Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LA CROIX DE JÉSUS-CHRIST



LA CROIX DANS LA VIE DU CHRÉTIEN

Depuis quatre jours déjà nous vivons devant la Croix. Elle s'est révélée, peut être, pour chacun de nous avec des particularités différentes. Les points de vue peuvent être divers et les opinions variées, mais une fois de plus, par elle, l'Esprit a parlé encore avec puissance et nous a bouleversés.
Ah ! devant la Croix, l'indifférence est le pire des blasphèmes.
Déjà nous bénissons Dieu pour la Croix, mais nous sentons que nous sommes à une heure exceptionnelle et que nous devons en profiter pour pénétrer plus avant dans la connaissance et surtout dans l'expérience des plus profondes et des plus hautes vérités divines.

Avant-hier, par la sanglante lumière qu'elle a jetée sur le péché, la Croix nous a sans doute enlevé, à jamais toute illusion et toute idée de propre justice.
Hier la vision de l'expiation a balayé de l'horizon ces nuages de tempête et nous a laissé entrevoir, comme un lumineux arc-en-ciel, le sourire de notre Père nous offrant son pardon.
Tous ceux qui l'ont accepté se sentent en sûreté. Mais maintenant, est-ce tout ? Après, avoir senti, par la révélation du péché, le poids de la condamnation nous écraser, allons-nous, rassurés par la mort expiatoire de Jésus, nous contenter de pousser un soupir de soulagement, peut-être teinté de reconnaissance et nous rendormir dans une douce quiétude en nous disant : « le péché, la condamnation, bah, ce ne sont plus que des fantômes, un cauchemar qui s'évanouit puisque c'est Jésus et non pas moi, qui meurt pour cela ».

Cette attitude, qui pourrait paraître celle de la confiance, est d'une dangereuse logique et inspirée par Satan qui, ne pouvant détruire la Croix, cherche à en limiter la puissance et à en diminuer la portée.
Que Dieu nous garde d'amoindrir ainsi l'oeuvre d'un Sauveur qui s'est donné entièrement pour nous sauver entièrement !

Nous avons bien compris que, sans la Croix, il n'y a pas de Salut possible et sans doute aucun, de nous n'oserait plus maintenant dire qu'il marche vers la vie s'il n'a pas passé par cette première étape de la Croix expiatoire.
Mais la Croix n'est-elle qu'une étape dans la vie ?
Ne s'est-elle présentée sur notre route que comme un bref passage qui nous arrête un instant, puis qu'on dépasse, qu'on laisse derrière soi pour s'avancer vers des révélations nouvelles, vers une vie nouvelle ?
Non, on ne dépasse pas la Croix.
Elle a sa place, une place unique, au début de la vie chrétienne, mais elle a encore sa place dans la vie de chaque jour.

S'il est vrai qu'un seul regard de la foi, jeté sur le Christ crucifié suffit pour sauver le brigand repentant, il n'en est pas moins vrai que Jésus dit à ses disciples :
« Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge chaque jour de sa croix et qu'il me suive. » Luc 9-23. Le chrétien né à la Croix rencontre donc encore chaque jour la Croix sur son chemin et non plus une croix qu'il lui suffit de regarder avec admiration, émotion, adoration même, mais Sa croix, une croix qui se dresse sur sa route, qui l'arrête et lui impose une décision.

Frères et soeurs nous en sommes arrivés là. Nous pensions peut-être connaître la Croix parce que nous avons été sauvés par la Croix et voici devant nous une Croix nouvelle.

Une Croix nouvelle ! avons-nous dit, l'expression peut paraître osée et presque sacrilège. Prétendons-nous apporter une révélation nouvelle, quelque vérité insoupçonnée au cours des siècles. Vous refuseriez avec raison de nous suivre dans cette voie pleine d'embûches. Nous voudrions simplement nous replacer devant, une des faces trop souvent négligée du vieux message de la Croix.

La Bible doit être, cela va sans dire, notre guide suprême dans cette étude de vérités si étrangères à l'esprit de l'homme ; mais au commencement de cette journée qui doit être féconde en résultats pratiques dans notre vie, souvenons-nous que seul le Saint-Esprit peut nous rendre accessibles les vérités que les plus savants discours ne sauraient mettre à notre portée.

Pour beaucoup de chrétiens, l'expérience de la croix s'arrête au pardon des péchés. Cette expérience est fondamentale et vitale ; mais elle n'est, en même temps, qu'élémentaire et insuffisante ; et cette insuffisance ne tarde pas à se manifester de façon douloureuse.

En nous réconciliant avec Dieu, la Croix a sans doute apporté une extraordinaire transformation dans nos vies. Le changement a été si grand même que, pour l'exprimer, nous employons le mot évocateur de conversion, c'est-à-dire un changement complet de direction ; c'est une révolution totale, rien moins qu'un miracle. La vie, dès ce jour, prend un aspect nouveau. Une joie débordante illumine toutes choses.

Et cette expérience du premier amour n'est pas qu'illusion, car le monde lui-même en constate la réalité : les habitudes sont changées. Le caractère est transformé, le péché abandonné. À ce moment-là, les difficultés sont encore inconnues. Le nouveau converti se sent capable de renverser tous les obstacles, de vaincre tous les ennemis. Tout semble parfait et définitif. C'est le ciel sur la terre. Cette expérience, qui est la mienne, est aussi la vôtre, sans doute, vous tous qui, un jour, avez saisi en Jésus votre Sauveur.

