Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Lettres de Direction spirituelle inédites




À Antoine Blanc et aux Vaudois Du Piémont.

XllI. – Madame Antoine Blanc.

LES DIFFICULTÉS Q’ UNE FEMME PEUT APPORTER À L’OEUVRE DE SON MARI. –
ÊTRE CHRÉTIEN D ESPRIT, NON DE DOCTRINE SEULEMENT. –
L’AIGREUR, LES DISPUTES, LES SACRIFICES, LES ÉCHECS. –
LA COMMUNION INTÉRIEURE AVEC JÉSUS.

Arvieux, le 24 juillet 1826.

MADAME ET BIEN-AIMÉE SOEUR EN J.C.N.S.,

Monsieur Antoine m'a fait rire, en me disant que vous n'aviez pas voulu lui confier une lettre pour moi. Sans doute ce n'est pas sérieusement, mais cette plaisanterie n'est pas à sa place, et je vous en sais mauvais gré, parce qu'elle me prive du plaisir de recevoir directement de vos nouvelles. Je ne puis, en conséquence, vous écrire que peu de choses, ignorant quel est votre état spirituel...

Je saisis cette occasion, pour vous prévenir contre un défaut très commun chez les femmes, même chrétiennes, qui ont des pères, des époux ou des enfants, appelés, par état ou par les circonstances, à faire quelque chose pour le règne de Dieu. Souvent, il leur arrive de les entraver, de les refroidir, ou de rendre leur oeuvre pénible par leurs craintes, leur sollicitude déplacée ou exagérée, et de leur dire, comme saint Pierre à Jésus en l'embrassant : Seigneur, aie pitié de toi-même !... (Marc, VIII : 82). Vous savez comment le Seigneur le remercia de cette tendre supplication... Je ne veux pas dire cependant que vous soyez dans un cas semblable ; rien même ne peut me le faire soupçonner ; mais l'avertissement n'est jamais de trop, surtout dans une position comme celle où vous êtes maintenant ; car, quelque désavantageuse et suspecte qu'elle puisse être, elle ne saurait vous affranchir de l'obligation imposée à tout chrétien d'annoncer les vertus de celui qui l'a appelé des ténèbres à sa merveilleuse lumière. (I Pierre II : 9). S'il en était autrement, la cause de l'Évangile serait déjà gagnée depuis longtemps ; car, comment la nouvelle du salut serait-elle parvenue jusqu'à nous, au travers de tant d'obstacles et de persécutions ?

À cette observation, je dois en ajouter une autre qui, à la vérité, me concerne plutôt, puisque je peux me l'appliquer plus qu'à personne ; mais elle n'en est amour-propre, qui se réveille facilement en nous, au milieu de toutes les persécutions et tracasseries qu'occasionne nécessairement l'apparition de la prédication évangélique.

Cet orgueil, très subtil, nous fait aisément perdre le vrai point de vue, sous lequel nous devons envisager l'oeuvre de Dieu en général, et la change, pour nous, en une affaire d'opinion et de parti. Cet orgueil étouffe ou refroidit la charité dont nous devrions être animés, même envers nos plus cruels ennemis, et qui devrait présider à toutes nos paroles et à toutes nos actions. Il nous porte à jeter du ridicule sur ceux qui ne pensent pas comme nous, et à traiter avec légèreté les choses les plus sérieuses, les plus dignes de nous arracher des soupirs et des larmes. Les fâcheux effets de ces dispositions sont sensibles, car, en supposant, ce qui n'arrive guère, que nous fussions assez prudents pour ne pas les laisser voir au monde, et ne pas irriter et repousser par elles ceux que nous voudrions éclairer, il en résulterait toujours, pour nous, beaucoup de mal. D'abord cette légèreté, cette aigreur nous éloignent de Dieu et troublent les sources de la vie chrétienne, qui sont la méditation, la lecture (pour l'édification et non la dispute), la prière et les entretiens sérieux. Cette légèreté, cette aigreur nous font ensuite oublier que cette oeuvre, étant celle de Dieu, est un devoir positif ; elles nous portent à la négliger, dès que l'amour d'une certaine gloire n'est pas satisfait par des succès plus ou moins éclatants, ou qu'il y a de vrais sacrifices à faire, de vraies croix à porter.

Le meilleur remède, pour ce mal et pour tous les autres auxquels notre coeur est sujet, sans contredit c'est une recherche constante de la communion intérieure avec le Seigneur Jésus ; elle constitue, à proprement parler, la vie du fidèle, et peut seule la rendre vraiment fertile en fruits de justice et de sainteté. Hors de la, et dans la légèreté qui domine si volontiers en nous, on n'est guère chrétien que d'esprit et de doctrine ; on est sensible au mépris du monde, aux contradictions, aux disgrâces, attaché à ses aises, à ses goûts, à ses avantages de toute espèce, et conséquemment ennemi secret de la croix du Christ ; soit de celle qu'il faut porter après lui au milieu du monde, soit surtout de celle qui doit intérieurement faire mourir en nous le vieil homme avec ses passions et ses vices.

Je sais trop combien cette vie sérieuse et recueillie, cette piété vivante et douce en même temps qu'ardente, fruit de l'onction divine que Jésus communique à ceux qui demeurent en lui et en qui il demeure, je sais trop combien, dis-je, ces dispositions sont rares et imparfaites chez la plupart même des vrais croyants, pour que je ne pense pas de quelle manière je m'en dois rappeler l'importance et le prix, surtout quand je me souviens combien notre exemple, pendant le peu de temps que nous avons passé chez vous, a été peu propre à vous les inspirer. Je me sens obligé de vous dire ces choses, quelque humiliantes qu'elles puissent être pour moi, parce qu'il serait très fâcheux qu'on me prît pour modèle en cela et en bien d'autres choses, et qu'on s'imaginât que je fais tout ce que je reconnais et sans être bon et nécessaire. Certainement, je ne puis pas dire, comme l'apôtre : soyez mes imitateurs, si ce n'est peut-être dans la manière d'annoncer ouvertement le conseil de Dieu. Pour le reste, je dois plutôt être considéré comme le portier d'un palais qui indique aux suppliants le cabinet du roi, mais qui reste à la porte, et avec qui il ne faut pas s'arrêter longtemps, mais passer outre. Puissé-je y entrer enfin à mon tour et ne pas être rejeté après avoir prêché aux autres ! (1 Cor. IX : 27) **



XIV. – À Paul Gay.

QUEL PARTI PRENDRE QUAND LE ZÈLE SE REFROIDIT. –
LES RESPONSABILITÉS D UN MARI CHRÉTIEN.

Arvieux, 24 juillet 1826.

MON CHER AMI PAUL,

Notre ami Antoine Blanc m'a dit vous avoir communiqué ma dernière, dont un article vous concernait. J'aurais bien désiré que vous lui eussiez remis quelques mots pour moi ; j'aurais pu mieux juger de votre état spirituel, et je saurais mieux que vous écrire aujourd'hui. Car quoi qu'on ne m'ait guère parlé de vous, j'ai cependant cru entrevoir quelque chose qui ressemble à du refroidissement. J'avais pensé d'abord, comme vous l'avez vu, que cela venait de votre mariage ; mais on me dit que votre épouse ne se montre pas ennemie de la vérité. Il faut donc qu'il y ait encore quelque autre chose. Mais ne sachant rien de positif, je ne puis non plus rien vous dire à coup sûr.

