Lettres de Direction spirituelle
inédites
À Antoine Blanc et aux Vaudois Du
Piémont.
LE RÉVEIL DES VALLÉES
VAUDOISES.
I. – La
première rencontre de Neff avec Antoine
Blanc.
Au début du
siècle dernier vivaient à
Briançon deux frères, Jacques et
Joseph Blanc, descendant d'une ancienne famille
vaudoise de France. Joseph, désireux de
posséder une Bible de famille, était
allé près de Genève acheter
une Bible in-folio d'Ostwald, qu'il transporta sur
son dos, dans un sac de peau, voyageant de nuit
à travers les montagnes. Il arriva enfin
à Briançon les pieds gelés, et
toute la famille reçut la grande Bible avec
une joie et une vénération sans
égales.
Cependant les deux frères, privés de
tout secours religieux, allèrent se fixer en
Piémont, afin de se sentir moins
isolés.
En 1824, le fils cadet de Jacques Blanc, Antoine,
perdit son premier enfant ;
profondément abattu il se rendit, pour se
distraire, en simple curieux à la
dédicace du temple de Freyssinières
(1).
Félix Neff attendait la petite caravane des
Vallées du Piémont et lui fit un
accueil cordial. Dès leur arrivée, il
eut en vue la conversion de ses hôtes.
« Je connus, écrivit (2) Antoine Blanc
quelques années après, un peu la
nécessité d'une repentance le soir
même de mon arrivée, dans une dispute
qu'eut M. M..... (un pasteur libéral des
Vallées vaudoises aussi venu à cette
dédicace) avec M. Neff Je reconnus que M.
M....., pasteur, que j'avais toujours tenu pour
l'un des plus savants, ne répondait pas par
la Bible à la multitude de passages de la
Parole de Dieu que lui citait M Neff, et je me
sentais entraîné, sans doute par une
force divine, à pencher du côté
de M. Neff, ne pouvant pas ne pas accepter la
Parole de Dieu que je croyais véritable.
J'étais intérieurement
dépité contre M. M....., non
seulement de ce qu'il ne se défendait pas
par d'autres passages, mais surtout de ce qu'il
sortait de la douceur en se défendant par
des raisons qui ne se trouvaient pas dans la
Bible...
« Après la dédicace, je
voulus m'en revenir en passant par Briançon,
et je fus tout étonné de ce que M.
Neff voulait aussi y venir ; j'ai compris
ensuite que c'était seulement pour me parler
de mon âme en chemin, car nous
marchâmes une journée ensemble. Il ne
cessa de parler pour me convaincre de
péché et de la
nécessité de me convertir. Tandis
qu'il parlait du monde plongé dans le mal,
je l'aidai de mon mieux ; mais quand il
voulait me prouver que j'étais aussi
plongé dans le mal, je n'ai jamais voulu le
croire ; ma conscience mondaine ne me
reprochait rien et j'ai rendu
toute sa peine, son voyage, le dessein de Dieu
inutiles à mon égard, et je le
quittai comme s'il eût été un
homme hors de bon sens. Il me donna alors quelques
traités en me recommandant de les lire avec
attention, puisqu'il mettait en doute mon salut.
Mais quand je me rappelle ses soupirs, sa
tristesse... Ah ! il priait pour ma pauvre
âme, morte dans ses péchés...
La prière du
juste faite avec ferveur est d'une grande
efficacité..., béni sois-tu, ô mon Dieu,
de ce que tu l'as exaucée.
« De retour chez moi, j'oubliai
bientôt tout ce qu'il m'avait dit, pour ne
plus me souvenir que de sa personne
exaltée. »
Mais Neff aborda à nouveau la question du
salut en lui écrivant ces lignes qui n'ont
pas vieilli.
Il. – À Antoine Blanc.
DE QUOI VOTRE
ÂME EST-ELLE EN SOUCI ?
COMMENT GOÛTER LA DOUCEUR DE
L'ÉVANGILE.
Guillestre, 21 novembre
1824.
MONSIEUR,
Quoique je n'aie pas eu l'avantage de passer
beaucoup de temps avec vous, j'ai néanmoins
conservé votre souvenir, comme celui d'une
vieille connaissance, soit parce que
l'étroite et bien précieuse
amitié qui me lie avec votre estimable
aîné (3) semble se
reproduire avec ceux qui lui appartiennent, soit
plutôt parce qu'il se trouve, entre votre
caractère et le mien, une analogie
sensible ; quoi qu'il en soit, et sans
chercher quelle en est la cause, je puis vous dire
que, depuis le jour où nous nous sommes
quittés, j'ai bien souvent pensé
à vous et désiré vous
revoir...
