Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Lettres de Direction spirituelle inédites




À Antoine Blanc et aux Vaudois Du Piémont.

LE RÉVEIL DES VALLÉES VAUDOISES.

V. – A Antoine Blanc.

À
PROPOS DE CERTAINES ÉGLISES ET DE CERTAINS CONDUCTEURS. –
GOÛTEZ COMBIEN LE SEIGNEUR EST DOUX. – SONDEZ LES ÉCRITURES. – SURTOUT PRIEZ.

Guillestre, le 9 mai 1895.

MONSIEUR ET BIEN - AIME FRÈRE EN JÉSUS-CHRIST,

..... O quand les Vaudois des Vallées, renonçant à leur mondanité et surtout à leur orgueilleuse propre justice, apprendront-ils à connaître et à aimer Celui dont leurs pères ont gardé le témoignage, mais qu'ils déshonorent et qu'ils crucifient chaque jour
(1).
O s'ils pouvaient entrevoir à quelle effrayante distance ils sont de la connaissance du salut, quel abîme affreux les sépare de Dieu, s'ils pouvaient sentir avec quelle aveugle fureur ils font la guerre à Celui dont ils prétendent si vainement être les disciples ; ô comme ils seraient humiliés, abattus, comme ils rejetteraient avec horreur les idoles qu'ils encensent avec tant de folie ; comme ils auraient honte de leur prétendue piété ; comme leur rire insensé se changerait en pleurs et leur joie en tristesse.

Non, cher ami, je ne puis penser sans frémir au sort déplorable de cette malheureuse nation, enfants des Martyrs, fiers de leur sainte et noble origine. La mémoire de leurs ancêtres dont ils se glorifient, s'élève en témoignage contre eux, et les rend les plus inexcusables de tous les hommes. Malheur à eux ! malheur surtout aux aveugles conducteurs qui les laissent périr dans ce dangereux sommeil. Mais peut-être ne sont-ils pas rejetés pour toujours. Peut-être le Miséricordieux s'est-il réservé parmi eux un petit résidu, selon son élection gratuite. Peut-être en trouverait-on encore qui entendraient la douce voix de Jésus. Mais de qui l'entendraient-ils ? Hélas ! je crains bien que ceux qui prétendent l'annoncer soient les premiers à la contredire et à la repousser.

Pour vous, bien-aimé frère, sauvez-vous de cette génération perverse, ne suivez pas la multitude pour faire : le mal, efforcez-vous d'entrer par la porte étroite et de ravir le royaume de Dieu, car il est forcé maintenant, regardez toute richesse, toute gloire, toute vertu, toute justice, comme de la boue et du fumier, au prix de la connaissance de Jésus-Christ. Cherches la perle de grand prix, et quand vous l'aurez trouvée, votre coeur vendra volontiers tout le reste pour l'acquérir. Oui, apprenez à connaître Jésus et l'efficace de sa mort, goûtez combien le Seigneur est doux (I Pierre II : 3), regardez, à lui, allée à lui comme à la source des eaux vives, au seul chemin, à la seule porte qui. conduise au salut. Ne consultez ni la chair ni le sang, ni la folle sagesse de ce monde qui appelle folie la sagesse de Dieu. Sondez les Écritures, méditez-les sérieusement, fuyez le train et la joie de ce monde, mais surtout priez, priez en tout temps ; demandez à Celui qui nous a aimés, demandez-lui la parfaite connaissance de votre propre coeur, puis celle de sa grande miséricorde. Croyez qu'il ne rejette personne et qu'il nous reçoit, tels que nous sommes, croyez que tous nos efforts sont absolument vains sans son puissant secours, et qu'il ne nous sanctifie qu'après nous avoir adoptés, justifiés, sauvés, tandis que le monde aveugle prétend se sanctifier (si même il y pense) afin d'obtenir ensuite la miséricorde de Dieu. Pour vous, allez humblement et avec confiance au trône de grâce afin d'obtenir premièrement miséricorde, puis après d'être aidé dans le temps du besoin (Hébreux IV : 16).

