses sentiments religieux et en particulier sur l'usage qu'elle faisait de la prière, elle en fut si touchée, qu'elle fait remonter l'origine de sa conversion à ce moment-là. Et ceci n'est qu'un cas isolé entre mille. Il ne perdait pas une occasion de faire du bien. En second lieu il avait une profonde sensibilité et un coeur débordant d'amour. Une foule était pour lui composée d'unités qu'il avait soif d'amener toutes, sans exception, à Jésus-Christ.

C'est là le secret des appels poignants qu'il adressait à son auditoire à la fin de ses cultes ; ces appels n'étaient jamais, comme on aurait pu le croire, une sorte d'habitude, une forme oratoire, mais une nécessité impérieuse de son coeur, il avait comme il le disait lui-même, des « antennes » qui lui faisaient percevoir les besoins, les aspirations, les détresses, de ceux qui l'écoutaient. Ces appels atteignaient souvent leur but et suscitaient des conversions ou des renouveaux de vie spirituelle. Il avait de la dynamite dans le coeur ! Impossible de citer tous ces appels, ils sont innombrables. En voici deux qui nous ont frappée et qui ont dû certainement atteindre leur but :

En terminant, permets-moi de te poser cette question qui est pour tout homme une question de vie ou de mort ? Qu'est-ce que Dieu est pour toi ? Le considères-tu comme un Être puissant, perdu au fond des cieux et avec lequel tu n'es pas encore entré en relations ? Alors Il n'est rien pour toi et pour avoir perdu Dieu tu t'es perdu toi-même ; dans ce cas je comprends que tu trembles à la pensée de le rencontrer bientôt. Prends-y bien garde : ta vie va devenir toujours plus vide, ta vie est déjà une marche solitaire vers le gouffre noir ; la nuit va venir, ta solitude va grandir ; à mesure que tes forces diminueront tu te sentiras plus abandonné et l'univers t'apparaîtra plus effrayant, plus écrasant ; il est si grand et tu es si petit... Mais il y a pour toi un moyen infaillible de sortir de là, tu peux recouvrer un Dieu qui devienne tout pour toi en devenant ton Père. Suis pour cela le conseil du grand Augustin « As-tu peur de Dieu ? Jette-toi dans ses bras ! » (1)

Et ailleurs :

Coeurs endurcis, coeurs affolés, coeurs passionnés, coeurs souffrants, qui que vous soyez et quel que soit votre état, croyez donc au médecin infaillible qui vous offre la guérison ! Devenez dignes de votre Roi en lui donnant à lui la toute première place ! (2)

En troisième lieu, il faut noter chez Frank Thomas l'intérêt immense qu'il prenait à tout ce qui touche à l'humanité. Selon l'expression d'un de ses catéchumènes, il était une « table de résonance de son époque ». Toutes les questions qui ont passionné l'opinion publique de son temps ont trouvé un écho dans son coeur et dans ses discours : les Arméniens, l'Affaire Dreyfus, la guerre des Boers, la guerre russo-japonaise, le désastre du « Titanic », le tremblement de terre de Messine, la grande Guerre, la Société des Nations, la Géorgie, les Juifs, et combien d'autres sujets, ont été traités par lui en public. Il a plus d'une fois pris part à des assemblées de protestation destinées à défendre les peuples persécutés et il profitait souvent des fêtes patriotiques de son pays pour laisser déborder son coeur ardent de patriote et réveiller ainsi la conscience de ses concitoyens. Sa sollicitude à l'égard des nations opprimées lui valut d'être décoré par la Serbie, la Géorgie, la Grèce.

Ces prédications d'un genre spécial furent une des causes de son succès. Il attirait beaucoup d'esprits curieux ou inquiets par ce côté-là. Et tous ces éléments étaient mis en valeur par une grande facilité de parole, un don d'élocution qui tranchait avec l'éloquence oratoire du passé. Il y avait chez lui un peu du tribun. Ses discours étaient simples, directs, incisifs, parfois même réalistes, d'autrefois s'élevant au sublime, et mis en relief par une voix vibrante, chaude, sonore. On lui reprochait ses audaces qui n'étaient souvent que des, actes de courage. À tous ces dons, il faut ajouter une robuste santé qui lui permet ait de travailler dur sans éprouver de fatigue et un vigoureux optimisme qu'il puisait non pas tant dans son caractère, qui était plutôt pessimiste, mais dans sa foi inébranlable en Jésus-Christ. Frank Thomas fut un homme suscité pour sa patrie, pour son époque, alors que l'intellectualisme avait miné l'Eglise protestante et que de fortes convictions s'imposaient.