Celui qui, emporté par le tourbillon du
monde ou endormi dans les bras d'une dangereuse
sécurité, n'a jamais
réfléchi sérieusement sur son
sort à venir, sur la justice de Dieu et la
corruption de l'homme ; celui qui se contente
de suivre la foule sans se donner la peine
d'examiner où elle va ;
celui-là, dis-je, ne peut comprendre une
telle inquiétude [l'inquiétude du
chrétien pour le salut de ceux qui lui sont
chers], et serait tenté de la tourner en
ridicule, comme une folie ou même de s'en
offenser. Mais c'est justement alors qu'elle est
plus fondée, car, moins un homme pense
à son âme, plus il se croit en
sûreté, et plus ceux qui connaissent
la vérité ont raison de craindre pour
lui.
Nous dormons tous sur le bord d'un abîme et
au milieu de nos plus cruels ennemis, ne voyant ni
le danger, ni le secours, et méprisant
également l'un et l'autre. Jetez les yeux
autour de vous, descendez dans votre propre
cœur, ne serez-vous pas forcé d'avouer
qu'il n'est rien au monde dont on soit moins en
souci que de son âme, que rien ne cause moins
de regrets que d'avoir offensé Dieu, et
qu'on cherche sa paix, sa joie, son bonheur,
partout ailleurs qu'en Jésus-Christ.
On ne tremble que pour son corps, on redoute les
persécutions de ceux qu'on appelle ennemis,
adversaires, et l'on ne craint nullement celui qui
peut jeter dans la
géhenne l'âme et le corps.
On dispute
volontiers, souvent avec aigreur et toujours avec
vanité, sur des points de doctrine, mais on
n'en sent point la force, on n'en goûte point
la douceur : on fait consister la religion
dans un vain extérieur. Quand on a la
liberté des cultes, qu'on sait
répondre en controverse, on dit que tout va
bien et on s'endort là-dessus comme les
vierges folles, sans s'inquiéter si l'on est
prêt, si. l'on a de l'huile dans sa lampe.
On met ordre à
tout ce qui est temporel, on sème dans la
saison, on ne laisse passer ni foire ni
marché où l'on espère faire
quelque profit, et l'on croit être
sage ; tandis qu'on renvoie d'un jour à
l'autre l'affaire qui seule mérite
d'être appelée importante.
On se plaint de l'instabilité des choses
d'ici-bas et on n'en cherche point de plus solides.
On se plaint de l'inconstance et de l'ingratitude
des hommes, et l'on néglige le seul ami
fidèle qui nous demande notre cœur., On
parle quelquefois de la mort, du jugement dernier,
de l'enfer, mais avec une
légèreté, une gaieté
qui annoncent l'incrédulité du
cœur ou, du moins, sa folie. On parle du
salut, de la gloire éternelle, mais avec une
indifférence, une tiédeur qui
prouvent bien que ce n'est pas là que
nous avons notre
trésor. On
parle de Dieu, sans respect et sans crainte, et du
Sauveur, sans amour, sans reconnaissance. Combien
paraîtrait ridicule celui qui, dans une
société, même de gens
regardés comme les plus pieux, exprimerait
avec affection ces sentiments de
l'Apôtre : l'amour de Christ nous presse
(II Cor. V : 14). Je ne
vis
plus, mais le
Christ vit
en moi
(Gal Il : 20). Il me
tarde de déloger pour être avec Christ
(Phil. I : 23). O
quand entrerai-je et
me prosternerai-je devant l'Éternel ?
Mon âme a soif du Dieu
vivant
(Ps, XLII).
Ces exclamations d'une âme ardente qui aime
son Sauveur et son Dieu sont
réservées pour donner une chaleur
artificielle aux discours de la chaire, mais elles
sont bannies de la conversation familière,
parce que le sentiment qui les a dictées
n'est nulle part dans les cœurs et que s'il se
trouvait chez quelqu'un, il serait une discordance
trop désagréable avec la glace de
tous les autres.
