Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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LA VIE DE JOHN ET DE BETTY STAM





CHAPITRE X

« Un Nard très précieux »

Les deux mille Communistes entrés dans la ville reçurent promptement des renforts ; une armée de six mille Rouges s'étendit sur Tsingteh et la contrée, comme un vol de sauterelles, dévorant tout ce qui se trouvait encore dans le pays. Ceci était un moindre mal. Mais lorsque les troupes quittèrent Tsingteh, le lendemain, elles laissèrent derrière elles un grand nombre de morts, et emmenèrent des captifs. L'armée prit la direction de Miaosheou, la petite ville située à quelque vingt kilomètres de distance dans les montagnes.

Sur cette route qu'il connaissait bien, John avançait maintenant comme prisonnier, portant son cher bébé qui n'avait pas encore trois mois ! Betty fit une partie du chemin à cheval. Tous deux souriaient aux rares passants rencontrés. Probablement, ils songeaient aux chrétiens de Miaosheou et redoutaient pour eux les cruautés et les exactions de l'armée victorieuse dans le paisible village.

C'était miracle que la petite Hélène Priscille fût encore en vie. Avant de quitter Tsingteh, il avait été question de la tuer, « ce qui simplifierait les choses », disaient les chefs. Ce fut ici la plus cruelle torture des parents, d'entendre les Communistes discuter du sort de l'enfant devant eux. La mort était décidée, lorsqu'une protestation jaillit. C'était l'un des spectateurs qui, se mettant en avant, osait dire que le bébé, lui, n'avait rien fait qui fût digne de mort.
Qui était cet homme ? D'où venait-il ? Il sortait de la prison. Lorsqu'ils avaient pillé Tsingteh, les Communistes avaient relâché ce prisonnier, qui maintenant plaidait pour l'enfant.
« Eh bien ! Ce sera ta vie pour la sienne, lui fut-il répondu.
- Je veux bien », répondit le fermier ; et il fut tué sur-le-champ.

Ainsi fut sauvé, une première fois, le cher trésor, que son père, prisonnier, porta jusqu'à Miaosheou.

Lorsqu'ils arrivèrent dans la petite ville, les jeunes missionnaires pensèrent probablement à leurs amis Wang, et à leurs précédentes visites en cet endroit. Maintenant, partout, la terreur et la panique ; ceux qui ont pu fuir à la montagne l'ont fait, avant que ne commencent pillage et carnage. M. et Mme Stam furent conduits à la maison de la poste où ils furent laissés sous bonne garde, reconnaissants de n'être pas les témoins de ce qui se passait au dehors.
Quand le receveur des postes eut reconnu les prisonniers, il leur demanda : « Où allez-vous ?
- Nous ne savons pas où ils vont, répondit John Stam. Mais nous, nous allons au ciel. »

Alors, leur hôte leur offrit des fruits. La jeune maman en prit quelques-uns, songeant qu'elle avait son bébé à nourrir. Mais John Stam voulut profiter de cet instant pour écrire de nouveau à Shanghaï puis il remit sa lettre au receveur. En voici la teneur

« Miaoshéou, 7 décembre 1934,

« China Inland Mission,

« CHERS FRÈRES,

« Nous sommes ici, prisonniers des Communistes, qui nous ont arrêtés, hier, à Tsingteh, quand ils ont pris la ville. J'ai essayé de les persuader de laisser ma femme et Bébé aller jusqu'à Shanghaï, porteurs d'une lettre à vous adressée, mais ils ont refusé. Aujourd'hui, ils nous ont amenés ici, ma femme a fait une partie de la route à cheval.

« Ils exigent 20.000 dollars pour notre rançon ; mais nous leur avons dit que nous étions certains que cette somme ne serait pas payée. Le fonds de secours pour la famine, notre argent personnel, nos effets, tout est entre leurs mains.

« Que Dieu vous donne la sagesse pour la décision à prendre, et qu'Il nous donne sa grâce, et la force suffisante. Il le peut.
« À vous en Lui,
« John C. STAM »

Pas un mot de pitié pour soi-même, ou de frayeur. Aucun signe de défaillance, Celui qui les avait envoyés était avec eux. Ils étaient forts du paisible courage de Celui qui a dit : « C'est pour cela que je suis venu à cette heure ! Père, glorifie ton Nom. »

PEUR DE QUOI ? (1)
Peur de quoi ? De sentir mon âme libérée ?
De posséder la paix d'éternelle durée,
L'ineffable repos promis dans l'au-delà ?
Peur de cela ?

