LE
RÉVEIL EN MANDCHOURIE
II
Extraits traduits du livre
(1).
Je ne crois pas nécessaire de donner la
traduction du livre entier, de 127 pages, mais ceux
qui comprennent l'anglais le liront pourtant avec
intérêt.
L'introduction écrite par M.
Walter Sloan, adjoint du directeur de la mission
pour l'intérieur de la Chine, me
paraît particulièrement importante
parce qu'elle montre comment les réveils du
Pays de Galles, des Indes, de Chine, de
Corée et de Mandchourie s'enchaînent
les uns aux autres, et aussi à cause des
quelques détails qu'elle donne sur celui de
Corée ; je la traduis donc en
entier.
Des premiers chapitres du livre
nous
tirerons simplement quelques indications sur le
commencement et la marche du réveil ;
dans les chapitres suivants nous citerons les faits
les plus intéressants, et passerons aux
résultats acquis, pour terminer par les
discours de M. Goforth, déjà
mentionnés.
Nous aurons ainsi sur ce
réveil une vue générale
suffisante pour nous convaincre de l'importance de
ce mouvement religieux, et pour augmenter en nous
le désir et le besoin
d'un renouveau spirituel pour nous-mêmes
ainsi que pour nos pays de langue française.
Dieu veuille nous l'accorder bientôt !
a. Introduction.
Par M. Walter B.
Sloan.
« Le vent souffle où il veut et
tu en entends le bruit ; mais tu ne sais
d'où il vient, ni où il va. Il en est
de même de tout homme qui est né de
l'Esprit. » C'est ainsi que notre
Seigneur décrit les merveilleuses
opérations du Saint-Esprit.
Les allées et venues des
mouvements de l'Esprit ne sont pas à la
portée de notre vue charnelle ;
néanmoins ses oeuvres rentrent dans le
cercle d'observation des hommes, nous pouvons en
voir et en suivre les résultats. L'histoire
du réveil de Mandchourie ne peut être
présentée sans la relier au
réveil de Corée ; et l'histoire
du réveil de Corée ne peut se
raconter sans faire allusion au ministère du
Rév. Dr Howard Agnew Johnston
Il était ministre
presbytérien à New-York, mais quitta
son pastorat pour visiter pendant deux ans dans
divers pays les missions de son Église. Sur
son chemin il s'arrêta en Angleterre et eut
avec Evan Roberts une entrevue dont les
conséquences furent immenses. Continuant son
voyage, il traversa la Turquie, la Syrie, et
l'Égypte, puis passant par les Indes, il vit
comment Dieu avait répandu son Esprit dans
ce grand pays, et quelle impression profonde avait
été produite dans le coeur de
beaucoup de ceux qui étaient sortis du
paganisme. Passant par Ceylan et le Siam, il arriva
en Chine où il resta
pendant le printemps et
l'été de 1906. Et là, dans un
centre au moins, ses récits de l'oeuvre de
Dieu aux Indes furent le moyen d'un réveil
dont la force et la stabilité sont
démontrées par la ferveur et la
fidélité de ceux qui ont
été atteints. Arrêtons-nous ici
pour nous demander ce qu'il y avait de particulier
dans le ministère qui produisit ce
résultat et d'autres encore dont nous aurons
à nous occuper. Nous trouvons la
réponse à notre question dans les
lignes que voici d'un missionnaire travaillant en
Chine : « Il n'y a certainement rien
d'extraordinaire dans ce que dit le Dr Johnston, ni
rien de fanatique ou d'extravagant dans ses
méthodes. Son geste est tranquille et
ouvert, et ses allocutions sont, du commencement
à la fin, absolument dénuées
de recherche de soi-même. Les incidents qu'il
raconte ont trait à ce que Dieu a fait non
par lui, mais par d'autres. Nous devons
forcément renoncer à expliquer par
des causes naturelles le travail d'hommes
semblables, manifestement revêtus d'une
puissance spéciale, possédée
par peu de serviteurs de Dieu, et qui semble
n'être pas autre chose qu'une plus grande
mesure du Saint-Esprit. »
Ce fut en octobre 1906 que le Dr
Johnston atteignit la Corée. À
Séoul comme à Pyang-Yang, quand il
parla de ce qu'il avait vu aux Indes, les coeurs
des missionnaires et des chrétiens
coréens furent pressés de chercher
une manifestation semblable de la puissance de
Dieu. Déjà deux mois auparavant,
à des études bibliques à
Pyang-Yang, les missionnaires avaient reçu
une profonde impression et éprouvé le
vif désir d'être remplis du
Saint-Esprit. Il y eut beaucoup de prières,
et de temps à autre des réunions
spéciales, d'octobre à la fin de
l'année ; ce fut alors pendant les
premiers mois de 1907 que commença
parmi le peuple un mouvement
spirituel, tel qu'il restera à jamais
gravé dans la mémoire de l'Eglise de
Corée. Environ 700 hommes étaient
venus en ville pour les études de la classe
d'hiver. Tous les jours, à midi, les
missionnaires se rencontraient pour demander
à Dieu une bénédiction sur
cette classe. Puis on tint le soir des
réunions organisées d'un commun
accord par les quatre églises
presbytériennes de la ville. Le nombre des
assistants fut si considérable qu'on dut
réunir à part les hommes, les femmes,
et les enfants des écoles. Tous les soirs le
temple central contenant 1500 personnes
était bondé d'hommes seulement.
