Sur le Roc
ONCLES ET TANTOUNES...
Ma mère est assise sur la mule dont
mon père tient la bride. La pensée de
suivre le nouveau chemin du col d'Orsières,
de revoir sa vallée du Champsaur, de se
laisser choyer dans la maison natale, avive son
teint et l'éclat de ses yeux roux.
Fière d'elle, je la regarde. Je voudrais
toucher l'enroulement de ses nattes bronzées
sous la capeline de paille. Jamais elle ne m'a paru
plus belle, plus grande ; son buste me cache
tout un coin de ciel, entre deux peupliers ;
sa robe noire, largement étalée, fait
comme un manteau à la mule ; et trois
tours de chaîne d'or brillent autour de son
cou.
- Maman, vous êtes magnifique
- Taisez-vous, petite.
À ses pieds, ma marraine Mimi, vive
et menue, les deux tantounes, très brunes
dans leur robe brune, pareilles à de grosses
fourmis. Toutes trois, elles disent :
- Ne vous inquiétez pas, on les
gâtera ces enfants.
Mon père répond :
- Ah ! ne les gâtez pas
trop ! Allons, adieu, portez-vous
bien !
Ils s'éloignent. Groupés, nous
faisons des signes aussi longtemps que nous pouvons
voir le buste mollement balancé de celle qui
s'en va comme une reine à la rencontre du
chemin où l'on touche le ciel.
Alors, nous nous mettons à vivre avec
celles qui sont là, Mimi, descendue de
Dormillouse et les tantounes de leur maison des
Fazys. Robes troussées sur la jupe,
agenouillées, elles s'en donnent de savonner
les planchers, de les brosser, de les laver
à grande eau ! C'est que l'on attend
l'oncle Étienne, maître d'école
aux Viollins, le village du fond du val, et
l'oncle-grand Alexandre, le percepteur, en
tournée depuis des semaines dans sa
circonscription.
Tandis que l'oncle Jean soigne la brebis
à la patte cassée, Mimi nous conte,
entre deux coups de balai, qu'elle fit la classe
à Dormillouse, durant cinq ans,
« pour le plaisir de continuer l'oeuvre
du bienheureux Félix Neff et d'enseigner la
vie de notre adorable Sauveur ». L'hiver
prochain, c'est nous qui serons ses
écoliers. En attendant, dès qu'elle a
une minute, elle nous apprend à lire.
- Travaillez, mes jeunes plantes ! Les
pages noires que vous déchiffrerez
bientôt disent toute l'histoire des anges et
des hommes.
Fatiguée d'épeler, j'arrache
les germes des vieilles pommes de terre... Des cris
aigus, sur la galerie. Aux tantes
qui se sont précipitées, Xandrou
montre un genou saignant. : on embrasse le
maladroit, on place sur l'écorchure les
trois herbes qui guérissent ; pour nous
distraire, Mimi ouvre le coffret où dorment
les parures des aïeules, leurs
« prétentions », comme
on dit, fleurs d'oranger, larmes et colombes d'or,
dentelles plus fines que les ailes des
papillons.
- Montre-nous tes colombes à
toi...
- Oh ! je n'ai pas de
prétentions, moi, je ne suis qu'une servante
du bon Dieu.
On frappe à la porte. Mimi
s'empresse : « Voilà !
Voilà ! » Constamment, des
pieds hésitants gravissent les marches qui
mènent à la galerie, des mains
tourmentent le loquet, des voix appellent
- Maîtressoune !
Le bruit s'est déjà
répandu que Mimi fera l'école,
l'hiver prochain. Depuis le temps qu'on le
souhaite ! Les futurs élèves
tiennent à se montrer.
- Entendu, tu y viendras !
Jusque-là, surveille tes chèvres.
Emporte ces gravures. Tu les regarderas le dimanche
matin, et même les autres jours. Tu y verras
toute la Bible en images.
Une fillette apporte des fraises ;
Ruben, perdu dans la houppelande
héritée d'un aïeul, la
vipère qu'il tua ; Théophile,
une poignée de prunes vertes.
