LA VIE DE
JOHN ET DE BETTY STAM
CHAPITRE IX
Soit par la Vie, soit par la Mort
Ce fut dans le superbe hôpital de la
Mission méthodiste à Wouhou,
d'où la vue s'étend au loin sur les
méandres du Yang-tsé-Kiang (ou fleuve
bleu), que naquit - le 11 septembre 1934 - le
bébé si ardemment attendu :
Hélène Priscille. Dès sa
naissance, ce fut un gracieux bébé.
On avait averti le père qu'il ne devait pas
s'attendre à ce qu'un enfant
nouveau-né fût beau ; aussi, dans
sa joyeuse surprise, il écrit :
« Vous devriez voir
notre fille ! C'est le plus délicieux
bébé qu'on puisse imaginer... et,
pour ce qui est de la beauté, elle pourrait
dès maintenant concourir dans une exposition
de bébés... »
Quelques semaines plus tard, la maman
écrivit sa première lettre à
ses beaux-parents, à Paterson. En voici
quelques extraits :
« Bébé
ressemble à John ; presque tout le
monde est de cet avis. Elle a sa bouche et son
menton. Elle a de grands yeux d'un bleu
foncé ; la petite figure a une
expression très douce, et elle est toute
ronde. Bébé a une masse de cheveux
noirs qui se bouclent quand on les mouille. Nous ne
pouvons pas dire qu'elle ne crie jamais ;
cependant, elle dort profondément de 10
heures du soir à 6 heures du matin, et une
bonne partie du temps entre 6 heures du matin et 10
heures du soir. »
Mme Scott, la grand'maman, entreprit le long
voyage de Tsinan à Wouhou pour voir sa
petite-fille, qui, a ce moment, avait trois
semaines ; et elle y demeura jusqu'à ce
que Betty Stam fût complètement
rétablie et assez bien pour s'occuper
elle-même de la petite Hélène.
« Aujourd'hui,
Bébé pèse quatre kilos 200
gr., écrit la jeune maman ; c'est une
vraie joie que de la soigner. Je me demande
toujours si elle n'a pas trop froid on trop chaud,
et je viens souvent vérifier si les pieds et
les mains sont chauds. Elle refuse de laisser ses
bras sous les couvertures. J'ai donc dû lui
mettre un second tricot, que je ferme
derrière au lieu de le fermer devant. Hier
soir, elle a crié si fort, et s'est
tellement démenée, que je crains
qu'elle se soit mise en colère. Dès
l'instant qu'on la prend, elle devient la petite
personne la plus placide, la plus sereine qu'on
puisse imaginer ; il y a alors, dans son
regard, une expression de reproche qui semble
dire : « Pourquoi n'être pas
venu plus tôt ? » Nous aurons
donc à être sévère avec
Bébé ! »
À ce moment, John Stam était
retourné à Tsingteh.
« Je sais qu'il ronge
un peu son frein de n'être pas avec nous,
continue Betty. Mais il a à visiter les
chrétiens, à examiner la situation,
et à profiter des derniers beaux jours pour
l'évangélisation... »
John fut heureux de retrouver les Wang à
Miaosheou. Là, il apprit que la plupart des
récoltes s'étaient
desséchées sur pied, tant la chaleur
avait été grande. Mme Wang le
reçut chez elle avec sa cordialité
habituelle. L'une des premières lettres
écrites par le jeune missionnaire nous fait
pénétrer dans ce foyer. En voici
quelques passages :
« À nouveau,
j'ai été reçue par Mme Wang,
une chère vieille amie, au sujet de laquelle
je vous ai déjà écrit. Son
mari était véritablement un homme de
Dieu. Une ou deux fois par mois
il allait jusqu'à Chiki pour assister aux
services. Comme il y avait une distance de plus de
30 kilomètres, il partait le samedi, restait
toute la journée du dimanche et revenait le
lundi. Et ceci, il le faisait en toutes saisons,
même lorsqu'on plantait le riz, ce qui est le
moment des grands travaux.
« Leur habitation est l'une des
anciennes grandes demeures d'autrefois, lesquelles
n'ont plus qu'une valeur relative puisque, depuis
la révolte des Tai-ping, la population a
été décimée. Quand je
suis chez Mme Wang, je suis vraiment
comblé : la maison est très
propre, et les repas sont excellents. Elle sait ce
qu'aime l'étranger, et ce qui est bon pour
lui ; et elle reste autour de moi pour
m'entourer de ses soins, comme une chère
grand'maman qu'elle est vraiment.
