LA VIE DE
JOHN ET DE BETTY STAM
CHAPITRE IV
Vie au Collège et Vie
Intérieure
Un an plus tard, à peu de chose
près, Betty entrait au « Wilson
College », Chambersburg
(Pennsylvanie) ; mais elle n'était plus
la joyeuse jeune fille d'autrefois. Alors qu'elle
faisait un stage de quelques mois dans une
école supérieure, elle tomba
gravement malade : c'était une crise de
rhumatisme articulaire qui la fit terriblement
souffrir. Cependant, elle se rétablit :
mais avec une si grande faiblesse cardiaque,
qu'elle dut rester allongée sur le dos
durant des mois. Heureusement, ses parents
n'étaient pas encore retournés en
Chine. Heureusement, surtout, la foi de la jeune
fille était enracinée dans l'amour de
Dieu. Ce furent quand même des mois de grande
souffrance ; ils eurent aussi leur
côté lumineux, quand la malade
découvrit qu'elle pouvait écrire des
poésies. C'est à cette époque
que s'approfondit son développement
religieux.
Il n'est donc pas étonnant que la
mentalité de Betty Scott fût
différente de celle des autres jeunes filles
de dix-huit ans, ses compagnes d'études au
Wilson-College. Elle avait déjà
beaucoup voyagé, et elle avait fait bien des
expériences. Son horizon était plus
vaste, et ses sentiments bien plus profonds.
Par-dessus tout, les choses divines et
éternelles lui étaient devenues plus
réelles ; sa foi
était maintenant plus personnelle. Et comme
le tabac, la danse, et d'autres habitudes mondaines
n'avaient pour elle aucun attrait, elle fut vite
classée par ses compagnes dans la
catégorie de ces personnes pieuses, dont il
vaut mieux se tenir à l'écart. Deux
ans plus tard, quand Hélène rejoignit
sa soeur au Collège, elle put constater que
ces préventions s'étaient
dissipées. Voici quelques lignes qu'elle
écrivit à ce sujet :
« Quand j'arrivai,
Betty avait fait la conquête de ses
compagnes ; celles-ci avaient reconnu,
d'abord, ses dons littéraires qui
dépassaient la moyenne, puis, la
sincérité de son christianisme. On
l'avait élue présidente de la
Société littéraire,
rédactrice (associée) du journal du
Collège, et elle était l'une des plus
actives « volontaires ». Elle
poursuivit ses études avec succès et
obtint lors des examens de sortie la mention
très bien. (Magna Cum Lande).
« À cette
époque, nous avons vécu
ensemble ; Betty s'intéressait à
tout ce que je faisais :
particulièrement aux sports. Elle-même
devait s'abstenir de tout exercice physique
à cause de son coeur ; mais elle se
réjouissait de mes petites victoires plus
que je ne le faisais
moi-même. »
Quelques-unes des poésies que Betty
écrivit pour le journal du collège
révèlent son âme d'artiste. Le
morceau intitulé :
« Couleur » montre son amour du
beau ; chaque ligne est une peinture.
En voici un extrait rendu librement
- « La couleur ! Qu'est-ce
donc ? Ami, écoute,
- Tandis que je fais passer quelques
couleurs devant toi.
- La couleur n'a pas de
signification ? Dis-moi, je te prie,
- La nécessité du jaune, ou
du rouge, ou du bleu ?
- - Ami, tu as des yeux, mais tu es
aveugle.
La couleur, c'est la vue et le
sentiment, le coeur et la pensée.
- « Les lacs bleus de Suisse, et
le bleu plus léger du ciel,
- Une rose écarlate avec un peu de
rosée, emblème d'amour ;
- Un enfant d'Irlande avec ses boucles
emmêlées, couleur d'or en fusion,
- Une prima donna aux cheveux de jais,
décorés de perles.
- Les champs de GOLDENRODS
(1) brunis au
début de l'automne,
- Les asters rouges au pied d'un vieux
mur,
- Une couverture indienne noire, rouge et
verte,
- Une jeune fille au teint bruni,
vêtue de guingan
pêche. »
Et après la sixième strophe, ces
lignes pour finir :
- « C'est assez !
J'étais aveugle ! Mais maintenant je
puis voir
- Dès lors, le monde contient plus
de richesses pour moi. »,
D'autres poésies révèlent
le côté enjoué et vif du
caractère de Betty.
Mais c'était surtout dans les
choses d'un domaine supérieur que
l'influence de Betty s'exerçait.
