LA VIE DE
JOHN ET DE BETTY STAM
CHAPITRE III
Un Foyer en Chine. Elisabeth Alden-Scott
Elisabeth Alden-Scott, née aux
États-Unis, avait passé son enfance
en Chine où ses parents étaient
missionnaires de la Société
Presbytérienne. Elle appartenait à
une des plus anciennes familles de la
Nouvelle-Angleterre, puisque ses ancêtres
directs, John et Priscilla Alden, étaient du
nombre des pèlerins du Mayflower
(1).
Le professeur Charles-Ernest Scott,
après avoir fait de brillantes études
à l'Université, avait refusé
les postes qu'on lui offrait dans l'Eglise ou
à la Faculté, préférant
s'occuper, avec sa jeune, femme, d'une oeuvre
missionnaire dans les bois du Michigan. Ensuite, il
desservit quelque temps, la ville d'Albion,
où naquit Betty.
C'est peu de temps après cette
naissance que M. et Mme Scott partirent pour la
Chine, où ils furent chargés plus
spécialement de cours bibliques et
d'évangélisation.
On sait ce que furent leurs travaux au
nord de la province de Shantoung, soit par les
livres que publia le professeur Scott, soit par ses
conférences missionnaires.
L'heureuse influence des parents
à leur propre foyer est moins connue.
Après la bénédiction de Dieu,
c'est àelle qu'il faut
attribuer la vocation missionnaire de leurs cinq
enfants (2).
Dès ses premiers pas, la petite
Elisabeth fut remarquable par sa gentillesse et son
amour filial. Lorsque son père était
à la maison, il arrivait souvent que la
fillette se glissât jusqu'à la porte
de son bureau où elle frappait, pour
révéler sa présence.
- Qu'y a-t-il, Betty ? demandait le
père qui reconnaissait la manière de
frapper de l'enfant.
- Je veux seulement te dire que je
t'aime, cher papa.
Le professeur allait embrasser la petite
qui, tout heureuse, retournait à ses jeux.
« Quels
délicieux souvenirs nous laisse notre
enfance ! Ce furent, pour nous cinq, des
années extrêmement heureuses,
écrivit plus tard la soeur de Betty. Tous
les cinq, frères et soeurs, nous demeurions
avec nos parents dans la splendide cité de
Tsingtao, passant une bonne partie de notre temps
au bord de la mer. Je garde encore le vif souvenir
d'une vieille bicyclette de mon père, sur
laquelle nous faisions nos premiers essais, ma
soeur et moi. Presque toujours dehors, nous
explorions les bois environnants que nous
considérions comme notre
propriété particulière. Les
leçons étaient aussi en plein
air ; pour celles-ci, mes parents avaient fait
venir une cousine d'Amérique. Cela continua
ainsi, jusqu'au départ de
Betty pour un pensionnat, près de
Pékin. Peu de temps après, laissant
Tsingtao, mes parents allèrent s'installer
à Tsinan.
« En regardant en arrière,
et en considérant cette période de
notre vie, je me sens remplie d'admiration pour nos
parents qui, certainement, ont pris leur rôle
d'éducateurs plus à coeur que
beaucoup d'autres. Que de choses nous avions en
commun, et avec quels soins ils formèrent
notre pensée !
« La devise de la famille
c'était : « Faisons-le
ensemble. » Tous les matins, à 11
h., si occupé qu'il fût (et il
l'était), Papa se libérait pour venir
jouer et courir avec nous jusqu'à midi.
Même Maman trouvait aussi le moyen de se
joindre à nous de temps à autre.
Après le déjeuner du matin, nous
avions le culte de famille ; chacun, à
tour de rôle, nous choisissions les
cantiques, et nous priions. Et, dès le lever
(mon frère réveillait la
maisonnée au son de la trompette), nous
faisions ensemble quelques exercices de
gymnastique ; mon père croyait à
l'utilité de la culture physique.
Après le repas de midi, tous devaient
s'allonger. Et après le dîner, que
nous prenions relativement tôt, nous avions
ensemble une heure de lecture, pour laquelle nos
parents choisissaient de beaux livres pour enfants,
joliment illustrés, et tous deux lisaient
à tour de rôle. Ainsi, tout le long du
jour, nous faisions quelque chose ensemble, parents
et enfants, et comme à trois milles à
la ronde il n'y avait point d'autres enfants de
notre âge, cette éducation
développa en nous un puissant esprit de
famille. »
L'un après l'autre, les enfants
rejoignirent Betty à Tungchow où,
durant quelques années, ils poursuivirent
leurs études.
