Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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LA VIE DE JOHN ET DE BETTY STAM





CHAPITRE VIII

Fidèles dans les grandes choses

L'un des utiles dictons de M. Taylor c'est qu' « une petite chose est une petite chose ; mais la fidélité dans les petites choses est une grande chose ». John Stam et sa fiancée qui avaient été fidèles dans les petites choses, et par-dessus tout, dans leur marche cachée avec Dieu, se virent confier de plus grandes richesses : celles d'un amour conjugal parfait, et celles d'un champ de service étendu.

John pouvait disposer de l'été (1933) pour étudier. Il reçut une invitation à aller au bord de la mer pour échapper aux grandes chaleurs de la saison. Mais il préféra se rendre directement dans son nouveau district, au milieu des Chinois. Süancheng, la station principale, était desservie par M. George A. Birch. Celui-ci reçut son jeune collègue avec joie.

« Je me souviens du jour qu'il arriva, écrit-il. J'étais allé à sa rencontre. Il avait plus de six pieds de haut ! Un homme, dans toute l'acception du terme. Sa chaude poignée de main, son aimable sourire, scellèrent aussitôt notre amitié. Comme nous avancions dans le sampan (bateau à fond plat pour les endroits où le fleuve est très bas), la conversation fut rapidement aiguillée sur les choses de Dieu, car il vivait avec Dieu, et comment ne pas parler de ce qui remplissait son coeur ?

« Au cours de notre premier voyage ensemble, nous eûmes à marcher tout un jour sous la pluie et dans la boue, mais l'ardeur de mon compagnon ne fut pas du tout abattue. Ce voyage, et tous les autres depuis, ont été en bénédiction pour moi, car la pensée de John était une mine inépuisable de richesses dans la connaissance de Dieu. Il maniait avec puissance les Écritures qu'il connaissait parfaitement ; il était plein de zèle pour annoncer Christ, et rempli d'amour pour les âmes perdues tout autour de lui.

« John avait vite fait de discerner la main de Dieu en toutes choses. Certain jour qu'il souffrait d'un gros rhume et se trouvait très fatigué par une longue marche, nous éprouvions tous deux le besoin d'avoir des légumes verts pour améliorer nos menus ordinaires. Mais il nous semblait impossible de nous en procurer. À midi, nous nous arrêtâmes dans un village pour y prêcher, et, sans que nous eussions dit une parole, la femme qui tenait la boutique de thé devant laquelle nous nous étions arrêtés pour notre réunion en plein air, vint nous inviter à prendre notre repas chez elle. Connaissant l'aide chinois qui nous accompagnait, elle avait préparé un excellent déjeuner, où elle nous servit six ou huit sortes de légumes, la plupart conservés au sel, car ce n'était plus la saison.

« Quelle surprise ! s'écria John. « Dieu pourrait-il dresser une table dans le désert ? (Psaume 78 : 19). » Ou bien encore, il lui arrivait souvent de dire : « Mon Père céleste le sait. »

M. et Mme Birch, qui avaient le plus grand besoin d'un changement d'air, partirent pour la région des collines, et laissèrent John Stam à la tête de l'oeuvre dans le district. Or, le jeune missionnaire était arrivé en Chine depuis huit mois seulement.

À son retour, M. Birch remarqua les progrès extraordinaires qu'il avait faits en chinois, et combien il s'était familiarisé avec les personnes qui l'entouraient. Il avait eu, régulièrement, des réunions pour enfants, et avait même fait tout un service le dimanche. Les lettres que John écrivit, à cette époque, montrent, l'autre côté du tableau, et les moments pénibles qu'il eut à traverser :

« Je suis tout à fait seul, maintenant, écrit-il en juillet ; cependant ce n'est pas aussi pénible que cela le paraît ; une excellente lettre de Paterson me rappelant mes très grands privilèges me fit, certain jour que je broyais un peu de noir, le plus grand bien...