« Après toutes les
querelles du foyer Li, c'est une joie que de voir
ensemble Mme Wang et sa belle-fille. La
manière dont la jeune femme courut, un soir
que le froid tombait, afin de chercher un
châle pour en envelopper sa mère, en
disait long sur l'affection et le respect qui
unissent les deux femmes... J'ai d'heureux
souvenirs des moments que nous avons mis à
part ensemble pour le culte de famille. Comme elles
écoutaient toutes deux, alors que je lisais
avec elles les
psaumes 22, 23, 24, et que nous
étudiions le sujet de la seconde venue du
Seigneur !...
« Non seulement j'ai visité
les membres d'église, mais j'ai pu faire du
bon travail dans les rues de Miaosheou, en
distribuant des traités, en vendant des
évangiles, et en rendant témoignage
au Seigneur. Quel merveilleux évangile que
le nôtre ! »
En quittant Wouhou, John Stam était
accompagné par M. E.-A. Kohfield qui
occupait le poste missionnaire le plus proche de
Tsingteh, vers le sud. Tous deux avaient fait le
projet d'unir leurs efforts, en vue d'une campagne
d'évangélisation dans leurs champs
d'activité respectifs. Ensemble aussi, ils
devaient faire une très sérieuse
enquête sur l'état des récoltes
et sur le danger que créait la
présence de troupes communistes dans la
province limitrophe, et
l'arrivée de forces régulières
pour combattre les « Rouges »,
les déloger des forteresses qu'ils
occupaient, en même temps que protéger
le sud de la province d'Anwhei. La présence
de forts contingents militaires dans un pays
où les récoltes avaient
manqué, et où sévissaient des
conditions de demi-famine, non seulement aggravait
la situation économique, mais encore
constituait une menace de guerre, et créait
une grande agitation dans le pays. Était-il
sage de continuer l'oeuvre missionnaire de ce
côté ? Fallait-il se retirer
momentanément ?
M. Kohfield souhaitait ardemment de
retourner à Tunki pour y continuer son
activité, et il tardait à John Stam
de s'installer à Tsingteh. Cependant M. W.
J. Hanna, le directeur de la « China
Inland Mission » pour l'Anwhei, leur
demandait une enquête sur place avant que
fût prise aucune décision.
« ... Nous sommes
allés ensemble jusqu'à Kinghsien,
écrivit Mr. Kohfield. En quelques endroits,
il y avait eu des troubles ; cependant, rien
n'annonçait une avance des troupes
communistes. De Kinghsien, nous allâmes
jusqu'à Miaosheou, où nous
arrivâmes le 24 octobre. Le 25, nous
étions à Tsingteh, le poste
missionnaire assigné à Mr. et Mrs.
Stam. Là, nous allâmes faire visite au
magistrat du district, Mr. Peng. Ses
premières paroles à Mr. Stam furent
qu'il ne devait pas venir immédiatement
à Tsingteh. Mais, au cours de la
conversation qui suivit, il dit que la paix
régnait dans son district et que Mr. Stam
pouvait y venir avec sa famille. D'ailleurs, en cas
de danger, il les
protégerait. »
Au sujet de cette même entrevue, Mr. Hanna
écrit :
« Dans son rapport, Mr.
Stam m'écrivit qu'il y avait eu des
incursions de brigands et de voleurs dans la
région de Miasheou ; qu'elles
étaient dues à la sécheresse
et au manque de nourriture ; autrement, la
situation ne paraissait pas
troublée. Il relate que
le Magistrat les a avertis qu'il y avait des bandes
de malfaiteurs dans la région.
« Alors, il vaudrait mieux que nous ne
vinssions pas tout de suite ? »
demanda Stam. Le Magistrat répondit par
l'affirmative. Comme Mr. Stam ajoutait qu'il
était effectivement préférable
de ne pas risquer une rencontre avec les
Communistes, Mr. Peng dit
énergiquement : « Oh
non ! non ! Les Communistes ne sont pas
à craindre ici ! De ce
côté, rien à redouter ; et
vous pouvez venir avec votre famille, je garantis
votre sécurité ; et si aucun
trouble survenait vous pourriez venir à mon
Yamen. »
« Quand nous arrivâmes
à Tunki, le 27 octobre, continue Mr.