Tout ce que je puis seulement vous recommander, c'est de veiller et de prier, de peur que vous ne vous laissiez peu à peu rendormir dans la tiédeur et la sécurité ; car l'ennemi nous surprend aisément, et rien n'est plus facile que de reculer ; mais une foi éloigné du Seigneur, et engagé à nouveau dans les liens du monde, il n'est pas facile de reconquérir sa liberté ; c'est souvent une plaie mortelle et un mal sans remède ; et bienheureux celui qui, effrayé à temps, à l'aspect de l'abîme, recule précipitamment, et, réveillé comme au milieu d'une tempête ou d'un incendie, vient tremblant et confus, chercher un refuge dans les bras du bon Berger, dont le coeur charitable ne connaît d'autre affliction que celle causée par l'inconstance et l'ingratitude des brebis qu'il a rachetées au prix de son sang.

On peut dire, en toute vérité, que le pays où vous habitez est un pays d'ombre de mort, où l'on marche sans cesse au milieu des filets et des batteries de l'ennemi ; vous n'avez donc à choisir qu'entre deux partis : ou veiller et combattre sans relâche et remonter à force de rames contre le courant ; ou vous laisser vaincre, enchaîner, endormir et entraîner dans le même abîme où court la multitude. Je suis loin de douter du choix de votre coeur ; mais il est si pénible à la chair et au sang de lutter toujours ! Il paraît si doux au contraire de jouir du repos, de la fausse paix et des délices du monde... Cependant, j'en suis sûr, s'il vous arrive quelquefois de balancer entre les deux partis, vous éprouvez qu'on ne peut servir deux maîtres ; et qu'il n'y a qu'ennui et mécontentement intérieur pour celui qui veut marchander avec sa conscience et rabattre quelque chose du dévouement que le Seigneur a le droit d'attendre de nous !

O combien est préférable mille fois le sort de celui qui ne vit plus pour lui-même, mais uniquement pour celui qui l'a racheté ! Que le joug de Christ lui paraît doux et son fardeau léger ! Combien il est riche et puissant ce maître, dont le seul amour est une large compensation à tous les sacrifices ; qui, d'un seul regard, réjouit le coeur le plus triste, et guérit les plaies les plus profondes ; qui fait trouver la richesse dans la misère, la joie dans l'affliction, et la gloire dans le mépris (II Cor. XII : 6-18) ; et qui d'un rayon de sa gloire peut changer en un paradis le plus affreux cachot. C'est cependant ce qu'ont éprouvé, et ce qu'éprouvent chaque jour les fidèles serviteurs, sans parler aucunement de la gloire à venir qui doit être manifestée en eux. O qui ne voudrait être tout entier à un si bon, si riche et si gracieux Seigneur ? Qui pourrait le connaître et lui refuser son amour, qui pourrait l'aimer et ne pas verser des larmes amères sur le triste sort du monde aveugle qui le rejette et le crucifie chaque jour de nouveau ?

O mon cher Paul, venez fixer irrévocablement votre demeure près de cette source sacrée ; étendez vos racines le long de ce fleuve d'eau vive, et vous ne manquerez jamais de joie et de consolation ; vous ne cesserez jamais de porter du fruit et votre feuillage sera toujours vert (Ps. 1). Approchez votre coeur de ce foyer de lumière et de vie, et ses rayons vivifiants l'échaufferont et l'embraseront d'un feu divin que rien ne pourra éteindre, tant que vous serez près de lui.....

Adieu, mon cher Paul, que le Seigneur vous soutienne et vous fortifie et vienne habiter en vous et vous conduise par la voie étroite à la gloire éternelle réservée aux siens. Donnez-nous de vos nouvelles et dites-nous où vous en êtes, et ce que fait votre épouse. Priez le Seigneur pour elle et ne négligez rien pour le lui faire connaître ; car rien au monde ne doit vous tenir plus au coeur après votre propre salut.
Puisse celui qui tient les coeurs en sa main bénir vos efforts et amener celui de votre compagne captif a son obéissance. C’est le voeu le plus sincère que je puisse faire pour elle ; car quand même je n'ai jusqu'ici rien fait qui put lui faire supposer que je m'intéressais à elle, maintenant qu'elle vous est unie, je sens le besoin de la regarder comme une soeur et une amie en Jésus-Christ ; puisse-t-elle en sentir également le besoin. En attendant ce moment heureux, présentez-lui mes affectueuses salutations ainsi qu'à toute votre aimable famille, et recevez l'assurance de l'attachement de
votre dévoué frère en Jésus-Christ. " *



XV. – À Paul Gay.

NOUS NE POUVONS VIVRE SUR LE THABOR. –
POUR LES TEMPS DE SÉCHERESSE SPIRITUELLE. –
LES AVIS DES MONDAINS ET DES INTOLÉRANTS.

Arvieux, le 23 août 1826.

MON CHER AMI PAUL GAY,

Votre dernière lettre m'a d'autant plus réjoui, qu'elle m'apprend à la fois le rétablissement de votre corps et celui de votre âme. Puisse le Seigneur vous faire jouir longtemps de ces deux santés, et vous enseigner lui-même à les conserver pour sa gloire ! Toutes choses tournent ensemble au bien de ceux que Dieu a choisis et appelés, et c'est pourquoi ils se glorifient même dans les afflictions. Comme le dit Bunyan, c'est une énigme incompréhensible aux Philistins, que de celui qui dévorait, doit procéder la nourriture (Juges XIV: 14). Ne regardant qu'aux choses de la terre, ils ne peuvent penser que le dépérissement de l'homme extérieur soit un bien. Mais le chrétien qui sait apprécier les choses à leur juste valeur, se réjouit quand l'homme intérieur se renouvelle et que l'homme extérieur est mortifié. Vous savez maintenant tout cela par expérience ; veillez seulement à n'en point perdre le fruit, et bénissez Dieu de sa sage et paternelle conduite à votre égard.
Vous ne devez pas vous attendre à conserver toujours l'élévation d'âme qui a dicté votre dernière lettre ; nous sommes appelés à marcher par la foi et non par la vue. Il est bon de demeurer sur le Thabor, et nous y dresserions volontiers nos tentes ; mais, pour un instant de gloire, nous avons, à la suite de Jésus, des années d'afflictions, et cela ne doit pas nous empêcher de suivre l'Agneau quelque part qu'il aille. Ne soyez donc point abattu et découragé si le Seigneur permet que vous passiez par des épreuves et des tentations, et si vous trouvez sur la route de Canaan de sombres vallées et d'arides déserts ; cela ne change rien à la stabilité des promesses de Dieu ; et si parfois le Seigneur semble vous quitter et vous laisser dans la tristesse, souvenez-vous que toujours il vous laisse sa paix.

Prenez garde que dans ces temps de sécheresse votre coeur ne s'attendrisse, et que vos mains ne deviennent lâches pour la prière ; car celle-ci devient alors un devoir fastidieux et rebutant que l'on est d'autant plus tenté d'abandonner, croyant que Dieu n'y prend plus de plaisir. Redoublez alors de persévérance et défiez-vous de votre paresse, car nous ne devons pas ignorer les ruses de Satan ; s'il peut gagner sur vous de vous tenir éloigné du Seigneur, vous n'y reviendrez pas facilement. Plus vous négligerez la prière, plus votre coeur s'endurcira, et même un temps viendra où vous apprendrez à vous en passer, c'est-à-dire à vivre dans la mort et séparé du vrai cep, tout en gardant l'apparence de la vie. Veillez donc ; veillez et croyez que les prières les plus difficiles pour nous, celles qui nous paraissent être indignes de Dieu, ne sont pas celles qu'il écoute le moins : elles ont moins de ferveur, moins d'amour, mais elles sont plus humbles et proviennent plus directement de la foi seule.