Ne vous étonnez point s'il est beaucoup de gens, même des docteurs en Israël, qui ne connaissent point ces choses ; car l'homme animal ne peut les entendre, elles lui paraissent une folie, et pour en juger il faut être conduit et éclairé par l'Esprit qui les a révélées.
Recevez, Monsieur, les salutations fraternelles de votre dévoué frère.*



VI. – Visite de Neff et d'André Blanc en Piémont, Conversion d'Antoine Blanc
(2).

En juillet 1825, Neff put se rendre à l'invitation qu'Antoine Blanc lui avait faite en le quittant à Briançon, l'année précédente. André Blanc, de Mens, l'avait précédé à La Tour. La famille ainsi réunie reçut Neff comme un ancien ami. Antoine lui présenta ainsi sa soeur : « Voyez-vous, cette grosse Jeanne, c'est ma soeur ; elle vous écoutera bien volontiers, celle-là, et suivra bien vos avis. » Marie ne répondit que par un soupir, et se détourna aussitôt pour cacher ses larmes. Blanc ajoute : « Vous êtes attendu ici comme le messie ; on languit de vous voir et de vous entendre ; je ne sais si c'est tout de bon. » Et Il poursuit : « Il y a ici un jeune homme de mes ami qui languit bien de vous voir : c'était un grand mondain comme moi ; mais la seule lecture de vos lettres Va totalement changé ; il a complètement renoncé aux compagnies mondaines, à la chasse, etc..., et ne consacre plus ses loisirs qu'à lire la Bible ou des livres de piété. »

« Paul Gay, écrit Neff (c'est le nom de ce jeune homme) : vint effectivement dès le lendemain ; il peut avoir vingt-trois ans ; il paraît doux et modeste, plein de sens, et il n'a nullement l'air villageois. Nous allâmes le voir chez lui, où l'on nous reçut fort bien ; nous trouvâmes sur sa table une Bible ouverte, marquée en beaucoup d'endroits, et les murs de sa chambre garnis de sentences chrétiennes. J'eus pendant mon séjour plusieurs entretiens avec lui. Il me parut convaincu de la nécessité de renoncer au monde pour chercher les choses d' En - Haut, mais non pas sentir la corruption de son coeur ; je le prévins là-dessus et l'engageai à prier pour obtenir cette indispensable lumière (3). »

Le séjour de Neff et d'André Blanc en Piémont fut bien employé. leurs prédications – signal d'une levée de bouliers de la part des pasteurs – firent entendre une note bien nouvelle dans le pays. Après avoir parlé sur la régénération, Neff pouvait dire : « Je fis ouvrir de, grands yeux à mes auditeurs quand je leur déclarai que non seulement ils n'étaient point régénérés, mais qu'ils n'avaient peut-être jamais vu quelqu'un qui l'était. ») ***

On peut s'imaginer ce que furent les entretiens de Neff et d'Antoine Blanc en poursuivant la lecture de la lettre de Blanc, que nous citions en comment : « C'est depuis lors que, convaincu de ma misère, j'ai pris la résolution de me convertir ; quelques amis de St-Jean prirent aussi la même résolution et nous continuâmes à nous réunir pour lire la parole de Dieu, et nous allions souvent chez M. Meille nous la faire expliquer, ce qu'il faisait avec plaisir. Le monde se souleva parce que nous le condamnions... M. Meille refusa de nous recevoir, la plupart retournèrent dans le monde. Paul et François Gay, avec moi, furent les seuls qui continuèrent à s'occuper de la seule chose nécessaire. Nous n'avions personne pour nous conseiller, que quelques lettres que nous recevions de M. Neff et de mon frère. »

Blanc, après le départ de Neff, malgré les difficultés inouïes, les persécutions
(4) même qu'il eut à supporter de la part des pasteurs, toujours rationalistes et mondains, et du brigadier des carabiniers, persévéra à réunir chez lui ces assemblées d'édification mutuelle.