Kohfield, Mr. Lo, magistrat du district, et l'une
des premières personnes que je rencontrai,
nous informa que tout danger était
écarté, et que nous pouvions revenir
en toute tranquillité... Donc, nous
trouvions, ici et là, la même
assurance de pacification de la province, et des
promesses de protection si cela devenait
nécessaire. »
Stam ne faisait rien à la
légère. Non seulement il était
prudent, mais c'était un homme de
prière. De plus, il avait maintenant
à penser, non seulement à l'oeuvre
missionnaire, niais aussi à sa jeune femme
qui lui était très chère, et
à son bébé. Ce ne fut donc pas
sans un sérieux examen de la situation,
qu'il écrivit dans le même sens que M.
Kohfield ; c'est-à-dire qu'il ne voyait
pas de raisons suffisantes pour ne point reprendre
l'oeuvre missionnaire dans le sud de la province
d'Anwhei. Cette décision semblait
raisonnable à M. Hanna ; cependant, il
se réserva de faire une enquête
personnelle sur place. Et c'est après avoir
fait celle-ci qu'il écrivit :
« Concernant l'oeuvre
missionnaire en Chine, il est tout
particulièrement vrai de dire que
« celui qui observe le vent ne
sèmera point, et celui qui regarde les
nuées ne moissonnera point ». Tout
ce vaste pays vit dans une période de
transition profonde et d'inquiétude. Si nous
attendons pour aller de l'avant que tout soit
paisible, comment cette
génération qui
souffre entendra-t-elle parler de
l'Évangile ? Nous tenons notre mandat
de Celui qui a donné sa vie pour nous :
« Toute puissance m'est donnée
dans le ciel et sur la terre. Allez donc, et
instruisez toutes les nations, les baptisant au nom
du Père, du Fils et du
Saint-Esprit... » Les paroles d'un grand
général nous font voir les choses
sous leur vrai jour : « Regardez
votre ordre de marche, disait-il, qu'y
lisez-vous ?... »
Et ce fut avec joie que M. Stam et sa jeune
femme apprirent qu'ils pouvaient aller de l'avant.
À sa famille, John écrit :
« Je sais que vous
prierez tout particulièrement pour nous
quand nous irons à Tsingteh. En plusieurs
choses, le Seigneur nous a déjà si
merveilleusement exaucés ! Nous avons
trouvé un cuisinier qui promet, et la petite
femme qui n'a qu'un oeil devient une aide splendide
pour Betty. Elle est capable et agréable.
Elle vient d'apporter des chaussons bien joliment
brodés pour Bébé. Je voudrais
pouvoir vous les montrer.
« Demandez à Dieu qu'il
prépare le terrain à Tsingteh pour
que celui-ci reçoive la semence ;
demandez aussi que nous sachions saisir toutes les
occasions pour Dieu, et que nous soyons remplis de
hardiesse. Priez pour Mr. Lo, qui doit se rendre
à Miaosheou. Sa femme tremble, parait-il,
à l'idée d'y aller. Priez pour eux et
pour nous, afin que nous fassions
l'expérience que cette promesse est
véritable : « Dieu ne nous a
pas donné un esprit de crainte, mais un
esprit de puissance, d'amour et de
prudence. »
(II Tim. 1 :7). Que Dieu soit
béni pour le merveilleux Évangile
qu'il nous donne à annoncer. Continuez de
prier pour nous. Lors du voyage missionnaire que
nous avons fait, Kohfield et moi, nous avons
souvent remarqué combien le Seigneur prenait
soin de nous, en faisant concourir toutes choses
à notre bien... »
Signalons ici un tout petit fait, mais qui
révèle « la
fidélité dans le coeur » de
John et Betty Stam, pour
employer l'expression du
psalmiste
(Psaume 51 : 8). Ils n'en
parlèrent à personne, mais la chose
nous fut révélée par la
lecture du journal de la jeune femme, où
nous trouvons les lignes suivantes :
« John et moi, nous
avons brûlé pour 37 dollars 50 de
timbres chinois pour rendre ce dont nous avions
volé la poste chinoise (à notre
insu), en insérant d'autres lettres pour
l'Amérique avec timbres américains,
dans celles que nous envoyions à nos
parents. »
Cette manière de faire était
naturellement moins coûteuse. Mais,
découvrant que ceci était interdit
par les règlements postaux en Chine, ils
décidèrent de réparer dans la
mesure du possible, en brûlant la somme
équivalente en timbres-poste. Une paille
suffit pour montrer dans quel sens va le
courant ; ce petit acte de réparation
est éloquent, parce qu'il manifeste la
volonté d'agir droitement et en toute bonne
conscience, devant Dieu et devant les hommes,
jusque dans les plus petits détails. Cela se
passait avant leur départ de Wouhou.