« Je me souviens de
Betty à cette époque, dit encore sa
soeur. Elle était gaie et très bonne
élève, très admirée par
quelques jeunes gens, et très aimée
par quelques jeunes filles. Pour moi, sa petite
soeur, elle avait de tendres soins et m'entourait
d'affection. En pensée, je revois ces
dimanches après-midi où nous nous
promenions toutes deux le bras passé autour
de la taille, nous entretenant de la maison, ou de
quelque sujet d'étude.
À Noël et aux grandes vacances nous
retournions chez nous, mais l'été
nous partions pour notre petit cottage de
Peïtaho, au bord de la mer. Là nous
passions une partie de la journée à
nager, à jouer au tennis ou à lire.
Le reste du temps, nous devenions les
secrétaires de notre cher père, qui
était toujours surchargé de
travail. »
Le moment des douloureuses séparations
approchait, car les enfants grandissaient et il
allait falloir les envoyer aux États-Unis
pour achever leurs études. Heureusement, le
temps de congé du professeur Scott
était arrivé, de sorte que parents et
enfants purent faire ensemble le long voyage. Avec
quel soin le père en avait
préparé l'itinéraire dans ses
moindres détails ! Et ce furent six
mois merveilleux de voyage et d'études dans
les pays visités : l'Égypte, la
Palestine, la Grèce, l'Italie, la Suisse, la
France, l'Angleterre.
« Quels souvenirs nous
en avons gardé, écrit
Hélène ; depuis, nous ne cessons
d'en parler ! Chacun de nous a
rédigé un volumineux journal ;
tout ce qui était nouveau nous remplissait
d'admiration. Le plus émouvant, ce fut la
Palestine avec le tombeau et la colline du
Calvaire.
« Dans un autre ordre
d'idées, je revois notre joyeuse bande
mangeant du chocolat ou chantant le long des
chemins de montagne, en Suisse, où nous
avons traversé des glaciers et fait
l'ascension de la Jungfrau ; en Italie,
où nous avons vu le Vésuve.
Montés sur des ânes, nous avons
galopé dans les plaines d'Égypte et
visité les tombeaux des Rois. Nous avons vu
à Venise la représentation d'une
vieille scène populaire en l'honneur de
Mussolini ; nous avons visité des
cathédrales, des musées ;
à Rome, nous avons assisté à
un service à St-Pierre, où un nouveau
saint était canonisé par le pape.
Nous avons failli perdre mon petit frère
dans la foule. Enfin nous avons fait ou vu trop de
choses pour qu'il soit possible de tout
raconter.
« Un jeune Irlandais
s'était joint à notre petite troupe,
et il était devenu pour nous tous comme un
grand frère. Tous, nous
l'aimions, certes, mais il avait fait sur Betty une
impression particulière, et ce fut
réciproque. Il quittait une famille mondaine
pour partir en Afrique comme missionnaire, et sa
consécration à Dieu, son
exubérance, son amabilité, tout cela
exerça sur elle une réelle
attraction. Durant quelque temps ils
s'écrivirent tous deux, puis la
correspondance cessa.
« Nous tous, les enfants, nous
espérions retourner un jour en Chine comme
missionnaires. Nos parents n'ont jamais
exercé aucune pression, mais pour nous cela
allait de soi. Nos relations avec les Chinois
n'avaient pas été fréquentes,
mais elles avaient toujours été
très amicales. Nos serviteurs chinois
étaient tous des chrétiens pieux, et
nous les aimions. Il nous arrivait d'aller à
la dérobée dans leurs chambres pour
nous procurer les mets chinois que maman trouvait
indésirables pour nous. La chère
AMAH, qui nous soignait et nous gardait, avait une
place spéciale dans notre coeur. À
l'école, nous ne voyions personne en dehors
de l'établissement, mais nous avons
étudié le chinois pendant deux ans,
écriture et lecture, pensant que cela
pourrait nous être utile par la
suite. »
Toute la famille rentra donc aux
États-Unis en 1923. Pour Betty, ce beau
voyage terminait les années d'enfance. La
vie s'ouvrait brillante devant elle. Ce
qu'étaient ses pensées à ce
moment-là, nous pouvons facilement nous en
faire une idée, en lisant une poésie
écrite plus tard et qu'elle intitula :
« Chant du voyageur »,
où elle rappelle quelques-uns des souvenirs
du voyage Chine-Amérique. En voici les
dernières lignes :
- « Comme sur des ailes, je
revins dans la Mère-Patrie,
- La joie de vivre dans le coeur et dans
les yeux,
- Car toutes choses me semblaient
merveilleuses
- La terre, l'océan, les cieux, et
même
- Les choses les plus
ordinaires. »
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