Quant à la lettre (1) qui vous a troublé, je crois qu'elle a été écrite dans cette intention, d'autant plus qu'elle venait d'un homme de bien, à qui vous devez du respect ; mais, s'il m'est permis de vous dire ma pensée, je ne pense point qu'il en soit l'auteur. Il avoue lui-même qu'il l'a fait écrire par une personne de confiance et l'a signée ; cette personne m'a tout l'air d'être un Ministre mondain et intolérant, peut-être Mr. P..., son gendre ? Ainsi vous pouvez en juger avec beaucoup moins de scrupules... Selon lui, il faudrait, pour plaire à Dieu, suivre aveuglement ces conducteurs comme dans L’ Église Romaine et, par une sotte superstition, respecter le titre et la robe quelles que soient la doctrine et les oeuvres. La paix du monde est tout ce qu'il ambitionne. S'il y a dans cette lettre quelque chose qui semble bon, on voit que c'est pure hypocrisie : il était aussi question de Dieu, de piété, de foi dans les édits sanguinaires des Papes et de leurs cruels serviteurs.

Quand les Catholiques romains tiennent un langage semblable aux Protestants, pour leur reprocher d'avoir troublé et déchiré l'Eglise, de s'être ingérés sans vocation, d'avoir osé blâmer et combattre les pasteurs légitimes, les Réformés répondent fort bien. De quel droit des Protestants viendraient-ils jouer vis-à-vis de nous le rôle du Vatican et nous faire un crime, un sacrilège, de ce que nous usons envers eux de la même liberté qu'ils prennent envers Rome ? Seraient-ils moins faillibles que le Pape et les Conciles ? Et s'ils se trompent, se relâchent ou se corrompent, faudra-t-il les suivre avec une aveugle et humble soumission ? Faudra-t-il garder le silence et renier Christ avec eux, ou du moins leur laisser à loisir dévorer le troupeau du Seigneur sans crier au loup ! Loin de nous une si lâche et si criminelle condescendance, unissons la charité avec la vérité (Eph. IV : 15).

Oh ! que le diable serait content si tous les enfants de Dieu se laissaient lier les bras par de semblables arguments ! Qu'est-ce que ces conseils qu'on vous donne : « Bien vous garder de faire le docteur et le pasteur, de censurer vos frères sans en avoir reçu vocation, sans avoir fait des études et avoir été consacré. » ... Oh ! que tout cela est spirituel ! Comme cela ressemble à l'Évangile ! ... C'est bien là le langage du monde aveugle. Relisez une lettre que j'écrivais à Antoine Blanc l'hiver passé à ce sujet, et, du reste, représentez-vous au jour du jugement l'Agneau de Dieu triant les brebis d'avec les boucs et regardant principalement à ces formes extérieures, rejetant sans examen et sans distinction comme faux prophètes tous ceux qui ont travaillé avec le plus de zèle, dans tous les temps, et avec le plus de succès (2) .....
(la suite manque)



XVI. – À François Gay.

LES VRAIS ATHÉES. – LE TÉMOIGNAGE PERSÉVÉRANT. –
TRISTE  ÉTAT DES ÉGLISES VAUDOISES, MAIS LE SEIGNEUR NE LES A PAS ABANDONNÉES.

Arvieux, le 24 juillet 1826.

MON CHER FRANÇOIS,

J'aurais reçu avec bien du plaisir quelques mots de votre main par l'occasion de notre ami Antoine Blanc, cela m'aurait fourni le sujet d'une réponse plus précise. J'ai cependant appris que le Seigneur vous multiplie ses grâces, en vous pénétrant de plus en plus de l'importance infinie des vérités évangéliques si négligées de la multitude. Aussi suis-je bien persuadé que les sages du monde, même ceux qui prétendent à la réputation de gens pieux, se joignent aux plus frivoles pour vous taxer d'exagération, et attiédir, glacer votre coeur, s'il était possible.

Pauvres aveugles, ils font profession de croire en Dieu qui exige et mérite qu'on l'aime de tout son coeur, de toute son âme, de toute sa pensée, et de toutes ses forces (Deut. VI : 5), et ils craignent qu'on l'aime trop, qu'on ait l'esprit et le coeur trop occupés de lui. Ils croient à une vie éternelle, à côté de laquelle la félicité et les maux de la plus longue carrière ne sont qu'un zéro devant l'infini, ... ils croient à un enfer, ... ils croient à un paradis, à un royaume immortel de gloire, à une place pour le fidèle à la droite de Dieu sur son trône avec les chérubins, les anges et tous ses saints, et ils ont peur qu'on y attache trop de prix, qu'on en soit trop préoccupé, et qu'on en prenne occasion d'estimer moins la poussière de ce pauvre monde !

Ils croient à une rédemption, a un salut par le sang de Jésus, qui semble avoir par dessus toute chose occupé le Dieu fort dès le commencement, qui a été le but de toutes les dispensations de sa providence envers cette terre ; salut pour lequel il a opéré tous les miracles, envoyé tous les prophètes, et pour lequel enfin il est venu lui-même naître, souffrir et mourir sur la croix ! ... Ils croient à ce grand mystère de piété, au fond duquel les anges même désirent regarder, qui fait et fera éternellement le sujet des cantiques des armées célestes et des bienheureux, qui ravissait l'âme de saint Paul jusqu'à lui faire dire qu'il ne vivait plus lui-même, ni pour lui-même, mais qu'il vivait en Christ et que Christ vivait en lui, et ils osent trouver mauvais qu'on soit ravi d'une si heureuse nouvelle, qu'on estime un si grand salut comme la perle de grand prix, et que, pour l'obtenir, on renonce aux afflictions déréglées de la chair et du sang, à la vile cupidité, et aux vains plaisirs d'un monde insensé, dont toute la sagesse, et la plus grande affaire semble être d'offenser Dieu et d'oublier l'avenir si sérieux !

Mais non ; ils ne croient point à ces choses. Ils n'en sont point persuadés, ceux qui y attachent si peu d'importance. Ceux qui craignent qu'on soit trop chrétien, le seraient-ils eux-mêmes ? Ces esprits si actifs, ces coeurs si ardents à la poursuite des plaisirs, des honneurs ou des biens de la terre, et si glacés, si indifférents pour les choses d'en-haut, peuvent-ils être mis au nombre des croyants ? Hélas ! que ce nombre est petit !

Ah ! cher ami, bénissons ! bénissons le Seigneur qui nous a rachetés, qui a daigné ouvrir nos yeux et réveiller nos coeurs, aussi aveugles, aussi morts que les autres. Que notre âme soit pénétrée d'un si grand bienfait, et qu'elle soit désormais partagée entre les sentiments de confusion que doit nous inspirer notre grande misère naturelle et la sublime espérance de notre glorieuse destinée ; entre le regret de ne rien faire qui soit digne d'un Dieu si saint et si bon ; et la jouissance de sa miséricorde infinie ; enfin entre la joie d'être arraché du gouffre de la perdition, et la douleur d'y voir courir la multitude de nos malheureux frères, qui rejettent avec dédain les pressantes invitations de leur bon Sauveur et déchirent avec fureur la main charitable qui veut briser leurs honteuses chaînes ! Sans doute, la plupart des aveugles Vaudois qui foulent indignement dans leurs jeux profanes les cendres et le sang de leurs bienheureux ancêtres, et qui souillent, par leurs débauches et leur impiété, la vénérable retraite de la vérité divine, pourraient être aisément considérés comme livrés avec justice à l'esprit d'étourdissement et d'erreur, qui semble les emporter comme un tourbillon dans l'affreux abîme de la perdition éternelle.