Au cours du voyage de Tsingteh, M. et
Mme Stam s'arrêtèrent à
Süancheng où ils eurent la joie de
présenter la petite Hélène
à leurs amis. À cette occasion, John
écrivit :
« Nous voici donc de
nouveau ici, et nous en sommes extrêmement
heureux. Toutes nos affaires sont maintenant
empaquetées et prêtes à
être transportées par brouette
jusqu'à Tsingteh, à quelque 70 milles
d'ici (116 kilomètres environ).
« En ce moment, il y a des cours
bibliques à Süancheng, et le Seigneur
les bénit. J'ai été fort
intéressé par quelques-unes des
séances présidées par des
Chinois. Mlle Jeanne Yao a été
excellente sur le sujet du Tabernacle ; Mlle
Kieng a donné de bonnes leçons sur
l'épître aux
Hébreux... »
Comme ce séjour à Süancheng
fut le dernier pour M. et Mme Stam, nous donnerons
ici une lettre de Mme Birch qui contient quelques
détails intéressants, et qui montre
la place que Betty et John avaient dans leur
coeur :
« Chers Betty et
John ! Quels excellents souvenirs ils nous
laissent. Nous bénissons Dieu chaque fois
que nous parlons d'eux. Leurs coeurs étaient
débordants de l'amour du Seigneur, et leurs
vies resplendissaient de sa Présence. Ce fut
un privilège pour nous que de les avoir
quelques mois avec nous !
« Betty était si douce, et
toujours heureuse. Quel délicieux
caractère ! Il n'est pas
étonnant que John l'ait aimée. Notre
petit David, qui a deux ans, s'est tout de suite
attaché à elle. Tante Betty
réalisait son idéal. Si elle
n'était pas là il voulait toujours
savoir où elle était. Tout ce qui
l'intéressait, il le lui disait. Maintenant,
il sait que sa chère tante Betty et l'oncle
John sont au ciel, avec le Seigneur Jésus,
et que là-haut ils jouissent d'un bonheur
parfait. Mais quand nous le lui dîmes, il
demanda que le Seigneur Jésus vint le
prendre pour le mener aussi au ciel. Il a
maintenant reporté son amour sur la petite
Hélène Priscille.
« Avec les Chinois, Betty
était charmante. Comme elle n'était
pas très forte, elle ne sortait pas
beaucoup ; mais quand des femmes ou des jeunes
filles venaient la voir, elles étaient
certaines d'être les très bienvenues.
Elles aimaient Betty et demandèrent souvent
de ses nouvelles, après qu'elle eût
quitté Süacheng.
« Quant à John,
c'était l'un des chrétiens les plus
accomplis que j'aie rencontrés. Quel
privilège que de l'avoir eu ici, et d'avoir
travaillé avec lui ! Les Chinois
l'aimaient très particulièrement.
Tous, jeunes et vieux, chrétiens et
païens l'aimaient. Et les chrétiens se
disaient qu'il allait devenir un missionnaire
idéal : d'abord parce que son coeur
débordait d'amour pour Christ ;
ensuite, parce qu'il aimait les Chinois. Il
s'intéressait à leur besogne
quotidienne et était prêt à
leur donner un coup de main. Les Chinois avaient
l'impression que John avait toujours le temps, et
qu'il désirait les voir.
Enfin, le jeune homme était fidèle
dans la prédication de l'Évangile, et
il aidait les chrétiens quand il le
pouvait.