Peur de quoi ? De te voir, ô Sauveur, face à face ?
De voir s'illuminer des rayons de ta grâce
La plaie ouverte d'où, pour moi, ton sang coula ?
Peur de cela ?

Peur de quoi ? De subir un coup mortel, peut-être ?
D'avoir le coeur percé, comme le fut, bon Maître,
Ton coeur, au jour sinistre où le ciel se voila ?
Peur de cela ?

Peur de quoi ? Que mon sang arrose un sol stérile,
Et que ma mort, ainsi, plus que ma vie, utile,
Transforme en coeurs de chair les pierres que voilà ?
Peur de cela ?

« ... Arroser de sang un sol stérile, pour que la mort, plus utile que la vie, transforme en coeurs de chair les pierres... » Certes, c'était là l'unique ambition, la grande ambition, des jeunes missionnaires : gagner à Christ bien des âmes précieuses, une riche moisson d'âmes pour Christ, au sud de la province d'Anwhei, soit par leur vie, soit par leur mort...

Quand les Communistes eurent accompli leur oeuvre de mort et de ruine à Miaosheou, ils s'occupèrent des prisonniers qu'ils avaient amenés de Tsingteh. M. et Mme Stam et bébé furent conduits dans la maison d'un homme riche qui s'était enfui. On les mit dans une chambre donnant sur la cour intérieure où ils furent laissés sous bonne garde. John Stam avait été attaché avec des cordes à la colonne d'un lit très lourd. Il semble que Betty soit restée libre et qu'on lui ait accordé la faculté de s'occuper du bébé.

Qu'elles durent leur sembler longues les heures de cette nuit d'hiver ! Tous trois prisonniers, et, pour John, l'impossibilité de faire un mouvement !

Oui, je me tiendrai là, mon Dieu
Mais la brume obscurcit ma vue
De tous côtés, jusqu'à la nue,
Une roche rugueuse et nue
M'emprisonne en ce lieu...

Oui, je me tiendrai là, Seigneur !
Tu m'as dit : « Ce roc, c'est... moi-même,
Moi, qui te protège et qui t'aime ! »
En t'adorant, Amour suprême,
Je chante de bonheur !

Que se passa-t-il entre John et Betty au cours de cette nuit tragique ? Quelles craintes ont pu assaillir leurs jeunes coeurs (2). Le silence plane sur ces instants sacrés passés avec Celui qui, par amour pour nous, resta pendu au bois pendant les longues heures ténébreuses de Golgotha. En tout cas, Dieu qui n'est jamais plus près de nous qu'au moment où nous avons besoin de Lui, fortifia Ses enfants dans leur épreuve. Betty ne fut pas submergée par la tristesse ; mais elle trouva la force de s'occuper de l'avenir de la petite orpheline qu'ils allaient laisser derrière eux, toute seule au milieu des dangers. L'enfant survivrait-elle ! Et si la vie lui était laissée, qu'adviendrait-il ? Mais ils avaient consacré à Dieu leur enfant. Ne prendrait-Il pas soin d'elle ? Pourrait-Il l'oublier ?

Jamais la chère petite Hélène ne sembla plus précieuse aux parents, que durant les dernières minutes qu'ils purent la contempler. Au matin, leur mort était décidée. Les témoins de cette tragédie furent étonnés par le calme extraordinaire des deux missionnaires, alors que leurs ennemis faisaient leur possible pour rendre plus pénibles leurs derniers moments. Pas un instant de faiblesse ! À cette heure des ténèbres, alors que se déchaînaient les forces de l'enfer, John et Betty Stam triomphèrent moralement et spirituellement. On a enlevé leurs vêtements de dessus, on les a liés étroitement de cordes qui les blessent, les mains sont attachées derrière le dos ; John est pieds nus ; il a donné ses chaussons à Betty. Dans la rue, maintenant, où John était connu de bien des gens, leurs persécuteurs crient, couvrent de ridicule les missionnaires, et convient le peuple à venir voir l'exécution.

Comme leur Maître, ils furent conduits sur une petite colline en dehors de la ville. Là, dans un bois de pins, les Communistes haranguèrent les spectateurs venus par ordre, tous trop terrifiés pour oser protester. Tous ? - Non ! Un homme sort des rangs, un chrétien, le docteur de l'endroit. Il se jette à genoux, et, exprimant les sentiments de plusieurs, il supplia qu'on épargnât la vie de ses amis. Les Rouges le repoussèrent rageusement ; mais comme il revenait à la charge, on l'arrêta, et on l'emmena comme prisonnier. Il fut mis à mort quand on découvrit qu'il était, lui aussi, un disciple de Christ.

