Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LA CROIX DE JÉSUS-CHRIST



CE QUE JÉSUS A PENSÉ DE SA MORT


L'Évangile est essentiellement une rédemption. Sur ce point l'unanimité chrétienne est acquise. Elle l'est également sur cet autre point : entre cette rédemption et la mort du Sauveur, une relation existe, profonde, intime, mystérieuse, qui se révèle à l'expérience chrétienne comme un fait. Et c'est parce que la Croix avant d'être une doctrine est un fait, le fait capital de l'évangile vécu à une certaine profondeur, qu'elle peut défier les critiques purement rationnelles et les objections logiques qu'on lui a souvent opposées, qu'elle n'a rien à en redouter, non plus que des formules, théologiques insuffisantes, maladroites souvent, dans lesquelles certaines traditions tout humaines prétendraient l'enfermer.

Aucun raisonnement ne prévaut contre un fait. Ce fait est si profondément inscrit dans la piété et les manifestations de la foi chrétienne à travers les siècles, qu'on ne pourrait sans violence l'en arracher.

La Croix n'est pas seulement le signe du christianisme ; elle en est plus encore le symbole. Ne réunit-elle pas en elle, cette croix, les éléments les plus profonds, les plus vivants, les plus contradictoires aussi, de la vie chrétienne : le conflit tragique entre la sainteté et le péché ; la nécessité, pour revivre en Dieu, de mourir au péché, à nous-mêmes, par conséquent, puisque le mal tient au fond même de notre nature ; l'insondable mystère d'un Dieu d'amour qui, désireux de libérer le pécheur, mais tenu par sa sainteté à condamner le péché, se décide à prendre sur lui, par l'effet d'une mystérieuse solidarité, le poids écrasant de nos fautes, et à frapper à mort dans sa personne même la puissance du Mal qui nous asservit ; le symbole d'une rédemption qui satisfait aux deux grands besoins de notre coeur et de notre conscience : un pardon total, gratuit, qui nous réconcilie avec notre Dieu ; mais aussi un pardon qui inspire aux coupables que nous sommes une sainte horreur de leurs fautes ; un pardon enfin qui « manifeste la sainteté divine autant que l'amour », qui, selon l'énergique expression de Frommel, « foudroie le péché en sauvant le pécheur » (1).

La Croix ne suffit-elle pas à évoquer au regard de la foi humble et fervente le crucifié, dont la contemplation remue jusqu'au tréfonds une conscience assoupie, apaise, après les avoir éveillées, ses angoisses, arrache à l'âme droite ce cri de sainte douleur : « Contre toi, contre toi seul, j'ai péché ! » (Ps. 51), et immédiatement après l'affirmation d'une inébranlable assurance : « Qui nous séparera de l'Amour de Christ ?... En toutes choses, nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimé » (Rom. VIII, 35, 38).

S'il y a tout cela dans la Croix, dans les souffrances et la mort du Christ, si en elle culmine vraiment toute l'oeuvre du Sauveur, si en elle se trouvent ramassées les vérités les plus profondes et les certitudes les plus consolantes de l'Evangile, nous comprenons pourquoi l'Evangile primitif qui affirmait sa puissance en des conquêtes rapides et solides, fit de la Croix le centre de sa prédication ; pourquoi saint Paul déjà déclarait ne vouloir savoir autre chose que « Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié » ; pourquoi le symbole de toutes les infamies pour le monde juif ou gréco-latin, objet de scandale, de mépris, en dépit des oppositions les plus farouches, des préventions les plus tenaces, s'imposa à la conscience humaine comme le signe d'une sainteté et d'un amour tel que jamais le monde n'en connut de pareil.

Nous comprenons pourquoi la Croix qui au cours des siècles a triomphé de tant d'oppositions, de tant de haines, est appelée à braver victorieusement encore toutes les tempêtes dans l'avenir. Nous ne craignons rien pour elle. Son sort est lié à celui du Christ vivant. Et nous nous souvenons du mot de Vinet : « Ce n'est pas tant l'Évangile qui nous a conservé la Croix, que la Croix qui nous a conservé l'Évangile ».

Cette parole profonde doit nous donner à réfléchir. S'il est vrai - comme on peut le constater - que de nos jours la Croix ne tient plus la place de premier plan, non pas seulement dans les préoccupations doctrinales de la chrétienté, mais surtout dans sa vie intérieure, il est permis de craindre qu'une église qui oublie la Croix, ou la néglige, oublie et néglige dans la même mesure l'Évangile, en ce qu'il a de plus vivant et de plus puissant.

Faut-il aller plus loin, et reconnaître entre cette désaffection généralement observée à l'égard de la Croix et l'affaissement spirituel de nos milieux chrétiens, un rapport de cause à effet ?