Sans doute, c'est un juste jugement de Dieu, que la lumière qu'ils ont laissé éteindre et qu'ils haïssent maintenant, leur soit comme interdite, et ne puisse plus librement briller au milieu d'eux, et que, tandis que leur nom, comme l'ombre sainte d'un corps qui n'est plus, émeut encore en leur faveur les églises les plus éloignées, la mort et la corruption exercent librement leurs ravages dans ce sanctuaire changé en sépulcre, et que la vie ne puisse plus s'y introduire pour ranimer ces os secs. Mais devons-nous penser que le Seigneur ait pour cela totalement abandonné les restes de son héritage ? N'aurait-il point laissé quelque semence en Israël, l'aurait-il laissé devenir comme Sodome et Gomorrhe ? (Esaïe I : 9) Ne perdons point courage et si le Seigneur n'a pas un grand peuple dans cette pauvre contrée, croyons qu'au moins il y a quelque résidu selon son élection de grâce (Rom. XI, 5) et que tôt ou tard les enfants seront manifestés. Ne vous lassez donc point de rendre témoignage à la vérité, et de révéler le conseil de Dieu à tous ceux qui voudront l'entendre.

Croyez que vous êtes soutenus puissamment par les prières d'un grand nombre de frères, qui, en divers pays, ont été informés du combat que vous soutenez et s'intéressent à cette oeuvre excellente ; mais surtout regardez à celui qui peut vous rendre en toute chose plus que vainqueurs, et fussiez-vous seuls a lutter contre le torrent de l'impiété, ne soyez point intimidés, car celui qui est en vous est plus fort que celui qui est dans le monde (I Jean IV : 4), et lui-même vous dit : vous aurez des angoisses au monde mais ayez bon courage, j'ai vaincu le monde (Jean XVI : 33).

Nous serions tous bien réjouis, si vous pouviez nous faire, cette année, une petite visite ; mais dans tous les cas ne manquez pas de nous écrire de temps en temps, soit par la poste, soit par des occasions sûres.

Notre ami A. Blanc vous donnera lui-même des nouvelles de nos contrées, et vous portera les salutations de nos amis de l'Isère et des Hautes-Alpes, ainsi je me bornerai pour aujourd'hui à vous présenter celles de votre dévoué et bien affectionné frère en Jésus-Christ.

P.-S. – On me dit que vous avez un frère qui s'occupe aussi de la seule chose nécessaire ; si cela est, présentez-lui aussi mes salutations et encouragez-le de ma part à choisir, comme Marie, la bonne part qui ne lui sera point ôtée.*



XVII. – À Mme Vinçon, née Marie Blanc. (Soeur d'André et d'Antoine)

CE QUI FAIT LA VRAIE, LA GRANDE JOIE DE NOËL : EMMANUEL DIEU AVEC NOUS.
IL EST TOUT PRÈS DE NOUS, IL DEMEURE EN NOUS.

25 décembre 1826.

BIEN–AIMÉE SOEUR EN JÉSUS - CHRIST NOTRE SEIGNEUR,

Je vous écris à la hâte ce petit mot, [pour vous souhaiter], comme on dit, le bon jour de Noël : Hélas ! ce jour pourrait dire à beaucoup de gens, comme Jésus au jeune homme riche : Pourquoi m'appelles-tu bon ?... Mais bénissons, bénissons mille fois le Seigneur de ce que nous savons pourquoi ce jour est bon ! Puissions-nous dire que nous savons combien il est bon ! Mais c'est un mystère que nul ne peut sonder ; pas même les anges ; car sans contredit, ce mystère est grand : Dieu manifesté en chair, la parole faite chair habitant parmi nous : Emmanuel, Dieu avec nous.

Nous n'étions plus avec Dieu ; le péché avait fait séparation entre nous et lui, et nous avait bannis de sa présence. Le péché, en corrompant nos esprits et nos coeurs, en avait banni la pensée et l'amour de Dieu, et nous n'étions plus avec lui, nous le fuyions, nous lui tournions le dos ; ou nous ne savions où, ni comment le trouver.

Mais voilà, Jésus-Christ s'est fait Emmanuel : Dieu avec nous, il est venu chercher ce qui était perdu (Luc XIX : 10), il a dépouillé l'éclat de sa gloire, et, enveloppé d'infirmités, il est venu parmi les hommes, doux et humble de coeur l (Matth. XI : 29). Maintenant encore il est Dieu avec nous ; nous savons à qui adresser nos plaintes, dans quel coeur verser. nos peines et nos angoisses. Nous savons à quel ami confier tout ce qui peut nous inquiéter. Nous n'avons pas besoin de monter aux cieux et d'entrer dans le sanctuaire magnifique et terrible, dont le chérubin même n'approche qu'en tremblant et qu'en voilant sa face. Il est tout près de nous, il est avec nous, et nous pouvons nous le figurer toujours sous la forme du fils de l'homme. C'est toujours Jésus, le prophète de Nazareth en Galilée allant de lieu en lieu faisant du bien (Actes X : 88) ; étendant sa main bienfaisante sur les malades, les boiteux, les aveugles, et les guérissant tous ; embrassant et bénissant les petits enfants que de tendres mères lui présentaient avec simplicité et confiance ; entrant chez les péagers, se mettant à table avec eux ; conversant familièrement avec une porteuse d'eau (Jean IV) ; en un mot, se mêlant à la foule avec les pauvres, les ignorants, les pécheurs, et étant pour tous Emmanuel : Dieu avec nous !

Oh ! que nous sommes heureux d'avoir un tel Dieu, un Emmanuel ! Et quand nous pensons qu'il sera encore et toujours notre Emmanuel dans le royaume de sa gloire ! Son désir est que là où il sera, ceux que le Père lui a donnés g soient aussi avec lui (Jean XVII). L'Agneau lui-même nous paîtra et nous conduira aux vives fontaines des eaux (Apoc. VII : 17).

Il sera le flambeau de la Sainte Jérusalem ; ses élus verront sa face et son nom sera écrit sur leurs fronts (Apoc. XXII : 4) comme leurs noms sont écrits sur les paumes de ses mains percées ! (Esaïe XLIX : 16).

Aussi le chrétien pourrait-il supporter l'idée d'être au ciel privé de la présence de son aimable et bien-aimé Sauveur ? Quel vide ! quel désert ! qu'un paradis sans Jésus !

Aussi avec quelle joie l'apôtre nous annonce que, quand le Seigneur viendra, nous serons emportés ensemble avec lui dans les nuées. Et avec quel ravissement il ajoute : Et nous serons toujours avec le Seigneur ! Consolez-vous l'un l'autre par ces paroles (I Thess. IV : 18).

Oui, consolons-nous les uns les autres par ces paroles.
Que les affaires du monde aillent bien ou mal, que les biens périssables nous échappent, que les douleurs affaissent notre corps de poussière, que le monde gronde, insulte, calomnie, maudisse, persécute, nous avons un Emmanuel, un Jésus qui demeure avec nous jusqu'à la fin du monde, et de l'amour duquel rien ne pourra nous séparer.

Gloire soit au Père – Qui nous a sauvés,
Au Fils notre frère – Qui s'est immolé,
À l'Esprit de grâce – Qui sur son troupeau,
Répand l'efficace – Du Sang de l'Agneau.

Adieu bien-aimée soeur. Puisse le Dieu de Paix réjouir et fortifier votre coeur et y établir sa demeure permanente, comme en un sanctuaire où il soit adoré et servi en esprit et en vérité.