« Ce que j'aime particulièrement, c'est d'aller distribuer des traités, ce qui me permet d'entrer en conversation avec les gens. Hier soir, j'ai passé dans deux magasins où des hommes m'ont invité à m'asseoir pour un instant de conversation. J'ai pu leur parler longuement de l'Évangile bien que mon vocabulaire soit encore assez pauvre. »

Et à un jeune ami, il écrit :

« Ces dernières semaines ont été parmi les plus heureuses de ma vie. Les gens rient de mon chinois ! Il est affreux d'avoir à essayer de saisir tout ce qu'ils disent ; et je ne puis qu'imparfaitement leur faire comprendre ma pensée. La chèvre peut mourir, les voleurs peuvent mettre tout sens dessus-dessous dans les dépendances, il peut y avoir des quantités d'interruptions, et des difficultés de bien des sortes ; cependant, dans toutes ces circonstances, j'ai eu le sentiment constant de la présence du Seigneur...

« Un certain nombre d'étudiants viennent assez régulièrement ces derniers temps. Priez avec moi pour que je puisse leur exposer clairement l'Évangile. Généralement, j'ai sous la main un bon traité sur les Écritures, je le tends à l'un d'eux et lui demande de nous en faire la lecture. Puis, je dis quelques mots d'explication, et ainsi de suite. Jusqu'ici, je ne puis faire ce que je voudrais ; c'est-à-dire poser des questions, pour me rendre compte de ce qu'ils pensent ou de ce qu'ils croient ; ce qui me permettrait de leur donner ce dont ils ont plus particulièrement besoin. Je possède encore trop peu de mots. Et je ne comprends que partiellement ce qu'ils disent. Plusieurs d'entre eux viennent peut-être surtout pour voir l'étranger, ou pour entendre le phonographe et l'harmonium. Cependant, je puis leur communiquer un peu de l'Évangile, et ils reçoivent davantage encore par le traité, ou une portion de l'Écriture. »

L'étude du chinois, la chaleur, ses diverses occupations, provoquaient souvent la fatigue, alors il cherchait le délassement dans la promenade :

« Souvent, le soir, je sors de la ville, écrit-il, ou bien je vais sur la muraille ; et là je suis des yeux les nuages. Et c'est, pour moi, tout à la fois, comme une bénédiction, comme un choeur qui chanterait les louanges de Dieu, et comme un merveilleux sermon. Vous voyez que je ne suis pas sans mes heures de joie et de détente. Puis, à quelque dix milles de la ville, de chaque côté, on trouve une région montagneuse ; les couchers de soleil y sont merveilleux. »

Il avait conservé l'habitude de se lever de très bonne heure, et il travaillait une heure au jardin, avant le déjeuner du matin : « un exercice et une joie tout à la fois », disait-il. Ainsi il se maintint en bonne santé, et acheva la seconde partie des études de chinois avant que vînt le moment de se rendre dans le Nord, pour y retrouver sa fiancée. Au mois d'août, il écrit qu'il s'est occupé de conserves et de confitures à la place de Mme Birch, absente. « Je ne pensais pas que cela avait rien à voir avec le travail missionnaire ; il paraît que si ! »

« J'ai eu une journée merveilleuse ! Ce matin, un jeune homme est venu, qui semble vraiment s'intéresser aux choses de Dieu, et j'ai pu prier avec lui. L'après-midi, j'ai eu la visite de quatre autres étudiants. Un petit groupe vient avec plus ou moins de régularité ; ensemble nous avons parcouru l'Évangile de Jean, chapitre par chapitre... Priez beaucoup pour ces jeunes Chinois. »

Quant aux enfants, ils sont pour lui le sujet de grandes joies. Avec eux, il se sert de passages de l'Écriture mis en choeurs, et adaptés à la musique chinoise.