Le professeur Nevius, de la
Faculté de Wilson, écrit au sujet de
la jeune fille :
- « Il semble que ce soit hier
qu'elle était encore ici aux classes,
parmi les Volontaires, ou encore aux
séances de la Société
littéraire. Sa présence aimable,
gracieuse, exerçait une influence
paisible, persuasive, sur son entourage ;
et celui-ci n'est pas près de
l'oublier...
« La rappeler au
souvenir des élèves qui ont
partagé avec elle ces quatre heureuses
années d'études, c'est
évoquer une présence si rayonnante
de sincérité et de beauté
intérieure, que rien ne pourra l'effacer.
Peut-être que ce dont les jeunes se
souviendront surtout, ce ne sera ni de sa
gentillesse, ni de son amabilité, ni du
parfum de son esprit doux et paisible, ni de son
réel talent poétique, mais de sa
sérénité et de sa
foi ; une sérénité qui
procédait d'une foi profonde basée
sur le Roc, et d'une paix intérieure
parfaite. Des valeurs de cet ordre ne peuvent
périr. »
C'est au cours de sa seconde année de
collège, que Betty fit l'expérience
d'une vie transformée. « Non plus
moi, mais Christ. »
Elle connut alors, et de façon plus
profonde, ce qu'est la vie du Cep
communiquée aux sarments. Après avoir
assisté à une conférence
d'été à Keswick (New-Jersey)
(2), elle
écrivit à ses parents, d'un coeur
débordant de joie, les lignes
suivantes :
« Keswick est du
domaine du passé ; mais j'ai confiance
que le message que j'y ai reçu ne passera
pas. Que Dieu en soit béni ! Je me suis
à nouveau donnée au Seigneur, et plus
complètement que je ne le croyais possible.
Déjà, il a exaucé mes
prières de façon merveilleuse dans
les petites choses, et dans les grandes. Presque
tous les jeunes gens et jeunes filles de ceux
auxquels on n'aurait pas pensé, ont
consacré leur vie à Dieu. Le
« SAY-SO » meeting (la
réunion :
« DITES-LE ») hier, fut
vraiment un triomphe. Je n'aurais jamais
pensé qu'une telle victoire fût
possible. Le Chemin, c'est Christ, et une
consécration entière à sa
volonté dans nos vies. Entre autres choses,
je lui ai consacré le don poétique ou
littéraire que je puis avoir reçu.
Peut-être pourra-t-il l'employer ? Ne
serait-ce pas merveilleux ! J'ai été
frappée de la manière dont M.
Harkness a dédié son talent musical
au Seigneur.
« En donnant ma vie à
Jésus, j'ai découvert que j'aurais
dû le faire depuis longtemps, et maintenant,
je me demande comment je puis avoir
été si lente à comprendre
jusqu'ici ! Ces lignes donnent peut-être
l'impression que je suis une petite personne
parfaite, alors que je suis toujours terriblement
imparfaite, ou bien si vous
préférez : parfaite au futur, ce
qui signifie qu'il y a encore de l'espoir pour
l'avenir. Dès maintenant, quand je donne la
première place aux autres, à leur
plaisir, leurs intérêts, leur
manière de voir, j'en ai de la joie, et tout
va mieux. Enfin, Keswick m'a
révélé d'une façon
merveilleuse combien la vie de victoire est
réellement victorieuse. Depuis que je suis
ici, mes prières sont exaucées de
façon bien définie. Le Seigneur m'a
montré la nécessité de me
lever le matin de bonne heure
pour lire sa Parole, et il m'aide à
m'éveiller à temps pour le
faire.
« Je ne sais ce que Dieu tient en
réserve pour moi, mais je suis prête
à devenir une vieille fille missionnaire, ou
n'importe quoi, pourvu que je sois ce qu'Il veut.
Il est pour moi, clair comme le jour, que la seule
vie qui vaille la peine d'être vécue,
c'est celle qui est en complète harmonie
avec la volonté de Dieu, c'est la vie
où l'on veut ce qu'il veut, où l'on
se confie en son amour et sa
sagesse. »
Un an plus tard, après les
difficultés et les épreuves de la vie
de collège, la jeune fille ajoute sur ce
sujet capital :
« Poins
d'impossibilité ni de désappointement
pour quiconque veut vivre victorieux et heureux en
Christ, mais gardez-vous d'essayer ;
confiez-vous en Lui ; laissez-le vivre en
vous. J'ai été frappée, hier,
en lisant la consécration d'Aaron et de ses
fils, par le fait que Dieu Lui-même remplit
leurs mains pour toute une semaine
(Lévitique 8 : 33)
(3). Quand nous
nous consacrons à Dieu, nous pensons que
nous faisons un très grand sacrifice, que
nous lui donnons beaucoup, alors qu'en
réalité nous n'abandonnons que des
bibelots de rien, et lorsque nos mains sont vides,
il les remplit avec ses
trésors. »
C'est à l'époque de ce
« Keswick » que Betty prit
comme devise la glorieuse affirmation :
« Christ est ma vie, et la mort m'est un
gain. » C'est aussi à ce
moment-là qu'elle commença de prier
Dieu, au sujet de sa vocation missionnaire pour la
Chine, demandant que rien ne l'empêchât
de repartir, si ce départ était selon
sa volonté.