Après avoir signalé quelques-unes des influences qui selon lui ont contribué à détourner notre attention de la mort du Sauveur, pour la fixer, non sans profit d'ailleurs à certains égards, sur la vie de Jésus de Nazareth, Frommel écrit ces lignes significatives (Psycholog. du pardon, p. 255) : « On constatera difficilement que notre époque manque au point de vue chrétien de sève religieuse et morale... une vague piété nous tient lieu de religion. Il y a chez nous beaucoup de bonnes dispositions ; il y a de généreux désirs, une grande activité philanthropique, des oeuvres en nombre immense, mais un oubli général de la vie intérieure, et peu de force, d'énergie, d'originalité. Il n'y a rien en elle de vaillant, de concentré, de profond. Nos repentirs sont fades, notre foi globale est tiède, nos convictions pauvres et sommaires. Le sentiment que nous avons du péché ne va guère jusqu'à celui de la coulpe. Nous en ignorons le poids, l'angoisse et l'horreur. C'est la caractéristique d'un Christianisme qu'aucun réveil n'a de longtemps secoué et dont la somnolente quiétude se prolonge dans le demi-jour d'un perpétuel crépuscule. La signification rédemptrice de la Croix lui échappe nécessairement. »

On ne, saurait mieux dire. Cette signification rédemptrice de la Croix qui nous échappe, et où nous persistons à voir une condition nécessaire de toute vie puissante en Christ, ce n'est pas une formule théologique moderne, ou même traditionnelle, qui nous la rendra, mais uniquement un Réveil d'ordre spirituel. Si le Réveil, si tout réveil d'âmes, profond et décisif, part de la Croix, on peut aussi dire que tout Réveil ramène à la Croix, à une plus intime, une plus vivante et vivifiante compréhension de la Croix, qui n'est plus simplement sortie du dehors, comme un dogme plus ou moins rebutant pour la raison, mais du dedans, comme une vitale et substantielle expérience d'âme.

Ainsi, de toute façon, le mystère de la mort rédemptrice du Christ nous apparaît intimement lié à la naissance et à l'approfondissement de notre vie intérieure : il n'en fallait pas davantage, n'est-il pas vrai, pour justifier le choix du thème central de nos méditations en ces jours de recueillement : la mort du Seigneur Jésus.

En manière d'introductions à ces méditations et aussi parce que la question nous parait d'une capitale importance pour qui loyalement cherche à mieux comprendre la Croix, et à déchiffrer pour son compte la tragique énigme du Calvaire, nous nous proposons d'interroger notre maître sur l'importance et la portée qu'il a lui-même attribuées à sa mort et à ses souffrances.

Est-il, en ces matières, de plus hautes autorités, de plus indiscutables, que celles du maître adorable, dont nous nous réclamons tous ici ? C'est lui et lui seul que nous interrogerons, parce que, lui seul, croyons-nous, a qualité pour nous répondre. C'est naturellement sur ce jeune terrain biblique que nous nous placerons au cours de ce modeste travail qui voudrait être, à l'exclusion de toute préoccupation théologique, une étude biblique.

C'est de préférence aux trois premiers évangiles que nous demanderons une réponse à cette question, non pas que nous contestions l'autorité du quatrième évangile sur ce sujet, mais simplement parce que ses témoignages, nombreux certes, mais souvent moins précis, se prêtent moins que ceux des trois premiers évangiles à l'usage que nous en voulons faire.

Ce n'est pas seulement comme porteur d'un message de salut, que Jésus se présente dans nos évangiles, mais aussi comme le Sauveur. Sans doute, c'est surtout vers la fin de son ministère que Jésus met l'accent sur son rôle de Sauveur. Dans Matthieu, par exemple, nous remarquons que dans les paraboles finales, les vignerons, les noces royales, les 10 vierges, etc., la personne du Christ tient une plus grande place que dans celles du Royaume de Dieu (chap. XIII), et même que dans le Sermon sur la Montagne, où Jésus pourtant déjà se présente comme le Législateur, plus grand que Moïse, interprète et réviseur de la loi qu'il accomplit.

Toutefois, très vite, Jésus se donne comme le médecin des âmes (IX, 12), comme l'Époux d'Israël (IX, 14, 15), comme le Fils de l'homme qui a le droit et le pouvoir de pardonner les péchés (IX, 6), comme l'objet des pressentiments des prophètes de l'Ancienne Alliance (XIII, 17), comme celui qui a droit à l'amour suprême de ses disciples, (X, 37), comme celui qui seul soulage les fatigués et les chargés en leur imposant son joug (XI, 28). C'est avec joie qu'il accueille sur la route de Césarée, la confession de Pierre : « Tu es le Christ et le fils du Dieu vivant ». De tous ces textes se dégage nettement l'idée du rôle unique de Sauveur que Jésus assume à l'égard des hommes.

