Lettres de Direction spirituelle
inédites
À Antoine Blanc et aux Vaudois Du
Piémont.
IX. – À Antoine Blanc.
LA GRANDE OBLIGATION DE TOUT
CHRÉTIEN. – CE QU’IL FAUT
CONSIDÉRER AVANT DE SE MARIER. –
À PROPOS DE L ENTERREMENT D UN ENFANT.
Vars, 29 septembre
1825.
BIEN-AIMÉ FRÈRE EN
JÉSUS-CHRIST,
... Il paraît que vous avez
l'intention de venir à Briançon dans
le courant de l'automne. Je désirerais bien
en être informé un peu à
l'avance afin de ne pas vous manquer comme la
dernière fois.
Je suis bien aise que les Sermons de Nardin
vous soient parvenus, je pense qu'ils vous font
plaisir. C'est un livre basé et sur la
doctrine évangélique la plus pure et
sur l'expérience chrétienne la plus
profonde et la plus simple
(1). Si
quelqu'un d'autre en souhaitait j'en aurais
encore à votre service ; ils
coûtent quinze francs l'exemplaire, pris
à Guillestre. On pourrait aussi vous
procurer des Sermons de Burder si vous en
désirez, et d'autres traités
religieux. Il faut semer avec discernement et
économie, mais il faut semer et
mettre la chandelle sur le chandelier, car si on
attend que le vent ne souffle plus, on la tiendra
toujours cachée et si on regarde toujours
les nuées on ne sèmera jamais.
Si vous avez reçu, ou recevez, ma
dernière, vous y trouverez quelques
idées sur l'obligation imposée
à tout chrétien de répandre
autour de lui la lumière qui éclaire
son âme, surtout si les
ténèbres sont profondes aux environs.
Au reste, je ne pense pas que ma lettre puisse
être perdue et j'espère même
qu'elle vous est parvenue à l'heure qu'il
est. En tout cas, je vous répète que
j'ai fait la commission relative à notre ami
et que j'ai été très
alarmé en apprenant qu'il était
prêt à former d'autres liens, pauvre
Paul ! Ah ! s'il savait quel enfer c'est
que d'avoir une femme non
régénérée, s'il avait
vu et entendu les frères qui sont dans ce
triste cas, il y regarderait de plus près,
et y eût-il dix fois plus bonnes apparences,
il s'en défierait toujours. Au nom de Dieu,
au nom de son âme immortelle, conjurez-le
d'attendre encore, de venir en France ; je
peux lui répondre sur ma tête qu'il
sera satisfait sous tous les rapports.
Guillestre, le 1er
octobre.
Trouvant une occasion que je crois sûre,
je me hâte de terminer ma lettre par une
fidèle explication que je vous prie de
communiquer à votre voisin Mr. le magister
Meille : on lui a dit ici, à ce qu'il
paraît, que j'avais refusé d'enterrer
la petite de son neveu Michel, sous prétexte
que j'étais pressé de partir et qu'on
l'avait ensevelie sans moi une heure après
mon départ. Ce bavardage ne vaudrait pas la
peine d'être relevé, mais comme il
tend à me faire accuser de négligence
dans mes fonctions, je dois tenir à le
réfuter.
C'est un pur mensonge : la petite était
morte le samedi matin, j'arrive un peu
après, je leur dis : il est bien
fâcheux que j'aie convoqué
l'assemblée pour demain à
Freyssinières, j'aurais bien aimé
rester pour cette sépulture, s'il
était possible qu'elle se fit
aujourd'hui ? On me répondit que cela
ne se pouvait guère vu qu'elle était
morte seulement à l'aube du jour. Là
tout fut terminé et on n'en parla plus du
tout. Je partis le même soir pour Pallon, et
l'enterrement n'eut lieu que le dimanche ; or,
on ne laisse pas en plan une assemblée
convoquée, réunie à plus de
deux lieues du pays pour enterrer un enfant d'un
an.
Je vous salue à la hâte ainsi que tous
nos amis, et votre famille.
Si quelqu'un venait en France, je suis en Queyras
jusqu'à la Saint-Luc et, ce jour-là
même de la foire, je serai à
Guillestre, puis à Freyssinières,
s'il plaît à Dieu.
Votre dévoué frère en J.-C."*
X. – À Madame Antoine Blanc.
LA VÉRITABLE FAMILLE DU CHRÉTIEN.