Ayant cette espérance au
coeur, et les années de collège
touchant à leur terme, elle décida
d'aller à l'Institut Moody, à
Chicago, pour y avoir une préparation
missionnaire pratique.
« Elle choisit cet
Institut, écrit sa soeur, parce qu'elle
voulait apprendre à gagner des âmes
à Christ, plutôt que de faire
seulement de la théorie... Les cours de
l'Institut Moody lui firent grand bien, en lui
donnant une certaine assurance ; quant aux
réunions de plein air et dans les prisons,
qu'elle redoutait, ce fut pour elle une source de
joie et d'affermissement. »
La jeune fille se trouva donc comme
plongée dans la vie de ce grand Institut,
avec son emploi du temps très chargé,
ce qui mit comme à une nouvelle
épreuve son entière
consécration à Dieu. Dans cette vie
de Chicago, lui serait-il possible de rester
fidèle à sa devise :
« Pour moi, vivre, c'est
Christ » ?
Une poésie qu'elle
écrivit quelques mois après, nous
prouve que la nouvelle épreuve fut une cause
de nouvelle victoire. Elle la termine ainsi :
« 0 toi, Fils de Dieu, - Permets que je
puisse voir ta face ! - Entendre ta voix, -
Partager ta gloire, Que rien ne me sépare de
Toi, - A Toi, toujours, Et jusque dans
l'éternité. »
Renseignés comme nous le
sommes sur la vie intérieure de la jeune
fille, nous serons intéressés en
apprenant quelle impression elle faisait sur les
autres étudiantes. Ses amies les plus
intimes sont maintenant missionnaires en
Chine ; mais une étudiante qui la
connaissait bien, sans être de ses amies
personnelles, écrit ce qui suit, à
son sujet :
« Betty était
calme, réservée, droite,
sincère, sans raideur ; son
intelligence et sa culture générale
étaient au-dessus de la moyenne. Elle
n'était jamais pressée ni
désordonnée. Sa façon de se
vêtir changeait avec les circonstances, mais
n'était jamais voyante. Pour les cours, elle
portait généralement des souliers
bas, une jupe de serge bleue, et une jaquette
tricotée de teintes foncées. Elle ne
portait ni bijoux, ni garnitures,
ni fleurs. Elle se coiffait avec une raie sur le
côté et relevait ses cheveux en noeud
sur la nuque. Ceci seyait joliment à son
visage si aimable et plutôt rond. Sa voix,
son expression étaient agréables et
exprimaient la bonté. Physiquement, elle
était bien proportionnée. Il
suffisait de la voir pour se rendre compte qu'elle
aimait la vie simple ; on sentait qu'elle
avait un idéal très
élevé, et qu'elle marchait vers un
but bien précis. »
Et voici le témoignage d'une autre
étudiante :
« Betty était
l'une des jeunes filles les plus remarquables de
l'Institut... J'ai souvent admiré son
zèle et sa douceur... Elle avait une
confiance absolue dans le Seigneur, et cet esprit
selon Christ, qui était une force et une
aide pour ceux qui l'approchaient. Il était
évident que ses idées étaient
basées sur un examen sérieux et sur
la prière. »
À mesure que s'écoulaient les
semaines et les mois, ce qui caractérisait
toujours plus la jeune étudiante,
c'était la profondeur et la
sincérité de sa vie de prière,
plus particulièrement, en relation avec les
autres. Elle apprenait qu'il vaut mieux prier que
critiquer, et suppléer à ce qui
manque plutôt que de s'étendre sur les
lacunes (Éphésiens 4 : 15-16).
Quelle preuve de croissance dans les choses
spirituelles ! ...
Même parmi ceux qui
étaient les amis de la jeune fille, ils sont
peu nombreux ceux qui comprirent la profondeur des
expériences qu'elle fit pendant les
années de Chicago. Son calme
extérieur ne laissait pas deviner que Dieu
agissait profondément en son coeur.