« Leur dernière visite dura
neuf jours. Les cours bibliques n'étaient
pas achevés quand ils arrivèrent
à Süacheng ; et tous les
chrétiens venus de la campagne et de la
ville furent très heureux de les revoir.
Très fier, John porta Hélène
Priscille jusqu'à la chapelle pour la
montrer à ses amis chinois.
« Au cours de la journée de
dimanche que les jeunes parents passèrent
avec nous, nous eûmes un service chinois
présidé par le Révérend
H.-A. Weller, de Anking, où la petite
Hélène et notre bébé
John furent consacrés au Seigneur... John
Stam portait lui-même la petite
Hélène, et il la remit à Mr.
Weller qui la prit dans ses bras. Ensuite, Mr.
Weller la donna à sa mère. La
fillette fut très sage, et elle semblait si
délicieuse sous son petit bonnet rose.
« Nous avons été
très heureux d'avoir encore quelques jours
avec Betty. Elle faisait une petite maman
très pratique ; j'aimais la regarder
s'occuper de Bébé
Hélène. Chère, chère
Betty ! Elle était absolument aimable,
gentille, douce, de l'or passé au
creuset... »
À propos de ce service, John
lui-même écrit :
« Ce fut un moment
très impressionnant et très
béni. Les deux bébés se sont
très bien comportés. Notre petite
Hélène semblait tout heureuse, une
fois réveillée. Dans sa
prière. Mr. Weller demanda à Dieu que
notre chère Bébé, comme la
Priscille de l'apôtre Paul, grandît
pour être une aide dans l'Eglise, et pour le
service des saints. Son nom chinois est Ai-lien, ce
qui signifie « LIEN
D'AMOUR ».
Après cela, il n'y a plus beaucoup de
lettres. De Tsingteh, John écrit encore
à M. Gibb :
« Nous sommes heureux
d'être ici, et nous en bénissons Dieu.
Le district semble calme maintenant, bien qu'on
parle encore de voleurs de riz dans la campagne.
Pour ce qui est de l'oeuvre, nous demandons
à Dieu qu'il nous aide à construire
sagement et fidèlement. Il est certain que
nous avons à commencer comme tout à
nouveau... »
M. et Mme Stam vivaient dans l'une de ces
spacieuses demeures chinoises adaptée aux
besoins d'une famille missionnaire. Le cuisinier et
la servante étaient de fidèles amis,
et après qu'on eut fait installer quelques
poêles, ils souffrirent moins de l'hiver et
du froid.
C'est à la fin de novembre qu'ils
étaient arrivés à
Tsingteh : et comme ils n'avaient
emporté que peu de chose avec eux,
l'installation n'avait pas pris beaucoup de temps.
Quelle joie de se trouver enfin chez soi, en un
endroit où ils pouvaient rendre
témoignage au Seigneur ; en un district
où ce témoignage était
tellement nécessaire !
Alors que Betty était encore au
collège et jeune étudiante, elle
avait écrit à l'un de ses
frères les ligues suivantes :
« Personne ne peut
forcer une âme, qu'elle soit païenne ou
chrétienne de nom, à se donner
à Christ. Tout ce que les disciples de
Jésus peuvent faire, c'est d'élever
Christ aux yeux du monde, de Le porter dans les
recoins et les endroits
enténébrés d'ici-bas où
Il est ignoré, de Le présenter aux
étrangers, de parler de Lui à tous,
et de vivre si près de Lui et en Lui que les
autres puissent voir que Jésus est, puisque
des êtres humains prouvent son existence en
étant comme Lui, parce que c'est Sa Vie qui
se manifeste par eux.
« C'est tout ce que Jésus
demande que nous fassions pour Lui. Lui-Même
fait le reste. »
« Jésus n'est pas
mort ; Il vit toujours ici-bas et dans le
ciel ; Il peut toujours parler aux siens, et
Il est encore plus puissant et plus parfait qu'aux
jours de Son pèlerinage terrestre. Il veille
encore au salut des hommes et Il agit en faveur du
monde pour le sauver. Seulement, Il ne peut entrer
en relation avec un être humain sans que
celui-ci le Lui demande. Et qui n'a pas entendu
parler de Lui ne peut Le prier d'entrer. C'est ici
que se place notre devoir de conduire les
étrangers à Christ, bien que, pour le
Seigneur, personne ne soit étranger ;
car Il connaît et Il aime tous les
humains. »
Conduire à Christ ceux qui ne le
connaissent pas encore ; vivre Christ,
tellement que les autres ne puissent faire
autrement que de voir Jésus dans la vie du
disciple ; telle était toujours
l'ambition de la jeune femme, ambition qui n'avait
fait que croître avec les années.