Arrivé à Genève, il s'installe à Grange-Canal, au Chemin des Vergers, non loin de chez ses parents et il se met au travail avec un incroyable entrain. La majeure partie de ses forces est réservée à l'Évangélisation populaire ; il fait entendre sa voix dans les salles affectées à cette mission, situées dans divers quartiers de la ville et, en particulier, à partir de 1892, dans la Salle du Port qui venait d'être construite et qui devint son principal centre d'activité (3).

M. Ernest Favre s'exprime ainsi à ce sujet (4) :

La réunion du dimanche après-midi fut transformée en une prédication. Les conférences de M. Thomas sur les Questions vitales, le Corps et ses destinées, la Famille, le Mariage, le Mouvement religieux et social aux Etats-Unis, attirèrent un public nombreux et nouveau ; ses instructions religieuses, les études bibliques qu'il poursuivit seul ou avec le concours de ses collègues, étaient très suivies. Il créa une classe biblique mixte, destinée aux personnes s'occupant d'évangélisation et à laquelle collabora M. Rochedieu. De nouveau groupes bibliques s'organisèrent. Pendant trois ans la Salle du Port s'ouvrit à des séances hebdomadaires, littéraires et scientifiques, destinées à l'éducation des classes populaires (1892-1895).
La position de M. Thomas comme pasteur auxiliaire nous ouvrit la porte des temples que le Consistoire nous accorda gracieusement.

... Ces années amenèrent avec elles un mouvement réjouissant au milieu de la jeunesse. M. Thomas créa à la Salle du Port un groupe d'activité chrétienne (1898). L'intérêt pour la Mission se développait en même temps. Il abordait fréquemment ce sujet dans sa prédication.

Frank Thomas s'intéressa aussi beaucoup à l'oeuvre de la Tempérance déjà en activité depuis quelques années au sein de l'Évangélisation populaire. Il y fonda en 1894 une section de Croix-Bleue qui devint par la suite la section de Rive.


La question de l'abstinence a été une de celles qui l'ont puissamment captivé. Il nous souvient de l'avoir entendu autrefois aborder ce sujet dans des réunions présidées par lui et par M. Alexandre Morel (5). Jamais nous n'oublierons la flamme d'enthousiasme avec laquelle il décrivait l'oeuvre du Saint-Esprit dans le coeur d'un buveur. On sentait chez lui déjà une grande expérience de la puissance de Dieu sur l'âme de l'ivrogne même le plus invétéré. Lui-même ne reculait devant aucun sacrifice lorsqu'il s'agissait d'arracher à Satan une de ses proies.

Il fit aussi dans la classe cultivée des réunions pour dames dans lesquelles il aborda, avec beaucoup de courage la question de la conversion et celle de la sanctification. Ces réunions ont laissé de profondes traces dans la vie de plusieurs des personnes qui y prirent part. Il excellait d'ailleurs dans les réunions intimes qu'il préparait avec autant de soin que s'il avait dû s'adresser à un nombreux auditoire.

C'est durant les sept à huit ans qu'il fut agent de l'Évangélisation populaire à Genève que se sont révélés ses dons exceptionnels et que s'est développée sa grande puissance de travail et sa faculté d'organiser son travail de façon à ne pas perdre une minute. D'une exactitude absolue, il n'était jamais pressé et cependant il trouvait du temps pour tout, en particulier pour les visites, qu'il a toujours considérées comme indispensables à son ministère. Tout l'enrichit, une simple lecture lui suggère un sermon ; une affiche, une conversation, un beau paysage se spiritualisent pour lui et deviennent l'occasion d'un appel. Il semble qu'il possède un fond inépuisable d'expériences comme de compréhension d'autrui. Son esprit et son coeur sont toujours en gestation. C'est là ce qui explique la somme énorme de travail qu'il a pu fournir.