– COMMENT LE SEIGNEUR ENTRE EN MATIÈRE
AVEC SES ENFANTS. – LA MAIN QUI NOUS A
BLESSÉS DOIT AUSSI NOUS GUÉRIR.
Arvieux, octobre
1825.
MADAME ET BIEN AIMÉE SOEUR EN
JÉSUS-CHRIST,
Si nous étions du monde, nous parlerions
comme le monde, c'est-à-dire que je
débuterais par de grands compliments sur les
honnêtetés dont vous m'avez
comblé, et l'amitié que vous m'avez
témoignée pendant le temps que j'ai
passé chez vous. Mais comme chrétien,
je dois vous dire que si je conserve un souvenir
bien agréable de mon séjour à
St-Jean, c'est principalement à cause de la
grâce que le Seigneur vous a faite de
recevoir sa parole avec promptitude ; car je
ne perds pas de vue le but de ma vocation, qui est
d'annoncer cette bonne parole. En
conséquence, je ne puis considérer
que sous ce rapport toutes nos relations, et tous
ceux-là me sont étrangers qui
n'écoutent pas l'Évangile.
Hélas ! combien d'étrangers un
citoyen du ciel trouve dans sa patrie, dans son
église, et souvent même dans sa propre
famille ! Mais si souvent ses proches lui sont
étrangers, ceux qui étaient
éloignés se sont rapprochés
par le sang de Jésus
(Ephés. Il : 13,
17, 19). Il trouve des
frères, des soeurs, des pères, des
mères, des fils et des filles cent fois plus
qu'il en a perdu
(Matth. XIX : 29), et partout
où il rencontre un disciple de
Jésus-Christ, il trouve un véritable
ami. Peu lui importe qu'il soit blanc ou noir,
civilisé ou sauvage, riche ou pauvre, savant
ou ignorant : c'est une brebis du bon Berger,
un racheté du même Sauveur !
Voilà, bien-aimée soeur, les liens
qui m'attachent à vous et à tous ceux
qui tendent au même but ; voilà
la source de l'affection que je vous porte et de la
joie
que j'aurai de vous revoir, s'il est possible. En
attendant que j'aie cet avantage, je désire
y suppléer de mon mieux par la
présente, en vous parlant des mêmes
choses dont je vous ai souvent entretenue pendant
le peu de jours que j'ai passés près
de vous.
Je ne peux pas, il est vrai, me faire une
idée bien juste de vos sentiments et de
votre état spirituel, mais je ne puis douter
que le Seigneur ne vous ait réveillée
de l'assoupissement naturel ou tout le monde est
plongé, pour vous découvrir dans
quelle misérable position nous sommes. C'est
toujours par là que le Seigneur entre en
matière avec ses enfants ; ces
commencements sont souvent bien pénibles, et
il serait très possible que vous n'en
eussiez pas encore trouvé le bout ;
mais, s'il en est ainsi, prenez patience ; il
faut que tout ce venin sorte avant d'en être
délivrée ; le grand
médecin qui nous traite sait bien ce qui
nous convient, et jusqu'à quel point il doit
faire saigner la plaie de notre coeur. Ayons
espérance en lui, et disons, comme
David : Quand je t'invoque tu m'entends,
quand il est temps tu me consoles
(Ps. CXXXVIII). Seulement, prenez
bien garde de ne pas chercher de soulagement loin
du Seigneur, dans la distraction, la
légèreté, en perdant de vue
vos péchés et votre misère.
Cette guérison-là est pire que la
maladie : la main qui nous a blessés
doit nous guérir
(Osée VI : 1).
Quelque peine que nous éprouvions à
nous approcher de Jésus, quelque crainte ou
fausse honte qui nous retienne, faisons effort, et
jetons-nous à ses pieds comme la
Cananéenne ; n'attendons pas une
repentance, une humilité, une ferveur qui ne
viendra d'ailleurs que de lui, et que nous
voudrions lui offrir de nous-mêmes, par un
reste de propre justice cachée. Allons
à lui tels que nous sommes : on ne
saurait trop le répéter, ce mot dit
tout ; oui, tels que nous sommes, avec
notre esprit léger et distrait, notre coeur
orgueilleux, hypocrite, endurci ; non, rien au
monde ne doit nous éloigner de
Jésus-Christ ; portons lui toutes nos
misères, traînons à ses pieds
tous nos ennemis spirituels ; sa glorieuse
présence leur fera peur et nous en serons
délivrés. Considérez que toute
pensée, quelque divine et humble qu'elle
paraisse, qui tend à nous tenir loin du
Sauveur, est une tentation du malin.