L'Apôtre saint Paul ne voulait savoir
que
Jésus-Christ, et Jésus-Christ
crucifié, " et
les chrétiens d'aujourd'hui savent tout,
excepté cela. Vous avez trop de jugement
pour ne pas reconnaître que ce tableau est
fidèle, quoique bien incomplet. Qu'en
pensez-vous donc maintenant ! Croyez-vous que
ce soit pour se créer une Église
comme celle-là que le Fils de Dieu est venu
mourir sur la terre ? Pouvez-vous
raisonnablement penser que le vrai christianisme se
réduise à l'insignifiante et
stérile dévotion dont on se contente
aujourd'hui ? Oh ! non, certainement,
vous ne le pensez pas, ce serait déshonorer
l'Évangile, ou du moins ne le point
connaître. Je suis donc bien persuadé
que vous reconnaissez qu'en fait de religion, tout
est dans un funeste relâchement et que
vous-même êtes bien loin de faire
exception ; vous reconnaissez cela, j'en suis
sûr, mais en êtes-vous vivement
affecté ? (Permettez-moi ces questions,
qu'une sincère amitié m'oblige
à vous adresser). La vue de la mort, si
triste, dans laquelle gît tout ce qui a le bruit de
vivre
, vous
remplit-elle de tristesse ? Êtes-vous
bien sérieux sur votre propre
salut ?
Je crains bien, mon cher Monsieur, qu'une
malheureuse légèreté, trop
naturelle aux hommes d'ailleurs raisonnables, ne
vous empêche de peser mûrement
l'importance de ces choses. On a si peu l'habitude
de s'en occuper tout de bon, qu'il paraît
étrange de se recueillir véritablement et de descendre dans son coeur une
bonne fois pour faire te compte de ses voies.
Cependant, je puis
bien vous l'assurer, ce n'est qu'après avoir
profondément médité et
ardemment invoqué l'assistance du
Saint-esprit, qu'on parvient à
connaître et la grandeur du mal et
l'efficacité du remède. Jamais un
esprit léger et gai n'annonça un
coeur humilié,
froissé, brisé, et ce n'est qu'à
celui-là que
Dieu regarde et prend plaisir.
Il y a abondance de
grâce et de secours en Jésus, mais
pour y participer, il faut aller à lui, et nul n'y va que ceux qui sont
travaillés et
chargés, ceux
qui ont soif,
qui sentent leur
misère et en gémissent, ce n'est
qu'à ceux-là qu'on peut vraiment
annoncer la bonne nouvelle et donner des
consolations ; car il n'y a qu'eux qui
puissent en faire cas et s'en réjouir. Il
est absurde de consoler ceux qui sont dans la joie
et de fortifier ceux qui sont déjà
trop insensibles, et de tranquilliser ceux qui sont
déjà trop tranquilles.
Malheur à ceux
qui disent paix quand il n'y a point de paix, qui
font égarer mon peuple, en disant à
ceux qui me méprisent : vous aurez la
paix, et à ceux qui marchent dans la
dureté de leur coeur : il ne vous
arrivera point de mal ! (Jérémie VI :
14 ;
XXIII : 17).
On aura beau blâmer ceux qui dénoncent
hautement les terribles jugements du Seigneur et
qui ne craignent pas d'ébranler, de troubler
les consciences, de porter dans les âmes une
salutaire frayeur, il n'en demeure pas moins vrai
qu'il n'y a que des âmes vraiment
effrayées, alarmées,
travaillées, qui puissent goûter la
douceur de l'Évangile et s'attacher à
Jésus-Christ ; sentez votre misère et pleurez,
dit saint Jacques.
Bienheureux ceux qui
pleurent, dit
Jésus. Il n'y a que les violents, Les bouillants,
qui ravissent le
royaume de Dieu ; en vain la tiède
philosophie voudrait-elle aplanir ce chemin,
élargir cette porte, ce sera toujours la
porte étroite,
le chemin étroit, comme du temps de Jésus-Christ.
Si donc nous voulons entrer dans ce royaume de
gloire, quittons la voie large et la multitude qui
la suit, et attachons-nous à Jésus,
ce Sauveur si peu connu, si peu aimé de ceux
pour qui il a versé son sang ; fermons
l'oreille au vain langage du monde et aux
tromperies de notre coeur orgueilleux,
écoutons la
voix du bon Berger, qui se tient à la porte
et qui frappe ; cherchons-le pendant qu'il se
trouve, invoquons-le tandis qu'il est près.
