LA VIE DE
JOHN ET DE BETTY STAM
CHAPITRE IV
Une Joyeuse Surprise
Huit mois après le départ de Betty
Scott, John Stam avait, à son tour,
achevé ses études. Ces mois avaient
semblé bien longs aux deux jeunes
gens ; rien n'est plus pénible que
l'incertitude.
De plus en plus, le fardeau du monde
païen pesait lourdement sur le coeur du jeune
étudiant. Choisi par ses camarades pour
prononcer le discours final de l'année
scolaire, il s'y prépara avec grand soin et
avec prière. La devise de la classe
était celle-ci : « Portant la
précieuse semence. » Paroles qu'il
rapprocha de celles du Seigneur Jésus
lui-même : « Le champ, c'est
le monde. » Ce discours, avec son
invitation à une foi vivante, fit une
impression profonde et durable sur les auditeurs.
Nous en donnons ci-après quelques
extraits :
« Aujourd'hui, les
hommes politiques considèrent les affaires
du point de vue international. Le commerce embrasse
les continents et y cherche de nouveaux
débouchés. Par son journal, le
lecteur prend contact avec le monde entier. Et
cependant, le peuple chrétien ne
réalise pas encore tout à fait que
l'Évangile doit être
prêché en témoignage à
toutes les nations... Les populations païennes
s'accroissent rapidement, nous ne les atteignons
pas ; nos Missions ne se développent
pas en proportion de cet
accroissement.
« Non seulement nous
devons prendre en considération le
fait de cet accroissement rapide
des populations païennes, mais aussi celui de
l'avance d'une civilisation qui ébranle
l'idolâtrie et la superstition. L'heure est
venue d'atteindre ces peuplades dont les anciennes
croyances s'effondrent, avant que vienne
déferler le Communisme athée qui
élèvera des barrières
autrement difficiles à renverser ;
avant que cette génération d'hommes
retourne à la
poussière.
« Notre propre
civilisation n'est-elle pas aussi comme un
défi jeté aux ouvriers du
Seigneur ? Ce pays, autrefois si puissant dans
son témoignage chrétien, devient
chaque jour plus athée. Nos systèmes
d'éducation nationale semblent conçus
pour miner la Foi. L'ancien idéal de morale
est chaque jour battu en brèche, et les
grandes et saintes vérités, autrefois
si chères et tenues pour sacrées,
sont des sujets de plaisanteries qui alimentent
l'humour des journaux... »
Après quelques mots sur la condition des
églises, et le manque de joie et de
puissance dans le témoignage
chrétien, le jeune homme continua en
disant :
« Nous avons commis la
faute de nous conduire comme le ferait une garnison
assiégée dans une forteresse
indéfendable, et non comme les soldats d'un
Christ toujours conquérant. »
Puis ce fut un rapide exposé de la crise
mondiale : chômage, banqueroutes
financières, etc., et les dures
répercussions sur les diverses branches de
l'activité chrétienne. Ensuite,
l'oeuvre missionnaire en Amérique et
à l'étranger fut examinée sous
la vive lumière de la foi. Et le jeune
orateur poursuivit ainsi son discours :
« Allons-nous sonner la
retraite ? Nous détournerons-nous de
notre haute vocation en Christ-Jésus ?
Ou bien avancerons-nous sur l'ordre de Dieu, en
face de l'impossible ? Souvenons-nous que le
Christ, en nous donnant l'ordre d'aller par toute
la terre, n'a pas ajouté d'amendement
limitant l'évangélisation aux
ressources financières ; il n'a pas dit
qu'il n'y aurait pas de difficultés et que
l'abnégation ne serait pas
nécessaire ; bien au contraire :
le Seigneur nous annonce des
tribulations et des persécutions, mais aussi
la victoire par Lui...