Votre dévoué frère en Jésus-Christ **



XVIII. – À Antoine Blanc.

LES SOURCES DE LA VIE CHRÉTIENNE. – LA VRAIE ET LA FAUSSE CHARITÉ. –
 L’ INDÉPENDANCE DE JUGEMENT.

St-Véran, le 28 décembre 1826.

BIEN-AIMÉ FRÈRE EN JÉSUS - CHRIST NOTRE SEIGNEUR,

Vous avez donc eu la visite de notre digne frère le capitaine Cotton. Je pense qu'il aura fini sa tournée dans vos Vallées ; il me dit dans sa lettre qu'il est triste d'y trouver si peu de vie ; toutefois, je crois qu'il en a cru voir d'abord plus qu'il y en a. Il me parle de quelques pasteurs avec une certaine satisfaction, et comme les croyant dans la vérité de l'Évangile, ce dont je doute fort, car la vie chrétienne ne peut venir que par le renouvellement des coeurs et la conversion qu'ils ont grand-peine à croire nécessaire. La vie chrétienne d'ailleurs ne saurait s'allier avec l'amour du monde et tant de tolérance pour la mondanité, tant de réserve pour les oreilles chatouilleuses.
On pourra trouver souvent plus ou moins de réserve et de ménagement dans un chrétien que l'expérience a mûri, mais rarement chez un nouveau converti.

Le monde crie sans fin charité ! charité dans les jugements ! et il veut qu'on suppose sans cesse le bien là où le mal est manifeste. C’est-à-dire que le monde voudrait qu'on fermât les yeux et qu'on crût bêtement voir partout des raisins sur les épines et la figue sur les chardons, et que, méprisant comme eux les déclarations de l'Évangile, on se persuade qu'il y a beaucoup d'élus, que la voie large mène au Paradis et qu'il est très possible de servir deux Maîtres, et d'avoir son coeur en Dieu, en même temps qu'on se livre au monde dans tous les actes extérieurs.

Cependant, je ne veux point dire qu'il ne faille tenir aucun compte des pas que l'on fait du côté de la porte étroite, ne fût-on même pas encore sorti de la ville de corruption, et encore moins qu'il faille brusquer et rebuter ceux qui avaient lentement, au gré de nos désirs ; nous devons imiter notre maître qui n'éteint point le lumignon qui fume encore, et qui attend avec patience même les mauvais ; mais je veux dire que, quant à nous et entre nous, nous devons nous faire une idée juste de l'état des choses, et ne pas écouter les clameurs des timides et des tièdes qui prétendent que tout va bien.

Mr. Cotton vous aura donné des nouvelles de Mens et de la dédicace (3) à laquelle il a assisté. Je ne vous en dirai donc rien pour le présent, sinon que quelques âmes avancent dans la vie spirituelle, et que leur nombre s'augmente petit à petit, tandis que la multitude semble s'éloigner toujours davantage, et que les ennemis déclarés de Jésus redoublent de zèle et d'activité, pour renverser, s'il était possible, son règne. Je pense que chez vous, vous n'êtes pas non plus sans contradiction ; mais dans le fond et tout bien considéré, ce n'est pas le plus grand obstacle à l'oeuvre de Dieu, car j'ai vu cette oeuvre fulminante dans le Canton de Vaud où le diable est en pleine force, et je la vois languissante par ici, où, jusqu'à présent, nous sommes plus libres peut-être que nulle part ailleurs.

Prions, cher ami, prions pour que Dieu touche véritablement nos coeurs, et quand nous vivrons dans sa communion, nous marcherons aussi sur ses traces.*



XIX. – À Antoine Blanc.

DIEU PREND SOIN DE SON ŒUVRE NOUS NE LUTTONS PAS SEULS. –
NE PAS OUBLIER LES SIGNES ET LES MIRACLES. – LE TEMPS BIEN EMPLOYÉ.

Guillestre, le 5 avril 1827.

BIEN–AIMÉ FRÈRE EN JÉSUS - CHRIST NOTRE SEIGNEUR,

... Je viens vous faire part de la joie que j'éprouve, à l'heure même, en lisant deux lettres de nos soeurs de Mens, parmi lesquelles et par lesquelles le Seigneur travaille au-delà de toute espérance. Si j'en ai le loisir, je vous en donnerai un extrait. Oh ! vraiment si nous nous montrons souvent incrédules et aveugles, nous ne le sommes jamais plus que quand nous osons douter du soin que Dieu prend de son oeuvre, et craindre qu'il nous laisse lutter seuls contre les armées rangées et les géants des Philistins. Il pourrait bien nous dire comme aux Juifs : Si vous ne voyez des signes et des miracles vous ne croyez point. Et encore combien nous sommes prompts à oublier ceux que nous voyons, comme le peuple d'Israël au désert, qui perdant la mémoire des merveilles et du puissant secours de Dieu, se plaignait toujours et se croyait abandonné dans cet aride désert. Ah ! ce n'est pas Dieu qui est infidèle ; c'est nous seuls qui le sommes, et qui sommes tardifs de coeur à croire ce qu'il nous annonce et nous promet même avec serment ! Non, il ne sommeille jamais ni ne dort le guet en Israël (Ps. CXXI : 4). Veillons donc aussi avec lui ; que nos reins soient ceints et nos lampes allumées, et ne nous lassons point de travailler à l'oeuvre du Seigneur, sachant que notre travail ne sera pas vain auprès du Seigneur.

Ne perdons point courage, ni patience, si nous sommes appelés à semer longtemps avec larmes. Quand la saison sera venue, nous moissonnerons avec chants de triomphe ! Souvent nous disons : il y a encore quatre mois jusqu'à la moisson, et le Seigneur qui connaît toutes choses voit déjà les campagnes blanches, prêtes pour la moisson. Les missionnaires sont restés quinze à dix-huit ans dans les îles sauvages de la mer du Sud, parmi les cannibales, avant de voir germer un seul grain ; et quand le vent de l'Éternel a soufflé, tous ces barbares se sont levés comme un seul homme, pour jeter aux taupes et aux chauves-souris les dieux faits de leurs propres mains, pour élever des temples au Dieu vivant et entonner à l'honneur de l'agneau victime, le cantique de la délivrance !

Combien souvent je me reproche mon incrédulité ! Crois seulement, disait Jésus à la soeur de Lazare, tu verras la gloire de Dieu. Allons, cher ami, du courage, de la patience, du dévouement ; ne disons pas comme Moïse par une fausse humilité : Envoie celui que tu dois envoyer (Exode IV : 14). Ne nous lamentons pas de ce que la maison brûle, sans que personne y jette de l'eau, car nos vaines larmes n'éteindront pas le feu ; mais courons-y promptement et portons les premiers secours. Bost dit : « quand l'ennemi surprend la ville, le premier venu qui le voit et le repousse est celui qui avait la meilleure vocation pour le faire. »

Je suis bien réjoui de voir que, loin de périr, l'oeuvre du Seigneur fait quelques progrès parmi vous ; tenez-y la main, et n'oubliez pas un seul instant qu'au dernier jour et, pendant toute l'éternité, nous ne regarderons comme bien employé que le temps que nous aurons consacré à la gloire de Dieu – toutes les vaines raisons qui peuvent aujourd'hui nous tromper et nous empêcher de travailler, soit à notre salut, soit à celui des autres, ne pèseront pas alors toutes ensemble un denier, et seront cette sagesse du monde appelée folie dans l'Écriture.
Adieu cher et bien-aimé frère, que le Seigneur vous fortifie, vous bénisse et vous réjouisse par la communication de son Esprit. Si je le puis, j'écrirai aussi quelques lignes à nos amis.*



XX. – Seconde visite d'André Blanc en Piémont.

André Blanc, ayant appris que sa mère, qui habitait avec le reste de sa famille dans la vallée de Luzerne, était dangereusement malade, partit de Mens le 19 mai 1827. Après quelques journées d'une marche pénible, par un très mauvais temps, au travers des Alpes encore couvertes de neige, ou, par des sentiers couverts de ravines récentes, il arriva en Piémont. Outre la joie de trouver sa mère moins malade qu'il ne l'avait cru, il eut encore celle de la trouver remplie d'une vie spirituelle dont elle paraissait éloignée lors de sa visite en 1825 ; la plupart de ses autres parents lui parurent également avoir fait d'assez grands progrès dans la connaissance de l'amour, de Christ...