Avant de nous demander si Jésus n'a pas vu une relation directe, et laquelle, entre son oeuvre de Sauveur et sa mort, demandons-nous quelle place la pensée de sa mort a tenu dans ses préoccupations ? Cette pensée n'apparaît-elle dans son ministère que tardivement, et en quelque sorte sous la pression des circonstances défavorables qui la lui imposent ? Il faudrait alors admettre que pour Jésus lui-même sa mort violente n'a eu qu'un caractère, accidentel, une importance secondaire, et qu'elle ne faisait pas à nos yeux partie intégrante du plan rédempteur, ou bien a-t-il très vite prévu et prédit l'issue tragique de son ministère, comme inévitable, ou du moins comme le nécessaire couronnement de son oeuvre rédemptrice ? Auquel cas il faut bien reconnaître que Jésus a attribué dans sa mission une place importante et décisive à sa mort.

La première prédiction, absolument explicite de sa mort et de ses souffrances, par Jésus, se rattache sans contestation possible à la scène de Césarée de Philippes, que nous rapportent en termes à peu près semblables les trois premiers évangiles (Marc VIII, 27 ; Matth. XVI, 13 ; Luc IX, 18). À la question de Jésus : « Qui dit-on que je suis ? » Pierre a répondu : « Tu es le Christ. » Et comme si Jésus n'attendait que cette marque d'intelligence spirituelle de la part de ses disciples, pour les initier au côté tragique de sa destinée, et par suite de la leur, après leur avoir recommandé de n'en rien dire à personne, « il commença à leur apprendre qu'il fallait que le fils de l'homme souffrît beaucoup, qu'il fût rejeté par les anciens, etc. »

Marc et Matthieu insistent sur le fait que cette prédiction se produisit alors pour la première fois (Matth. XVI, 21). Les expressions employées par les évangélistes montrent qu'il ne s'agit pas d'une allusion voilée, d'un pressentiment vague, mais bien d'une déclaration précise, ou mieux encore du début d'un enseignement nouveau. Il commença à leur enseigner qu'il fallait... (Marc).

Il est de fait qu'à partir de la confession de Pierre, tout devient dans la vie de Jésus occasion à allusions, le plus souvent fort claires, à l'événement final, dont l'attente désormais domine son activité (Marc IX, 12 ; Matth. XVII, 12 ; Marc, IX, 30 ; Luc XII, 50 ; XIII, 31 ; XVII, 25 ; Matth. XXIII, 29 ; Marc X, 32, 39, 45 ; Matth. XX, 23, 28, etc.).

Pourquoi l'apparition de l'enseignement explicite sur sa mort et ses souffrances, à un moment relativement tardif de son ministère ? sinon parce qu'alors seulement les disciples sont devenus capables de comprendre cet enseignement ; ils viennent enfin de saluer en leur Maître le Messie. Il est vrai que sur ce point leur accord avec Jésus est plus apparent que réel. Leur Messie est celui de la tradition juive de l'époque, un Messie vainqueur et glorieux. Le Messie auquel songe Jésus est au contraire destiné à la souffrance et à la mort. C'est celui d'Esaïe 53. Entre sa qualité de « Fils de l'homme », terme par lequel la tradition désigne le Messie, et sa mort prochaine et violente, son rejet par les anciens, les principaux sacrificateurs et les Scribes, Jésus établit un lien étroit, intime. C'est parce qu'il est le Messie qu'il est appelé à donner sa vie. Et comme l'oeuvre du Messie, d'après les Juifs eux-mêmes, est essentiellement une Rédemption, on peut dire que Jésus en faisant de sa mort le terme nécessaire de cette oeuvre, lui a attribué une portée rédemptrice, au moins implicitement, et cela dès sa déclaration de Césarée de Philippes.

En tout cas les disciples ne comprennent pas ce maître. Et ses allusions à sa mort les laissent perplexes et troublés. Jésus, à mesure que se dresse plus haute et plus proche de son horizon la silhouette de la Croix, se sent plus seul. Dans Marc X, 32, nous lisons : « Ils étaient en chemin pour monter à Jérusalem, et Jésus marchait seul devant eux ; les disciples étaient troublés et le suivaient avec crainte. » Et les 3 synoptiques : « Nul n'osait l'interroger parce qu'ils craignaient. »

Jésus cependant multiplie ses avertissements. Il demande aux siens de perdre volontairement leur vie pour sa cause et pour celle de l'Évangile (Marc VIII, 34-38.)

En descendant de la montagne de la transfiguration c'est encore de sa mort qu'il leur parle. Après la guérison, qui suit cette descente, tandis que tous admirent le prodige : « Écoutez bien ceci, leur dit-il, le Fils de l'homme doit être livré aux mains des Hommes » (Luc IX, 43-44 ; Marc IX, 30-31 ; Matth. XVII, 22-23). Plus tard, encore, prenant à part ses disciples, il leur renouvelle solennellement sa prédiction de Césarée : « Le Fils de l'homme sera livré aux chefs des prêtres et aux scribes, et ils le feront mourir » (Marc X, 33 et parall.). Et l'Évangéliste d'ajouter : « Mais ils ne comprirent rien à cela, c'était pour eux un langage caché ».