John Stam, comprenant que la vie du docteur était menacée, du fait que celui-ci avait plaidé en leur faveur, se tourna vers le chef, demandant qu'on le laissât libre. La réponse fut un ordre : À genoux ! Aussitôt le coup de mort fut donné. La joie qui illumina la figure de Stam et qui y demeura longtemps après l'exécution, révéla l'invisible Présence qui le soutint en cet instant tragique. On vit la jeune femme du martyr trembler. Ce ne fut qu'un instant. Toute liée qu'elle était, elle tomba à genoux à ses côtés... Un commandement, l'éclair d'une épée qu'elle ne vit pas... Et tous deux étaient réunis dans l'Au-delà.

« NOUS AIMONS MIEUX QUITTER CE CORPS POUR ÊTRE AVEC LE SEIGNEUR. »
« GRÂCES SOIENT RENDUES À DIEU 
QUI NOUS DONNE TOUJOURS LA VICTOIRE PAR NOTRE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. »
« ILS MARCHERONT AVEC MOI EN VÊTEMENTS BLANCS PARCE QU'ILS EN SONT DIGNES. »

De nouveau, la nuit s'étendait sur la terre. À Miaosheou, derrière les portes fermées, on parlait à voix basse des événements tragiques de la matinée. Dans une immense demeure, un tout petit bébé pleurait et dormait seul. Toute la nuit, Hélène Priscille fut laissée absolument seule, comme aussi tout le long du jour précédent. Et le lendemain encore, personne n'osait s'approcher de la maison qui avait servi de prison aux parents. Sur la colline, ceux qui l'avaient tellement aimée, reposaient dans la mort. Pouvait-il y avoir une autre petite vie plus abandonnée, une situation plus désespérée ? L'enfant allait-elle mourir de privation et d'abandon ?

Les Rouges campaient à une lieue seulement de Miaosheou et ils pouvaient revenir à tout instant ; quant à leurs espions, ils étaient partout ! Leur présence épouvantait les habitants. Mais « les anges eux-mêmes prirent soin du bébé », comme le dit plus tard, en pleurant, la « femme de la Bible » de Tsinan.

Dans les collines à l'entour, tous ceux qui avaient pu fuir à temps s'étaient réfugiés, souffrant du froid et de la faim. Parmi les fugitifs se trouvaient le pasteur Lo et sa femme qui eussent dû arriver depuis plusieurs semaines déjà à Miaosheou. Diverses causes les avaient retardés, de sorte qu'ils n'arrivèrent dans la ville que quelques heures avant qu'elle fût prise et pillée. S'ils étaient venus plus tôt et avaient déjà été installés dans la maison de la Mission, ils eussent peut-être été tués. S'ils étaient venus plus tard, rencontrant des fugitifs sur la route, ils ne seraient peut-être pas allés jusqu'à la ville. Or, ils étaient arrivés de la veille seulement, et ils habitaient chez Mme Wang quand l'approche des Rouges fut signalée. Les jeunes femmes s'enfuirent aussitôt à la montagne. Mais l'évangéliste Lo, et le fils de Mme Wang restèrent, pour voir ce qui allait se passer.

Au matin, l'avant-garde des Rouges arrivait ; les Communistes essayaient de mettre la main sur les principaux habitants de la petite ville, pour les emmener comme prisonniers. Quelqu'un désigna M. Wang et l'évangéliste. Le premier s'enfuit aussitôt, courant pour sauver sa vie. Lo demeura, et fut fait prisonnier. Mais Chang, le pharmacien, le reconnut, et dit aux Rouges - « Cet homme n'est pas d'ici ; c'est un étranger ; il s'occupe des malades comme moi, et il donne des traités. Il est arrivé hier soir. »

Ne sachant pas que les traités en question étaient des publications chrétiennes, les Communistes relâchèrent M. Lo. Étonné qu'on l'eût laissé libre, M. Lo se retira ; et dès qu'il le put, il rejoignit les fugitifs sur la montagne. Durant deux jours et deux nuits, les réfugiés souffrirent du froid et de la faim, redoutant d'allumer du feu, ce qui aurait pu les trahir. Il y avait heureusement des châtaignes sauvages, ce qui constitua leur nourriture ; et un homme qui avait emporté sa faucille coupa assez d'herbe pour qu'on pût s'en servir de couverture la nuit, et se préserver du froid autant que faire se pouvait.