Il alla rendre visite aux pasteurs des environs. M. M....., toujours plus léger et mondain ; autant qu'ennemi des doctrines évangéliques, ne craignit pourtant pas de contredire ses propres principes, et offrit sa chaire à son collègue...

Dès les premiers jours de son arrivée, André Blanc avait tenu chaque soir, chez son frère, une réunion à La Tour, peu nombreuse parce qu'on était obligé de le faire secrètement. Mais un dimanche, les assistants, venus par des chemins différents pour éviter d'être remarqués, se trouvèrent en nombre considérable et remplirent bientôt les appartements. Après le service, qui avait été assez long, personne ne parut disposé à s'en aller. M. Blanc recommença donc ; et à l'attention la plus profonde, succéda bientôt, chez la plupart, une vive émotion. Fatigué, Blanc termina par une prière et voulut congédier l'assemblée, qui, cette fois encore, se rassit comme pour le prier de continuer. Touché de ce spectacle inattendu, il entama avec ses auditeurs une véritable conversation jusqu'à l'heure où il fallut, pour tout de bon, se séparer.

Pendant tout son séjour dans les Vallées, André Blanc eut plusieurs occasions d'annoncer l'Évangile, et de se convaincre que, quoique entourée d'ennemis puissants et nombreux, l'oeuvre de Dieu. y était vraiment commencée.


Quelque temps après, Neff qui, malade, avait quitté Arvieux, le 27 avril, pour n'y plus revenir, écrivait, faisant allusion aux nouvelles qu'il avait repues :
« Depuis cette époque, j'ai reçu des lettres de nos chers amis des Vallées, dans lesquelles ils me parlent fort peu de leurs épreuves extérieures, et paraissent tout occupés de leurs âmes et de l'oeuvre de Dieu en eux. Puisse le Seigneur les fortifier et les faire croître dans son amour ! » ***

Neff ne se trompait pas dans son appréciation. Preuve en est cette lettre d'Antoine Blanc, fort intéressante sous le rapport des expériences chrétiennes.



XXI. – Antoine Blanc à Neff.

REVENEZ. – L’ OEUVRE N’EST QUE COMMENCÉE. LES CHOSES VONT MAL PARMI NOUS.

La Tour, le 21 juillet 1827.

CHER MONSIEUR ET FRÈRE EN JÉSUS-CHRIST VOTRE SEIGNEUR,

Je ne puis manquer cette occasion de vous donner de nos nouvelles. J'ai été à Briançon, et j'ai vu aux Moulins deux lettres venant de votre part.
Oh ! quelle femme que la bonne Marie Philippe ! quelle famille (
4) ! Je suis resté avec quelques jeunes filles qui, enfin, ont trouvé la paix de leur âme. Ah ! cher Monsieur, mon coeur était ému. Je remerciais le Seigneur de ce qu'il avait daigné se faire connaître dans nos contrées, et surtout parmi une foule de mes parents selon la chair. Revenez, revenez ! L'oeuvre n'est pas achevée, elle n'est que commencée. N'est-ce pas vous qui avez été notre apôtre, qui nous avez prêché Jésus-Christ et
Jésus-Christ mort pour nos péchés ? Il y avait longtemps que nous avions entendu parler du fils de Marie selon la chair ; mais nous ne le connaissions pas comme notre frère, notre ami, l'Époux de nos âmes ; nous ne connaissions pas les droits qu'il s'était acquis sur nous, en nous rachetant de la malédiction que nous avions attirée sur nous par nos iniquités ; nous n'avions jamais réfléchi sur l'horreur que devait inspirer le péché, et combien il était en inimitié avec le Seigneur. Mais où le péché a abondé, la grâce y a abondé par-dessus ! O amour incompréhensible de Dieu ! O cher Monsieur, n'oubliez pas vos fils selon la foi ; priez pour eux, et que le Seigneur vous exauce ! Qu'il exauce aussi les faibles prières de tous ceux qui le prient pour le rétablissement de votre corps mortel, et pour votre retour dans nos contrées ! Que le Seigneur ne se courrouce point contre nous !
Du reste, que sa sainte volonté se fasse et non la nôtre.

À tous ceux que nous voyons nous demandons de suite de vos nouvelles. Nous recevions autrefois quelques lettres de votre part, qui ne sont jamais restées sans effet, de manière que nous avons ressenti votre départ, comme si nous avions été toujours près de vous.

Les choses vont mal parmi nous, cher frère. Vous savez que nos réunions nous ont été interdites ; et ceux qui nous recevaient chez eux ont manifesté le désir que chacun s'édifiât chez soi. Nous continuons à nous voir avec quelques amis. Nous avons eu la visite de mon cousin Jean Rostand, qui est venu accompagner sa soeur. Que de changement dans son intérieur !

Je viens de recevoir une lettre de mon frère de Mens, qui me dit que vous êtes assez malade à Genève. Si le vase d'argile dépérit, c'est la volonté du Seigneur ! Que Jésus cependant vous rende la santé corporelle, s'il vous juge encore nécessaire pour sa gloire et l'avancement de son règne ; et, s'il en est autrement, que sa sainte volonté soit faite !

Le pasteur actuel est un jeune homme qui a fréquenté nos réunions et qui paraît avoir de bonnes dispositions ; mais il se dirige, je crois, encore vers Sinaï. Que le Seigneur dans son amour le tourne vers Golgotha. Daignez le diriger par vos sages Conseils ***.



XXII. – Aux Vaudois du Piémont.

LES BONNES NOUVELLES DES VALLÉES ! –
LA VRAIE RELIGION. COMMENT ON PERD LA « VIE CACHÉE AVEC CHRIST EN DIEU ». –
COMMENT MEURENT LES ÉGLISES. – COMMENT AFFAIBLIR SA FOI. –
VALEUR DE L’EXPÉRIENCE CHRÉTIENNE.

Genève, le 14 mai 1828.

MES CHERS AMIS ET FRÈRES EN JÉSUS-CHRIST,

Mon coeur a été vivement réjoui de toutes les bonnes nouvelles que vous me donnez de vos Vallées. Ah ! combien je serais plus réjoui encore, si je pouvais vous aller voir ! Mais ma santé, loin d'être rétablie comme vous l'avez cru, est plus faible que l'automne dernier ; je redoute surtout de lire et d'écrire, et je ne puis prendre la plume que rarement et pour quelques moments ; encore faut-il que je n'aie rien du tout dans l'estomac (5). Mais qu'en toute chose la volonté du Seigneur soit faite, et qu'il daigne nous donner de la trouver bonne, agréable et parfaite !