Ainsi donc l'enseignement de Jésus touchant sa mort, à partir de la scène de Césarée de Philippes, se fait de plus en plus net, de plus en plus, pressant, et s'il se heurte à l'incompréhension des disciples dont il choque la conception messianique et les ambitions égoïstes (cf. Matth. XIX, 27 ; Marc, IX, 34), il n'en atteste pas moins chez Jésus lui-même non seulement la claire vision de ce qui l'attend, mais aussi celle de la nécessité rédemptrice de la mort qui approche.

Ici une question doit nous arrêter un moment : cette pensée de sa mort proche et nécessaire que nous voyons s'exprimer clairement pour la première fois lors de la scène de Césarée et qui ensuite tiendra une si grande place dans son enseignement, correspond-elle chez Jésus à une conviction récente, née brusquement des circonstances, ou d'une intuition soudaine ?

Certains historiens de la vie de Jésus ont en effet prétendu distinguer complètement, et même opposer entre elles les deux périodes du ministère de Jésus, avant et après la scène de Césarée, la préoccupation d'une issue fatale ne tenant aucune place dans la première. La partie du ministère de Jésus qui va de sa première manifestation publique en Galilée (Marc I, 14 et paral.) à l'entretien de Césarée se serait déroulée dans une atmosphère parfaitement optimiste : Jésus qui fait alors porter ses efforts sur la prédication du Royaume de Dieu n'envisage pas de sérieuses difficultés à la conversion de son peuple ; l'éventualité d'un échec ne se présente même pas à son esprit. C'est l'idylle galiléenne de Renan, qui fait de Jésus en cette période heureuse et facile de son ministère « un charmant docteur qui pardonnait à tous, pourvu qu'on l'aimât », « un fin et joyeux moraliste ». Celui-ci deviendra plus tard, par l'effet d'une exaltation malsaine, « un géant sombre » que la soif du martyre poussera finalement à la mort.

Cet aperçu, dont la superficialité nous révolte, ne vaut pas qu'on s'y attarde. Mais d'autres infiniment plus respectueux de la personne et de l'oeuvre du Sauveur ne nous donnent pas non plus entière satisfaction, quand ils veulent que la Croix n'ait surgi à l'horizon spirituel de Jésus que fort tard.

Sans doute, Jésus, au début de son ministère, connut des heures de succès et s'en réjouit (Matth. XII, 25-29). Sans doute l'atmosphère de ces débuts en Galilée est particulièrement sereine. Les images empruntées à la vie des champs, les lis des champs, le vol des passereaux, tout cela révèle une âme paisible et confiante qu'explique suffisamment l'union intime avec le Père céleste.

Mais sous le succès apparent de son oeuvre, comment Jésus n'aurait-il pas bien vite pressenti l'opposition qui se fortifiait dans l'ombre. Lui qui connaissait à fond le coeur humain, comment n'aurait-il pas très vite prévu, comme inévitable, un conflit avec les représentants attitrés de son peuple ? Comment n'aurait-il pas bien vite compris que Sa sainteté même deviendrait intolérable à la foule pécheresse qu'il aimait tendrement mais sans illusion. De fait, les conflits ne tardent pas à surgir : ses oeuvres de bienfaisance, on les retourne contre lui, en les attribuant à l'action de Beelzébuth ; sa sympathie pour les pécheurs est interprétée, comme une coupable indulgence à l'égard du péché ; sans parler du reproche d'impiété et d'antipatriotisme que lui adressent les pharisiens. Quant à ce qu'on appelle les débuts faciles de Jésus, et au ton optimiste de ses premiers discours, il y a lieu d'observer que c'est par un dur combat, la tentation au désert, que Jésus inaugure son ministère, qui devait se dérouler comme il avait commencé, dans la lutte. Jésus en doute si peu, que dans le Sermon sur la Montagne, dans les Béatitudes mêmes, il tient à annoncer des persécutions (Matth. V, 10-12 ; 44). Mais il y a plus des textes précis, qui n'ont aucun sens, s'il est vrai que Jésus n'a pas eu dans la première partie de son ministère le pressentiment de sa mort.