« Dans nos réunions d'après-midi du dimanche et de semaine, ils chantent de tout coeur. Vous ne pourriez vous trouver une heure dans cette chambre, sauf la nuit, sans entendre quelque mioche chanter à tue-tête l'un de nos cantiques. L'autre matin, de très bonne heure, j'entendis une toute petite fille chantant, de toute son âme : « Jésus m'aime, la Bible me le dit. » J'ai vibré sous une profonde émotion ! Car je savais que tout autour d'elle, des personnes à qui je ne puis dire que peu de chose, entendaient l'Évangile par son chant. »

Après une année, ou presque, d'étude incessante de la langue, pour ne rien dire des autres occupations, le voyage jusqu'à Tsinan par vapeur et chemin de fer, chez M. et Mme Scott, lui sembla délicieux. Il écrit à ses parents :

« il me semble que je prends deux jours de congé pour n'avoir plus qu'à louer Dieu :
1° Parce que je suis sauvé et au service du Seigneur.
2° Parce que je jouis d'une excellente santé, malgré l'été le plus chaud qu'on ait eu depuis bien des années.
3° De ce que je puis m'exprimer en chinois plus librement.
4° Et parce que bientôt D.V. je pourrai revenir avec ma femme ! Comme j'aime ces deux mots ! »

À Tsinan, le plus chaleureux accueil attendait John Stam ; et à ce propos, Betty Scott écrivit à son futur beau-frère, Harry, missionnaire en Afrique :

« Il est heureux que John ait le sens de l'humour. Il est si facile de vivre avec lui. Vous devriez entendre Maman ! Elle parle de lui sans arrêt. Maman ! Elle tiendrait pour lui, envers et contre tous, et ne m'aurait pas laissé un instant de tranquillité, si je n'avais dit : oui ! Dès qu'elle le vit, elle l'adopta. Papa n'en dit pas autant, mais il est aussi heureux qu'elle. Tous deux font des plans pour le mariage, et Papa paraît s'occuper de tous les détails. »

C'est à la fin d'octobre que les fiancés se retrouvèrent enfin à Tsinan. Betty y était depuis un mois déjà. Les deux jeunes gens purent avoir quelques paisibles journées avant l'arrivée des demoiselles d'honneur : Miss Katherine Dodd et Nancy Rodgers de Fowyang, et celle du garçon d'honneur : M. Perey Bromley, l'un des condisciples du jeune Stam à l'École de langue chinoise. Comme amie de noce, Betty avait choisi son ancienne compagne de chambre au « Wilson College » : Miss Marguerite Luce, devenue infirmière missionnaire à l'hôpital presbytérien de Tché-fou.

« La matinée du 25 octobre, jour fixé pour le mariage, fut particulièrement belle, écrivit Mrs. Scott ; le soleil se leva radieux ; et nous fûmes tous particulièrement reconnaissants envers Dieu qui nous accordait ce beau temps, que nous lui avions demandé. Pas un nuage au ciel, pas de poussière, pas de vent, une température moins froide qu'au cours des journées précédentes, de sorte que nous pûmes donner suite à notre projet, et transformer l'emplacement du tennis en chapelle. De trois côtés, « le court » est bordé d'arbres et d'arbustes ; au sud, le mur du fond est couvert de lierre, lequel, à ce moment de l'année, se pare de teintes rouges et or. Au-dessus du mur, les assistants pouvaient voir les collines qui dominent la ville... On apporta les bancs à dossiers de la chapelle et on les disposa de façon à laisser un passage au milieu et au fond, du côté où devait se dérouler la cérémonie. Cette partie était toute décorée de palmiers, de plantes en fleurs, de fougères, et on avait recouvert le ciment de couvertures, ainsi que l'allée centrale...

« Le fiancé, son garçon d'honneur, et le pasteur qui présidait la cérémonie, le Rév. Reuben A. Torrey, fils de l'évangéliste bien connu, arrivèrent par une allée du jardin, du côté ouest. Les demoiselles d'honneur, en costumes de soie lavande, ayant à la main des bouquets de chrysanthèmes jaunes et d'asparaginées attachés de rubans jaunes, entrèrent par l'allée centrale. Puis, l'amie de noce, vêtue aussi d'une robe longue, genre princesse, de même couleur. Enfin, la mariée entra au bras de son père ; elle portait une simple robe de soie blanche avec de larges manches, et une longue traîne. Au col de la robe, et au voile attaché sur le front, une dentelle de Bruxelles. Nous l'avons tous trouvée particulièrement charmante. Elle souriait tandis qu'elle avançait, les yeux fixés sur son fiancé, ... Et lui, à l'autel où il l'attendait, il n'avait d'yeux que pour elle.