Mais, hélas ! comme la vie de chaque jour, avec ses réalités brutales, ses soucis ! absorbants, ses petitesses déprimantes, a eu vite fait de révéler la fragilité de ce qui paraissait inébranlable, la vanité de ces forces qui semblaient invincibles, l'insuffisance de ce qui semblait parfait. Oui, il serait puéril de le nier, il y a des chrétiens qui ont passé par une réelle conversion, qui ont été pardonnés par la Croix et qui, cependant, ne sont plus satisfaits.

Cette joie sans mélange du condamné absous, cette joie encore si réelle et si profonde, ne suffit plus à étouffer un malaise naissant. La paix parfaite du début a fait place, à des luttes incessantes. La vie chrétienne, qui apparaissait comme une allée large et unie, montant régulièrement vers des cimes glorieuses n'est plus maintenant qu'un sentier étroit et dangereux, tout hérissé d'obstacles et de pièges, montant et descendant en une succession démoralisante de montagnes russes.

Pourquoi cette contradiction entre : les expériences bénies décrites par la parole de Dieu et l'expérience douloureuse de notre vie quotidienne ? Pourquoi ce contraste, entre la peinture idéale du chrétien de la Bible, qui nous émerveille par son harmonie, et la grotesque caricature que nous en voyons réalisée en nous-mêmes ? La Bible nous trompe-t-elle en faisant miroiter vraiment devant nos yeux un programme irréalisable ?
Non, nous le sentons bien ! Et c'est précisément cette certitude que Dieu encore moins, que nous ne peut être satisfait d'une vie, aussi misérable, qui crée en nous cette inquiétude et c'est le pressentiment d'une vie plus glorieuse qui nous rend toute résignation impossible.
La souffrance qui naît de ce sentiment de médiocrité et de faiblesse est peut-être décuplée lorsque nous sommes au service de Dieu car les conséquences, en sont encore plus graves.

Nous pouvons être fidèles dans notre message, zélés dans notre activité, merveilleusement doués de toutes les qualités qui font les ouvriers utiles et -cependant notre témoignage est impuissant, les résultats manquent. Malgré l'amabilité de notre caractère et les efforts que nous faisons pour acquérir de l'influence sur ceux que nous voulons sauver ou aider, il nous manque ce rayonnement indéfinissable et surnaturel qui attire irrésistiblement, cette autorité d'en-haut qui désarme l'opposition. Nous sommes des serviteurs inutiles et cependant nous sommes certains d'avoir reçu une vocation et d'y avoir répondu dans la mesure de nos moyens.

Conscients de notre insuffisance nous avons longtemps cherché ce qui nous manquait, soucieux d'écarter tout obstacle nous avons consenti à des sacrifices douloureux, nous avons purifié notre vie, nous avons lutté, nous avons pleuré... et nous nous retrouvions toujours les mêmes.
Nous sentons un obstacle et nous le cherchons vainement autour de nous. Il y a quelque chose à détruire que nous ne pouvons pas détruire. Il y a un ennemi que nous ne pouvons pas démasquer.
Ah ! Cessons ces luttes vaines ! abandonnons ces recherches décourageantes. Laissons la parole à Celui qui sonde les coeurs, écoutons le diagnostic de Jésus et apprenons de lui le secret de la victoire.
« Si quelqu'un veut venir après moi qu'il renonce à lui-même. »

Comprenez-vous maintenant ? Il ne s'agit plus de renoncer à telle habitude, à tel péché, au confort, à l'argent, aux affections. Nous aurions pu faire tout cela et au fond n'avoir pas répondu à l'appel du Maître. L'exigence de Jésus atteint jusqu'au fond même de l'être. Ses recherches s'étendent plus loin que les éléments extérieurs et accessoires de la vie. Au delà des actions, il s'attaque au ressort caché qui les engendre.

Non content d'avoir transformé toute notre vie, Jésus veut exercer son action, maintenant, jusqu'au centre même de la personnalité. Ce qu'il condamne, ce qu'il veut détruire, c'est le « Moi », c'est-à-dire nous-mêmes, tels que nous sommes dans notre état naturel, avec notre raison humaine, sa science, ses théories et ses systèmes, notre coeur charnel et ses affections ou ses haines, toute notre volonté propre. lie « Moi », en résumé, c'est tout ce qui n'est pas Lui.

Voilà l'ennemi mystérieux et insaisissable ; voilà la cause de toutes les faiblesses. Le « Moi » qui, peut-être, sans que nous le soupçonnions, est encore le maître, le seigneur exigeant qui absorbe toute notre activité, qui est l'objet de toute notre sollicitude. C'est la vie du « Moi » qui étouffe la vie nouvelle, la vie divine que nous avions reçue au Calvaire. On peut s'être dépouillé de beaucoup de choses et être encore rempli du Moi. Ah ! cela vous étonne peut-être, mais jetons seulement un regard sur nos vies, mais non plus un regard indulgent ; demandons que ce soit un rayon même du St-Esprit qui nous éclaire de sa lumière, qu'il nous donne de savoir analyser avec une implacable perspicacité chacune de nos actions, rechercher le mobile secret de toute notre vie et nous verrons que le « Moi » est partout, dirigeant tout et souillant tout.