Nous avons ici, à Genève, un Vaudois nommé Gonin, de la commune de St-Jean, quartier des Gonins, qui a quitté les Vallées depuis très longtemps, et n'y a, je crois, plus de proches parents. Converti dans sa jeunesse par les Frères-Unis (ou Moraves), il était resté presque seul, comme un charbon sous la cendre, pendant les longues années d'incrédulité et de mort, qui ont précédé le temps actuel de réveil religieux : quatre ou cinq personnes, réunies à ce fidèle disciple de Christ, ont formé pendant plus de trente ans le seul foyer de vie chrétienne qu'il y eût à Genève. C'est à cette petite lampe, luisant en un lieu obscur, que s'est, en grande partie du moins, rallumé le zèle qui s'est développé parmi nous, et qui, d'ici, a été reporté chez vous. Cependant, tout en bénissant le Seigneur du réveil de nos contrées, le respectable frère Gonin soupirait en pensant à ses chers compagnons ! « Et nos pauvres Vaudois ! disait-il souvent, personne n'ira-t-il leur parler de l'amour de notre cher Sauveur ? Ah ! si le bon Dieu me faisait la grâce de voir leurs coeurs se tourner vers ce bon Berger, je n'aurais plus rien à désirer dans ce monde ! »

Avec quel plaisir ce bon vieillard n'a-t-il donc pas entendu lire votre dernière lettre ! Des larmes de joie coulaient sur ses joues ridées ; et, levant au ciel ses mains tremblantes, il s'est mis à réciter en sanglotant le cantique de Siméon :
Laisse-moi désormais, Seigneur, aller en paix. Quand il a entendu que vous aviez fixé l'heure de midi pour prier pour l'avancement du règne de Dieu dans les Vallées, il a dit à sa bonne vieille femme : « Nous aussi, nous aussi nous voulons prier avec eux. Dites-leur, a-t-il ajouté, dites leur à ces chers frères, qu'un pauvre vieillard, âgé de quatre-vingt-six ans, qui est de leur pays, veut aussi prier avec eux notre bon Sauveur. Que Jésus leur donne bon courage pour porter sa croix ! Je ne les ai jamais vus, car ils n'étaient pas au monde quand j'ai quitté le pays ; mais je les porte tout de même dans mon coeur. Saluez ces chers amis de ma part, au nom de Jésus. »

Et moi aussi, chers amis, quoique plusieurs d'entre vous me soient inconnus de visage, je puis dire, comme votre cher compatriote Gonin, qu'aucun ne m'est étranger, selon l'Esprit ; et je le dis, non seulement de vous qui connaissez le Seigneur ou qui le cherchez sincèrement, mais encore de tous ceux de vos frères selon la chair, qui courent encore après la vanité, et pour lesquels je prie ardemment le Seigneur avec vous qu'il daigne
ramener le coeur des pères dans les enfants (Mal. IV : 6), et que ce flambeau, qui a lui si longtemps dans les ténèbres, se ranime de nos jours, et brille d'un nouvel éclat pour la gloire de Dieu et la joie de son peuple.

Je me joins aussi de bien bon coeur à vous, pour bénir notre Dieu de ce qu'il a daigné augmenter, parmi vous, le nombre des témoins de sa grâce. Je dis témoins, car vous devez tous l'être. Il faut que le chrétien puisse dire, en parlant des choses de Dieu et de son Christ, comme les habitants de Sichar à la Samaritaine :
Nous ne croyons plus sur ta parole, mais nous l'avons entendu nous-mêmes ; et comme saint Jean : Ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons entendu de nos oreilles, ce que nous avons touché et ce que nous avons contemplé de la Parole de vie, nous vous l'annonçons (1 Jean 1 : 1).

Qu'est-ce, en effet, qu'une religion de mémoire, une foi fondée sur ce qu'on a entendu dire à d'autres, sinon un arbre sans racines, qui tombera au premier coup de vent, ou dont le feuillage séchera aux premiers rayons du soleil ?

Supposez qu'il y eût, non loin de votre pays, une source d'eaux minérales, qui eussent la faculté de guérir les douleurs les plus violentes et les plus incurables d'ailleurs, et que, sans en avoir usé vous-mêmes, vous en eussiez entendu parler
dès votre jeunesse ; vous pourriez bien croire à la vertu de ces eaux, et répéter les éloges que vous en avez entendu faire. Mais, si à cause de cela, on se moquait de vous, si on vous disait de tous côtés que ce sont des fables, et qu'aucune eau ne peut avoir la propriété de guérir de tels maux, vous commence- riez par en douter, et peut-être même auriez-vous honte de votre crédulité, et finiriez-vous par vous moquer à votre tour de ceux qui y croient encore... Nais si, ayant été vous-mêmes très malades, et après voir longtemps souffert et employé en vain tous les secours de la médecine, vous aviez enfin trouvé votre guérison dans cette source salutaire, et si, à chaque maladie nouvelle, vous y trouviez encore le même soulagement et la même vigueur, pourriez-vous douter de la réalité de ces eaux ? Quand tout le monde s'accorderait pour la nier, ne diriez-vous pas comme l'aveugle-né :
J'y suis allé, je me suis lavé, et je vois ; je ne sais si cet homme est un méchant, mais je sais bien une chose : c'est que j'étais aveugle, et que, maintenant, je vois !

Eh bien, n'est-ce pas là l'histoire des Vaudois, comme celle de tant d'autres églises chrétiennes ? Aussi longtemps qu'ils ont connu Jésus-Christ en réalité, qu'ils ont eu la religion dans le coeur, et que chacun d'eux a goûté, pour son propre compte, les heureux fruits de la communion avec Dieu, rien au monde n'a pu leur faire abandonner leur espérance. Ils ont tout enduré, tout souffert ; et leur foi a été renommée par tout le monde. Et, quoiqu'ils ne fussent qu'un petit peuple, ignorant, faible, et méprisé, foulé et dévoré par les loups ravissants, ils n'ont pas laissé de fleurir au milieu de ces cruelles épines.

Mais, quand leur religion n'a plus été que dans les livres, dans leur mémoire et dans les églises, une heure par semaine ; quand leur coeur a été attiédi, et qu'ils n'ont plus cherché à connaître la vie cachée avec Christ en Dieu, ils se sont facilement laissé séduire par la philosophie, et par une science faussement ainsi nommée ; et, sans aucune violence, sans aucune persécution, rien qu'avec quelques moque- ries, quelques chansons, quelques raisonnements humains, ils se sont laissé détourner de la piété, et sont tombés, en peu de temps, dans l'incrédulité, reniant le Sauveur qui les a rachetés, ne faisant aucun cas de son précieux sang, et ne cherchant point le secours de son Saint-Esprit. Plusieurs en sont venus à se moquer de son Évangile et de ses véritables disciples ; et, sans avoir extérieurement changé de religion, ils se trouvent plus éloignés de la foi de leurs pères, que s'ils s'étaient fait papistes ! Des loups dévorants n'ont plus, il est vrai, déchiré leurs Églises par le fer et le feu ; mais l'Esprit de vie s'en est retiré peu à peu, comme une liqueur qui s'évapore ; et le corps, tout en conservant à peu près son ancienne forme, n'est plus qu'un cadavre près de tomber en poussière au premier souffle... Il a le bruit de vivre, mais il est mort !... (Apoc. III : 1).


Cherchez donc, ô mes chers amis, cherchez à connaître de plus en plus Jésus et la vertu de sa résurrection, et la communion de ses souffrances ; demandez-lui son Esprit de vie, par lequel il vienne habiter lui-même en vous ; tellement que, le connaissant tous, depuis le plus petit jusqu'au plus grand d'entre vous, vous n'ayez plus besoin qu'on vous enseigne et qu'on vous dise : Connais le Seigneur.