L'intérêt et la
puissance augmentèrent de jour en jour dans
les réunions et de grandes choses
étaient attendues pour le premier dimanche
au soir : mais au contraire il semblait que le
Saint-Esprit fût parti ; tout
était froid et sans vie. Cela n'eut d'autre
effet que de rendre plus intense les prières
de la réunion de lundi à midi, et
à la réunion du soir nous eûmes
la bénédiction. « Vous ne
savez ce que vous demandez ! »
Quelques-uns des missionnaires ont avoué
depuis que s'ils avaient su ce que la
proximité de Dieu mettrait à nu dans
la vie de l'Eglise et dans leurs propres coeurs,
ils n'auraient jamais osé prier comme ils
l'avaient fait. Dès le commencement de cette
réunion il y eut un sentiment extraordinaire
de la présence de Dieu. Quand l'heure fut
avancée, on donna à ceux qui
voulaient se retirer l'occasion de le faire et
environ 500 restèrent. Quand ils se furent
rassemblés, commencèrent les
premières de ces heures solennelles,
où la conviction du péché
provoque l'angoisse et l'agonie de l'âme, et
qui sont devenues caractéristiques du
réveil partout où il a passé.
L'un après l'autre ces hommes se levaient,
confessaient leurs
péchés, tombaient sur le sol et
pleuraient ; l'un d'eux cria à travers
l'église : « Dites-moi,
pasteur, y a-t-il de l'espoir pour moi, puis-je
être pardonné ? » Puis
se jetant à terre il pleura et sanglota avec
une détresse indicible. Quelquefois toute
l'assemblée priait, et l'effet produit par
ces centaines d'hommes priant ensemble à
haute voix était indescriptible. Puis
c'étaient des pleurs irrésistibles.
Le missionnaire qui racontait cela disait :
« Nous pleurions tous sans pouvoir nous
arrêter. » Quand il fut possible de
terminer cette réunion mémorable il
était deux heures du matin.
Le soir suivant ce fut encore
plus
terrible ; un homme qui était en
dispute avec un autre reçut finalement la
force de confesser son péché. Il
reconnut avoir haï ses frères, entre
autres l'un des missionnaires. L'agonie par
laquelle il passa défie toute description,
tous éclatèrent en pleurs avec lui.
Chaque jour, pendant la semaine entière, ces
expériences se renouvelèrent,
exaltant la puissance de Dieu, d'abord dans
l'école des garçons, puis dans celle
des filles et enfin dans les réunions des
femmes.
Il y a à Pyang-Yang un
bâtiment commun réunissant
collège et académie pour les deux
missions presbytérienne et
méthodiste. Il était fermé
pendant ce temps de bénédictions.