« Nous avons assisté à bien des mariages chinois, même à des mariages entre chrétiens, où les mariées ne donnaient même pas un regard à leurs fiancés. La tête baissée, elles semblaient en proie à la tristesse et à la crainte. Aussi, l'attitude confiante et joyeuse de Betty fit une profonde impression sur l'assistance, plus particulièrement sur les étudiants (sur les deux cents invités présents, cent quarante à peu près étaient des chrétiens chinois). En robe, Mr. Torrey fit le service, très simple, et cependant bien émouvant. Il y avait dans nos coeurs comme un sentiment de respect allié à une sainte joie, en assistant à cette cérémonie qui unissait deux jeunes vies si parfaitement consacrées. Plusieurs des invités, des Chinois et des étrangers, nous ont dit, depuis, que ce service leur avait fait du bien. »

Après le dîner et le culte du soir, au cours duquel plusieurs beaux cantiques furent chantés, John et Betty partirent pour Tsingtao, où s'était écoulée l'enfance de la jeune fille. C'est de là que John écrivit, le 27 octobre :

« Voici une lettre de vos jeunes mariés. Oh ! Dieu a montré tant de bonté à notre endroit, et dans tous les moindres détails, que tout le long du voyage nous n'avons cessé de le louer. Nous passons des instants délicieux ; et il y a tellement de choses à vous dire que je vais me mettre à la recherche d'une machine à écrire, avant que le nombre des bénédictions s'accumulent au point que je craindrais d'en oublier.
« Pour vous montrer combien nous sommes heureux tous les deux, je veux vous dire une réflexion que me fit Betty, hier. Comme nous parlions d'un pauvre garçon qui est ici en Chine, tout seul, elle s'écria tout simplement : « Oh cher John, n'aimeriez-vous pas que tous vos amis célibataires songent aussi à se marier ? » J'ai l'impression qu'aucun de mes frères n'a eu un aussi délicieux voyage de noces que le nôtre. L'automne est merveilleux avec ses teintes de feuillage splendides ; et cet endroit au bord de la mer semble nous appartenir en propre. Un ami du professeur Scott, un architecte, nous a emmenés jusqu'à sa villa dans la montagne, à quelque deux heures d'ici, et il nous y a gardés pour la nuit. Tout à l'entour, d'immenses pics rocheux ; c'est grandiose. Le lendemain matin, Betty et moi nous avons suivi le chemin de la vallée jusqu'à une chute d'eau. C'était magnifique. Partout, des vasques d'eau cristalline et des rochers ! Nous n'avons pas rencontré un seul Européen tout le long du chemin, et seulement deux Chinois. Aussi, nous avons pu chanter et « yodeler » en toute liberté... Vraiment, il semble que Dieu veuille nous rendre particulièrement heureux... »

Une union comme celle de John et Betty Stam ne peut être stationnaire ; elle monte de degré en degré. Si heureuses que fussent les deux semaines passées à Tsingtao, celles qui suivirent à Süancheng dans leur petit foyer, semaines de travail et d'études, leur parurent plus merveilleuses encore.

« John est absent pour la fin de la semaine », écrivait Betty en décembre. « Pour la suivante, nous faisons le projet d'aller ensemble visiter l'un des avant-postes où il doit présider lui-même, pour la première fois, un service de Communion en langue chinoise. Ce sera mon premier voyage dans la région. Nous avons eu le tailleur et ses ouvriers plusieurs jours de suite, et tous les deux nous avons maintenant nos vêtements chinois. Vous devriez voir John dans sa robe doublée de fourrure. Il semble encore plus grand. Il faudrait aussi que vous le vissiez relever les pans de la dite robe, sous ses bras réunis dans le dos, quand il descend les escaliers exactement comme un vieux monsieur chinois ! »