Prenons, par exemple, ce qu'il y a de meilleur dans notre vie : une de nos prières. Laissant même de côté les demandes se rapportant trop manifestement à nos intérêts personnels, dans la forme la plus, altruiste de la prière, dans l'intercession, nous nous rendons compte que le « Moi » peut encore se manifester. Il n'est pas jusqu'à cette demande, dictée à l'origine par l'Esprit de Dieu : « Que ton règne vienne ! » qui ne puisse être rendue vaine par les sentiments qu'y mêle le « Moi ». Nous pouvons peut-être dire : « Que ton règne vienne ! » et le « Moi » ajoute, : « car tout irait tellement mieux, si vraiment tu régnais ! » Nous avons même pu prier pour le Réveil, et le « Moi » venait mêler à cette prière des pensées égoïstes : « Seigneur, réveille mon Église, car je n'y trouve plus rien d'intéressant ».

Le « Moi » s'insinue dans notre service pour Dieu. Nous voulons bien servir mais en choisissant nos méthodes, notre champ de travail ; notre activité sera celle qui nous paraît convenir le mieux à nos dons naturels. Nous emploierons les moyens les plus en faveur dans notre milieu. Notre message sera accommodé au goût du jour.

C'est du « Moi » que vient ce sentiment de satisfaction intense, ces délices du prédicateur qui sent la foule empoignée, remuée à son gré. Ah ! Le « Moi » chante et exulte à l'heure du succès. Mais il est peut-être encore plus visible lorsqu'il est blessé, humilié par un échec : lorsqu'un sermon n'a pas porté, lorsqu'une visite a tourné à la confusion du serviteur de Dieu. Le mécontentement qui le tourmente provient-il uniquement de ce que les intérêts de Dieu ont été mal servis, ou n'est-ce pas, plutôt le « Moi » qui s'afflige d'un insuccès amoindrissant ?
Mais c'est surtout à l'heure de l'épreuve que le « Moi » se révèle comme occupant toute la place. Lorsque plus rien ne compte, plus rien n'est digne d'intérêt, plus rien n'absorbe l'attention que nos propres souffrances.

Tout ceci est naturel et admis, mais prouve que le « Moi » est encore au centre de notre vie. Est-il utile d'insister davantage, je ne le crois pas, à moins de fermer obstinément les yeux à la réalité, nous devons tous reconnaître que nous sommes les serviteurs dociles, les esclaves de notre « Moi ».

Il est extrêmement important qu'avant d'aller plus loin dans notre étude, nous soyons pleinement conscients de cet état auquel on prête peu d'attention, en général, que l'on ignore souvent, tant il est difficile à déceler.
Cette influence du « Moi » dans nos vies est souvent si subtile, se présente même la plupart du temps sous des aspects si innocents et si légitimes qu'il faut réellement une action spéciale du St-Esprit pour éveiller le chrétien au sentiment de cette tyrannie qu'il subit sans s'en douter.

Ayant ainsi démasqué l'adversaire, il faut que nous arrivions maintenant à comprendre la nécessité de sa défaite complète, de sa destruction, et cela sera sans doute la partie la plus utile de notre travail, car si l'évidence nous force à reconnaître la prépondérance de ce « Moi » humain et naturel dans notre vie, ce que nous reconnaissons, plus difficilement, c'est qu'il doit en être autrement. Il est triste de voir beaucoup de chrétiens prendre si facilement leur parti de leur médiocrité en disant : « Que voulez-vous, nous sommes et nous serons toujours humains, Dieu le sait bien et il ne peut pas nous demander d'être parfaits ».

Ce que nous répétons sans cesse, avec une telle insistance que cette parole est devenue un mot d'ordre de la Brigade, c'est que Dieu ne se contente pas de ce que vous êtes, et qu'il a le droit de ne pas s'en contenter, parce qu'il met à votre portée des possibilités infinies de sanctification par la Croix de Christ.

Nous n'avons cependant aucune chance de progresser, jusqu'à ce que nous ayons compris et accepté qu'une oeuvre de sanctification ne pourra se produire en nous, que par une action destructrice de plus en plus complète de tout ce qui est opposé à la vie de l'Esprit, c'est-à-dire de tout ce qui ne vient pas de Dieu, car tout ce qui ne vient pas de Dieu est naturellement opposé à Dieu.
Aussi devant l'obstacle à tout progrès spirituel, ce « Moi » immense et vivace, notre mot d'ordre journalier doit être : « Il faut qu'il meure ! » Oui, il faut qu'il meure, et toute autre résolution serait insuffisante.

Il faut qu'il meure, parce que Dieu ne peut rien en faire. Dieu ne veut pas le transformer, l'améliorer, le réparer, il ne donnera jamais rien de bon. Le lamentable édifice de notre « Moi » sans beauté, sans valeur, occupe cependant un site merveilleux, aux possibilités, infinies, mais pour que le divin propriétaire qui l'a acheté à grand prix puisse y faire sa demeure, il faut que nous le laissions anéantir et faire disparaître jusqu'au dernier vestige de notre vieille nature.