- Coquin, tu les as volées ?...
Tu n'aimes donc pas le bon Dieu ?
- Un peu.
-Un peu, seulement ?... Montre tes mains.
Fi ! qu'elles sont sales ! Va les laver
à la fontaine, et la figure par la
même occasion. Frotte ! frotte ! et
frotte encore ! Je veux des écoliers
propres.
... Quand tout est luisant, des planchers
aux solives, les tantounes admirent leur ouvrage.
L'oncle Étienne peut venir ! Sa chambre
d'été est prête. On en a fait
un nid.
- Pecaïre ! Aux Viollins, il a
suffisamment tâté de la froidure et de
la solitude. Il faut bien, maintenant, le
gâter un peu. Comme ce sera bon de le voir
apparaître vers les cinq heures, de le
fêter tout le soir, de lui préparer
son bissac, chaque matin ! Lui qui aime tant
les soupes à l'avoine ! il en aura
chaque soir. Lui qui aime tant les oeufs
durs ! il en aura plein son bissac pour son
dîner.
À l'affût sur la galerie, je
rentre, criant :
- Il vient !
Lorsque je vois l'oncle mener son maigre dos
rond par les chemins, ses épaules trop
hautes et trop étroites, je voudrais courir
à sa rencontre, caresser ce qu'il porte en
lui de froissé. Je n'ose pas, crainte de lui
faire de la peine. On raconte qu'enfant, cherchant
une brebis dans la montagne, il fit une chute dont
il resta noué, chétif, bossu. Alors,
tout l'amour dont il a dû faire
l'économie, il l'offre à ses
élèves ; son bonheur
tient dans une petite main
tendue
avec un sourire.
Retournée sur la galerie, je regarde
encore l'oncle penché sur une fleur, dans un
pré. C'est qu'il les aime, les fleurs !
Souvent, il quitte la route pour les admirer de
plus près. Il dit volontiers :
- Mes soeurs sont casanières. Moi,
plutôt nomade, un peu frère des
chèvres.
Enfin, le voici qui montre dans la
lumière de la galerie sa petite tête
brune, son long nez, le regard vif de ses yeux
enfoncés, son front bombé. Comme on
l'accueille ! De quoi parlerait-t-on, sinon de
cette école à laquelle il se donne
d'un octobre à l'autre ?
- Tu te fatigues trop ! lui dit la
tante Suzette. Tout ça pour deux cents
francs l'an ! Quelle misère !
Demande donc aux parents de tes
élèves des noix, une bouteille
d'huile, un sac de pommes de terre !
Mais lui, en appétit de rêve,
rebuté par les choses positives :
- Vaï ! Un homme trop bien
payé n'a plus d'enthousiasme... Il me
suffit, le long des chemins, de voir les anges, ces
blancs pèlerins du ciel, de les entendre
psalmodier leurs saintes mélodies...
L'oncle Étienne ignore la rancune,
les besognes faites en rechignant. Une force
incroyable est en lui ; nous ne savons pas
comment cela se passe, mais nous sentons que rien
ne pourrait faire reculer l'oncle
Étienne quand il a décidé
d'aller de l'avant.
À l'heure du crépuscule,
tandis qu'on lui prépare la fameuse soupe
à l'avoine, l'oncle monte volontiers
jusqu'aux rochers rouges. Là, assis sur un
bloc taillé en forme de trône, il joue
de sa flûte, il envoie un salut au labeur
finissant. Des visages noirs de soleil regardent,
celui qui chante là-haut l'heureuse et
pourtant tragique aventure de la vie. Xandrou
s'assied alors près de moi. Avec les notes
envolées de la flûte, nous partons en
voyage. Qu'importe si le soleil tombe
derrière la montagne ! Quelque chose de
caché nous est révélé.
Il n'est pas jusqu'à Jean Pierrasse,
l'affreux déguenillé, qui ne cesse un
instant de se gratter...
Descendu des hauteurs, l'oncle fait le tour
de ses rosiers. Quand il cueille une fleur, il nous
la donne :
- Respirez un peu du parfum de la
miséricorde divine...