« Amis, l'oeuvre et ses
difficultés sont assez grandes pour remplir
nos coeurs d'effroi, si nous regardons à
nous-mêmes et à notre faiblesse. Mais
l'autorité, dont le Maître revêt
ceux qu'Il envoie, doit remplir nos coeurs de joie
et d'espérance en la victoire. Il
connaît notre faiblesse et notre
pauvreté. Il sait que le chemin est
pierreux. Aussi, l'ordre de marche implique-t-il
qu'il pourvoira à nos besoins. Il est
naturel de vouloir être assuré du
nécessaire. Qui se soucie d'aller de l'avant
en quelque entreprise que ce soit, laïque ou
religieuse, sans avoir une certaine assurance que
l'affaire ne sera pas arrêtée faute
d'argent ? Or, les revenus disparaissent, les
hommes ne trouvent plus à s'occuper, les
comptes en banque s'évanouissent. Ouvriers
du Seigneur, voulons-nous avoir la certitude que
nous ne manquerons de rien ? Alors, ne mettons
pas notre confiance dans les hommes, ni dans aucune
méthode de collecte qui déshonore
Dieu. Ces choses ne peuvent nous donner l'assurance
dont nous avons besoin. Celle-ci, nous la trouvons
dans l'Autorité suprême qui nous
déclare que nous sommes
« héritiers de la promesse par la
foi, afin que la promesse soit
assurée » (Rom. 4 : 16).
Aujourd'hui, la seule chose sur laquelle nous
puissions compter, c'est la fidélité
de Dieu. Et nous n'avons pas à redouter les
résultats de cette absolue confiance en Lui.
Nous saisissons les promesses par la foi...
« Notre chemin est clair : ne
rien retrancher de l'oeuvre qui est vraiment selon
sa volonté et pour sa gloire. Nous
n'oserions pas retourner en arrière parce
que le sentier paraît obscur. Nous devons
avancer, même si cela semble, à
première vue, impossible, même si nous
ne discernons que le pas suivant... Peut-être
devrons-nous boire les eaux amères de Mara,
mais la présence de notre Chef peut adoucir
les eaux les plus amères. Nous arriverons,
peut-être, au bout de nos ressources, mais Il
peut toujours nous donner « notre pain
quotidien ». Et quoi ? Même si
nous étions appelés à mourir
de faim, comme Allen Gardiner, comme lui nous
ferions l'expérience que les heures de
souffrance deviennent radieuses du fait de la
sainte Présence du Seigneur, et nous
n'aurions que louanges à exprimer pour les
grâces et la miséricorde dont nous
sommes les objets.
« Cet âge
désaxé a besoin de reconnaître
que « le fondement posé par Dieu
est inébranlable. Combien d'êtres
humains, se trouvent dépouillés des
choses auxquelles ils avaient attaché leur
coeur ! À nous de leur montrer les
richesses incorruptibles, que ni banqueroute ni
conditions économiques ne peuvent atteindre.
À nous de montrer que le salut qui est en
Jésus-Christ, et une communion personnelle
avec Lui, sont une source de joie indicible et
glorieuse que ne peuvent affecter les circonstances
extérieures...
« Nos coeurs ne seraient-ils pas
émus à la pensée que nous ne
parlons pas en notre propre force ? Songez
à cela : Dieu Lui-même. notre
Capitaine, est avec nous. L'Éternel des
Armées est là, en tout endroit
où se livre le combat, pour encourager son
enfant et combattre avec lui. Avec un chef
semblable, qui, jamais, n'a perdu une bataille,
jamais n'a abandonné un soldat dans la
détresse, jamais n'a refusé le
secours nécessaire, quelqu'un
hésiterait-il à aller de
l'avant,
« PORTANT LA PRÉCIEUSE
SEMENCE » ?
Souvenons-nous que ce discours n'est pas celui
d'un vétéran, mais celui d'un tout
jeune homme poussé par l'amour de Christ,
celui d'un chrétien prêt à
sceller son témoignage de son sang. Comme
nos coeurs devraient être enflammés
par l'appel des jeunes chefs que Dieu nous donne en
ce pays et en d'autres contrées ;
jeunes héros qui sont l'espoir et la gloire
d'un âge qui s'avance rapidement vers son
terme !
Plusieurs des amis de classe de John
Stam partirent aussi pour la Mission en
Chine ; et leurs souvenirs montrent ce que
furent la vie et l'influence du jeune homme durant
ses années à l'Institut.
L'un d'eux, qui le connaissait
particulièrement bien, écrit de
lui :
« Il était un
prince parmi les hommes. Combien nous
l'admirions ! Et je l'aime, comme j'ai
aimé peu d'autres personnes.
« Il avait la passion des
âmes. Son travail était exemplaire en
ceci qu'il le faisait de tout coeur... Ce
n'était pas un ascète. Il pouvait
être gai en voyage, ou à l'occasion
d'un pique-nique. S'il y eut jamais un camarade
parfait, ce fut lui.