Bien que le jeune ménage eût son appartement particulier dans les bâtiments de la Mission, les repas étaient pris en commun avec M. et Mme Birch ; ce qui économisait les frais d'une double installation missionnaire. Cependant, souvent le soir, M. et Mme Stam se retiraient chez eux, près de leur petit poêle. John prenait ses livres à l'une des extrémités de la table, et Betty se plaçait à l'autre extrémité. Elle se préparait pour son dernier examen de langue chinoise qu'elle passa quelques mois plus tard. Ainsi, en trois ans, elle acheva les études exigées des femmes qui travaillent dans la Mission. Mais si l'un et l'autre étudiaient avec acharnement la langue du pays, ni l'un ni l'autre ne négligeaient les occasions d'entrer en contact avec les collègues chinois. Dès son arrivée à Süancheng, John avait écrit :

« Je remercie Dieu qui m'a conduit ici, où il se trouve quelques excellents chrétiens. C'est donc un centre privilégié, d'où l'on peut rayonner pour faire des tournées d'évangélisation... »

Ce fut avec Song, le tailleur, l'un des évangélistes bénévoles, que John et Betty firent leur premier voyage dans une annexe. Quatre heures de marche, avec de nombreux arrêts pour des conversations en cours de route, les amenèrent jusqu'à Swenchiapu, où ils furent reçus chez Pao, l'orfèvre. Voici quelques lignes de John Stam au sujet de ces deux chrétiens chinois et du travail d'évangélisation qu'ils firent ensemble :

« Song et Pao-Lao-pan, chez qui nous demeurons, sont tous deux de vrais chrétiens, et ils sont pour les autres en grande bénédiction.

« Song donne à l'évangélisation des semaines entières, parcourant la région et prêchant. Il n'a aucun salaire ; mais il loue Dieu pour les occasions qu'il a d'annoncer l'Évangile. il fait bon l'entendre raconter comment il hésita longtemps à laisser ainsi ses affaires pour plusieurs jours à la fois. « Mais, dit-il, depuis que j'observe le repos du dimanche. et que mes apprentis le font aussi, Dieu m'a donné des hommes honnêtes ; je puis laisser ma maison en toute sécurité. » Mr. Song ferme son magasin le dimanche, et continue de payer le même salaire à ses cinq employés, qu'il emmène à l'église avec lui. Naturellement, ses confrères considèrent que c'est là une grosse perte. Mais Song, qui est le mieux renseigné, loue le Seigneur pour la prospérité qu'il lui accorde. Je voudrais que vous puissiez voir la figure de cet homme ; elle est comme pétrie par la joie et la reconnaissance qu'il ressent pour le Seigneur. »

M. Pao avait aussi fait ses expériences concernant l'observation du dimanche. Il devait une somme de 700 dollars, et, dans sa pensée, cela justifiait qu'il laissât son magasin ouvert le dimanche. Comment pouvait-il espérer seulement payer les intérêts exorbitants qu'on lui avait imposés : 3 % par mois, s'il ne profitait pas des sept jours de la semaine ! M. Birch vint le voir et lui parla, ce qui le fit réfléchir. Le missionnaire avait souligné les merveilleuses promesses de Dieu en faveur de ceux qui essayent de lui plaire en gardant ses commandements. Sa foi fut fortifiée, et il décida de fermer le dimanche, à la grande joie de son concurrent qui demeurait de l'autre côté de la rue.

Le dit concurrent espérait bien profiter de ce qu'il considérait comme une folie ; et ouvertement, il méprisa « celui qui mangeait de la religion des étrangers ». Pao garda le silence, il fut patient, et il s'aperçut que ses affaires ne souffraient pas du tout. Bien plus, comme on commençait à rechercher l'or, Pao se tint au courant des cours en divers endroits, et il fit ainsi de très sérieux bénéfices ; de sorte qu'il put rembourser le montant de sa dette. Peu après, le feu éclatait dans cette partie de la ville, les maisons en face de la sienne brûlaient, et les flammes léchaient déjà le toit de la maison de M. Pao. Alors celui-ci cria à Dieu, lui demandant sa protection. Aussitôt, le vent changea, et sa maison échappa à l'incendie comme par miracle. Quoi d'étonnant qu'il aime à parler de la puissance et des soins vigilants de son Père céleste ! Reprenons maintenant le récit de John Stam :