VII. – A Antoine Blanc.

QUE L' HOMME INTÉRIEUR NE SOIT PAS AFFECTÉ PAR LES ÉVÉNEMENTS EXTÉRIEURS. –
REGARDONS À LA FORCE DU SEIGNEUR NON À NOTRE FAIBLESSE.

Molines, le 8 août 1825.

..... Je ne vous parlerai de rien d'important pour cette fois, je ne vous ferai pas même d'observations sur les nouvelles que m'a données M. Meille touchant nos prédications ; il n'y a rien là qui m'étonne et je m'y attendais presque ; loin de vous décourager, cela doit vous faire sentir plus vivement la grandeur de vos obligations, car vous serez, humainement parlant, seul pour fouler au pressoir (Esaïe LXIII, 3).

Quant aux choses spirituelles, comme que puisse aller
l'extérieur, tâchons que l'homme intérieur n'en souffre pas ; ils ne doivent rien avoir de commun, d'ailleurs si nous sommes en paix et en communion avec Dieu, peu importe le reste ; c'est donc à ce but qu'il faut tendre, en regardant comme ennemies toutes les pensées qui peuvent nous retarder dans notre course ; cette course, vous savez comment elle doit être dirigée en toute simplicité vers la croix de Jésus, sans que le sentiment de nos misères nous fasse obstacle ; la foi consiste par-dessus toutes choses à espérer, comme Abraham, contre toute espérance, n'ayant point d'égard à ce que nous sommes comme amortis et ne formant point de doute, mais croyant en celui qui ressuscite les morts, et appelle les choses qui ne sont point comme si elles étaient, étant pleinement persuadé que celui qui a fait les promesses est fidèle (Rom. IV : 17, 22). Demandez au Seigneur cette foi regardant plutôt à sa force qu'à votre faiblesse et à sa miséricorde qu'à vos péchés. Ne vous donnez point de repos que vous n'ayez ainsi trouvé Jésus et en lui le repos de votre âme. C'est là le pas important qui nous met à l'abri de la colère à venir et nous fortifie contre les maux présents.

Adieu bien-aimé frère en Jésus-Christ, saluez toute votre famille, en particulier votre épouse et votre soeur Vineon. Que le Seigneur soit avec vous tous et vous réjouisse par la clarté de sa face. Votre dévoué frère en Jésus-Christ. *"



VIII. – À Antoine Blanc.

LES OUVRIERS QUE DIEU CHOISIT.

Mens, 16 septembre 1825.

MONSIEUR ET BIEN-AIMÉ FRÈRE EN JÉSUS-CHRIST,

J'ai été bien fâché de n'avoir pas su plus tôt que vous étiez venu à Briançon, car j'aurais eu tout le loisir de vous y aller voir. D'abord je dois vous dire que je n'ai point été surpris de l'ordre donné à vos églises après notre départ ; je connaissais cette loi et j'avais même été un peu étonné qu'on nous offrît la chaire sans la permission de quelque autorité. Au reste, cette défense est fort inutile, car je ne crois pas qu'en général vos pasteurs fussent disposés à nous faire prêcher une autre fois, et il faudra nécessairement que l'œuvre de Dieu se fasse parmi vous d'une autre manière. Vous savez qu'il est écrit : si ceux-ci se taisent les pierres même crieront. Et quand les vignerons cessent de rendre au maître les fruits de sa vigne, il la leur ôte et la donne à d'autres. Le Seigneur qui se complaît à confondre les choses fortes par les faibles et les sages par les folles, choisit souvent ses ouvriers parmi le peuple, les simples et les petits, tandis qu'il laisse les sacrificateurs et les docteurs de la loi dans leur morgue pédante, criailler contre sa doctrine et ses vrais enfants. C'est ainsi qu'il en a usé presque toutes les fois qu'il a voulu ranimer le lumignon prêt à s'éteindre.