Crions à lui,
du sein de notre misère et de nos
ténèbres, comme le pauvre
Bartimée,
et si le monde ou le démon veulent
nous faire taire, crions encore plus fort
(Luc XVIII :
89). Ce bon Sauveur entendra nos prières et
ne tardera pas à nous délivrer.
*
III. – La réponse d'Antoine
Blanc.
« Je fus
étonné, continuait Antoine Blanc
à son correspondant, quelque temps
après, de recevoir une lettre de sa
part ; il m'y parlait avec une telle franchise
de mon âme, que je reconnus que
véritablement j'avais besoin de me
convertir ; je ne sais ce que je lui
répondis, et pour faire taire ma conscience
qui voulait se réveiller, je me jetai
davantage dans le monde. »
Antoine Blanc fut
cependant plus troublé qu'il ne le
reconnaît, car Neff apprécia sa
réponse : « Il
paraissait ; dit Neff, se trouver dans un
grand embarras, convaincu de sa misère,
effrayé de sa totale impuissance, il voulait
néanmoins sortir par lui-même de ce
labyrinthe. Il me pressait d'aller le voir et
d'annoncer dans son pays cette Parole vivante si
peu connue. »
« Deux mois après, écrit
Antoine Blanc, je reçus encore une lettre
qui ne fit pas plus d'effet que la
première. »
Voici cette lettre
qui ne fut cependant pas inutile a son
destinataire. Elle s'adresse à ceux dont la
conscience n'a été que
troublée.
IV. – A Antoine Blanc.
CE QUI NOUS
RÉVÈLE LE VÉRITABLE
ÉTAT DE NOTRE ÂME. COMMENT
DÉVELOPPER LA VIE CHRÉTIENNE.
Guillestre, le 21 janvier
1825.
..... Le Seigneur qui fait
beaucoup de choses avec peu de moyens, a
daigné bénir le peu de paroles que
j'ai pu vous adresser de bouche ou par
écrit. Oui, cher Monsieur, c'est
déjà une grande oeuvre de l'Esprit de
Dieu, que cette connaissance qu'il vous a
donnée de votre état naturel ;
l'homme abandonné à ses propres
lumières ne sait voir en lui que vertus,
mérites, beauté, sagesse, etc..., il
ne connaît rien de toute sa
misère ; un voile, comme vous le dites
fort bien, est tiré sur le tableau odieux de
ses souillures, et il s'irrite contre quiconque
veut le déchirer ; c'est au Seigneur
seul, qui est La
lumière du monde, qu'il est réservé
d'éclairer le coeur ténébreux
de ses créatures, C’est lui seul qui
malgré notre sotte résistance
déchire ce voile trompeur et nous montre
à nu l'état hideux de notre
âme ; ô combien alors nos vaines
prétentions nous paraissent folles J Combien
nous rougissons de notre orgueil, combien nous nous
méprisons nous-mêmes, à peine
pouvons-nous comprendre comment nous avons pu avoir
si longtemps une opinion si avantageuse de notre
coeur.
Vous en êtes sans doute étonne et
cependant vous n'avez vu encore que les bords de
cet abîme ; plus vous remuerez ce
cloaque, plus il exhalera de puanteur, plus vous
creuserez et plus cette mine d'iniquité sera
abondante ; les efforts que vous ferez pour vaincre
cette résistance de votre coeur vous
convaincront chaque jour davantage de votre totale
impuissance pour tout ce qui est bien... Vous
verrez tout cela, ou vous ne seriez pas de la race
déchue du premier Adam.
Sans doute, c'est une triste découverte, une
bien pénible expérience que
celle-là. Il est bien décourageant de
ne trouver en soi que péché ;
mais c'est un travail nécessaire et
quiconque n'a pas sondé son coeur jusqu'au
fond, quiconque n'a pas été comme
abîmé sous le poids de son
iniquité, n'a nulle part au royaume de
Dieu ; le Sauveur n'est venu chercher et sauver que ce
qui
était
perdu, et quiconque
ne s'est jamais senti perdu ne saurait être
sauvé ; ce n'est pas là sans
doute l'opinion de tout le monde, mais c'est
l'expérience de tous les vrais
chrétiens et j'espère que
bientôt vous le comprendrez aussi.