Prenez donc courage, bien-aimée soeur, et
cherchez incessamment ce bon Sauveur, ce pain de
vie, cette source jaillissante en vie
éternelle. Persévérez dans la
prière, ne puissiez-vous que soupirer ou
répéter avec le péager :
Seigneur, aie pitié de moi, votre
prière sera toujours
écoutée ; priez donc,
priez ; prosternez-vous aux pieds du Seigneur
comme celle dont vous portez le nom ; il vous
aime tout autant que la soeur de Lazare : il a
souffert pour vous comme pour elle. Choisissez
donc, comme elle, la bonne part ; personne ne
vous l'ôtera ; oui, cherchez-le de tout
votre coeur, ce bon Berger, qui vous cherche
lui-même avec tant d'amour ; croyez
à sa tendresse, à sa
fidélité, heurtez à sa porte
jusqu'à ce qu'il se lève pour vous
donner le pain vivifiant
(Luc XI : 5-18) ; ne vous
relâchez point et bientôt, j'en suis
sûr, vous trouverez le repos de votre
âme ; vous éprouverez que le
royaume de Dieu est paix, justice et joie par le
Saint-Esprit
(Rom. XIV : 17).
J'espère que vous ne tarderez pas
à m'annoncer cette bonne nouvelle. S'il en
était autrement, dites-le moi, et je
tâcherai de vous faire découvrir,
parmi cette fange, les traces des solides
promesses... Exhortez votre soeur à prier,
à lire, à fuir le train du
monde ; édifiez-vous l'une l'autre, et,
loin de vous laisser quelque autre avec vous. Que
le Seigneur vous fortifie et vous garde en sa paix.
Amen (2).
En janvier 1826, Antoine Blanc écrivit
à son frère André :
« Dites à tous les frères
et soeurs de vos églises qu'ils prient pour
leurs frères, les Vaudois des
Vallées, dans les fâcheuses
circonstances où ils se trouvent maintenant.
Le Seigneur nous visite et veut nous
éprouver, pour voir si nous avons
reçu la semence en « bonne terre
ou dans les lieux pierreux. »
« Les catéchismes
scripturaires, ou listes de passages du Nouveau
Testament, que M. Neff nous avait laissés,
nous sont fort utiles, nous en avons fait plusieurs
copies et plusieurs s'en
servent. »
André Blanc faisant suivre cette lettre
à Neff ajoute : « Je n'ai pu la lire
sans verser des larmes, en voyant les grâces
que le Seigneur répand sur ces pauvres
Vaudois et surtout sur les membres de ma famille.
Que Jésus soit avec eux, et les fasse
triompher de la rage de leurs ennemis !
Si Christ est vraiment avec eux, ils seront
victorieux. » ***
XI. – À Antoine Blanc.
LE SORT FINAL DE CEUX QUI N' AURONT PAS ENTENDU
L ÉVANGILE. – LA CURIOSITÉ
INTELLECTUELLE. – LA PRÉDESTINATION.
Guillestre, 16
janvier 1826.
..... Jean Rostan m'a proposé, je crois
de votre part, deux questions sur lesquelles il
paraît que vous avez eu quelques discussions
avec des théologiens. La première, si
je ne me trompe, est : si l'efficace du
sang de Christ s'étend sur des âmes
qui n'ont point pu le connaître, tels que les
enfants morts en bas âge, les païens et
sauvages qui n'ont jamais ouï
l'Évangile, etc...