Ne soyez point étonné si ceux qui bâtissent rejettent la pierre qui doit être la principale de l'angle ; elle n'en est pas moins choisie et précieuse, et si vous fondez sur elle vous ne serez jamais confus. Posez-la donc et bâtissez sur elle, non comme les docteurs du siècle un vaste et léger édifice de foin et de chaume, mais un riche et solide ouvrage d'or et de pierres précieuses, c'est-à-dire quelques âmes sincères et
vivantes, ignorées ou haïes du monde, mais bien-aimées de Dieu. Entrez courageusement dans la lice, ne regardez pas à votre insuffisance ; la force du Seigneur s'accomplira dans votre faiblesse et infirmité : il lui est aussi facile de vaincre avec un petit nombre qu'avec une armée, car ce combat est du Seigneur l'Éternel.

Si vous sentez de quel abîme affreux le Sauveur vous a retirés
(5) à quel prix il vous a rachetés et quelle gloire il nous prépare, vous serez vivement pressés de n'exister plus que par lui ; vous ne pourrez voir de sang-froid périr un si grand nombre d'âmes pour lesquelles Jésus est mort, et par cela même que vous êtes seuls à connaître la bonne voie, vous vous sentirez appelés à l'annoncer, ne disant pas comme Moïse : envoie celui que tu dois envoyer, car la colère de l'Éternel s'enflammerait contre vous comme contre lui

Je vous dis toutes ces choses parce que je sais combien Satan est rusé pour mettre des entraves à nos bonnes résolutions et nous faire entendre que nous pouvons ou même devons nous dispenser de mettre la lumière sur le chandelier, que nous n'y sommes pas appelés, que nous n'en sommes pas capables ou dignes, etc. Mais tous ces mensonges ne trouvent entrée dans nos coeurs que parce que nous cherchons secrètement notre repos, que nous redoutons l'opprobre et la croix. Car il est évident qu'en jugeant des choses comme si on était déjà devant le tribunal de Jésus-Christ, toutes ces prétendues bonnes raisons ne valent rien, puisque leur dernier résultat sera de nous rendre inutiles pour le règne de Dieu, et de laisser les âmes dans les ténèbres et la mort, tandis qu'en travaillant de tout notre pouvoir à l'oeuvre de l'Évangile il en résultera certainement un bien éternel et qu'au dernier jour les âmes qui auront été amenées par nos soins à la précieuse connaissance du salut ne nous reprocheront pas certainement, non plus que le Seigneur, d'avoir couru sans être appelés. Tous ceux qui savent la crainte qu'on doit avoir du Seigneur doivent tâcher d'en convaincre les hommes. Et si nous
croyons, c'est une raison suffisante pour parler. Tout le reste est préjugés ou abus du monde.

Prenez donc courage, bien-aimés frères en Jésus-Christ, fortifiez-vous dans le Seigneur. Commencez d'abord par sonder vos coeurs et cherchez la porte étroite qui est en Jésus-Christ lui-même ; allez à lui avec toutes vos misères, afin qu'il vous pardonne et vous adopte pour siens, c'est la proprement
la porte. Puis ensuite assurés et réjouis par ses promesses et ses grâces, combattez courageusement l'ennemi déjà vaincu (le monde), chargez votre croix et suivez Jésus avec joie, vous estimant heureux de souffrir l'opprobre pour l'amour de son nom, et n'étant nullement épouvantés par les adversaires.

Vous admirez vos pères qui ont sacrifié avec joie leur propre vie pour l'Évangile ; croyez que vous soutenez la même cause, et sans chercher une vaine gloire que le monde vous refuserait, cherchez celle qui vient de Dieu seul ; détestez les délices et le repos ; regardez et repoussez comme une tentation toute idée charnelle qui flatte notre coeur par l'espérance d'un bonheur terrestre, quel qu'il soit ; ne mettez votre félicité qu'en Jésus et son royaume de gloire. Soyez ainsi étrangers sur la terre et citoyens des
cieux.

Adieu, cher frère et ami en Jésus notre unique espérance. Que le Seigneur vous fortifie et vous console. Qu'il augmente votre foi et vous rende ferme et inébranlable sur le fondement du salut.
Amen ?