Si j'en juge d'après votre lettre, vous avez
bien jusqu'à un certain point senti cette
misère de votre coeur, qui nous rend
incapables de plaire à Dieu dans notre
état naturel ; mais passé cela,
vous n'y voyez encore goutte dans le mystère
du salut. Je vous vois d'ici vous débattant
dans vos chaînes, dans les filets du
péché, suant sang et eau pour
tâcher de gravir les inaccessibles rochers du
Sinaï. Cher ami, ce n'est pas là qu'il
faut aller ; votre délivrance est en
Golgotha, et vous n'avez pas l'air de vous diriger
de ce côté-là.
Vous me dites que si vous étiez près
de moi, vous trouveriez des forces dans les
miennes. Hélas ! si vous saviez qui je
suis, vous ne parleriez pas de la sorte ! Ne
savez-vous pas ce que dit le grand apôtre
Paul : Je ne suis
pas capable par moi-même d'une bonne
pensée, mais je puis tout en Christ qui me
fortifie. Je le vois
bien, vous ne trouvez pas la porte et vous voulez
entrer par les fenêtres, mais ce n'est pas le
chemin indiqué de Dieu. Le voici :
Je suis,
a dit Jésus,
le chemin, la
vérité et la vie. Nul ne vient au
Père que par moi (Jean XIV : 6). Je suis la porte, si quelqu'un entre
par moi, il sera sauvé (Jean X : 9). Est-ce là
que vous passez ? Vous n'êtes pas le
premier, bien s'en faut, que j'ai vu ainsi
embarrassé. Vous n'y entendez rien ;
vous prétendez d'abord vous changer, vous
corriger, vous
régénérer ; puis quand
tout cela sera fait, ou du moins bien
commencé, vous viendrez en faire offrande
à Jésus-Christ afin qu'il vous
admette gracieusement au nombre de ses vrais
enfants ; n'est-ce pas à peu
près votre plan ? Si c'est bien
là votre projet, quittez-le tout à
fait, jamais vous n'arriverez par ce
chemin-là.
Commencez avant toute
chose par demander et
obtenir votre réconciliation avec
Dieu ; allez pour cet effet, tel que vous êtes,
vous jeter aux pieds
de Jésus, comme l'enfant prodigue alla vers
son père ; il n'attendit pas d'avoir
regagné ce qu'il avait dissipé, il
n'attendit pas même de s'être
procuré quelques vêtements
décents pour se présenter à
son père ; ses seuls titres
étaient sa profonde misère d'un
côté et de l'autre la grande
miséricorde de son père. Croyez que
c'est justement pour des pécheurs comme vous
et moi, c'est-à-dire qui n'ont absolument
aucun mérite et qui ne peuvent trouver en
eux-mêmes aucune ressource, que le Sauveur
est venu s'offrir en sacrifice. Ne dites pas que
vous n'avez pas assez de repentance, pas assez de
foi, que votre coeur est encore trop orgueilleux,
trop endurci, etc... Tous ces beaux
prétextes ne sont que des ruses de Satan,
qui, déguisé en ange de
lumière, vous
éloigne de Jésus, sous
prétexte d'une extrême
humilité, nous faisant entendre qu'il y
aurait de la présomption à prendre
pour soi l'appel gracieux du Sauveur... Mais je
vous dis là tout ce que vous trouverez bien
mieux dans les livres que vous avez emportés
de chez M. votre oncle, Eloi Cordier ; surtout
dans celui intitulé : Le Miel découlant du Rocher.
C'est celui-là
même qui m'a ouvert les yeux dans le temps
où, comme vous, je ne savais de quel
côté me tourner...(4).
Il est nécessaire que vous vous appliquiez
à la lecture, à la méditation,
surtout à la
prière, et que
pour retirer quelques fruits de ces exercices, vous
fuyiez les occasions de dissipation et de
mondanité, comme absolument contraires
à l'oeuvre indispensable de votre salut.
Jésus-Christ ne se tient pas dans les
compagnies joyeuses des mondains. Vous le trouverez
dans la retraite et le recueillement ;
d'ailleurs, si un jour vous le connaissez comme
votre unique Sauveur, vous ne voudrez plus vivre un
moment sans lui, et vous n'aurez pas besoin qu'on
vous exhorte à rompre avec tout ce qui
pourrait vous éloigner de lui *
Antoine
Blanc répondit-il à cette seconde
lettre ? Toujours est-il que Neff continua la
correspondance, tenant son ami au courant de ses
travaux dans les Hautes-Alpes, et, affligé
du déplorable état des églises
vaudoises, l'exhorta à se sauver d'une
génération perverse et à
chercher la perle de grand prix.
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