Sans nous mêler au texte de Matth. XII, qui donne lieu à des polémiques exégétiques, et pour nous en tenir à des passages parfaitement clairs, citons :

Matth. IX, 14-17. Au reproche qui lui est fait par les pharisiens et les disciples de Jean au sujet du jeûne dont ses disciples à lui se dispensent, Jésus répond : « Les jours viendront où l'époux leur sera ôté, et alors ils jeûneront ». Leur sera ôté... le terme grec, est précisément celui que proféreront les ennemis de Jésus devant le prétoire : « ôte ! ôte, crucifie. »

Matth. X, 28. Après avoir prédit à ses disciples des persécutions qui pourront aller jusqu'à tuer le corps, il ajoute encore comme pour s'expliquer : « Le disciple n'est pas plus grand que le maître. »

Luc. XIII, 32-33. Le message de Jésus à Hérode : « Allez et dites à ce renard : voici, je chasse les démons et je fais des guérisons aujourd'hui, et demain, et le troisième jour j'aurai fini. Mais il faut que je marche aujourd'hui, demain et le jour suivant, car il ne convient pas qu'un prophète meure hors de Jérusalem. »

Et enfin, l'allusion au baptême de sang dont il lui tarde d'être baptisé (Luc, XII, 50). Qu'il s'agisse ici de sa mort, c'est ce que prouve sa réponse aux fils de Zébédée (Matth. XX, 22).

Que conclure de ces textes peu nombreux, mais significatifs, sinon que Jésus, se sachant le messie, s'est familiarisé dès l'origine de son ministère avec cette idée qu'il devait donner sa vie, et cela contre l'opinion courante de ses contemporains juifs.
Dira-t-on avec certains que Jésus a pu concevoir très tôt comme inévitable sa mort, sans pour cela lui attribuer une signification précise et une valeur rédemptrice ?

Nous répondons : les textes que nous venons de citer ne nous donnent pas sans doute la forme précise de la pensée de Jésus sur sa mort, mais le sentiment que Jésus a de la nécessité de cette mort, dès la première partie de son ministère. Mais la fréquence des allusions à sa mort, les termes dans lesquels il parle de la Croix, dont ses disciples doivent se charger pour le suivre, et le fait qu'il a vu clairement à plusieurs reprises sa mort prédite dans les Écritures (Matth. XXVI, 54), attestent à nos yeux l'importance unique que Jésus a attachée à cette mort. Il envisage sa mort certainement comme autre chose et plus que l'inévitable accident, comme le prolongement, l'aboutissant de sa vie. Le caractère de sa vie déterminera le caractère de sa mort. Et puisque sa vie est essentiellement une oeuvre de Rédemption, puisqu'elle tient tout entière dans la déclaration : « Le Fils de l'homme est venu sauver ce qui était perdu » ; puisque une des toutes premières paroles de Jésus, rapportées par Marc, est celle-ci : « Mon fils, tes péchés te sont pardonnés », il faut que la mort, en laquelle culminera cette vie du Sauveur, soit elle-même un acte sauveur.

Deux textes vont enfin nous fournir quelques indications nouvelles et d'une plus profonde portée.
Le premier se lit dans Matth. XX, 28 et Marc X, 48 : « Le Fils de l'homme est venu non pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour plusieurs. »

Les disciples viennent de faire preuve une fois de plus d'inintelligence et d'orgueil ; d'inintelligence, parce qu'ils n'ont en vue que la gloire messianique, alors que Jésus entrevoit toute proche l'issue tragique ; d'orgueil, parce qu'ils se montrent surtout soucieux de leur prééminence personnelle dans le Royaume à venir.
Jésus les rappelle au devoir d'humilité. « Le Messie n'est pas venu pour être servi, mais pour servir », puis il évoque sa destinée : « Et pour donner sa vie en rançon pour plusieurs ».

Le texte, malgré sa forme imagée, est fort clair. Le service du Fils de l'homme consiste en ceci : il « donne » sa vie. Le mot « donner » est important.
Il implique et souligne le caractère de liberté du sacrifice que Jésus va consentir. Lors de l'entretien de Césarée, il est question du Fils de l'homme comme devant être livré aux anciens, et mis à mort par eux. Il s'agit maintenant d'un don volontaire : « la mort n'est point infligée, elle est voulue. La mort de Jésus n'est pas un martyre, mais un sacrifice, un acte libre.

« En rançon » : l'image est claire. La rançon, c'est le moyen de délier ou délivrer des prisonniers. Les pécheurs sont pareils à des esclaves ou à des prisonniers de guerre, sur qui pèse un arrêt, ou une menace de mort. Pour les racheter, les libérer, Jésus donne sa vie. La préposition « pour » ( en grec), indique une sorte d'échange, de substitution.

Cette rançon délivre de quoi ? évidemment de la mort, destruction de l'âme et du corps. C'est au prix de sa vie que Jésus affranchit « plusieurs » de la mort spirituelle. Sans doute, il n'est pas fait mention explicitement de la délivrance du péché, dans notre texte, mais celui-ci rappelle très positivement quelques traits du portrait de l'homme de Douleur de Esaïe 53, que Jésus en ces dernières semaines de son ministère devait avoir sans cesse présent à l'esprit : « Il a livré son âme à la mort... Il a porté les péchés de plusieurs ; le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui. »

Notons enfin que la vertu rédemptrice n'est pas attribuée seulement à la vie de Jésus, à son exemple, mais d'une façon précise au don de sa vie, à sa mort.