Table des matières

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1. Pour comprendre la portée des appels de Neff aux Vaudois, il est nécessaire de rappeler l'histoire qui leur était chère. D'après certains historiens, les Vaudois descendaient de chrétiens qui, dès le III siècle, s'étaient réfugiés dans les Alpes pour fuir la persécution. D'autres, au contraire, estiment que les Vaudois doivent leur origine au plus important des divers mouvements de protestation contre l'Eglise romaine au XII' siècle, celui de Pierre Valdo.

Pierre Valdo, riche négociant de Lyon, fut un jour, vers 1160, très angoissé du salut de son âme. Il résolut bientôt de prendre au mot la parole de Matth. XIX, 21 : Si tu veux être parfait, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres. Il consacra immédiatement une partie de sa fortune à faire traduire le Nouveau Testament en langue provençale, répandit et expliqua la Bible. Chacun de ses disciples devint comme lui colporteur. Biblique et laïque, telle fut d'emblée la caractéristique des Vaudois. Valdo distribua ensuite le reste de ses biens aux pauvres et se consacra tout entier avec ses compagnons à l'évangélisation itinérante, devoir de tous les fidèles sans distinction. Leurs doctrines furent condamnées au Concile de Latran en 1179.

Excommuniés au Concile de Vérone en 1184, puis exilés, les « Pauvres de Lyon » se répandirent en Europe, semant partout l'Évangile. Ils émigrèrent en masse, surtout en Provence, en Dauphiné, dans l'Italie du Nord. Ils devinrent très nombreux aussi en Espagne, en Picardie, en Lorraine, en Allemagne, en Bohême. La propagande vaudoise s'introduisit en Angleterre, en Pologne, en Hongrie, en Bulgarie. Les colporteurs vaudois étaient connus pour savoir par coeur des chapitres et des livres entiers de la Bible ; ils voyageaient comme merciers de bijoux, pénétraient dans les châteaux ou ils faisaient connaître l'Évangile et gagnèrent beaucoup d'adeptes.

Dès 1209, c'est à la croisade que le pape doit avoir recours pour les exterminer et l'évêque de Turin demande contre les Vaudois le secours de l'empereur Othon IV. Par une bulle de 1281, Grégoire IX déclare les enfants de Vaudois infâmes jusqu'à la seconde génération. Malgré tout, ils conquirent de nouveaux adhérents, mais ils devinrent bientôt les martyrs de l'Inquisition.
La cruauté des Inquisiteurs détermina Louis XII ä
intervenir. Il obtient du Pape Alexandre VI une bulle absolvant les Vaudois.

De ce mouvement de grande envergure subsistèrent quelques communautés isolées dans les inaccessibles vallées du Piémont et des Hautes-Alpes de France ; les églises vaudoises purent se maintenir, bien que traquées à chaque instant, jusqu'au XVI siècle, où elles s'unirent à la Réforme.

On peut dire que les Vaudois du moyen âge ont conservé a l'Europe et au monde « la perle de grand prix » ; sans eux, l'Eglise romaine eût pu facilement faire disparaître l'Écriture sainte. Les Vaudois traduisirent la Bible, la copièrent à la main et la répandirent par toute l'Europe, ne reculant devant aucun danger. Ils créèrent et maintinrent pendant trois siècles une gigantesque oeuvre de propagande, apportant aux peuples les bienfaits de la vraie foi et de la fraternité humaine.

En 1535, malgré les hostilités dont ils étaient chaque jour les victimes, malgré leur dénuement, ils décidèrent cette monumentale entreprise de la première traduction de la Bible en français (confiée à Olivétan) et de son impression. Ils donnèrent ainsi aux Réformés leur première Bible.