Le second jour, il y eut dans le camp une rumeur persistante qui inquiéta l'évangéliste : on disait que les Rouges avaient emmené un prisonnier de Tsingteh, un étranger. Était-ce le prêtre catholique ? Les missionnaires que M. Lo était venu pour seconder, avaient sans doute été prévenus en temps utile, et ils avaient probablement quitté leur maison avant l'arrivée des Rouges ?

Mais les derniers arrivés assuraient qu'il y avait eu deux prisonniers étrangers : un homme et sa femme ; et tous deux avaient été mis à mort publiquement. On donnait des détails déchirants ; et, tout angoissé, Lo résolut de se renseigner exactement sur ce qui s'était passé. Il descendit à la ville. C'était un dimanche matin, le 9 décembre. De l'endroit où campaient les fugitifs, ils avaient assisté à un combat entre les troupes gouvernementales et les Rouges, au fond de la vallée, bataille peu sérieuse qui, cependant, avait fait sortir les Communistes de Miaosheou. Les Wang, Mme Lo et son enfant, quittèrent, à leur tour, leur refuge. L'enfant de Mme Lo avait pris froid, et était tombé gravement malade.

Le silence pesait sur la petite ville. Peu de gens osaient sortir. Même ceux-là ne parlaient pas. On n'osait le faire, de peur des Communistes, car leurs espions étaient encore là. Alors qu'il laissait la rue principale pour faire des recherches sur la colline, une vieille femme murmura près de M. Lo : « Il y a un bébé, un bébé étranger qui vit encore. » Pressée d'en dire plus, elle indiqua, à la dérobée, une maison vide. Se demandant ce qu'il trouverait, Lo y entra. Dans les chambres, des traces de brigandage révélaient le passage des Rouges. Mais personne ! Il semblait qu'il n'y avait plus une âme vivante en cet endroit. La maison était silencieuse, mystérieuse, et semblait déserte. Mais qu'était-ce que cela ? Il sembla au pasteur Lo qu'il venait d'entendre quelque chose, comme un faible cri. Il se hâta, et arriva enfin dans la chambre intérieure. Le bébé ! Alors il prit dans ses bras la petite Hélène, seule depuis près de trente heures !

Elle reposait sur le lit, telle que sa mère l'y avait placée avec amour. Hélène Priscille était dans son petit sac de couchage bien fermé avec des attaches spéciales, de sorte que le corps était resté chaud, et elle ne semblait pas avoir autrement souffert du jeûne prolongé. Emportant le bébé, Lo partit pour la colline ; car la tâche la plus douloureuse était encore devant lui.

La découverte des deux jeunes missionnaires assassinés fut pour lui un coup terrible. À leur vue, son coeur s'emplit de douleur et d'horreur. « Une tragédie indicible » ! écrivit-il. Cependant, il fallait agir, et promptement, car les Rouges pouvaient revenir à tout instant.

Après avoir confié la petite Hélène à sa femme, et s'être procuré deux cercueils avec l'aide de Mme Wang et de son fils, Lo retourna sur la colline de l'Aigle, où quelques personnes d'abord, puis d'autres, et d'autres encore, osaient maintenant s'aventurer. Les corps furent enveloppés de cotonnade blanche, la seule chose qu'on pût se procurer, et placés dans les cercueils...

« Il n'y eut que douleur et regrets lorsqu'on apprit la mort de ces missionnaires d'élite, écrivit plus tard Mr. Birch. Dans la foule de ceux qui étaient là, sur la colline, quelques-uns parmi les assistants, osèrent maudire les Rouges, à cause de leur crime. Quand ils eurent fait tout ce qu'ils pouvaient, les trois chrétiens s'inclinèrent pour prier. Puis, dominant sa peine, Lo s'adressa aux assistants et leur dit :

« Vous avez vu ces corps meurtris ; et dans vos coeurs il y a de la compassion pour les souffrances et pour la mort des martyrs. Il faut que vous sachiez QU'ILS sont enfants de Dieu. Leurs esprits n'ont pas été atteints ; et en ce moment, ils sont en la présence de leur Père céleste. C'est pour vous qu'ils sont venus en Chine et à Miaosheou, pas pour eux ; c'est pour vous annoncer le grand Amour de Dieu afin que vous croyiez en Jésus-Christ, et que vous soyez sauvés pour l'éternité. Vous avez entendu leur message. Souvenez-vous qu'il est vrai. Repentez-vous, et croyez l'Évangile. »