Quand les étudiants se rassemblèrent
lors de la rentrée du printemps, le
directeur était en prière avec l'un
des instituteurs coréens dans
l'établissement, et bientôt l'Esprit
commença à travailler d'une
manière remarquable. D'abord la
bénédiction atteignit surtout les
étudiants presbytériens ; puis
on apprit que l'un des prédicateurs
méthodistes était ouvertement
opposé à l'oeuvre. Quand enfin les
étudiants méthodistes furent
réveillés ils
confessèrent ouvertement
qu'ils avaient eu tort d'écouter les
conseils de leur professeur. Ce fut plus que
celui-ci n'en put porter, et après qu'il eut
avoué son opposition, Dieu répandit
sa grâce dans tout le collège. Toute
distinction confessionnelle se trouva
effacée et les professeurs étaient
étonnés d'avoir pu y attacher tant
d'importance.
L'un des traits
caractéristiques de l'oeuvre de Pyang-Yang,
ce furent les ondées de grâce divine
qui se répandirent sur différentes
assemblées de chrétiens
successivement réunis dans la ville pour des
études spéciales.
Après que l'oeuvre eut
atteint l'église méthodiste aussi
bien que l'église presbytérienne, il
fut décidé de faire un puissant
effort en commun pour
l'évangélisation de la ville. La
foule remplit tous les lieux de culte et environ
2000 personnes furent amenées à
accepter Christ pour leur Sauveur.
Après cette campagne s'ouvrit
le cours de mission des méthodistes pour
prédicateurs et ouvriers chrétiens,
réunissant une centaine de leurs hommes les
plus influents pour un mois d'étude. Ici
aussi la même conviction de
péché, réelle et profonde fit
son oeuvre purificatrice ; et quand les
prédicateurs se dispersèrent ils
retournèrent chez eux avec des coeurs
nouveaux et animés envers Dieu et leurs
frères d'un amour intense qu'ils n'avaient
pas connu auparavant.
Au moment précis de leur
départ la classe d'éducation pour les
femmes de la mission presbytérienne
commença à se rassembler. Il y en
avait 550, venant des églises de la
contrée ; et parmi elles aussi le
Seigneur déploya sa puissance de conviction
et de confession de péché, suivies
d'une grande joie ; à peu d'exception
près, elles rentrèrent
délivrées d'un immense
fardeau.
Elles n'étaient pas encore
à la maison qu'un autre groupe se
réunit. Cette fois c'étaient 75
étudiants en théologie de
l'église presbytérienne. Ces hommes
venaient de toutes les parties de la Corée,
et tous étaient engagés pour
plusieurs années dans un travail actif. La
classe devait commencer le 1er avril, et dans tout
le pays on avait mis à part le jour
précédent en vue d'intercéder
pour ces étudiants. On sentait qu'il
était important que tous ces hommes, sur
lesquels reposerait essentiellement la charge de la
jeune église coréenne, fussent
remplis du Saint-Esprit. Dans les circonstances
nouvelles, créées par les
bénédictions déjà
reçues, il était à peu
près impossible pour eux de garder quelque
autorité dans l'église sans que cette
condition fût remplie. Il se passa quelques
jours avant que le Seigneur s'approchât
« ayant son van dans ses
mains », mais quand il vint
« il nettoya parfaitement son
aire. » Éclairés par
l'Esprit, ces hommes se sentirent impurs,
incapables et indignes, et il s'éleva vers
Dieu un cri de détresse que rien ne peut
décrire. Ceux-là seuls qui ont
passé par de semblables expériences
peuvent s'en faire une idée. Aucune
puissance sur terre n'est capable d'amener au jour,
comme le tirent ces réunions, les choses
affreuses cachées au fond des coeurs. Mais
la conviction du péché et
l'humiliation ne sont entre les mains de Dieu que
des moyens pour arriver à un but ;
à la vallée d'humiliation
succède la montagne de la transfiguration.
Enfin la louange et les actions de grâce
éclatèrent de toutes parts. L'un
après l'autre, quelquefois plusieurs
à la fois, ils rendirent leur
témoignage jusqu'à ce que la plupart
de ces 75 étudiants eussent
déclaré avoir reçu la
paix.
À Séoul l'oeuvre fut
pareille à celle de
Pyang-Yang. La conviction de
péché ne fut pas moins intense. Les
gens paraissaient chargés d'un poids de
péchés qu'ils étaient
pressés de confesser pour en être
délivrés. Le Saint-Esprit a
remué la Corée, partout où il
s'est manifesté, comme ni la guerre, ni le
commerce, ni l'éducation, ni rien d'autre ne
l'a fait depuis des siècles.