De nouvelles épreuves : persécutions, massacres, meurtrière épidémie de peste, continuèrent à éprouver les Vaudois. Mais les heures les plus tragiques furent celles qui suivirent la Révocation de l'Édit de Nantes. Louis XIV contraignit alors le duc de Savoie Victor-Amédée II à extirper le culte vaudois de ses états. La cruauté de Catinat dépassa toute borne ; pourtant les Vaudois ne cédèrent pas et préférèrent la mort. Bientôt le pape félicitait le duc : les vallées c nettoyées » n'étaient plus qu'un « grand cimetière sans signe de vie ». Les terres des
Vaudois étaient vendues aux enchères et ceux qui n'étaient pas morts agonisaient en prison. Deux cents s'étaient cependant réfugiés dans les grottes de leurs montagnes et en redescendaient bientôt la nuit, jetant la terreur parmi la nouvelle population catholique.

Victor-Amédée dut composer et leur proposa une émigration en Suisse avec armes et bagages et leurs parents qui se trouvaient encore en prison. En plein hiver, 1686, trois mille Vaudois prirent le chemin de l'exil – douze jours de marche au milieu des neiges – et plus d'un succomba.

Malgré un accueil plus qu'hospitalier, les exilés gardaient la nostalgie de leurs vallées ; en 1687 et 1688, deux tentatives do retour échouèrent. En 1689, une troisième expédition fut couronnée de succès. Elle dura dix mois, ce fut une véritable épopée, riche en admirables exploits. La traversée des Alpes et la conquête des vallées par ces quelques centaines d'hommes devaient faire l'admiration de Bonaparte. Les Vaudois gagnèrent maints combats et se virent offrir la paix par un des meilleurs généraux de Louis XIV, ce Catinat qui les avait si durement martyrisés. Puis assièges, bombardes, réduits trois cent soixante-sept, ils ne purent que s'évader de la forteresse où ils étaient assiégés. Quelques jours après, le duc de Savoie rompait avec Louis XIV. C'était la victoire définitive.

Pendant le siècle qui suivit, on ne vit plus les persécutions sanglantes et les bûchers : ce fut une période où la tolérance alterna avec des accès d'oppression allant jusqu'à la prison ou l'exil et qui réduisit les Vaudois à une extrême. misère matérielle et morale. Mais la foi de ces parias resta ferme au milieu de vexations continuelles et d'insultes.

À l'époque où Neff entra en rapport avec eux, la persécution, ne faisait plus rage. En fallut-il si peu pour que la mondanité ait si vite remplacé la foi ? Cette situation s'explique aussi par le fait que la plupart des pasteurs vaudois faisaient leurs études dans des Facultés de théologie allemandes où sévissait déjà ce rationalisme qui fut et, demeure, sous des formes diverses, un pire danger que les plus cruelles persécutions.

Grâce a Neff et à d'autres visiteurs, un réveil de la foi Oblique se produisit aux Vallées ; d'autre part, en 1848, les lois oppressives furent rapportées ; mais ce ne fut qu'en 1929 que la liberté de conscience fut intégralement reconnue aux Vaudois.
2. On trouvera les détails de cette visite dans : Félix Neff, biographie extraite de ses lettres, p. 147.
3. Neff lui écrivit ainsi qu'à son cousin François à plusieurs reprises. Nous reproduirons ces lettres à leur date, les joignant ù celles destinées à là famille Blanc. L'intimité spirituelle qui les unissait nous autorise à ne pas séparer ces missives qui forment d'ailleurs un tout.
4. On se fera une idée de l'intolérance des autorités civiles et ecclésiastiques quand on saura que la sépulture religieuse fut refusée à la mère de Blanc en 1831, « comme elle suivait nos saintes assemblées », écrivait son fils. Le Commandant de Pignerol ne put obliger le Synode de St-Jean à la faire inhumer à côté de son mari. On déposa le corps avec ceux des suicidés et encore quatre carabiniers durent-ils maintenir l'ordre. Tout cela parce que cette femme, toujours dévouée à son église, « fut appelée mômière » pendant la dernière année de sa vie. (D'après une lettre d'Antoine Blanc à son frère André, communiquée par Mlle C. Gay).
5. Neff écrit tantôt au singulier, tantôt au pluriel, ne pouvant s'empêcher de donner une portée générale à ses recommandations.

 

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