« Nous passâmes d'heureux moments chez Mr. Pao. Le samedi, nous avons fait du colportage, nous avons donné des traités, et visité les gens de maison en maison. Le soir, nous eûmes une réunion où les auditeurs vinrent en foule. Mais c'est le dimanche qui fut le grand jour. Le matin, service d'adoration après lequel nous célébrâmes la Sainte-Cène. Le Seigneur nous a vraiment richement bénis. L'après-midi, nous eûmes un service à la chapelle, d'abord, puis deux réunions en plein air. Le soir, de nouveau, il y avait foule à la chapelle.

« Nous étions particulièrement heureux en reprenant le chemin de Süancheng. Betty avait pu accompagner Mme Pao, et aider pendant les réunions en plein air ; puis, elle s'était occupée des enfants. Aussi, nos coeurs étaient remplis de louanges. Le lundi, pendant le voyage de retour, nous eûmes encore de nombreuses occasions d'annoncer l'Évangile, liant conversation avec les personnes rencontrées sur la route. À l'endroit où nous avons pris notre lunch - une petite ville - nous avons pu avoir une très bonne réunion. Bref, il nous fallut six heures pour couvrir les dix milles qui nous séparaient de Süancheng. Tous nos traités avaient été distribués, tous nos Évangiles étaient vendus, la joie du ciel remplissait nos coeurs. »

À l'époque du Nouvel An chinois, où tout le monde prend des vacances, Betty put accompagner son mari dans un plus long voyage, jusqu'au district où ils devaient s'installer un peu plus tard. Tsingteh se trouve située à soixante milles au sud-est de Süancheng. Le pays est très beau, la région montagneuse est coupée de vallées fertiles où s'élèvent des villes et villages nombreux. Comme c'est là que devait s'achever, peu de temps après, la vie des jeunes missionnaires, là que le sacrifice qu'ils avaient fait de leurs vies devait être consommé, leur première visite dans cette région, en février 1934, a pour nous un intérêt très particulier.

John Stam et sa jeune femme demeurèrent huit jours chez M. et Mme S.-J. Warren qui devaient partir sous peu en congé régulier. Autrefois, Tsingteh était une cité opulente, la résidence préférée des familles de la noblesse qui entouraient l'Empereur. Mais toute cette gloire est maintenant, du domaine du passé. La révolte des T'ai Ping au commencement du siècle dernier n'a plus laissé que ruines et un pays dépeuplé. Nous donnons ci-après quelques extraits d'une lettre de Betty Stam :

« Ici, la maison missionnaire est tout à fait de style chinois, mais elle est grande et spacieuse... Jusque-là, pas ou peu de vie chrétienne ; cependant, un ou deux points lumineux. Quoi qu'il en soit, Dieu est notre espérance ; autrement nous n'essayerions pas d'entreprendre l'oeuvre... Partout des temples d'Ancêtres. Et le culte des Ancêtres, avec le système du clan, constitueront les plus grands obstacles à nos efforts, excepté nous-mêmes. Où qu'on porte les regards, le paysage est fort beau. Tout semble agréable, l'homme seul est vil... Ici, et par comparaison, les gens ont plus de confort, leur nourriture est meilleure, et probablement, ils sont plus satisfaits d'eux-mêmes. Plusieurs possèdent de vieux palais, aux vestibules spacieux, dont les piliers et les poutres sont sculptés et travaillés. Même dans les auberges où nous nous sommes arrêtés, nous n'avons pas eu à souffrir des mouches et autres insectes qui sont de vraies pestes, conditions qu'on ne trouve pas dans le Nord. De ravissants ponts de pierre sont jetés sur des rivières aux eaux transparentes. Partout des champs de riz mettent leur note pittoresque dans le paysage, ainsi que les montagnes couvertes de verdure jusqu'au sommet ; et, tout au fond, des pics bleus enrobés de brouillard.