Vers la fin de 1907, M. Douglas
de
Liaoyang envoya en Corée deux de ses
ouvriers qui, voyant ce que Dieu y avait fait, s'en
retournèrent en Mandchourie
transformés. Ils emportèrent une
lettre de l'un des missionnaires de Pyang-Yang,
adressée à M. Douglas et contenant
cette phrase : « Nos
chrétiens prieront pour vous et leurs
prières sont puissantes et efficaces
auprès de Dieu. » La visite de ces
deux frères fut certainement un anneau
important dans la chaîne qui relie le
réveil de Corée à celui qui se
produisit ensuite en Mandchourie.
b) M. Goforth,
principal instrument du réveil en
Mandchourie.
Avant de relater les faits du réveil, et
afin d'en mieux comprendre l'esprit, il sera utile
que nous connaissions quelque chose de M. Goforth,
principal instrument de ce mouvement et auteur des
allocutions prononcées à Londres au
centième anniversaire de la Mission dans
l'Intérieur de la Chine, allocutions dont la
traduction est donnée à la fin de ce
volume.
Il fut l'un des pionniers de la
mission de l'église presbytérienne du
Canada dans l'empire chinois. Pendant de nombreuses
années cette église avait eu
une mission bénie sur
l'île de Formose, mais ce n'est qu'en 1886
qu'elle commença sa mission en Chine
même, dans la province de Honan.
Pendant les années
précédentes il y avait eu un
merveilleux réveil de l'intérêt
missionnaire dans les deux principales
facultés de théologie de
l'église presbytérienne du Canada, et
l'un des résultats de ce réveil fut
que chacune de ces facultés se chargea de
l'entretien d'un missionnaire dans un nouveau
champ. M. Goforth fut choisi comme
représentant de son collège et arriva
en Chine il y a vingt ans. Il fut ainsi au
bénéfice de cet entraînement
qu'on ne peut acquérir que dans une oeuvre
de pionnier en pays païen. Cette circonstance
le prépara admirablement pour la nouvelle
tâche à laquelle la Providence semble
l'avoir appelé.
Avec ses collègues il passa
par mainte épreuve pendant la révolte
des Boxers. On se souvient que les missionnaires de
la province de Honan durent fuir pour sauver leur
vie. Dans un voyage périlleux et très
mouvementé de vingt jours, ses compagnons et
lui furent attaqués par une bande
armée et n'échappèrent que par
miracle. Plusieurs furent grièvement
blessés. M. Goforth reçut plusieurs
coups de sabre sur la tête. Pendant un jour
et une nuit Mme Goforth et lui-même avaient
perdu toute trace de leur petit garçon et
avaient renoncé à l'espoir de le
retrouver. À une telle école il
devint endurant comme doit l'être un bon
soldat de Jésus-Christ ; il apprit la
patience, le support et le tact pour traiter avec
les Chinois, mais par-dessus tout il apprit
à saisir la puissance de la
prière.
Pendant ces vingt ans passés
dans la province de Honan, M. Goforth et ses
collègues fondèrent et
développèrent une
institution chrétienne basée sur
l'Évangile ; dès le commencement
ils eurent en vue une église autonome et
travaillant à son extension avec ses propres
fonds. M. Goforth eut là un grand
succès. Dans son travail
d'évangélisation il chercha à
atteindre non seulement les classes
illettrées et ayant peu d'éducation,
plus accessibles à l'influence missionnaire,
mais aussi les étudiants et les
écoliers de district, comprenant combien il
était essentiel qu'en vue de la
régénération de l'empire
chinois les hommes influents fussent mis en contact
avec les principes rénovateurs de la foi
chrétienne. En tout cela il avait
montré une grande largeur de vue, une
appréciation juste et bienveillante du
problème de la mission en Chine,
qualités qui, avec beaucoup de bon sens, la
connaissance de la langue, de la littérature
et du peuple chinois, une foi simple et un
zèle d'apôtre, placent M. Goforth au
premier rang des missionnaires presbytériens
en Chine.
Il vint à Moukden
accidentellement, y prêcha, et, en racontant
les faits du réveil de Corée, y
éveilla tant d'intérêt qu'on
lui demanda de revenir pour diriger des
réunions d'évangélisation et
de réveil. Il obtint plus tard à cet
effet un congé de son église, d'abord
de quinze jours, puis de six semaines, et c'est
ainsi que commença son oeuvre en
Mandchourie.