C'est l'orgueil qui nous fait croire que Dieu pourra consacrer et utiliser pour sa gloire ce que nous croyons voir de bon en nous et qu'il lui suffira pour nous rendre parfaits de combler les lacunes que nous reconnaissons. Mais Jésus nous répond : « Personne ne met une pièce de drap neuf à un vieil habit... On ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement les outres se rompent, le vin se répand, et les outres sont perdues. » (Matth. IX : 17).

Nous avons souvent demandé le baptême du Saint-Esprit, croyant trouver en lui le remède à toutes nos faiblesses, mais le St-Esprit nous a révélé qu'il n'était pas lui-même le destructeur de notre nature charnelle. Demandons le St-Esprit, nous avons raison, mais il ne pourra que nous éclairer sur notre état et nous conduire à la Croix pour que nous y soyons crucifiés, avec Christ.

Il n'y a qu'une puissance capable de détruire notre vieux « Moi », c'est la Croix, et tant que nous n'aurons pas goûté la mort de Christ, nous n'aurons aucun droit de prétendre à la vie de Christ.

Imiter Jésus dans sa vie est impossible, nous nous heurtons à nous-mêmes. Jésus a bien dit : « Tout disciple accompli sera comme son maître » (Luc VI : 40), mais cela même implique qu'il doit goûter la mort de son maître.
Il faut que le « Moi » meure parce que Dieu réclame la rupture complète avec tout ce qui s'oppose à lui et que le mettre de côté serait insuffisant. La mort de la Croix seule est une séparation efficace, qui ne laisse derrière elle aucun lien persistant.

Ne nous laissons pas tromper surtout lorsqu'il y a eu des progrès dans notre vie, lorsque nous avons pu en une certaine mesure améliorer notre caractère, lorsque même nous nous sentirons pleins de bons sentiments, tout cela ne veut pas dire que nous sommes sur la bonne voie.

Je suis sûr de ne pas me tromper en croyant que notre désir à tous en venant à cette Convention est de progresser par des expériences nouvelles dans la voie de la sanctification, et l'heure est venue, pour nous tous qui avons déjà fait l'expérience de la puissance d'expiation et de justification qui réside en la Croix, de connaître la Croix comme puissance de crucifixion.

Comment pourrons-nous nous mettre encore au bénéfice de la Croix ?
Ce sera premièrement par un acte de foi ou plutôt une attitude constante de foi nous faisant prendre position « en Christ » et devenir « une même plante avec lui ». Dans le 6e chapitre de son Épître aux Romains, Paul nous déclare que notre vieil homme a été crucifié avec Christ.

La croix de Jésus est-elle pour nous une réalité ?
Oui, nous en vivons ! Alors la crucifixion de notre « Moi » est aussi une réalité. L'acte de foi que nous devons faire est de même nature et s'appuie sur les mêmes certitudes que celui que nous avons fait le jour où nous avons, cru au pardon de nos péchés.
Tournons donc vers la Croix le regard de la foi, plein d'un intense désir d'y trouver une fois encore la délivrance, d'en saisir tout le sens caché, de nous en approprier tous les trésors.

Cette Croix est à nous et nous devons bénéficier de tous ses fruits.
Par elle, nous avons trouvé le pardon, par elle encore, et au même titre, nous sommes libérés de l'esclavage du « Moi ».

L'acte de foi que nous faisons en regardant sur la Croix notre vieil homme comme crucifié avec Christ produit aussitôt des effets pratiques.

Nous regardons notre « Moi » cloué à la Croix et nous le voyons dans sa véritable situation.
Là il est réduit à l'impuissance, il est vaincu. Nous avions peut-être essayé de lutter contre lui et il nous avait effrayé par sa puissance et sa vitalité. Alors, qu'il semblait avoir reçu un coup mortel, nous l'avons vu si souvent se relever avec une force et des exigences nouvelles.
Nous l'avons toujours salué comme un vainqueur, mais comme la révélation de Paul-nous le montre différent ! Sur la Croix il est bien vaincu. Il nous a toujours vaincu, mais enfin Jésus l'a vaincu.
N'y a-t-il pas là de quoi ranimer le courage des plus faibles ?

Nous regardons à la Croix et ce « Moi » que nous avions l'habitude de voir occuper la place d'honneur dans notre vie, nous le voyons maintenant sous la malédiction. « Maudit est quiconque est pendu au bois », tel a été le décret de Dieu et si notre vieil homme est maudit en Jésus, il doit être aussi maudit en nous. En regardant par la foi notre « Moi » cloué au bois maudit, nous n'avons plus pour lui aucune indulgence, nous n'acceptons plus avec lui aucun compromis. En regardant au « Moi » crucifié, nous acceptons sa condamnation, plus que cela, nous le maudissons à notre tour. Nous le voyons avec les sentiments de Dieu et au lieu de la sympathie qui nous poussait à le servir, nous n'éprouvons plus pour lui qu'une sainte horreur.