Quelques jours après que, - prisonniers des
Communistes, - ils eurent quitté leur foyer
de Tsingteh, on trouva dans l'une des chambres un
feuillet qui avait été
piétiné, et sur lequel se trouvaient
quelques vers de la jeune femme, vers signés
de son nom de jeune fille
- Ouvre mes yeux, pour que je voie
- Ces âmes muettes, sans joie,
- Qui n'espèrent point de salut,
- Ces morts pour qui Jésus
mourut !
Ouvre mes yeux ! Que je
comprenne
- La misère de l'âme
humaine !
- De sagesse et d'amour, Seigneur,
- Remplis mon esprit et mon
coeur !
Ouvre mes yeux ! Que je proclame
- En ce jour à quelque pauvre
âme,
- Ton grand amour ! Faible est ma
foi,
- Mais, ô Sauveur, sers-toi de
moi !
La fin approchait rapidement. Inattendue, et
cependant préparée par Dieu.
Le dernier jour de leur vie dans
l'heureux foyer de Tsingteh, le 5 décembre,
John écrivait à des amis de Paterson
« Les choses se passent
toujours autrement qu'on se l'imagine... Que le
Seigneur nous aide à être toujours
contents, quoi que ce soit qu'Il envoie sur notre
route, aujourd'hui. Que notre désir
d'étudier ou de travailler se réalise
ou non, qu'Il nous aide à être
contents de ce qu'Il décidera, aujourd'hui.
« Parlez d'être
« exposés en
spectacle ! »
(I Cor. 4 : 9), La traduction
chinoise (elle est exacte et fidèle à
l'original » suggère l'idée
que nous sommes faits pour être
exposés en spectacle - comme les acteurs
d'un théâtre - qu'on vient pour voir
et entendre. Si jamais vous partez pour la Mission
en pays étranger, vous saurez ce que cela
veut dire. Tout ce dont vous vous habillez et tout
ce que vous mangez, tout ce que vous faites et
dites, tout est examiné de très
près, et longuement commenté. Aussi
avons-nous très particulièrement
besoin d'être soutenus par la prière,
afin que Dieu nous aide à briller pour lui,
constamment. »
Quelque temps auparavant, John avait
écrit pour le numéro de Pâques
de la Revue que rédigent les
étudiants de Anking, une courte
méditation sur un texte qui occupait souvent
sa pensée : « En
vérité, en vérité, je
vous le dis : si le grain de froment ne meurt
après qu'on l'a jeté dans la terre,
il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte
beaucoup de fruit. »
(Jean 12 : 24-28). Après
quelques données historiques au sujet du
texte, il arrive à la grande parole du
Seigneur : « Maintenant, mon
âme est troublée ; et que
dirai-je ? Mon Père !
délivre-moi de cette heure mais c'est pour
cela que je suis venu à cette heure.
Père glorifie ton nom. » Le jeune
missionnaire s'était senti soutenu et
fortifié par ces paroles :
« C'est pour cela que je suis
Venu. » Voici un extrait de cet
article :
« Il est bon de se
souvenir que, dans nos vies, Dieu dirige toutes
choses ; et ceci est si merveilleusement vrai
que nous pouvons être arrêtés
à tout moment ; que nous soyons dans la
souffrance ou dans la joie, que nous traversions
une période d'activité intense ou que
nous jouissions d'un temps de repos et de
détente à quelque moment que ce soit,
nous pouvons avoir à dire « C'est
pour cela que je suis venu jusqu'à cette
heure. » Tout le passé : dans
la société, l'église, la
famille ; toute notre éducation, que
nous en ayons conscience ou non,
tout nous a préparés pour les
circonstances présentes, afin qu'en toutes
choses son Nom soit glorifié. Cette
pensée fait que nous abordons notre champ
d'activité, libres de toute crainte, sans
appréhension, sans nervosité, dans la
pleine assurance que celui qui se sert d'un
« vermisseau pour fouler les
montagnes » peut aussi se servir de nous.