- Péronnette, dit Mimi à
l'oncle Jean, - elle n'appelle jamais autrement son
père, - l'oncle Alexandre écrit qu'il
nous revient tantôt. Si vous vous rendiez
à sa rencontre avec les enfants ?
Nous allons jusqu'aux aulnes qui sont
près du pont. Là, sur le chemin qui
coupe la pente, nous voyons arriver le grand-oncle
percepteur. Comme il se tient droit sur sa cavale
blanche, une main posée sur les registres
fixés à la selle ! Voici
l'homme que tous
respectent. Du
plus loin qu'ils l'aperçoivent, les
garnements arrachent leur bonnet de la tête.
Le pays aux lignes dégringolantes semble se
redresser pour l'accueillir. Assise sur une pierre,
devant sa masure, la Coucoule rapproche, ses bras
noirs, replie ses doigts crochus.
- Bouonzourt, frère Jean !
- Bouonzourt, frère
Alexandre !
Pour nous :
- Bouonzourt, mes souris !
Ayant sauté à bas de sa
bête dans la cour de la maison, l'oncle
Alexandre tend les rênes à Isaïe.
Tous sont accourus, tous rient de plaisir. Et Mimi
trotte, pose sur la table les poulets rôtis,
saupoudre de sucre les crêpes. Malicieux,
l'oncle-percepteur élève, entre le
pouce et l'index un bonbon. « Saute,
souris ! » Et nous sautons.
« Quand il s'agira de l'école,
puissiez-vous sauter aussi haut pour attraper
l'instruction ! ... » On
écoute celui qui a rencontré des
personnages importants, appris des nouvelles, celui
qu'on a consulté, lui frappant sur
l'épaule en disant : « Vous
qui êtes un homme... » Près
de cette figure aux traits droits, à
l'expression militaire, éclairée
moins par la lumière du lume que par
l'autorité d'une fonction et d'une
volonté, on se sent protégé,
jugé aussi par ces yeux qui observent.
Souvent, quand l'oncle nous regarde, nous nous
demandons si nous n'avons pas commis une faute.
Dès que l'on sait les oncles à
la maison, des souliers ferrés grincent sur
les marches de l'escalier... Une femme se lamente.
Sa mère, la Madelon, est tombée morte
sur son champ de Grosse-Pierre. Hier encore, elle
était descendue à la plaine acheter
du sucre et du café.
Pecaïre !
- J'irai, dit l'oncle Étienne. Et
pour que cette âme, si brusquement
arrachée au travail, se rassure, je dirai
les prières, je lirai la Parole.
Puis un défilé, dont nous
sommes les témoins amusés. Boniasse
souhaite aller en Algérie où la
terre, dit-on, est plus tendre que le beurre.
L'oncle Alexandre secoue la tête,
résumant son avis par des sentences dont il
égrène les mots en patois, puis en
français, pour leur donner plus de
force.
- Vanto ben la plaino, mais ten te à
la mountagno... Vante la plaine, tiens-toi à
la montagne !
Le gros Massiouque voudrait troquer un petit
champ à l'« adretz »,
côté soleil, contre un plus grand,
à l'« ubac »,
côté ombre.
- Quand n'as ren à far, pren de terro
din toun bonnet et pouorto oou soléou...
Quand tu n'as rien à faire, prends de la
terre dans ton bonnet, porte-la au
soleil !
Arnaud a fait un héritage. Voici que
les amis souhaiteraient emprunter.
- Quand ma bourso faï tin-tin, tout lou
mounde es moun cousïn... Quand ta bourse est
pleine, que d'amis autour de toi !
Moi, je regarde et j'écoute chacun.
Les tantes, les oncles me paraissent
nécessaires et parfaits tels qu'ils sont.
Les tantounes existent pour laver, pour filer, Mimi
pour enseigner et pincer la joue de sa filleule, le
grand-oncle Jean pour promener sa vieillesse autour
de la maison et conter des histoires d'il y a
longtemps, le grand-oncle Alexandre pour conseiller
et décider, l'oncle Étienne pour
nourrir nos rêves et jouer de la flûte
au pied des rochers rouges...