C'est cette expérience que décrit ce témoignage que nous reproduisons, du pasteur anglais F.-B. Meyer. « Après avoir accepté le sacrifice de Christ en rançon pour mes péchés, rien n'a révolutionné ma vie comme de voir l'effigie de mon « Moi » coupable dans le Sauveur innocent et mourant pour moi. Je me suis dit : « Dieu a cloué à la croix l'image de ma propre vie ». La Croix est le symbole de la dégradation et de la malédiction. Si donc Dieu a traité l'effigie de mon « Moi » coupable représenté en Christ comme étant digne de sa malédiction, combien ne suis-je pas coupable aux yeux de Dieu lorsque je garde mon péché, mon « Moi », ma vie propre, lorsque je les caresse et refuse, de les Lui livrer !

O merveilleuse Croix ! Mais ce n'est pas tout.
Christ et moi nous sommes un. En Lui, j'ai été crucifié. En Lui, je prends la position qui me convient, agenouillé au pied de Sa Croix, je voue ma vie propre à la mort en sa mort.
C'est comme si j'avais pris à deux mains ma vie avec ses passions, ses affections, sa soif de perfection, ses bassesses, ses inconséquences, ses jugements téméraires, ses duretés, comme si je l'avais prise au collet en lui disant : « Tu es maudite, tu mourras, mon Dieu t'a clouée au bois, viens je t'y place par mon libre choix, par ma volonté, par ma foi. Sois crucifiée ! »

Nous regardons à la Croix et dans notre vieil homme crucifié, nous voyons la fin de tout ce qui faisait notre vie passée. Notre « Moi » en était l'inspirateur, la source, et la mort de la Croix nous en sépare comme un abîme.

En regardant notre « Moi » crucifié, nous nous apercevons que nous avons perdu notre maître, et il nous en faut un autre. Nous éprouvons la nécessité de recevoir la vie directement du Prince de la vie puisque tout ce qui faisait notre force propre a été anéanti dans la mort. Ne pouvant plus être esclaves du « Moi » maintenant crucifié, nous devenons esclaves de Christ.

Voici encore comment Frédéric Godet parle de cet acte de foi :
« Là foi, dit-il, nous élève en quelque sorte d'un bond à la position royale qu'occupe maintenant Jésus-Christ et qui, en lui, est déjà la nôtre.
De là nous voyons le péché sous nos pieds, là, nous savourons la vie de Dieu comme notre véritable essence en Jésus-Christ.
La raison dit : Devient saint pour l'être, et la foi dit : Tu l'es, deviens-le. Tu l'es en Christ, « deviens-le en ta personne, ou comme dit saint Paul ! Vous êtes morts ; mortifiez donc vos membres terrestres ».

La foi en notre mort avec Christ nous amène naturellement à faire l'expérience pratique de ce que saint Paul appelle : La conformité avec Christ en sa mort.
C'est à quoi Jésus lui-même nous a convié en disant : « Si quelqu'un veut venir après moi... qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive. » « Qu'il me suive » veut dire ici : qu'il passe lui-même derrière moi par le même chemin, par la même mort.

Comment doit se produire dans nos vies cette crucifixion avec Christ, seul supplice efficace pour la destruction du vieil homme, c'est ce que nous essayons d'apprendre en établissant un parallèle entre la croix de Jésus et notre croix.
Mais aussitôt une question se pose : « N'est-il pas sacrilège de comparer la mort de Christ à la mort de nous-mêmes ? Car Jésus n'a pas eu à mourir à lui-même dans les mêmes conditions que nous avons à le faire, il n'y avait pas, en lui de vieil homme charnel et vendu au péché. »

Certes, nous respectons la distance qu'il y a entre Jésus et nous, mais c'est précisément grâce à cette sainteté unique que Jésus a pu prendre notre place et mourir pour nous. Nous croyons que Jésus en portant avec lui notre vieil homme sur la croix, non seulement nous ouvre le chemin de la mort à nous-mêmes mais encore nous révèle par son exemple ce que sera cette mort.

Toute image, toute parabole nous parait bien faible ou inexacte à côté de la croix de Jésus qui est le type même de la mort précieuse aux yeux de Dieu. La croix du chrétien, c'est la croix de Jésus transposée dans le domaine de notre vie.

Mourir à soi-même, n'est que suivre Jésus dans la mort. Pensée réconfortante qui éclaire pour nous cette mort d'une lumière rassurante. Nous savons, où aboutit le chemin du Calvaire et il n'est plus effrayant de marcher à la mort avec Celui qui a vaincu la mort.

Considérés comme des illustrations de la mort à nous-mêmes, les détails de la mort de Jésus prennent une signification nouvelle, un intérêt nouveau lorsque nos pensons que nous avons nous aussi à passer par là.
Lorsque Paul a employé le terme de « crucifié » pour désigner la mort du vieil homme, il a été certainement inspiré avec exactitude dans le choix de cette expression. La mort du vieil homme n'est pas une mort quelconque, mais c'est la mort de la croix telle que l'a acceptée et subie Jésus.

Revenons donc une fois de plus aux récits des Évangiles, mais en nous disant qu'à chaque étape de la mort de Jésus doit correspondre une expérience pratique dans notre vie. Nous voudrions pouvoir faire porter nos recherches sur la vie entière de Jésus, car n'a-t-elle pas été un long et incessant dépouillement, ou tout au moins sur tous les épisodes de la crucifixion, mais le temps nous manquerait et nous devons, borner notre parallèle à quelques détails caractéristiques de la Passion.