Très vite, il commença à avoir des catéchumènes qu'il réunissait à la Salle du Port où il avait aussi des heures de réception. Puis il fut sollicité de côtés et d'autres en particulier pour la Croix-Bleue et pour la jeunesse. Partout sa parole se révèle puissante, entraînante, il devient populaire. Innombrables sont, déjà à cette époque, les gens de toutes les classes de la société, depuis les plus modestes jusqu'aux plus haut placés qu'il a convertis ou poussés en avant dans la vie spirituelle.

Voici un exemple qu'il a raconté lui-même et qui a dû se répéter bien souvent dans sa carrière, même sans qu'il en ait eu connaissance.

Il y a quelque temps, j'étais appelé auprès du lit de souffrance d'une pauvre vieille femme, demeurant dans un des plus humbles quartiers de notre ville, tout au haut d'une maison : se sentant près de sa fin, elle avait eu l'ardent désir de voir un pasteur qui, dans la main de Dieu, avait été, sans le savoir, l'un des instruments de sa conversion. Quand j'arrivai, je la trouvai toute débordante de joie, si joyeuse que c'est à peine si je pus observer la sombre mansarde qu'elle habitait ; tout était transformé par le rayonnement de joie de la malade. Alors, en termes émus, elle me raconta comment une dizaine d'années auparavant, elle était venue troublée, dans une salle de réunions populaires ; elle portait alors un lourd fardeau sur ses épaules, ce fardeau l'écrasait presque, et voici que dans la réunion on parla de la croix qui nous donne gratuitement le pardon de Dieu. Tout à coup, mon fardeau fut enlevé, me dit-elle, si complètement, qu'en sortant je me retournais, car je croyais avoir perdu quelque chose ! J'avais le coeur si joyeux qu'en rentrant chez moi je chantais des cantiques, au grand étonnement de ma compagne qui ne pouvait pas comprendre ce que j'avais. Depuis lors, je n'ai jamais eu un instant de doute, j'ai eu une certitude qui ne m'a jamais quittée, je la possède encore et je sais qu'elle m'accompagnera jusque devant le trône de Dieu (6).

Il serait aisé de multiplier ces exemples à l'infini.
On peut, et avec raison, se demander si tant de succès accumulés sur la tête d'un homme aussi jeune (il n'avait que vingt-neuf ans lorsqu'il s'établit à Genève) ne risquèrent pas de lui donner le vertige et de développer l'orgueil dans son caractère. Il semble que cette tentation l'ait effleuré et qu'il ait eu à lutter contre ce penchant, si profondément humain, mais il en triompha, et à mesure qu'il avança dans sa carrière il devint plus humble. L'humilité fut en définitive un des traits dominants de sa nature. Il réalisa profondément cette parole du Christ : « Hors de moi vous ne pouvez rien faire ! » (Jean 15 - 5). La communion avec l'invisible, tel fut le secret de sa puissance. Aussi, était-ce de sa propre expérience qu'il parlait lorsqu'il disait à ses auditeurs :

Faites en sorte que sans cesse le ciel reste ouvert au-dessus de vous, que vous ayez chaque jour un coin de ciel bleu devant vous ; faites pénétrer les rayons de la vie céleste dans votre vie terrestre tout entière ; qu'ils éclairent vos travaux et vos peines, vos joies et vos douleurs. Un ciel toujours ouvert, un ciel ouvert sur tout, un ciel restant ouvert malgré tout : c'est là le secret d'une vie sur la terre joyeuse et forte (7).

En 1896 eut lieu, à Genève, l'Exposition nationale et l'Évangélisation populaire se préoccupa de ce qu'elle pourrait faire pour répandre la connaissance de l'Évangile pendant cette période. L'occasion était unique, il fallait la saisir. Des distributions de traités furent organisées par elle et elle collabora au fonctionnement du kiosque biblique, établi dans le sein de l'exposition par l'ensemble des sociétés religieuses. Mais il fallait faire davantage.
Écoutons à ce propos MM. Edouard et Ernest Favre : (8)

Un sujet britannique élevé et établi à Genève, M. Daniel Barton, résolut de faire construire un édifice pour l'Harmonie nautique dont il était le fondateur. Les travaux commencèrent en 1890, l'inauguration eut lieu le 28 novembre 1894.