Cette mort est bien le But de son ministère, la raison d'être de sa vocation : Le Fils de l'homme est venu pour donner sa vie en rançon. Dès lors le « il faut », dont Jésus fait précéder souvent l'annonce de sa mort s'explique aisément.

« Pour plusieurs », enfin, toute idée de prédestination devra être exclue de cette expression. Tous sont admis au bénéfice du Sacrifice rédempteur, tous ceux, bien entendu, qui l'acceptent pour tel. Or tous doivent et peuvent l'accepter.

Résumons-nous. Pour la première fois Jésus affirme ici non plus seulement la nécessité de sa mort, mais le caractère rédempteur de cette mort, qu'il nous présente comme le but de sa mission terrestre, comme la condition du salut de plusieurs.
« Je sacrifie ma vie pour que d'autres aient la vie », voilà ce qu'affirme Jésus.
C'est l'affirmation de la Rédemption, mais, non pas encore, prenons-y garde, son explication. La pensée de Jésus reste enveloppée de mystère.

Dans un symbole nouveau, il va nous livrer le sens profond de son sacrifice.

La scène se passe au cours du dernier repas de Jésus avec ses disciples, la veille de sa mort. Jésus est monté à Jérusalem contre les conseils de quelques pharisiens de ses amis (Luc, XIII, 31), et malgré, les craintes de ses disciples (Jean, XI, 8). Il sait bien ce qui l'y attend. Mais « il ne convient pas qu'un prophète meure loin de Jérusalem » (Luc XIII, 33).

Si, ce soir-là, il a tenu à réunir une dernière fois ses intimes, c'est que, vaguement inquiets, et dans l'attente d'un événement qu'ils pressentent tragique, ceux-ci pourtant n'en ont pas encore saisi la réelle portée. C'est dans la douce intimité de cette dernière soirée que Jésus se propose de tenter un nouvel effort pour ouvrir leurs yeux à cette mort qui approche, et dont il redoute pour eux le scandale.

Au cours du repas, Jésus ayant béni la coupe de vin, dit en la faisant passer de main en main : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu pour plusieurs en vue de la rémission des péchés ». Ce texte est celui de Matth. XXVI, 28. C'est le plus complet, le plus précis. Marc dit, sous une forme plus ramassée : « Ceci est mon sang, le sang de l'alliance qui est répandu pour plusieurs ». Les textes de Luc et de Paul, d'autre part (Luc XXII, 14-23 ; 1 Cor, XI, 23-25), présentent de très légères variantes. Paul ajoute :
« Faites ceci en mémoire de moi ».

Revenons au texte de Matthieu :
« Ceci est mon sang... »
Le symbole est transparent : c'est l'image du don que Jésus fait de son être tout entier. Le sang, pour l'israélite, c'est le principe même de la vie. Donner son sang, c'est donner sa vie, en ce qu'elle a de plus intime.

L'expression le sang de l'alliance » nous renvoie, sans aucun doute, au texte d'Ex. XXIV, 8 : « Moïse prit le sang et le répandit sur le peuple en disant : voici le sang de l'alliance que l'Éternel a fait avec vous ». De ce passage, on peut rapprocher celui de Lévitique XVII, 11, auquel Jésus a peut-être également pensé : « C'est dans le sang qu'est la vie des êtres vivants, c'est pour l'autel que je vous la donne, afin de faire propitiation pour vous ; car c'est le sang qui fait propitiation parce qu'il est la vie ».

L'image dont se sert Jésus est donc familière à son auditoire juif. L'alliance, union conclue, sorte de traité, désigne ici l'union entre Dieu et l'homme pécheur. Et cette union ne peut être qu'une réconciliation. Jésus oppose à l'ancienne alliance une nouvelle alliance (Luc) dont il rattache la fondation à sa mort.

L'expression « sang de l'alliance » signifie simplement que le sang répandu du Christ est le moyen, ou bien le signe, le sceau de l'alliance nouvelle. Moyen ou signe, Jésus ne s'explique pas davantage. Il ne fait pas de théologie. Il veut seulement affirmer, et il affirme clairement que l'effusion de son sang, ou sa mort, « était nécessaire pour obtenir de Dieu le pardon des péchés, condition et fruit à la fois de la conclusion d'une « alliance » entre Dieu et les hommes.

Comment ces choses peuvent-elles se faire ? serions-nous tenté de demander avec Nicodème : quelle est la relation qui existe entre ce saint et douloureux sacrifice, et le pardon indispensable à tout pécheur ? Jésus ne s'explique pas, et il y aurait imprudence, pour ne pas dire plus, à lui attribuer nos théories sur ce point délicat. Nous touchons là à un mystère adorable auquel il convient de ne pas faire violence. Tout au plus, pouvons-nous, en nous souvenant combien Jésus s'est pénétré et nourri des Écrits prophétiques, évoquer à propos du sacrifice du Sauveur, le passage d'Esaïe LIII : « Il a offert sa vie en sacrifice pour le péché... C'est par ses meurtrissures que nous avons la guérison... L'Éternel a fait retomber sur lui l'iniquité de nous tous », et aussi cet autre et magnifique texte de Jérémie XXXI, 31: « Les jours viennent où je ferai avec la maison d'Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle... Je mettrai ma loi au-dedans d'eux et je l'écrirai dans le coeur... Tous me connaîtront car je pardonnerai leur iniquité et je ne me souviendrai plus de leur péché ».