C'est à Gethsémané que nous voulons d'abord regarder Jésus car c'est dans les angoisses de Gethsémané que le chrétien doit avant tout devenir conforme à son Maître.
Gethsémané, c'est premièrement pour Jésus la vision de la mort qu'il doit accepter. Oh, les ténèbres de cette heure, ténèbres qui voilent tout sauf cette vision de la mort hideuse qui s'approche. L'ombre de la croix est sur Jésus, ombre plus obscure que la croix elle-même. Jésus voit s'approcher de ses lèvres la coupe débordante d'amertume, avant-goût de la mort, plus amer que la mort elle-même. On ne l'avait jamais vu trembler, il a été calme au milieu de la tempête, il a su résister à Satan lui-même, il a même souvent parlé de sa mort avec une ferme assurance, mais maintenant, ce qu'il voit est si terrible qu'il en est troublé jusqu'au plus profond de son âme.

Frères, au moment où le programme divin dresse devant nous au premier plan la croix, notre croix, immense et redoutable, nous avons nous aussi notre vision de Gethsémané.

Gethsémané, c'est avant tout pour nous la minute angoissante où la coupe de la mort est si terrifiante, qu'à sa seule vue une immense détresse nous envahit tout entier. C'est la minute où la mort à nous-mêmes qui jusqu'alors n'a été pour nous qu'un mot, semble se concrétiser en actions précises, en renoncements douloureux, en séparations qui mutilent le coeur. C'est l'heure où l'on sent que la croix n'est pas une bagatelle ni un rêve mystique mais une mort réelle et qui nous atteint dans ce que nous avons de plus cher.
Ne nous étonnons pas de cette heure angoissante, elle a sa place au seuil de la mort à soi-même.

Gethsémané est en même temps une heure de solitude.
La solitude peut être douce parfois, elle est réconfortante lorsqu'elle n'est qu'une communion plus intime avec le Père. Mais la solitude de Gethsémané est tout autre chose, car c'est un abandon, une désertion des amis les plus sûrs, des aides les plus précieux.

Jésus s'était souvent retiré à l'écart pour prier seul, mais à cette heure, connaissant par une intuition certaine l'affreux combat qu'apportait l'heure à venir, Jésus, ce soir, désire ardemment avoir auprès de lui quelques fidèles affections humaines et il prit avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, les trois sur lesquels il sait qu'il peut compter. Mais ce faible appui va encore lui manquer, les trois amis fidèles le laissent et s'endorment. Et le coup est dur même pour Jésus qui n'avait jamais eu d'illusions sur le coeur de l'homme. Jésus est étonné et blessé !
Oh ! il sera dur pour nous aussi le coup que portera à notre coeur humain l'abandon de ses plus précieux appuis, car n'espérons pas que cette étape de la mort nous sera épargnée, et c'est tout seul que nous aurons à gravir le chemin du Calvaire.
Mais ce qui confère avant tout aux heures de Gethsémané leur solennelle grandeur, c'est que ce furent les heures de la décision suprême, de l'abandon sans réserve, du renoncement le plus complet qui se puisse imaginer et dans ce sens Gethsémané est déjà une victoire. L'agonie de Gethsémané se termine par cette victoire de la confiance en Dieu :
« Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. »

Par cet acte décisif, Gethsémané est la clef du Calvaire, et nous ne verrons nous-mêmes commencer l'oeuvre de la Croix en nous que lorsque nous aurons aussi solennellement accompli l'acte de décision.

Toute la vie de Jésus a été un dépouillement et cependant avant d'achever sa mission, il nous donne l'exemple d'un dépouillement encore plus complet : le renoncement à toute volonté propre.

Oui, en Gethsémané il ne suffit plus de renoncer à ce qui dans notre volonté est nettement, obstinément opposé au plan de Dieu. Il ne s'agit plus d'abandonner des désirs grossiers ou coupables, mais c'est toute notre volonté quelle qu'elle soit qui doit être livrée.
Si cela nous paraît inutile ou exagéré, pensons à ce qu'était cette volonté que Jésus dépose en Gethsémané sur l'autel de l'obéissance.

La volonté de Jésus !
Y a-t-il jamais eu sur la terre quelque chose de plus pur, de plus noble, de plus parfait ? Et cependant cela même, Jésus l'abandonne. La volonté de Jésus qui, en Gethsémané, se courbe, s'efface, n'avait cependant jamais été opposée, à celle du Père. N'avons-nous pas la preuve par toute sa vie que Jésus n'a jamais appliqué sa volonté qu'à la recherche de la seule gloire de son Père et à l'accomplissement de sa mission de salut ? Pourquoi à cette heure semble-t-il y avoir opposition et lutte ? Nous ne voulons pas le rechercher. Le domaine dans lequel se déroule le drame est trop saint pour que nous osions nous permettre de le fouiller d'un regard impur. Une analyse nous paraîtrait sacrilège. La seule attitude qui nous a semblé permise devant ce mystère est celle de l'humble disciple qui ne recherche dans les actes de son Maître que ce qui peut lui être une leçon.