« Je revois toujours en
pensée l'expression joyeuse de sa figure, sa
manière cordiale, je me souviens de sa
chaude poignée de main, de ses actions de
grâces et de son amour sincère,
profond, pour le Seigneur, et pour ceux qui le
servent.
« Lors de notre dernière
rencontre, nous avons gravi ensemble Garret
Mountain, qui domine Paterson, où nous
sommes nés tous deux. Du sommet, on peut
voir toute la ville, New-York, Newark et d'autres
agglomérations plus rapprochées.
Comme il gardait le silence, je supposais qu'il
voulait graver en son esprit la perspective qui
s'offrait à nos regards. Mais sa
pensée voyageait fort au-delà :
« Songe, Tom, me dit-il enfin, qu'il y a
en Chine nombre de villes, au moins aussi grandes
que celle-ci, et où l'Évangile n'a
pas encore été
annoncé ! »
Ce fut la cause des malheureux, encore sans
Dieu, qui dénoua les liens où l'amour
des siens voulait le retenir pour qu'il
s'occupât de la « Star of Hope
Mission ». Les adieux furent
douloureux ; mais ils furent aussi l'occasion
de bénédictions pour Paterson et pour
d'autres localités où le jeune homme
fut invité, et où il plaida la cause
des Missions.
Après un stage de six semaines
à Philadelphie, au foyer de la
« China Inland Mission », John
fut accepté, et son départ fut
fixé au 1er juillet 1932. Il aurait pu se
joindre à un groupe de voyageurs faisant une
très agréable croisière aux
Îles Bermudes et autres lieux
intéressants ; mais il déclina
l'invitation, craignant que la chose ne fût
pas comprise, alors que bien des missionnaires
avaient à endurer de sérieuses
privations. Il traversa donc l'Amérique par
chemin de fer, et arrêta son passage en
troisième classe sur le navire Empress
of Japan, où il se trouva
en compagnie de cinq autres jeunes gens et de deux
vétérans qui retournaient dans leur
champ d'activité.
Ensemble, ils formaient un groupe joyeux
et très uni, malgré les quolibets et
les sentiments peu amicaux manifestés par
quelques passagers à leur endroit. Ils
visitèrent Honolulu (Îles Sandwich) et
le Japon, en cours de route. Ceux qui se moquaient
des missionnaires durent reconnaître
cependant que ceux-ci avaient trouvé le
secret du bonheur.
Après une journée
passée à terre, à Yokohama,
John écrit :
« Il est vraiment
étrange le revirement produit chez ces
jeunes gens qui se moquaient si impitoyablement des
missionnaires. Ils sont allés à terre
à Yokohama, et, de retour, ils viennent
à nous l'un après l'autre, dire leur
dégoût d'eux-mêmes, leur effroi
de se sentir entraînés aux
abîmes et de s'être à nouveau
livrés au vice. Plus étonnant
encore ! L'un d'eux ajouta :
« Vous autres, missionnaires, vous
paraissez vous dominer si parfaitement, vous
semblez si libres. »
« Certes, libres, nous le
sommes ! Libres, non pour nous livrer au
péché [eux-mêmes avouaient
qu'ils n'en tiraient aucune jouissance], mais
libres, affranchis du péché et du
remords qu'il entraîne à sa suite, et
capables d'apprécier les honnêtes
jouissances, libres et
heureux ! »
Cependant, pour l'un des jeunes missionnaires,
en tout cas, il y eut, durant ce voyage, des heures
difficiles et des ombres malaisément
supportées. Effectivement, aussitôt
que sa demande pour la Chine avait
été agréée, John Stam
avait écrit à Betty Scott pour la
demander en mariage. La réponse qu'il
espérait avant de quitter les
États-Unis ne lui était point
parvenue. Le courrier de Chine ne lui avait
même pas apporté une ligne
affectueuse ! Certain comme
il l'était de son amour pour elle, John Stam
avait-il trop compté sur l'amour qu'elle lui
portait ? Cette question se posait constamment
à lui, et en amenait une autre :
« Voulait-il par-dessus tout que
s'accomplît en cette affaire la
volonté de Dieu ? Était-il
prêt à voir Betty disparaître de
sa vie ?... »
Que se passait-il pour la jeune
fille ? Désignée pour la ville
de Fowyang (Anwhei), elle n'avait pu s'y rendre
à cause des bandes communistes qui
parcouraient cette partie de la province. Elle
avait été rapidement prête
à cause de sa connaissance antérieure
de la langue chinoise ; aussi, l'incertitude
au sujet du moment de son départ lui
paraissait pénible. Se savoir
nécessaire pour l'oeuvre parmi les femmes,
et ne pouvoir rejoindre son poste !