« Priez au sujet de nos prochains débuts à Tsingteh. Il y a ici une bien jolie chapelle, en façade des bâtiments missionnaires ; et, à l'arrière, une maison confortable, installée dans l'une des anciennes demeures chinoises transformées. »

L'un des points lumineux auxquels Betty Stam faisait allusion, c'est Miaosheou, l'un des avant-postes. Là demeurait une famille chrétienne qui reçut les missionnaires avec la plus grande bonté. Miaosheou, et l'évangéliste Lo, dont John nous entretint dans la lettre que nous citons ci-après, sont des noms qui resteront dans les annales de l'héroïsme chrétien.

« Samedi matin, nous nous rendîmes à Miaosheou, poste assigné à l'évangéliste, Mr. Lo, avec lequel je travaillerai. C'est une petite promenade - à peu près trente-cinq « li » ; la route est extrêmement belle, au delà de ce que je puis dire. Elle se déroule en partie au fond d'une jolie vallée que surplombent des collines boisées. Le chemin est bon : pavé sur un certain parcours. La plupart des chrétiens de Miaosheou vivent à la campagne ; il est certain que l'église a besoin d'une vie nouvelle. Priez pour eux, et pour Mr. Lo qui, une fois de retour, sera leur pasteur.

« À Miaosheou, nous avons été reçus chez Mine Wang qui fut la première convertie en ce pays. Il y a des années, l'un des directeurs de notre Mission et sa femme, Mr. et Mrs. Gibb, passaient par cet endroit alors que le jour déclinait. Ils décidèrent d'y rester pour la nuit. Mr. Gibb se mit alors à prêcher dans la rue. Mme Wang l'entendit, et elle courut appeler son mari. Tous deux reçurent la Vérité, bien que ce fût la première fois qu'elle leur était prêchée. Ils invitèrent alors Mr. et Mrs. Gibb à passer la nuit chez eux. Plus tard, on demanda à Mme Wang si elle croyait vraiment l'Évangile. À quoi elle répondit : « Et comment s'empêcher de croire, en entendant parler d'un si grand amour ? »

La journée de dimanche fut bonne. Les chrétiens s'étaient rassemblés pour faire la connaissance de leurs nouveaux missionnaires. John et sa jeune femme seraient volontiers restés quelque temps, mais ils avaient encore des villages à visiter avant de retourner à Süancheng. Le voyage dura vingt-quatre jours ; et, pour gagner la partie de la province de Chekiang dont ils étaient aussi chargés, ils durent passer par des chemins difficiles le long des montagnes très escarpées, et par un col très élevé. Laissons la parole à John Stam

« Après Miaosheou, le chemin s'enfonce en plein massif montagneux. Les vallées deviennent de plus en plus étroites, et les cols sont de plus en plus élevés. Le chemin est en grande partie pavé. À midi, il s'est mis à pleuvoir, de sorte que nous avons été la moitié du temps sous d'abondantes averses. Et cependant, c'était toujours beau ; car le chemin suivait les courbes et détours de la montagne, très au-dessus du fond de la vallée où mugissait le torrent. Au-dessus de nous, de petites maisons recouvertes de chaume et, encore plus haut, des champs labourés... Le même soir, nous étions à Chiki, où nous eûmes une bonne réunion.

« Le jour suivant, nous arrivions chez le pasteur Cheng, dans le Chekiang... Il y a dix-huit membres d'église en cet endroit. Cela faisait du bien de les entendre chanter des cantiques sur des airs chinois. L'après-midi, le pasteur avait un service de baptême ; nous avons été heureux de rencontrer son vieux père. »

[Bien des années auparavant, un colporteur avait passé dans la région ; M. Cheng, père, alors instituteur, lui avait acheté l'un des évangiles relié avec les Actes des Apôtres. Il lut avec attention et à plusieurs reprises le petit livre, et la conviction se fit en lui que c'était là un message du vrai Dieu. Lorsque, au bout de quelque temps, le colporteur passa de nouveau, M. Cheng s'empressa de lui demander s'il ne possédait point d'autres livres sur le même sujet. Ses lectures lui avaient fait supposer que ce qu'il possédait n'était qu'une partie d'un livre plus important. À sa requête, le colporteur lui apporta toute la Bible. Quel trésor ! Et ce trésor s'était frayé un chemin dans ces vallées éloignées ! M. Cheng eut à souffrir des persécutions, il eut aussi des exaucements de prière. Et toujours ferme en la foi, son témoignage avait conduit bien d'autres Chinois à Christ].