Jésus nous impose l'attitude qu'il a prise devant son Père. Cette prière de Jésus est la plus impressionnante leçon de soumission. Son exemple détruit à jamais en nous toute velléité d'indépendance. Qui oserait maintenant laisser sa volonté se dresser devant Dieu lorsque Jésus courbe la sienne ?
Par cet acte décisif, Jésus avait déjà virtuellement accompli sa mission. Il a maintenant fait tout ce qu'il devait, il n'a plus rien à faire. Il a accepté la mort, il n'a pas à la provoquer. Quelques instants plus tard, il sera au pouvoir des hommes qui doivent, eux, le conduire à la croix. Dès ce moment, il n'est plus que « l'agneau qu'on mène à la boucherie. »

Ne pouvons-nous pas imaginer que si Jésus, après la prière de Gethsémané, avait dit à Dieu : « Père, j'ai accepté, maintenant que dois-je faire ? » Dieu aurait répondu simplement : « Tu as accepté, cela suffit, les hommes feront le reste. »
Pour nous aussi, un tel abandon est tout ce que Dieu demande. Le renoncement total n'est pas seulement la condition première de la mort à soi-même, c'en est aussi tout le secret.
Nous aussi, peut être, ayant compris que la mort était la condition de toute vie, nous acceptons la mort, plus que cela nous la désirons et nous demandons anxieusement : « Que dois-je faire maintenant ? Je veux mourir, mais comment pourrai-je le faire ? » Et l'exemple de Jésus nous, répond simplement : « Tu n'as rien à faire, accepte et cela suffit, tu n'as pas à te donner la mort, elle vient à toi. »

Avez-vous remarqué que dans les trois Évangiles qui nous rapportent le récit de Gethsémané, ce récit est immédiatement suivi de ces mêmes mots exactement répétés : « Et aussitôt, comme il parlait encore, arriva Judas » et avec lui venait la foule armée. On se sent en présence d'une action minutieusement préparée et dont l'acte de Gethsémané aurait été comme le déclenchement. Jésus accepte, « et aussitôt, comme il parlait encore, arrive Judas » et c'est déjà la mort.

Vous voulez mourir ! Mais ce n'est pas difficile, acceptez seulement et aussitôt arrive la mort. Le programme est tout prêt et comme suspendu dans l'attente de votre décision.
L'abandon total est donc le point capital de la mort à soi-même et un véritable abandon ne peut pas ne pas être suivi de la mort.
« Mais, pourraient sans doute objecter plusieurs d'entre nous, mon expérience personnelle dément cette affirmation. J'ai plus d'une fois prononcé la prière d'abandon : « Non pas ma volonté, mais que ta volonté se fasse. » Je sais que je l'ai fait avec une absolue sincérité, mon abandon a été total, et cependant, la mort n'est pas venue. »
Oui, mais ce qui fait sans doute la différence entre l'abandon de Jésus et le nôtre, c'est que Jésus, ayant abandonné sa volonté en Gethsémané ne la reprend plus. Et nous ? Peut-être l'avons-nous reprise.

Jésus aurait pu encore ne pas mourir, même après Gethsémané, après l'arrestation. Il l'affirme lui-même lorsqu'il dit à Pierre : « Penses-tu que je ne puisse invoquer mon Père qui me donnerait à l'instant plus de douze légions d'anges ? » (Matth. 26-53). Rien ne pouvait le faire conduire à la mort contre sa volonté. Il en est de même pour nous, il ne suffit pas, de l'abandon d'un instant pour nous conduire à la croix ; jusqu'au bout, Dieu ne fera rien malgré nous.

La décision de Gethsémané est unique et définitive, mais elle doit se prolonger par une acceptation continue de la mort dans chacune de ses phrases.
Jésus nous en a prévenus : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge chaque jour de sa croix et qu'il me suive. » Chaque jour la mort à nous-mêmes se présentera sous un aspect nouveau et en même temps que la croix se présentera à nous la possibilité de la refuser. Celui qui a tout abandonné en Gethsémané doit recevoir encore de Dieu, jour par jour, la force de résister aux sollicitations du « Moi » qui voudrait échapper à la mort et aux subtiles tentations de Satan qui voudrait le détourner de la Croix.

Mais, redisons-le encore afin de prévenir bien des efforts inutiles, c'est tout ce que nous avons à faire. Le reste, disions-nous pour Jésus, ce sera l'affaire des hommes. Ce sont eux qui le forcent à marcher, qui le traînent jusqu'au Calvaire et le clouent à la Croix. Ah ! il n'y avait pas à craindre qu'ils n'accomplissent pas leur rôle, ils s'y sont tous mis, Romains et Juifs, prêtres et péagers, riches et pauvres... Comme cela est vrai aussi pour le chrétien !

Les coups efficaces que nous essayerions en vain de donner à notre « Moi » ne nous seront pas épargnés par les hommes si seulement nous les acceptons. La mort que nous avons acceptée devant Dieu seul nous sera apportée chaque jour par les hommes qui « ne savent ce qu'ils font ».