Et son message ? il est
simple,
droit, et ne présente rien de nouveau. Pour
commencer nous fûmes mis au courant de
l'histoire de l'église de Corée, du
réveil par lequel elle a passé, du
progrès rapide du christianisme dans ce
royaume, de l'accroissement incroyable du nombre
des convertis, de la force et de
l'indépendance des églises, du nombre
d'écoles et de collèges, tous
établis dans l'espace de peu
d'années, tous subvenant
à leurs frais. À notre confusion,
nous apprîmes bientôt que M. Goforth
était aussi bien versé dans notre
propre statistique que dans celle de
l'église coréenne. Il en
résulta une comparaison sans merci entre les
progrès faits là et ici pendant la
dernière décade, contraste frappant
et humiliant.
Tout en regrettant de faire
tomber
nos illusions, M. Goforth sentit la
nécessité de nous faire comprendre
qu'il n'était pas venu en Mandchourie pour
exalter notre mission. Il nous supplia de nous
enquérir sérieusement de ce qui avait
pu produire cette immense différence entre
l'église de Corée et la nôtre.
Nous ne pouvions la mettre sur le compte de la
guerre et des insurrections par lesquelles nous
avions passées, la Corée ayant eu sa
large part de l'une et des autres. Il
n'était pas plus plausible de mettre cette
différence sur le compte de la situation
politique, puisque la servitude des Coréens
et leur joug si lourd les poussaient à
embrasser un culte étranger dans l'espoir
que les puissances de l'ouest interviendraient pour
délivrer leur peuple opprimé et sans
force. D'ailleurs l'église avait
été franchement
anti-révolutionnaire, elle avait
montré aux autorités une
entière loyauté et avait
déployé sous l'oppression une
patience qui avait été en exemple
à tout le peuple. Ce n'est donc pas à
ces choses qu'il faut regarder pour expliquer ce
qui s'est passé dans l'Eglise
coréenne. « Ce n'est ni par force,
ni par armée, mais par mon Esprit, dit le
Seigneur. »
Il a été
remarqué que dans chaque grand réveil
une vérité spéciale a
été mise particulièrement en
lumière. En 1859-1860 ce fut :
« Il vous faut naître de
nouveau. » En 1873-1875:
« Crois au Seigneur
Jésus-Christ. » Le point sur
lequel M. Goforth insistait
était celui-ci : « Ce n'est
pas par force, ni par armée, mais par mon
Esprit, dit le Seigneur. » Cette
doctrine, répétée sous
différents aspects et amplement
illustrée, fut le thème distinctif du
ministère de M. Goforth en
Mandchourie.
La sainteté de Dieu, la
nature profondément corruptrice et la
culpabilité du péché,
l'incapacité absolue de l'homme en dehors de
l'action du Saint-Esprit, la possibilité
d'empêcher le Saint-Esprit de travailler en
nous et par nous - voilà quels
étaient surtout les sujets de
prédication. Il ne faisait pas de
théories abstraites sur l'oeuvre du
Saint-Esprit. « Je parle de ce que je
connais et témoigne de ce que j'ai
vu », semblait-il dire. Il ne dit rien
dont il ne soit absolument sûr, mais alors il
l'affirme de toutes ses forces. Il croit que
l'idolâtrie et la superstition ne sont pas
les fruits de l'Esprit, et il le dit. Il croit
aussi que des hommes qui ont renoncé
à ces pratiques et sont devenus membres de
l'église, qui ont été
baptisés et professent le christianisme,
peuvent néanmoins être ennemis de la
croix de Christ. Il croit que l'animosité et
la haine, la jalousie et la méfiance,
l'impureté et la
légèreté, la fausseté
et la tromperie, l'orgueil et l'hypocrisie, la
mondanité et l'avarice ne sont pas les
fruits de l'Esprit de Dieu, et que tant que ces
choses sont caressées et sanctionnées
dans le coeur des hommes et des femmes qui portent
le nom de Christ, nous ne pouvons attendre la
bénédiction qui fut la part de
l'église de Corée.