« C'est pour cela que je suis venu
jusqu'à cette heure ; Père
glorifie ton Nom ! »
Les deux jeunes missionnaires n'étaient
donc pas sans une certaine préparation
intérieure lorsque survinrent les
événements qu'il reste à
relater :
Le 6 décembre, l'armée des
Rouges avait envahi Tsingteh. Traversant la
région montagneuse par des chemins peu
fréquentés, elle avait
contourné l'armée gouvernementale
à cent kilomètres au sud. Presque
sans avoir été signalée,
l'avant-garde avait escaladé les remparts et
ouvert les portes de la ville.
C'était le matin. À la
maison missionnaire, Mme Stam baignait la petit
Hélène, quand arriva un messager
annonçant le danger. Un deuxième et
un troisième messagers le suivirent
rapidement. Après une courte et inutile
résistance, le chef de district
s'était enfui. En hâte, les
missionnaires se procurèrent des chaises et
des porteurs ; mais avant qu'ils eussent pu
s'en servir, la fusillade éclatait dans les
rues ; le massacre et le pillage de la ville
avaient commencé.
Alors, John et Betty, et leurs
fidèles domestiques s'agenouillèrent
pour prier. Ils restaient parfaitement calmes. Et
quand les Rouges arrivèrent, hurlant, et
heurtant violemment la porte, ils ouvrirent avec
courtoisie. John parlementa avec les chefs,
essayant de satisfaire leurs demandes d'argent et
d'objets divers, Betty servit le thé et des
gâteaux. Mais la courtoisie fut aussi inutile
que l'eût
été la résistance. John fut
chargé de liens et emmené au quartier
général de l'armée communiste.
Peu de temps après, les Rouges revinrent
pour prendre aussi Betty et le bébé.
Le cuisinier et l'aide demandèrent à
les suivre. Mis en joue par les soldats, ils durent
y renoncer. « Il vaut mieux que vous
restiez, leur dit tout bas la jeune femme. Si
quelque chose nous arrivait, vous vous occuperiez
de bébé. »
Pendant les heures terribles qui
suivirent, les jeunes missionnaires ne
manifestèrent aucune crainte. Tous les
témoins oculaires de la scène sont
d'accord pour affirmer que l'un et l'autre
dominèrent la situation. Quand on permit
à John de rentrer chez lui,
accompagné d'une escorte, pour chercher des
vêtements et de la nourriture pour le
bébé, il eut la force de
réconforter les domestiques qui
étaient restés dans sa demeure
pillée.
« N'ayez pas peur,
dit-il à la servante qui lui racontait en
pleurant qu'on avait tout enlevé, c'est Dieu
qui règne, les petites choses n'ont pas
d'importance : notre Père
céleste sait ce qui en est. Allez passer la
nuit chez Mme Li, et le cuisinier prendra soin de
vous. »
Le même jour, au milieu du carnage et des
horreurs perpétrés par les
communistes, John trouvait le moyen d'écrire
cette lettre courte, mais
révélatrice :
« Tsingteh,
6 décembre 1934,
« à la « China
Inland Mission », Shanghaï.
« CHERS FRÈRES,
« Ma femme, Bébé et
moi, nous sommes entre les mains des communistes
dans la ville de Tsingteh. Ils demandent 20.000
dollars pour nous relâcher.
« Tout ce que nous
possédons, toutes nos provisions, ont
été prises par eux ; mais nous
bénissons Dieu pour la paix
dont Il remplit nos coeurs, et
pour un repas, ce soir. Que Dieu vous donne toute
sagesse en cette affaire, et à nous la
force, le courage et la paix du coeur. Il peut
toutes choses ; Il est un merveilleux Ami, en
ce temps d'épreuve.
« Les choses survinrent si
rapidement ce matin ! Ils étaient dans
la ville quelques heures après que la rumeur
persistante de leur approche était devenue
vraiment alarmante, de sorte que nous n'avons pu
être prêts au départ en temps
utile. Il était trop tard.
« Que le Seigneur vous
bénisse et vous guide, et, pour nous, que
Dieu nous aide à le glorifier, soit par la
vie, soit par la mort.
« En Lui,
« John C. STAM. »
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