Au cours de la Convention de l'année dernière, plusieurs de ceux qui sont aujourd'hui parmi nous ont pris devant Dieu la résolution d'accepter la mort à eux-mêmes, coûte que coûte et ont demandé la mort. Si nous pouvions leur demander maintenant de nous raconter comment leur prière a été exaucée, je suis sûr que nous entendrions des récits de luttes incessantes, d'attaques sournoises ou brutales de la part des hommes, de calomnies ou de flatteries plus dangereuses encore, de lâchetés, de trahisons, d'abandons. Nous nous sommes trouvés malgré nous entraînés dans les situations, les plus douloureuses, des oppositions se sont élevées de toutes parts. Pour certains d'entre nous, ce furent les fautes et les hontes du passé qui ont été ramenées à la lumière, peut-être par ceux-là mêmes qui prêchent le pardon et l'oubli des offenses, et lorsque la vérité ne paraissait pas assez humiliante, on y a ajouté la calomnie. Nous avons vu nos plus fidèles amis, comme entraînés par une force mystérieuse, se détourner de nous tous ensemble. Nous avons subi dans notre travail des échecs humiliants, nous avons même pu être arrêtés complètement sur certains points. Nous avons été amoindris de toutes façons, brisés, nous avons fait l'expérience, de notre faiblesse, de notre impuissance totale.

Chacun des coups qui nous arrivaient ainsi les uns après les autres était d'abord une énigme, puis l'Esprit de Dieu nous faisait comprendre que c'était là l'exaucement de nos prières, la réalisation de notre voeu de mort à nous-mêmes. Et alors... ou bien nous avons regimbé, nous nous sommes débattus et nous ne sommes pas morts et notre acte de consécration est resté vain, on bien nous avons accepter chaque coup et on en voit les fruits maintenant.

C'est cela qui est vraiment difficile à accepter, plus peut-être que nous ne l'imaginons et c'est pourquoi il nous a paru nécessaire, au moment où plusieurs ont accepté de mourir, de mettre en lumière la façon douloureuse dont cette mort nous est pratiquement apportée, pour qu'il n'y ait plus, lorsque ce moment viendra, de surprises et d'hésitations.

Ah, si Dieu voulait, au moment même où nous lui livrons notre vie, anéantir lui-même, d'un seul coup, toute notre vieille nature, si au moment même où nous lui disons, dans une minute d'exaltation : « Oui, Seigneur, j'accepte ! » un coup de foudre nous débarrassait à jamais de nous-mêmes, oh ! qu'il y aurait de chrétiens morts à eux-mêmes ! Mais ce ne serait pas la mort de la croix.

Nous aurons à accepter froidement, jour après jour, les coups que nous donneront les hommes les plus indignes et les moins qualifiés. Et cela est si dur que devant des coups particulièrement cruels, parfois la question se pose : « Jusqu'à quel point devons-nous les laisser faire. N'iront-ils pas trop loin, ne vont-ils pas détruire notre ministère en même temps que nous-mêmes. Avons-nous le droit de tout accepter, car ces coups ne risquent-ils pas de nous laisser pour toujours invalides, amoindris, hors de combat ? »

Non, nous n'avons pas à craindre cela, les hommes ne peuvent tuer que ce qui est mortel. Jésus, sur la croix, brisé, anéanti, remettait cependant son Esprit intact et vainqueur entre les mains, de son Père. Laissons-les faire, ils ne peuvent atteindre ce qui est Esprit, mais au contraire, sans s'en douter, en labourant notre âme, en détruisant tout, ils fraient la voie à l'Esprit. Nous ne mourons que pour revivre dans la mesure même où nous sommes morts.

Mais surtout souvenons-nous toujours, car c'est là le secret de la victoire, que c'est « en Christ » que nous mourons. Aussitôt que nous avons pris la position en « Christ », Christ prend position « en nous », et Christ qui a été jusqu'au bout, saura aussi nous conduire jusqu'au bout.

Il n'entre pas dans notre programme d'aujourd'hui de parler de la vie de résurrection en Christ. Je sais bien que si nous pouvions le faire maintenant, les splendeurs et la gloire de cette vie suffiraient à effacer devant vos yeux toutes les ombres et les horreurs de la mort, mais je suis heureux que nous ayons l'occasion d'accepter la mort avant même d'avoir une vision bien nette de ce que sera la résurrection. Cela nous évitera le grand danger de désirer la mort pour nous-mêmes, pour les bénéfices que nous pourrions en retirer. Nous le ferons pour Dieu seul, pour sa gloire.

Nous disions, au début de cette étude, que la croix qui se dresse devant nous aujourd'hui nous impose une décision. Je n'ai pas à souligner l'importance de cette décision, cette importance a été mise en lumière avec puissance par l'Esprit de Dieu au cours des journées précédentes. Je n'en veux pour preuve que ce fait : sur le programme imprimé de notre convention, le sujet de la mort à soi-même n'apparaissait qu'aujourd'hui, mais dans le programme de Dieu, il s'est imposé à nous dès le premier jour de cette semaine. Nous pensions nous entretenir de sujets divers, et toujours la voix de Dieu nous imposait cet ordre :

« Avant tout, il faut mourir. »

Oui, mes frères, la Croix de Christ est vaine si elle ne nous crucifie pas.
O Christ nous ne voulons pas que ta croix soit vaine !

L. BORDIGONI.


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