La doctrine de la propitiation
ne
fut pas spécialement expliquée. La
croix n'était pas le thème des
prédications, quoiqu'elle fût la base
et le centre de toutes les allocutions. Il ne fut
pas fait non plus de peinture terrifiante des
peines éternelles afin
d'effrayer à salut le coeur des
pécheurs. Ce qui oppressait les âmes
et les consciences des pénitents
n'était pas la crainte de la punition des
méchants. Cette pensée peut avoir
été présente, mais elle fut
rarement exprimée. Les coeurs semblaient
remplis du sentiment de leur
infidélité, de l'ingratitude envers
le Seigneur qui les avait rachetés, du
péché abominable d'avoir foulé
aux pieds son amour.
Voilà ce qui touchait leurs
consciences, les troublait jusque dans les
dernières profondeurs de leur être et
obligeait les multitudes à s'écrier
en détresse : « 0 Dieu, aie
pitié de moi qui suis
pécheur ! »
c) Les débuts du réveil
à Moukden.
« C'est
l'oeuvre de l'Éternel, c'est une merveille
devant nos yeux. »
Au commencement de l'année chinoise, le
commerce est suspendu, les gens ont du loisir, les
tentations abondent, et les missionnaires trouvent
bon d'utiliser ce temps pour rassembler les
fidèles dans des réunions
spéciales afin de les encourager à
commencer l'année avec Dieu. Il en fut ainsi
à Moukden en février 1908, entre
autres dans la congrégation chinoise de la
mission de l'église libre
d'Écosse.
C'est une communauté
importante dirigée depuis nombre
d'années par le pasteur chinois Rév.
Liu Ch'uen Yao, l'un des premiers fruits de la
mission commencée il y a 35 ans. Pendant les
jours précédents il avait
présidé une série de
réunions de huit jours dans une ville
située à 40 milles au sud de Moukden
et il en était résulté des
bénédictions manifestes.
L'oeuvre commença un samedi
soir par une réunion de prière. Le
dimanche suivant M. Goforth présida deux
cultes, chacun précédé d'une
heure de prière. L'assemblée comptait
8 à 900 personnes. Il nous parla beaucoup du
réveil en Corée, relatant certains
faits frappants que nous avions déjà
entendus par d'autres. Il termina par un appel
à de ferventes prières pour qu'une
même bénédiction puisse
être notre part à Moukden. On donna
l'occasion de prier à ceux qui s'y
sentiraient poussés par le Saint-Esprit,
mais personne ne le fit. Il semblait que
l'assemblée fût frappée de
mutisme. Cela m'étonnait beaucoup parce
qu'habituellement les Chinois sont assez prompts
à répondre. M. Goforth était
désappointé. Et pourtant il y avait
dans l'assemblée quelque chose qui me
remplissait d'espoir et d'attente. Dans
l'allocution cette note centrale avait
été donnée : l'oeuvre
merveilleuse qui s'était faite en
Corée et la nécessité de
posséder le Saint-Esprit. « Ce
n'est pas par force ni par
armée. » Cette
vérité, énoncée,
accentuée et répétée,
ne fut pas sans effet dès le
début.
Le soir l'assemblée fut
nombreuse et j'en augurai du bien. Voir en Chine 7
à 800 personnes assemblées
après le coucher du soleil pour entendre un
missionnaire étranger parler de
péché et de justice, cela seul me
semblait miraculeux. « Ni par force, ni
par armée, mais par mon Esprit, dit le
Seigneur. » L'allocution de M. Goforth se
rattachait à la vision des ossements
desséchés d'Ezéchiel. Une
seconde occasion fut offerte pour la prière
et la confession. De nouveau pas de réponse.
Le silence était plus profond que le matin
et de nouveau M. Goforth fut
désappointé. Mais pour moi qui
observais les contenances, ce silence était
plus éloquent que des mots.
Les coeurs avaient perdu leur
confiance en Dieu et simplement ne pouvaient pas
s'exprimer. Mais on sentait que quelque chose
s'était fait et que sous la surface un
puissant mouvement se préparait.