C'est ainsi que votre foi sera affermie et que vous serez à l'épreuve des orages de la persécution, des objections des incrédules et des séductions de la mondanité ; c'est ainsi que vous pourrez être de véritables témoins de la puissante efficace de l'Évangile que vous professez ; car, je le répète, il faut que vous puissiez appuyer de votre expérience le témoignage de Jésus-Christ, et que vous y puissiez mettre votre cachet, selon qu'il est écrit : Celui qui a reçu son témoignage a scellé que Dieu est véritable. (Jean III : 33). Il faut que vous puissiez dire à ceux qui croient qu'il est impossible de faire tout ce que l'Evangile nous prescrit, comme de supporter les injures, les mépris, les injustices, et d'aimer nos ennemis, de renoncer entièrement à l'impureté, aux jurements, à l'ivrognerie, à l'amour des richesses, de la gloire et des plaisirs du monde, de souffrir avec patience tout ce que Dieu nous dispense, et de voir venir la mort sans effroi, et même avec joie ;*** il faut, dis-je, pouvoir leur affirmer, comme l'ayant plus ou moins éprouvé vous-mêmes, que, tout ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu (Marc. X : 27), et que, tout est possible à celui qui croit (Marc IX : 23), que nous pouvons tout en Christ qui nous fortifie (Phil. IV : 13) et que tout ce qui est né de Dieu est victorieux du monde, car celui que le Fils affranchit est véritablement libre, et nous savons que l'Esprit de vie, qui est en Jésus-Christ, nous a affranchis de la loi du péché et de la mort (I Jean V : 4-5 ; Jean VIII : 36 ; Romains VIII : 2).

Il faut pouvoir affirmer à ceux qui ne comprennent pas comment on peut trouver son bonheur dans la piété, loin des cabarets, des bals et des sociétés joyeuses, et qui s'imaginent que se convertir, c'est s'ensevelir tout vivant, et se condamner à l'ennui et à la tristesse, il faut pouvoir leur affirmer, comme en ayant fait l'expérience vous-mêmes, que, hors du Christ, on ne connaît point de véritable paix ; que celui qui s'abreuve à la source empoisonnée des joies mondaines aura encore soif, mais que l'eau que Jésus donne jaillit en nous en vie éternelle (Jean IV : 14-18), tellement, que celui qui vient à Christ n'a plus faim et que celui qui croit en lui n'a plus jamais soif (Jean VI : 35). Il faut que vous puissiez leur dire, comme David : Pour moi, m'approcher de Dieu, c'est mon bien (Ps. LXXIII : 28), car il a mis plus de joie en mon coeur que les mondains n'en éprouvent, quand leur froment et leur vin ont été abondants (Ps. IV : 8) ; un seul moment qu'on passe dans son temple, vaut mieux qu'un siècle au palais des mortels (Ps. LXXXIV : 11).

Mais ce témoignage serait bien peu de chose, s'il se bornait à des paroles, et si on ne voyait pas en vous la réalité et la preuve de ces choses, et si votre conduite n'était pas d'accord avec vos principes.
Que votre lumière luise donc devant les hommes, afin que, voyant vos bonnes oeuvres, ils glorifient votre Père céleste au jour de leur visitation. Vous êtes le sel de la terre, mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Vous êtes la lumière du monde, mais si cette lumière n'était que ténèbres, combien seraient grandes ces ténèbres mêmes. (Math. V : 13-16 ; VI : 23).

Notre tâche est grande, mes bien-aimés frères, et nos forces sont bien petites ; mais rappelez-vous que Dieu est riche, et que c'est lui qui produit le vouloir et l'exécution, et qui accomplit sa force dans notre faiblesse ; rappelez-vous que Dieu est riche pour tous ceux qui l'invoquent, et qu'il se tient près d'eux, et que, si
les jeunes gens d'élite se fatiguent et tombent, ceux qui se confient en l'Éternel reprennent de nouvelles forces, et que les ailes leur reviennent comme aux aigles (Esaïe XL : 30-31). Tenez-vous donc attachés à Christ comme des sarments bénis du cep de vie, et ne vous lassez pas d'aller au trône de grâce avec une confiance toujours nouvelle, pour obtenir miséricorde et pour être aidés dans le besoin (Héb. IV : 16).

Adieu, mes chers amis, chers frères et chères soeurs en Jésus-Christ, que le Seigneur soit votre force, votre espérance et votre foi. Amen.
Votre affectionné frère en Jésus-Christ « *

Antoine Blanc, écrivant à son frère André, à Mens, conforme les détails précédents sur les Vallées. Quel chemin parcouru depuis que Neff raccompagnait Antoine Blanc de Freyssinières à Briançon !

« Nous voyons maintenant les jours que les prophètes ont désiré voir. Puissions-nous sentir quelle grande grâce le Seigneur nous a faite, en nous choisissant comme de faibles instruments, pour porter sa Parole à ceux qui ne la connaissent pas encore ! Puisse-t-il aussi nous donner de n'être en, scandale à aucun !... Il ne se passe presque pas de semaine qu'il n'y ait quelqu'un qui renonce aux divertissements profanes. Plusieurs de ceux qui brillaient dans le monde abandonnent toutes ces vanités, et se montrent pénétrés d'une sérieuse repentance. Vous pouvez penser de quel oeil les amis du monde voient cela. ; l'orage grossit ; mais le Seigneur peut le dissiper... Les
Almanachs des bons conseils nous sont d'une grande utilité. N'en ayant pas assez pour tous, nous avons répandu des copies du calendrier, avec l'indication des passages pour chaque jour. Chacun cherche le texte dans la Bible, et quand on se rencontre, c'est ordinairement là le sujet de la conversation.

« Nous nous réunissons souvent chez nous. Parmi ceux qui se réunissent, plusieurs n'ont pas encore éprouvé combien le Seigneur est doux ; mais il s'est opéré en tous des merveilles quant au changement de conduite. Puissent-ils tous apprendre que la repentance n'efface pas les péchés, mais que c'est le sang du Juste, qui a été versé pour les coupables ! Les lettres que nous recevons des Hautes-Alpes sont lues avec avidité et courent partout de main en main... »***


Citons encore la fin de la dernière lettre de cette époque que nous possédions d'Antoine Blanc ; elle est adressée à son frère André, le 1er
janvier 1829 :

« Je finis en priant le Seigneur qu'il vous bénisse ; qu'il nous fasse la grâce que, comme l'an passé n'est plus, ainsi nous puissions avoir quitté tout ce qui est inimitié contre lui, et qu'avec le nouvel an nous marchions en nouveauté de vie ; et que, comme nous ne verrons plus le jour d'hier, il nous fasse la grâce de ne plus voir en nous ce qui est du vieil homme ! »***


Table des matières

Page précédente:

1. publiée par A. Bost (tome II, p. 109), sous ce titre : Lettre d'un pasteur à son filleul pour le prémunir contre les séductions de Neff et des autres méthodistes.
.2. Lettre communiquée par le pasteur J.-D. Benoît, maintenant déposée à la Société de l'histoire du protestantisme français.
3. Voir : Félix Neff, biographie extraite de ses lettres, p. 161.
4. On trouvera le récit de la conversion de Marie Philippe dans : Félix Neff, biographie extraite de ses lettres, p. 125, 156.
5. Neff se mourait d'un cancer à l'estomac.

 

- haut de page -