Tandis que dans la population l'on discutait l'édifice et en particulier certains détails de la décoration - comment en eût-il été autrement ? - quelques chrétiens, Victor Lombard entre autres, prièrent pour que le jour vint où ce bâtiment pourrait servir à l'avancement du règne de Dieu. Si les conversations du monde étaient sans résultat comme sans utilité, ce ne fut pas le cas pour les prières, quelque improbable qu'en pût paraître l'exaucement. Avec Dieu rien n'est improbable par ce que rien ne lui est impossible. Moins d'un an et demi après l'inauguration, le Victoria Hall devait s'ouvrir à la prédication de l'Évangile. Voici dans quelles circonstances :

Au début de l'année 1896 le pasteur Frank Thomas était préoccupé d'élargir les bases de son travail ; plusieurs tentatives échouèrent. L'exposition nationale suisse allait s'ouvrir ; dès le 1er mai, Genevois, confédérés et étrangers afflueraient. Quelle occasion pour proclamer la Bonne Nouvelle Il fallait trouver une salle vaste, voisine de la plaine de Plainpalais. M. Thomas pensa au Victoria Hall, un essai d'acoustique fut satisfaisant. Mme Thomas que d'anciens liens d'amitié unissaient à Mme Barton, fit une démarche auprès de celle-ci ; sa demande fut gracieusement accueillie, et, le 3 mars, M. Thomas informait le Comité de l'Évangélisation populaire qu'il avait l'autorisation de prêcher au Victoria Hall.

Ce Comité obtint facilement de l'Harmonie nautique que la grande salle lui fut louée pour tous les dimanches jusqu'à la fin de l'exposition, il fallut y faire quelques aménagements spéciaux ; on ne pouvait placer sur le podium une chaire et cependant il fallait que le prédicateur pût déposer devant lui des livres, des notes... un verre d'eau. Jules Lenoir (9) inventa le meuble mobile qui rappelle vaguement une corbeille d'agent de change, derrière lequel, aujourd'hui encore, se place le prédicateur.

Le dimanche 3 mai 1896, à neuf heures et demie du matin, la première prédication était donnée au Victoria Hall, « Foule immense qui envahit tout », écrit M. Thomas dans ses notes quotidiennes, même bien des gens debout. Extrêmement encourageant, quoique bien lourde et bien écrasante responsabilité. Gens tout à fait nouveaux. Je suis très soutenu. Je prêche sur les impressions de Jésus à l'égard des foules. « Voyant la foule, Il fut ému de compassion pour elle, parce qu'elle était languissante et abattue, comme des brebis qui n'ont point de berger. Alors Il dit à ses disciples : La moisson est grande mais il y a peu d'ouvriers. Priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson » (Matthieu 9. 36-38). Ce texte était un programme.


Un témoin de ces débuts nous a raconté qu'avant cette première prédication, Frank Thomas se promenait avec angoisse dans le Foyer des Artistes, se demandant s'il n'avait pas commis une erreur en assumant une aussi lourde tâche et si le public répondrait à son appel. Puis pénétrant dans la salle et voyant la foule qui la remplissait, il en fut comme électrisé, et prêcha d'une façon admirable.

Les cultes furent célébrés chaque dimanche jusqu'au 18 octobre ; la foule ne cessa d'affluer. M. Thomas se fit remplacer une fois par M. Alexandre Morel et une fois par M. Edouard Barde (10; il sentait douloureusement sa responsabilité ; un jour il note : « M. Ernest Favre vient prier avec moi, avant le culte, ce qui me remonte ».
M. Ernest Favre a résumé ainsi ce premier effort :

Cette vaste salle de concert, avec ses 1800 à 2000 places, mise gracieusement à notre disposition par son propriétaire, à des conditions très avantageuses, s'est trouvée parfaitement adaptée à notre but. Proximité de l'exposition, acoustique, confort, disposition excellente des places, rappelant sous bien des rapports le Tabernacle de Spurgeon, caractère laïque de la salle permettant à tous d'y venir sans être retenus par des considérations ecclésiastiques, tous les avantages s'y trouvaient réunis. À peu d'exceptions près, elle a toujours été si pleine qu'il a fallu chaque fois refuser l'entrée à des auditeurs.