LE
BUREAU...
- Nos gens vont venir s'acquitter des
tailles. Placez une chaise au bureau, face à
la fenêtre. Je veux voir mon monde en pleine
lumière !
Revêtu de sa redingote marron, le
pantalon tendu sur le soulier par le sous-pied,
l'oncle-percepteur reçoit.
Sur l'étagère, à
droite, les gros registres, Bordereaux des
Quittances et Cautionnements.
Impositions personnelles et
mobilières. - Patentes. Portes et
fenêtres. -
Récépissés... Au mur, l'oncle
a placardé le brevet de nomination de son
père, percepteur comme lui : Je vous
préviens citoyen, que le Premier Consul vous
a, par un arrêté du 15 Floréal
de l'an XII de la République, nommé
pour remplir les fonctions de Percepteur des
Contributions directes des Communes de
Saint-Crépin, Ayglier, Champcella,
Freissinières et Réotier,
Département des Hautes-Alpes. Je suis bien
persuadé que vous répondrez par votre
zèle et votre exactitude à la
confiance du Gouvernement. Je vous salue. Le
Secrétaire d'État : Huguet B.
Maret...
À côté de ce parchemin,
la médaille de
Sainte-Hélène : Napoléon
1er à ses compagnons de gloire, sa
dernière pensée !
Les gens arrivent, emplissent la galerie, la
cuisine, pénètrent un à un,
intimidés, dans le bureau. Xandrou et moi,
émoustillés, nous nous demandons
comment il convient de s'y prendre pour voir ce qui
se passe dans le sanctuaire. Des choses
mystérieuses, bien sûr !...
Glissons-nous dans la chambre aux provisions. Les
jambons, les « arbres à
pain » ne nous trahiront pas. Retirons
doucement la clef de l'énorme serrure.
Alors, nous nous bousculons pour appliquer notre
oeil contre le trou lumineux. Non, l'un
après l'autre, ce sera plus pratique... Tout
d'abord, je n'aperçois que l'oncle.
Penché sur une feuille blanche, il tire de
sa pipe des bouffées qui montent en
dessinant des ronds dans l'air tranquille. La,
plume d'oie fait son petit bruit. Peu de paroles,
mais nettes : « Vous ferez ceci,
puis cela. Y ai-je quelque
intérêt ? Non. Alors,
écoutez-moi. »
Dans le trou de la serrure, nous cherchons
aussi les payeurs. On peut les voir, en louchant,
du coin d'un oeil. Ceux qui viennent les premiers
ne réclament pas. L'oncle les
félicite. « Je constate avec
plaisir que vous donnez volontiers à
César ce qui revient à
César. » L'argent posé sur
le coin de la table, la somme notée dans le
registre, on parle des récoltes, on
sollicite un conseil. Les profils bruns,
découpés sur la clarté de la
fenêtre, s'inclinent. Et
nous murmurons : « C'est
Dominique !... C'est le fils Matthieu !
... »
Au bout d'un instant, car nous voulons
varier notre plaisir, nous voici à la
cuisine pour y recueillir les propos des visiteurs
à l'oncle Jean ou à Mimi... Si l'on
vient de loin, on casse la croûte, on boit un
verre de vin. Les chiens étrangers se
querellent sous la table avec Tatoï, notre
chien. On rit, on hoche la tête... Vite,
regagnons notre poste. La veuve Nathalie tire d'un
petit sac de chanvre une pièce d'or, la
caresse avant de la quitter.
- Moussu lou perceptur, tzar ben payar go
qu'es dzuste !
La veuve Nathalie tient la tête en
avant, immobile. Dans le trou rond de la serrure,
elle a l'air d'être un tableau... Ceux qui
viennent, maintenant, se plaignent et s'agitent.
Nous découvrons un nez inquiet, une figure
sans menton, une autre si creusée de rides
qu'il semble qu'on l'a griffée avec des
épines.