La délivrance des pécheurs, la rémission des péchés, condition fixée par la prophétie à l'établissement d'une nouvelle alliance, à l'instauration die relations paisibles et filiales entre Dieu et les pécheurs, tels sont les fruits du sacrifice rédempteur.

Jésus nous donne en une image saisissante le sens vivant et profond de sa propre mort.
Les nombreuses et souvent fort belles déclarations de Jésus touchant sa mort, dans le 4e évangile (Jean I, 29 ; Jean III, 15 ; Jean VI, sur le pain de vie ; X, sur le bon Berger qui donne sa vie pour ses brebis ; XII, sur le grain de froment, etc.), nous renseignent moins sur l'idée que Jésus s'est fait de sa mort et la signification qu'il y attachait. Elles ne nous apprennent rien de plus sur la pensée de Jésus relative à sa mort. Cette pensée peut se ramener en trois termes : une rançon payée, une alliance conclue, le péché pardonné.

Nous en avons assurément assez pour reprendre à notre compte, sur la foi des témoignages de Jésus lui-même, l'affirmation de saint Paul : « Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures », et les termes de l'antique prophétie : « Il a été meurtri à cause de nos péchés... Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, c'est par ses meurtrissures que nous avons la guérison ».

Nous pourrions tenir notre tâche pour achevée.
Nous croyons pouvoir dire maintenant que Jésus très tôt, quoique progressivement peut-être, en est arrivé à considérer sa mort comme nécessaire, nécessaire non pas à la manière d'une fatalité qui se serait imposée, puisqu'il a « donné » sa vie, mais nécessaire spirituellement au salut de ses frères, auxquels il s'était consacré corps et âme.

Comment, tenant sa mort pour nécessaire à son oeuvre, a-t-il pu souhaiter, ou paraître souhaiter d'y échapper, et cela dans les dernières semaines de sa carrière ?

Et l'on cite l'entrée triomphale à Jérusalem, où Jésus paraît approuver les acclamations messianiques dont il est l'objet, et, dans une certaine mesure, partager l'enthousiasme de la foule. Mais répondons : le fait que Jésus se soit prêté à cette manifestation d'enthousiasme populaire, après s'y être si souvent dérobé, ne prouve pas que sa conception du Messie souffrant et mourant se soit modifiée. Il se fait si peu d'illusion sur les suites que comportera cette réception triomphale, que, en vue de Jérusalem, et avant d'y pénétrer, il pleure sur la ville impénitente.

Mais l'on cite encore - et ceci est plus embarrassant - le drame de Gethsémané, où dans une heure de lutte et d'inexprimable angoisse, Jésus a prié en ces termes : « Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! » (ou cette heure, selon Marc).

En vain, prétendra-t-on que la coupe dont il est ici question ne représente pas l'ensemble de la passion. Il serait bien étonnant que le mot eut une autre signification que dans la réponse de Jésus aux fils de Zébédée (Matth. XX, 22), où manifestement il désigne sa mort.

Alors ? dira-t-on. Alors, répondrons-nous, il faut s'incliner devant un mystère qui nous dépasse et avouer modestement notre impuissance à pénétrer tout au fond de l'âme du Christ en cette heure de crise. Nous en étonnerons-nous, quand nous constatons si souvent notre impuissance à voir clair en nous-mêmes.

Oui, Jésus sait qu'il doit mourir pour les péchés du monde. Mais cette mort, toute proche, Jésus en sent plus vivement de minute en minute toute l'horreur. Ce qui l'en éloigne irrésistiblement c'est moins l'atrocité des souffrances physiques qui l'accompagneront. Parce qu'enfin d'autres martyrs, avant et après Jésus, ont marché à une mort affreuse sans broncher, comme portés sur les ailes d'une surhumaine sérénité. Non, ce qui lui inspire une répulsion qui va jusqu'à l'angoisse, c'est la perspective des conditions morales dans lesquelles il devra affronter cette mort. Il devra être seul, non pas seulement du côté des hommes, - il l'est depuis longtemps - mais même du côté de ce tendre père, dont il disait : « ma nourriture est de faire la volonté de mon Père ». Il devra, pour se solidariser pleinement avec notre misérable humanité, porter jusqu'en ses plus tragiques conséquences, jusqu'en ses fruits les plus amers, notre péché. Lui, le saint, le juste, le Fils unique du Père, il connaîtra l'affreuse solitude du pécheur sans Dieu dans ce monde et sans espérance dans l'autre. Il connaîtra la lourde désespérance qui étreint un coeur pécheur sous un ciel muet. Il criera : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ! » Et Dieu ne répondra pas, ou semblera ne point répondre.