« Il semblerait presque, écrit son
père, qu'elle eût alors, au cours de
jours paisibles et heureux, comme le pressentiment
des choses terribles qu'elle aurait à
souffrir plus tard, par amour pour son Sauveur.
Dieu la mit comme à l'épreuve, la
préparant pour la tragédie à
venir. »
Ce fut aussi pendant les
années d'études à Chicago que
la jeune fille se demanda où Dieu la
désirait dans le champ missionnaire. - Son
coeur, ses aspirations, la portaient vers la Chine
où étaient ses parents, et où
elle avait vécu les années heureuses
de l'enfance. Mais, devait-elle se laisser
influencer par ces raisons toutes
personnelles ? L'Afrique et ses
léproseries, avec un personnel infirmier
insuffisant, s'imposa quelque temps à sa
pensée. Si Dieu lui demandait d'abandonner
l'espoir de retourner en Chine, pour se consacrer
aux lépreux africains, était-elle
prête à répondre à
l'appel ? Avec sa droiture habituelle, Betty
ne voulait pas laisser la question sans
réponse ; et, bien que le soin des
lépreux dût être
particulièrement pénible pour sa
nature qui aimait passionnément le beau,
elle put dire qu'elle était prête
à donner sa vie aux plus
déshérités, si la chose
était selon la volonté de Dieu.
Quelques lignes d'une poésie
révèlent un peu du combat qu'elle dut
soutenir à ce sujet...
- MON TÉMOIGNAGE
Craindrais-je que Tu me
ravisses
- Au monde, à ses vaines
délices,
- Sans satisfaire mon désir
- De vrai bonheur, de vrai
plaisir ?
- Non, non, Seigneur ! Je crois
entendre
- Dans mon coeur, Ta voix douce et
tendre
- « Mon enfant, je mourus pour
toi !
- Puisque tu m'as donné ta foi,
- Il n'est bien qui ne t'appartienne,
- Toute Ma richesse est la
tienne ! »
Avec fidélité, avec ardeur, Betty
Scott marchait sur les traces de Celui à qui
elle s'était donnée. Sa
consécration impliquait maintenant beaucoup
plus qu'aux jours de Keswick, quelque cinq ans
auparavant. Cependant, elle
continuait de grandir comme le prouve le
poème envoyé à M. Scott durant
la seconde année d'études à
Chicago.
« Ce poème exprime
la détresse de mon âme,
écrivit-elle à son père, et
l'angoisse que j'ai ressentie alors que je voulais
faire un acte d'abdication totale devant Dieu,
abdication comprenant mes motifs et mes
pensées les plus intimes, afin que Dieu
dirigeât toutes choses en ma vie. La
quatrième strophe exprime l'acceptation
divine de mon indigne personne. La dernière
dit la joie, la satisfaction, la paix, la certitude
que j'ai maintenant d'être conduite par Lui,
le Seigneur de ma vie. » Voici cette
poésie :
- « Tenez-vous là, et vous
verrez la délivrance que l'Éternel
vous accordera. »
(Il Chron. 20 :17)
(4).
Oui, je me tiendrai là,
mon Dieu
- Mais la brume obscurcit ma vue ;
- De tous côtés,
jusqu'à la nue,
- Une roche rugueuse et nue
- M'emprisonne en ce lieu...
Oui, je reste debout,
Seigneur !
- Malgré ce rocher qui surplombe
- Comme la voûte d'une tombe...
- Un vent froid souffle... Ah ! Je
succombe
- Je frissonne et j'ai
peur !
Je reste debout, et
j'attends.
- Mais ce roc est glissant et rude
- Je n'en puis plus de lassitude !
- 0 Dieu, dans cette solitude,
- Dois-je rester longtemps ?
Il m'a répondu !
Dans Sa grâce,
- Il fait sur moi briller Sa face
- Son amour se révèle
à moi ;
- Désormais, plus
d'effroi !
Oui, je me tiendrai là,
Seigneur !
- Tu m'as dit : « Ce roc,
c'est... moi-même,
- Moi, qui te protège et qui
t'aime ! »
- En t'adorant, Amour suprême,
- Je chante de bonheur !
Cette douloureuse expérience d'âme
fut-elle permise afin que la consolation
surabondante dont elle fut suivie, vînt
à nouveau vers la jeune femme durant cette
nuit tragique, dont quelques ombres semblent
s'être projetées à l'avance sur
son métier ?
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