- Ah ! moussu lou perceptur, si sabia,
si sabia ! La tzarantzo nouss a curbi lous pu
béau tzamps a tzargu vendre lass
tzabros ! Que tzagrin Vous donen tout nouoste
ardzent !
Ce mot d'ardzent, on le prononce avec
vénération, avec un soupir, parfois
avec une violence terrible. Et toujours :
- Ah ! si sabia, si sabia !... et
moun gargoun es marate et la fillo en lie un
bastart... Ah ! paouro iou ! Où
troubar l'ardzent ?
Derrière notre porte, nous sommes
troublés. Nous voudrions posséder le
pouvoir d'une fée et couler de l'or par le
petit trou tant et tant que les visages
s'égaient et s'engraissent et deviennent
tout roses de noirs qu'ils sont... Maintenant, un
menton plus pointu que le museau d'un furet, une
voix criarde entre des lèvres
rusées :
- Si sabia ! Si sabia !... On vous
douno la lano de lass féoss et l'ardzent des
agniéouss... Que vouré que
fassian ?
- Tourtarin, infirme d'un bras,
chargé de marmaille, a payé, lui,
sans tant de discours !
- Es que vouolo de bouose de
luno !
- Il prend du bois de lune ? Et vous
pas !
- Lou mentz que poui !
Le moins possible ! Le museau de furet
s'est allongé. Il semble qu'on le voie se
glisser dans le clair de lune propice aux emprunts.
Si le percepteur défend la loi, la lune
défend le pauvre. Ne médisons pas de
la lune... Que va répondre le
grand-oncle ?
- Et qui paie les routes, les ponts, les
abris contre l'avalanche, le reboisement ?
L'État, mon ami. Mais que voulez-vous qu'il
fasse, sans argent, l'État ?
Quand il invoque l'État, l'oncle
prend une voix solennelle et sa tête brille
comme un astre dans le trou de la serrure...
L'État, je le comprends, est un monsieur
fameusement intelligent et secourable !
Et voici ceux du haut village. Ils ont les
reins serrés dans une
ceinture de flanelle rouge. Ils payent en riant,
avec de grands gestes, des éclats de voix
qui sentent le soleil.
- Sept mess d'huvert !... Alors on
duerme coumo de marmottos ! Es unio
escounoumio !
Resto à troubar lou mandzar de cinq
mess !
Lestement, à la cuisine ! afin
de partager la joie de l'oncle Jean retrouvant ses
amis de Dormillouse, afin d'admirer avec lui la
façon dont ils s'enlèvent pour sauter
sur leur âne.
Cependant on prend des airs inquiets :
pourvu que Rugassoune n'ennuie pas trop
l'oncle !...
Et nous nous disputons à nouveau
notre observatoire. Rugassoune, c'est l'homme aux
cheveux rouges, aux yeux rouges, qui rosse son
neveu Tiénot. Dans le trou de la serrure,
son maigre cou se tord avec une souplesse de
vipère. Parfois, sa langue venimeuse se
montre entre les lèvres. Puis nous ne le
voyons plus. Mais nous l'entendons discuter,
contredire, insinuer. L'oncle, lui, on le voit
toujours, aussi paisible que les têtes
imprimées sur les pièces d'argent.
À tout, il répond :
- Peut-être... Payez tout de
même...
Nous courons sur la galerie assister au
départ du grand coquin. Je l'entends qui
marmotte :
- En mette la meïta dïn sa
potzo !
Comment garder cela pour moi ? Je ne
comprends pas exactement, mais je devine que c'est
abominable. Entrée en tourbillon dans le
bureau, je crie les mots dégoûtants
à l'oncle assis devant ses
registres. Va-t-il courir aux trousses du
misérable ? Il hausse les
épaules très lentement, articulant de
sa voix de toujours :
- Seulement la moitié ?
Maintenant, les tantounes balayent.
Heureusement, elles ne peuvent enlever les odeurs
résineuses et vaillantes qui disent :
le pays a passé là !
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