Mais le plus ancien missionnaire de
cette région, M. H.-S. Ferguson, avait
été pris par les Communistes et
emmené captif dans la région des
montagnes, et l'on était sans nouvelles de
lui. Toutes les femmes missionnaires avaient
dû quitter le district. Qu'advenait-il des
chrétiens chinois en leur
absence ?
À la fin de cette même
année 1932, le professeur et Mme Scott
devaient rentrer en Chine après un temps de
congé en Amérique, et ils avaient
demandé que leur fille fût
autorisée à venir les rencontrer
à Shanghaï. Elle y alla. Mais
l'arrivée des parents fut
retardée ; et, très
désappointée, elle retourna à
son poste missionnaire provisoire. Enfin, quand ils
arrivèrent, Betty était souffrante.
Un docteur consulté conseilla de suivre un
traitement pour les amygdales, traitement qui dura
plusieurs semaines. C'est ainsi que la jeune fille
était encore à Shanghaï quand
l'Empress of Japan y arriva à son
tour.
Inutile de dépeindre la joie de
John Stam lorsqu'il apprit que
Betty Scott était dans la ville ;
inutile d'essayer de dire ce que fut leur
rencontre. Leur bonheur dépassait ce que les
mots peuvent formuler. Maintenant.. plus rien ne
s'opposait à leurs fiançailles.
Celles-ci eurent donc lieu ; et à la
Maison des Missions de Shanghaï, tous prirent
part à leur joie.
Une semaine plus tard, la jeune fille,
en compagnie d'autres missionnaires, remontait le
Yangtsé pour rejoindre enfin le poste de
Fowyang qui lui avait été
assigné. C'est à propos de cette
extraordinaire rencontre que John Stam
écrivit chez lui :
« Je ne puis
m'empêcher de continuer à louer le
Seigneur qui a conduit Betty à
Shanghaï, et l'y a fait demeurer
jusqu'à ce que j'arrive L'un des jeunes
Australiens m'a demandé comment nous avions
« manoeuvré » pour
arriver à nos fins ? Quelle
bénédiction de penser que rien ne
vient de nous, et que cette rencontre
inespérée, Dieu l'a permise et
amenée Lui-même !
« Tous, à la Maison des
Missions, se sont montrés extrêmement
bons et sympathiques. Quelque doute aurait pu les
effleurer au sujet de ce jeune homme qui, à
peine débarqué, songeait à se
fiancer ! Quelques-uns ont relevé la
coïncidence du séjour prolongé
de Betty au moment où j'arrivais
moi-même. Mr. Lewis a suggéré
que je ferais bien de payer la note du docteur qui
soignait Miss Scott, puisque ce traitement tournait
à mon avantage. Mr. Gibb, le directeur, m'a
dit qu'il ne voyait pas pourquoi le mariage ne
pourrait avoir lieu une fois l'année
révolue. Voulez-vous prier avec nous
à ce sujet pour que ce soit bien la
volonté du Seigneur qui se
fasse ? »
Puis, ajoutant à cette lettre quelques
lignes pour un ami, John Stam écrit :
« Mon cher Tom, je suis
presque effrayé à la pensée de
toutes les bénédictions auprès
desquelles j'aurais passé, sans en
être enrichi, si je n'étais pas venu
en Chine. Depuis que je suis
parti pour la Maison des Missions à
Philadelphie, mon chemin n'a été que
bénédictions sur
bénédictions. Même pendant mon
voyage sur mer, alors que je souffrais de
l'incertitude où me jetait l'absence totale
de nouvelles, le Seigneur m'a béni
spirituellement...
« Les mois passés ont
été pour moi la magnifique
illustration de la promesse :
« Recherchez premièrement le
royaume des cieux et sa justice, et toutes choses
vous seront données par-dessus. »
Même si nos efforts sont maladroits, Il
accorde magnifiquement, et sans mesures,
« toutes choses ».
|