Il y a ici deux questions : la question
de droit et celle de fait. Celle de
droit est soutenue par beaucoup de
théologiens, tels que celui à qui
vous avez eu à faire ; ils
prétendent que ceux qui n'ont pu
connaître, et par conséquent rejeter
le sacrifice du Christ, doivent y avoir part ;
ils ajoutent qu'il ne serait pas juste que Dieu les
perdît, etc... – Voici, mon cher ami, ce
qu'il faut leur répondre :
1° Si tous ceux qui n'ont jamais
ouï parler du Sauveur doivent par cela
même y avoir part, Dieu nous a donc rendu un
bien mauvais service en nous faisant annoncer son
Évangile, puisqu'il nous a mis par là
dans le cas de le rejeter ou le négliger,
donc d'encourir sa malédiction ; tandis
que ceux qui ne l'ont pas ouï ne courent pas
ce risque. Partant on fait très mal
d'envoyer des Missionnaires aux païens, et les
Apôtres eux-mêmes ont eu grand tort de
porter l'Évangile où ils ont pu. Il
eût été plus sage et plus
charitable à Dieu de consommer son sacrifice
secrètement, et de n'en jamais rien faire
savoir aux hommes, qui se seraient alors
trouvés sauvés en entrant dans
l'éternité.
2° Cette proposition renferme une
contradiction palpable, car vous dites d'un
côté que le sacrifice de Christ doit
s'étendre à eux, et de l'autre que
Dieu ne serait pas juste, s'il les privait du
salut. Mais si c'est une injustice de les perdre,
ce n'est donc pas une grâce de les sauver, et
alors qu'ont-ils besoin du sang de l'Agneau ?
Et si Jésus-Christ a souffert pour eux, il a
donc souffert injustement, s'il est injuste de les
punir ? En deux mots : ils sont coupables
et perdus de droit, ou ils ne le sont pas. S'ils le
sont, Dieu n'est pas injuste en les laissant
périr. S'ils ne le sont pas, ils n'ont que
faire d'un Sauveur, et alors vous établissez
deux manières d'être sauvé. Ce
qui est évidemment contraire à tout
l'Évangile
(Jean X : 9 ;
XIV : 6.
Actes IV : 12.
Rom. Il : 9, 12,
20, 22 ;
V : 12,
21.
Galates III : 14,
22, etc...). D'ailleurs, où
établissez-vous une ligne de
séparation entre ceux qui sont sauvés
de droit, c'est-à-dire hors le Sauveur, et
ceux qui auront besoin de lui ? À quel
degré de lumière l'homme sait-il, ou
est-il ignorant ? ou à quel âge
l'enfant cessera-t-il d'avoir droit à la vie
éternelle, et commencera-t-il à avoir
besoin de la grâce ?
Pour moi, je conclus hardiment avec
l'Écriture que la race humaine
entière est plongée dans la
rébellion, et que nous sommes tous de notre
nature des enfants de colère. Qu'en
conséquence, Dieu ne doit le salut à
personne, que tout ce qui est né de la chair
est chair, et ne peut ni aimer Dieu ni lui plaire
(Jean III : 6.
Rom. VIII : 7-8). On ne peut
donc, sans blasphémer, dire en aucune
manière que Dieu ne serait pas juste s'il
refusait le salut à tel ou tel individu
d'entre les fils d'Adam et même à
tous.
Quant à la question de fait,
savoir si Dieu dans sa miséricorde
veut bien dans certains cas étendre
l'efficace du sang de Christ sur des âmes qui
n'ont pu, à cause de leurs circonstances, en
entendre parler, et par conséquent croire en
lui, tout chrétien sage doit suspendre son
jugement et laisser les choses cachées
à l'Éternel. Cependant, à
ne consulter que l'Écriture, on serait
plutôt porté à croire qu'il y a
un seul moyen de participer à la grâce
de Dieu en Jésus-Christ : la foi
(Jean I : 12 ;
III : 15, 16, 18,
36 ;
V : 24 ;
VI : 40,
45, 47 ;
VIII : 24 ;
IX : 25, 26, et toutes les
épîtres, en particulier
l'épître aux Romains). On ne peut
avoir cette foi sans avoir entendu la
prédication de l'Évangile, selon
qu'il est écrit : la foi vient de
l'ouïe et l'ouïe vient de la parole de
Dieu, or comment croiront-ils s'ils n'en ont point
entendu parler ?
(Rom. X : 14, 17). D'ailleurs
saint Paul parle des païens, et établit
clairement que leur ignorance ne les justifie
point, au contraire, il les déclare
inexcusables, et dit que celui qui a
péché sans la loi périra aussi
sans la loi.
Quant aux petits enfants, nous sommes dans la plus
complète ignorance. L'Écriture n'en
dit pas un mot, et s'il est quelques passages
allégués en leur faveur, j'ai de quoi
les mettre bien au clair, et montrer qu'on n'en
peut rien inférer. Ici paraît la
sagesse de Dieu, qui n'a voulu nous enseigner que
ce qui nous était nécessaire, et non
contenter une vaine curiosité.