Lundi matin, immédiatement
après déjeuner, me fut annoncé
un ancien hors de charge qui désirait me
parler en particulier. D'une voix basse et triste
il me dit sa honte, et le besoin qu'il avait de
confesser sa faute. Il parla alors d'une somme qui
avait été perdue par la suite de la
révolte des Boxers et qui plus tard lui
avait été restituée comme
trésorier de l'église, mais qu'il
avait gardée. « Hier, dit-il,
quand M. Goforth parla, je devins bien malheureux,
je n'ai pu dormir de toute la nuit et je viens vous
dire la chose, vous suppliant de prier Dieu qu'il
me pardonne ce grand
péché. »
Je conduisis le pauvre homme
près de M. Goforth et lui fis
répéter son histoire. Puis nous nous
agenouillâmes ; cet homme fort
était brisé, tandis qu'à
genoux, la tête baissée il demandait
pardon à Dieu. Peu après il nous
quitta avec un regard transformé et
promettant qu'il rendrait l'argent aussitôt
qu'il aurait vendu une propriété.
Notre espoir commençait à se
réaliser ; M. Goforth était
réjoui.
Le même matin à la fin
du culte on donna comme d'habitude le temps pour la
prière et la confession ; mais
ceux-là seulement devaient prier qui y
étaient poussés par l'Esprit ;
ceux qui n'avaient pas reçu la grâce
du Saint-Esprit devaient se taire. Près de
moi, un diacre, homme âgé, se leva et
fit la remarque qu'il n'était pas sûr
du tout d'avoir reçu le Saint-Esprit, mais
qu'il désirait dire deux mots :
« O Seigneur, pria-t-il, je désire
te dire que je me livre à toi de tout mon
coeur et pour toujours, amen. »
C'était si naturel, si
dénué d'affectation que toute
l'assemblée répondit. Quelques
prières suivirent, encore un peu
stéréotypées puis un chant
final, bien enlevé. Ce n'était pas la
grande manifestation que M. Goforth avait
espérée ; pourtant nous
étions contents.
Le soir je me tins à la porte
pour empêcher les retardataires de
déranger, et on ne pouvait souhaiter une
assemblée plus convenable. Pères et
mères avec leurs enfants étaient
tranquilles comme des souris. La voix de M. Goforth
résonnait dans l'édifice. Comme
d'habitude on réserva un moment pour la
prière. L'un après l'autre, hommes et
femmes se levèrent pour prier et confesser
leurs péchés, souvent avec des
sanglots difficiles à comprimer. Une voix
s'éleva du côté des femmes.
Quand celle qui parlait se fut un peu remise elle
sanglota à haute voix, mais au milieu de ces
sanglots un cri terrible s'éleva, presque
comme si le toit s'effondrait, et un instant toute
l'assemblée parut pleurer d'un seul accord.
Cela dura environ cinq minutes. Quantité de
gens priaient pêle-mêle. On se sentait
heureux de n'avoir pas à rendre compte de ce
moment ; c'était hors de portée
de l'interprétation humaine. Mais les anges
qui font le compte de ces faits devaient être
là et ils ne devaient pas avoir peu à
faire. Le soir nous eûmes une réunion
de prière, courte, cordiale, heureuse. Les
dames de la mission étaient très
encouragées. Elles avaient
désiré cela et prié, et
maintenant l'exaucement semblait venir.
C'était merveilleux de voir venir les
femmes, malgré le froid et la boue, deux
fois par jour, quelques-unes de très loin.
Des familles entières vinrent et furent
bénies. Après la quatrième
réunion c'était la conviction de tous
qu'un mouvement tranquille mais puissant se
préparait.
Voici quelques notes de ce qui
suivit : Le mardi 18 février, à
10 heures du matin un diacre de Liaoyang nous fit
un récit du travail en Corée. Il
parlait comme quelqu'un qui a reçu une
nouvelle force. « Il n'y aura plus aucune
difficulté maintenant pour que notre
communauté pourvoie aux frais de son propre
pasteur », dit-il. M. Goforth parla
longuement. Notre ministre de Moukden, M. Liu
Ch'uen Yao a été
considérablement vivifié ; son
fils le docteur pria, il était
profondément ému. Les femmes
prièrent avec une liberté, une
ferveur et une onction
particulières.