« Quelle joie de le voir dans les réunions, habillé de son pardessus genre américain, mais avec de larges manches, et avec son si vieux chapeau, également américain, et ses lunettes non cerclées. La tête rejetée en arrière, il chantait de tout son pouvoir. Pourquoi regarder dans un livre ? Il semblait connaître par coeur tous les cantiques. »

C'est au départ de ce village que le voyage devint particulièrement difficile. Le chemin qui monte est presque à pic. Betty le fit à pied. Mais le chemin descendant de l'autre côté de la montagne est encore plus escarpé. D'abord, elle préféra continuer d'aller à pied plutôt que de glisser hors de la chaise à porteurs. Mais, après qu'elle eut fait un peu plus de trois kilomètres, elle se décida à monter en chaise. Voici, à ce propos, quelques lignes de son mari :

« Croyez-moi, j'ai prié. Par endroits, alors que le chemin revient sur lui-même, le premier porteur se trouvait tellement en-dessous, et celui d'arrière tellement au-dessus, que Betty était littéralement suspendue au-dessus de l'abîme. Je marchais presque sur les talons de l'homme d'arrière et, une fois, je jetai ma canne pour soutenir le bâton qui reposait sur son épaule, en m'apercevant que l'homme glissait un peu. J'ai respiré plus librement lorsque nous fûmes enfin au pied de la montagne ! Voyage long et fatigant qui avait duré de 7 h. 30 du matin à 7 h. du soir !... »

Le jour suivant, ils atteignirent la rivière. Là, ils louèrent une barque pour revenir à Süancheng.

« Le bateau était solide ; nous y avons étendu notre literie, de sorte que nous avons pu dormir et lire en toute tranquillité. Parlez de « dernier confort » ! Rien ne pouvait battre le nôtre. La même nuit, nous arrivions à destination.

« Bénissez le Seigneur qui nous a gardés en santé et joyeux pour l'oeuvre qu'il nous donnait à faire. Il est grave de penser que, devant Dieu, nous sommes responsables de l'évangélisation d'un vaste territoire dans la province d'Anwhei, et d'une enclave du Chekiang. Les villages abondent littéralement le long des vallées. Oh ! s'il y avait dans chacune de ces petites agglomérations quelques véritables adorateurs ! »

Ce voyage fut à peu près le dernier voyage missionnaire de la jeune femme. Ensuite, l'espoir de devenir mère l'obligea à la prudence. Voici quelques extraits d'une lettre de sa soeur, aujourd'hui, Mme Mahy :

« Je me souviens très vivement de deux choses, surtout, pendant l'année écoulée : le voyage d'évangélisation de John et Betty dans la région montagneuse. Tous deux en éprouvèrent une joie immense, à cause de l'oeuvre missionnaire elle-même, et parce qu'ils faisaient ce voyage ensemble. Ils furent extraordinairement heureux. Mais papa et maman jugèrent que c'était là une grave imprudence de la part de Betty, et s'en montrèrent préoccupés.

« L'autre grand sujet abordé dans leurs lettres, c'était celui du bébé attendu : leurs espérances, leur préparation en vue du grand événement. Et, durant les mois qui suivirent, je constatai que Betty se préparait plus soigneusement, et avec plus d'amour pour l'enfant espéré que je ne l'ai fait moi-même pour les deux enfants que j'ai eus. Tous deux discutaient les noms possibles et leurs lettres étaient débordantes d'amour pour le bébé espéré... Je crois bien que j'ai dévoré ces lettres avec bien plus d'intérêt encore, que celles qui relataient les voyages missionnaires... »


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