Voilà la coupe qu'il lui faut boire jusqu'à la lie.
Et cette épreuve suprême, de beaucoup la plus dure de toutes celles qui lui ont été demandées jusqu'alors, cette épreuve qui va l'arracher à la communion de son père, pour le plonger par l'effet d'une sainte et adorable solidarité jusqu'au plus profond de notre boue, cette épreuve, tout son être, toute sa sainteté, toute son horreur du mal, toute sa tendresse pour Dieu, s'insurgent contre elle.

C'est trop vraiment. Il s'offre à toutes les souffrances. Mais, permettre au péché du monde de l'arracher à la communion du Père, n'est-ce pas plus qu'il ne peut accepter ?

Cela, pourtant, cela même, cela surtout, Dieu le demande à son Fils Bien-aimé. Et celui-ci le comprend bientôt. Et de cette douloureuse tentation qui était son ministère terrestre, comme celle du désert l'avait ouvert, Jésus sort vainqueur et apaisé : Que ta volonté soit faite, et non pas la mienne.

Pour l'amour de nous, Jésus s'apprête à boire la coupe jusqu'à la lie, à souffrir en sa chair, et plus encore en son âme sainte et pure les plus cruelles conséquences de notre iniquité.

Pour que plus jamais rien ne nous sépare du Dieu d'amour, il consent, lui, son Fils, à s'en séparer, et à se faire notre frère jusque dans notre abjecte condition.

Au delà, il n'y a plus rien à donner, même pour le Fils de Dieu.
Quand il l'aura donnée, cette heure d'inexprimable et désespérante souffrance, plus spirituelle que physique, quand il aura connu l'affreuse solitude du pécheur, alors et alors seulement, tout étant accompli de l'oeuvre d'immense amour qui nous sauve, il s'abandonnera entre les bras du, Père céleste retrouvé :
« Père, je remets mon esprit entre tes mains ».


« Tout est accompli ». Nous voudrions rester sous l'impression de cette parole de Jésus, qui dans sa concision nous dit le caractère unique, définitif, et pleinement satisfaisant, que revêtait à ses propres yeux son sacrifice rédempteur.

Tout est accompli. Une, ancienne alliance vient de se clore. Une nouvelle s'est ouverte.
Ouverte à qui ? À tous ceux qui accepteront de s'unir de coeur au Christ souffrant et mourant, à tous ceux qui en Lui accepteront de mourir à eux-mêmes (2).

Jésus n'a jamais dit, en effet, ni jamais pensé que son sacrifice pût dispenser aucun de nous du « sacrifice vivant et saint » que Dieu attend de lui. Il a même dit le contraire : « Si quelqu'un veut venir après, moi qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive. » ... Celui qui perd sa vie pour l'amour de moi, la retrouvera ».

Comme le Christ, le chrétien est appelé à donner sa vie, et c'est dans la mesure où il la donne complète et sans réserve qu'il la retrouve abondante et riche : « Si le grain de Blé ne meurt pas, il demeure seul ; s'il meurt, il porte beaucoup de fruits » (Jean XII, 24).

« Comme je me suis offert volontairement pour vos péchés, fait dire à Jésus l'auteur de l'Imitation, les bras étendus sur la Croix, le corps nu, ne réservant rien et m'immolant tout entier, ainsi vous devez tous les jours vous offrir à moi » (3).

C'est cette offrande de tout notre être au Sauveur, qui s'est offert pour nous, qui nous sauve en définitive. C'est elle qui nous fait pénétrer dans l'intimité de ce Sauveur. C'est cette intimité, à son tour, qui éclairera pour nous le mystère de sa passion rédemptrice.

Pour comprendre la Croix, pour en comprendre du moins ce que notre pauvre coeur incapable de beaucoup étreindre en peut saisir, il n'est qu'un moyen : beaucoup aimer Jésus-Christ, l'aimer assez pour lui dire :
« Seigneur, je te donne tout » (4).


Table des matières


(1) FROMMEL, L'Expérience chrétienne, T. III, p. 129. Dans cet ouvrage, nous avons consulté avec profit, le chapitre Il qui traite de « l'attitude de Jésus en face de sa mort ». Pour le présent travail, nous en avons en outre utilisé la belle étude biblique sur la Rédemption de C.-E. Babut et la thèse de M. H. Babut : « La pensée de Jésus sur sa mort ».

(2) Colos. Il, 20 : « Étant donc mort avec Christ, vous n'êtes plus sous la loi, mais sous la grâce. »
(3) Imitation de Jésus-Christ. Livre IV, chap. VIII.
(4) PASCAL. Le mystère de Jésus.

 

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