Le soir, de cinq à huit
heures, l'immense église est aux trois
quarts remplie. Un évangéliste nous
parle encore de la Corée. Mais il semble
tout mesurer à la même aune et on
craint de tomber dans une méthode
stéréotypée. Ce qu'il y a de
beau dans le mouvement qui s'est produit, c'est sa
spontanéité ; aucune contrainte,
c'est l'action de l'Esprit agissant sur les
âmes simplement et naturellement. C'est
délicieux de voir les gens se lever de
toutes parts pour épancher leurs coeurs dans
la prière. C'est de nouveau du
côté des femmes que se manifeste le
plus de ferveur et de puissance. Quelle surprise
d'entendre la voix de Mlle L. Le médecin en
désespérait et la voici à la
réunion par une nuit très froide, le
coeur débordant de louange et d'adoration,
et promettant à Dieu de lui consacrer deux
jours par semaine. Mme P., la personne la plus
influente de l'Eglise, a manifestement aussi
reçu une bénédiction
particulière, sa prière est
merveilleuse. Tant d'autres devraient être
citées.
L'oeuvre admirable se poursuit,
c'est pour tous un temps de rafraîchissement.
Je voudrais célébrer
un service d'actions de
grâces. M. Goforth trouve que c'est trop
tôt ; il est heureux de tout le bien qui
s'est fait, mais croit que plusieurs sont encore
retenus. La réunion se termina par des
prières où tous rendirent
grâces à Dieu pour l'oeuvre
accomplie.
Le mercredi, c'est un Chinois
qui
parle du réveil de Corée et du
témoignage que les marchands coréens
rendent aux chrétiens de leur pays qui
viennent spontanément régler leurs
anciennes dettes. Puis M. Goforth parla. Il n'y a
plus maintenant de contrainte dans la
prière. L'ancien S. essaie deux fois de se
lever et s'écrie enfin dans une
émotion indicible : « Je ne
puis plus y tenir, c'est plus fort que
moi ; » puis il confesse avoir
essayé deux fois d'empoisonner sa femme,
tandis qu'il était en vue comme ancien
d'église.
Le dernier jour de la visite de
M.
Goforth, le réveil atteignit son point
culminant. C'était comme des flots de
confessions se pressant les uns sur les autres.
Puis fréquemment toute la
congrégation éclatait ensemble en
prières, c'était merveilleux.
Plutôt que d'encourager les confessions, M.
Goforth semblait vouloir les arrêter, mais
c'était impossible, ces âmes voulaient
être déchargées de leurs
fardeaux. Le pasteur se lève très
ému : « Mes
péchés sont les plus grands de tous,
ce sont ceux d'un ministre du Christ, priez pour
votre pasteur. » L'ancien L. se sent
pressé de confesser ses
péchés. Il détailla
tranquillement de petits actes
d'indélicatesse commis des années
auparavant. Rien ne semblait nécessiter la
chose, mais il dit que cela le tourmentait et
l'empêchait d'obtenir la pleine
bénédiction. L'ancien H. veut aussi
décharger son coeur de choses anciennes,
quoiqu'il ait été en grande
bénédiction depuis à
beaucoup d'âmes. Un
vieillard vient dire à son pasteur que son
coeur le tourmente, mais qu'il ne sait que faire.
« Dis à Jésus tout ce qui
t'oppresse. » « J'ai
soixante-huit ans, et il y a soixante ans que j'ai
dit un mensonge sur le compte de ma mère,
qui en a souffert. » Puis ce fut comme si
les péchés de toute cette longue vie
passaient devant lui, accompagnés d'un
déluge de larmes et de contrition. Dans ces
moments, un chant comme :
« Jésus sauve », ou
« Rien que ton sang
précieux », faisait toujours du
bien.
Impossible de raconter comme le
fait
le livre anglais la suite des réunions qui
furent de plus en plus bénies, en sorte que
quand M. Goforth dut partir, elles
continuèrent de plus belle, amenant
journellement des confessions, des dons, des
consécrations, comme on ne le voit qu'en ces
temps de réveil.
Le dixième jour, il n'y avait
aucun signe de ralentissement. De 10 1/2 à 1
1/2 heures, le flot de prières ne
s'arrêta pas. Des champs, des maisons, de
l'argent, des marchandises, des bijoux et des
céréales étaient donnés
en signe de repentance. Plus tard, ces dons prirent
plutôt le caractère d'offrandes
offertes par reconnaissance. Nombreux furent les
ouvriers volontaires qui s'offrirent pour aller
gratuitement évangéliser les environs
et qui acceptaient joyeusement de s'y rendre,
souvent où ils eussent le moins aimé
aller.
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