Deux excellents organistes, des choeurs, une trentaine de personnes de service aidant à placer les arrivants ont fourni à ces cultes un précieux concours.

Après la clôture de l'Exposition, les cultes furent continués pour un temps, à 4 h., à la Salle de la Réformation, puis au Victoria Hall tous les quinze jours le matin. Ils attirèrent de nouveau beaucoup de monde entre autres des catholiques et des étrangers.


M. Ernest Favre ajoute :

Nous savons que ce culte a suscité quelque opposition d'une partie du corps pastoral, qui l'accuse de vider les temples. Une expérience faite au printemps au moyen de bulletins distribués aux auditeurs, a amené les réponses de 800 personnes donnant leurs noms et leurs adresses et exprimant le désir que les cultes fussent continués ; or, à part quelques exceptions, les noms indiquaient un public nouveau et qui, pour autant que nous le savons, ne fait pas partie de ce qu'on appelle le public religieux.

C'est de cette époque et de ces premiers cultes que date la grande popularité de Frank Thomas. Enfin il pouvait donner toute sa mesure n'atteindre de vastes auditoires, en dehors des habitués des cultes. Il se révélait grand orateur, une foule d'auditeurs loin de le paralyser, le galvanisait, décuplait ses forces. Il avait besoin pour être véritablement lui-même et développer toutes ses possibilités d'avoir devant lui un public considérable dont il pouvait façonner l'âme à son gré.

En 1887, Frank Thomas se décida à accepter l'invitation qui lui était faite déjà depuis plusieurs années par un Américain, bienfaiteur des Unions chrétiennes, M. James Scokes, invitation à faire un voyage aux Etats-Unis et au Canada. Ce voyage dura trois mois, du début de juin aux premiers jours de septembre, et provoqua chez celui qui le faisait, un très vif intérêt. Des conférences faites au retour et publiées en un volume sous le nom de Nouveau Monde et la correspondance du voyageur, nous ont initiée à ses faits et gestes et à ses impressions. Il visite New-York, Boston, Washington, Chicago, plusieurs villes du Canada, les chutes du Niagara, s'arrête deux fois à Northfield, résidence du grand évangéliste Moody et centre de réunions religieuses, particulièrement destinées à la jeunesse, Rien de très original dans les descriptions des sites qu'il parcourt. Son livre est un ouvrage de vulgarisation qui ne contient pas d'aperçus nouveaux ni très personnels en ce qui concerne ses récits de voyage. Selon nous, son admiration pour l'Amérique est excessive et manque de vues profondes. Il se laisse un peu trop éblouir par la civilisation du nouveau monde. Mais par contre, tout ce qui touche à la vie religieuse et aux oeuvres sociales de l'Amérique est captivant, le récit de ses séjours à Northfield, en particulier. On y retrouve Frank Thomas avec ses élans de foi, son humilité, sa ferveur pour tout ce qui touche au Royaume de Dieu. On sent qu'il a puisé des idées nouvelles à cet égard dont il fera largement profiter ses activités futures. Il est enthousiasmé par les grands meetings auxquels il a assisté où il a eu la joie de rencontrer Moody et John Mott. Il se montre, déjà à cette époque, féministe convaincu, et, à cet égard comme à celui de l'évangélisation, très en avance sur son temps.

Table des matières


1 Questions vitales, t. 1, p. 100-101.

2 La Royauté de Christ, p. 111-112.

3 Cette salle a été démolie depuis lors.

4 Les cinquante ans de l'Évangélisation populaire à Genève, p. 43-45.

5 Pasteur de l'Eglise libre française, à Borne.

6 La Croix de Christ, p. 55-56.

7 Bonne Nouvelle, t. I, p. 204.

8 Ed. Favre, Les cultes célébrés au Victoria Hall, publié par l'Association chrétienne évangélique à l'occasion du 250 anniversaire du premier culte, Genève 1921.

9 Un genevois qui s'intéressait à l'évangélisation.

10 Pasteur genevois, agent de l'Union nationale évangélique.

 

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