Sachons donc ignorer ce que nous ne devons pas
savoir ; croyons que Dieu a pleinement le
droit de bannir pour toujours de sa gloire toute la
race humaine sans distinction
(Rom. III : 22). Croyons que
pour y avoir part, il faut être en
Jésus-Christ, et que nul ne va au
Père que par lui ; et, qu'en
conséquence, il nous a accordé une
grâce inappréciable, en nous faisant
annoncer cette bonne nouvelle ; prions pour
qu'elle soit annoncée à tous nos
semblables, et faisons pour cela tout ce qui
dépend de nous, et quant à ceux
à qui il est impossible de la faire
entendre, ne prononçons rien, et
laissons-les au jugement de leur
Créateur.
La seconde question que m'a proposée Jean
Rostan est celle de la prédestination, que
vous avez trouvée dans les ouvrages de
Calvin et dont vous avez, dit-il, parlé
à un pasteur. Cette doctrine, reçue
par Calvin et par un grand nombre de savants et
zélés théologiens, comme
fondamentale et essentielle au salut, a
été et est encore rejetée et
combattue par beaucoup d'autres docteurs non moins
éclairés et tout aussi
fidèles, d'ou j'ai conclu qu'elle n'est pas
essentielle, puisqu'on peut être sauvé
et même travailler efficacement à
l'oeuvre de Dieu sans la recevoir. Il est donc sage
de s'en occuper le moins possible, parce qu'aussi
bien vous n'en trouverez pas le fond, et qu'elle a
dans le monde des conséquences
fâcheuses, surtout quand on en parle à
ceux qui n'ont pas encore une foi bien ferme. Ils
disent naturellement : Eh bien, si je suis
élu, je serai sauvé sans me donner
tant de souci ; et si je ne le suis pas, c'est
en vain que je ferais tous mes efforts.
Je vous conseille donc de laisser cette question
complètement de côté, comme je
le fais moi-même, car je n'ai jamais cru
qu'il en résultât le moindre bien, et
souvent, j'en ai vu arriver du mal ; car,
outre celui qu'elle fait toujours au monde, elle
excite, parmi les chrétiens, de longues et
pénibles divisions, comme je l'ai vu en bien
des endroits. Au reste, cela n'empêche
nullement de prêcher le salut purement
gratuit et de dire aux pêcheurs : si
quelqu'un a soif, qu'il prenne de l'eau
vive sans qu'elle lui
coûte rien. Mais les bornes de cette
lettre ne me permettent pas de m'étendre sur
une question aussi épineuse, et que
l'expérience du chrétien
éclaircit mieux que tous les
traités.
Que le Seigneur vous fortifie et vous
réjouisse par sa grâce. *
XII. – À Antoine Blanc.
À PROPOS D’UN PROCÈS. –
PRENEZ CONSEIL DU VÉRITABLE CONSEILLER.
Vars, 7e 4 juillet
1826.
... J'entends souvent parler de votre
procès avec vos tantes (quoi qu'il soit
toujours au crochet), et je crains bien que toute
cette affaire soit finalement nuisible à
votre paix spirituelle, car, par ici, elle brouille
déjà la famille... De tout cela, je
conclus que votre affaire sera longue,
contestée et embrouillée, et je vous
avoue que j'en suis bien peiné, à
cause de l'affection sincère que j'ai pour
vous tous.
Je ne sais pas jusqu'à quel point la raideur
et la présomption favorable,
(c'est-à-dire l'assurance de gain que vous
pouvez y mettre) sera avantageuse...
Il me semble que vous feriez bien de
réfléchir avec impartialité,
ce qui est certainement difficile à l'homme,
mais qui ne doit pas être impossible à
un chrétien. Prenez en tout ceci conseil,
non de la chair et du sang, non de la partie
irritable et orgueilleuse de votre coeur, mais du
véritable conseiller, de l'Esprit de vie, de
sagesse et de paix, qui doit présider
à toutes nos actions et même à
toutes nos pensées. Rappelez-vous votre
sainte vocation et dirigez-vous en
conséquence.
Saluez votre chère épouse, votre
bonne maman et toute la famille.
Votre dévoué frère en J.C.
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