« Lo me dit que bien des auditeurs pleuraient. Personnellement, je n'ai encore jamais vu de gens pleurer, en Chine, en écoutant le Message. Pourquoi ces coeurs brisés ? - À cause de ces jeunes vies, données jusqu'à la mort. Ils avaient eu ainsi la preuve de ce que peut faire l'amour de Dieu dans un coeur, et une démonstration de sa puissance, ils expérimentaient que l'Évangile était la vérité. Nous attendons beaucoup de fruit du fidèle témoignage et de la mort triomphante de ces deux glorieux martyrs (Daniel 12 : 3.). »

Revenons un peu en arrière. M. Lo sentait qu'il était urgent de s'occuper de l'enfant, de sauver cette frêle existence. Aussi, laissant à Mme Wang et à son fils le soin de l'inhumation des missionnaires, le pasteur Lo s'empressa de retrouver sa femme et son enfant malade. En arrivant chez Mme Wang où il avait laissé son argent et les quelques objets qu'il apportait avec lui, M. Lo apprit que les Rouges avaient fait main-basse sur le tout. Pis encore, son petit garçon de quatre ans, son fils unique, était gravement malade. Cependant, il fallait entreprendre au plus tôt un long voyage de quelque 130 kilomètres, dans une contrée montagneuse infestée de brigands, pour ne rien dire des soldats communistes. Enfin, il s'agissait d'emporter et de cacher le bébé des étrangers, pour le remettre aussitôt que possible entre les mains des missionnaires.

Hélène Stam, le 30 septembre 1935

À pied, en évitant de dire ce qu'ils avaient résolu, Lo et sa femme quittèrent Miaosheou. Un brave homme les accompagnait, qui portait deux grandes corbeilles à riz à chaque extrémité du bâton qu'il maintenait sur son épaule. Dans l'une d'elles, on avait déposé et caché autant que possible Hélène Priscille, dans l'autre se trouvait l'enfant des Lo qui ne reprenait pas connaissance... Les voyageurs n'auraient rien eu pour rétribuer les services du courageux porteur, s'ils n'avaient trouvé la petite somme que Mme Stam avait cachée dans le sac de couchage de sa petite fille. Au cours de sa dernière nuit, elle avait arrangé dans le petit lit portatif une chemise de nuit et un peu de linge, tout ce qu'elle avait pu prendre avec elle ; et au milieu du linge, elle avait fixé avec une épingle deux billets de cinq dollars. Ce fut assez, exactement assez, pour couvrir les frais du voyage, avec l'aide de jeunes mamans chinoises qui, à la demande de Mme Lo, nourrirent la petite Hélène de leur lait.

Au cours de ce voyage, et malgré leurs craintes, les parents Lo eurent la grande joie de voir leur enfant se remettre. Après plusieurs heures d'inconscience apparente, de torpeur, le petit garçon se redressa, s'assit dans la corbeille, et se mit à chanter un cantique. Dès cet instant, la convalescence commença.

À Kinghsien, les voyageurs purent acheter une boîte de lactogène. Mme Lo avait été à l'hôpital méthodiste pour la naissance de son fils Uen-Seng et elle avait appris à soigner les enfants à la manière des étrangers. Elle avait même conservé avec elle le biberon de son enfant. À partir de ce moment elle put donner des repas réguliers, chaque trois heures, à Hélène Priscille. Était-ce simplement par hasard, que cette mère qualifiée pour les soins à donner aux enfants des blancs s'était trouvée en cette contrée éloignée de la Chine, au moment où la petite orpheline avait un si grand besoin qu'on prît soin d'elle ?

Le 14 décembre, M. Birch était seul dans la maison missionnaire ; sa femme et ses enfants étaient partis pour Wouhou. On venait de servir le lunch, quand il perçut le bruit que font les voyageurs qui ne sont pas attendus. Puis on frappa à la porte. Une femme entra portant un paquet, et qui venait apparemment de faire un assez long voyage. Le missionnaire fut heureux de reconnaître Mme Lo. Mais celle-ci, lui tendant son fardeau, lui dit, très émue : « C'est tout ce qui nous reste ! »

Redoutant que le pasteur Lo n'eût été tué, et que sa veuve fût devant lui avec son enfant, le missionnaire souleva le voile pour voir le visage du dormeur. Était-ce possible ? Hélène Priscille ! C'était elle !

Après avoir réglé les porteurs, M. Lo entrait à son tour et il dit la douloureuse histoire (qui est aussi une merveilleuse histoire), celle du sauvetage du bébé, surnommé depuis : l'enfant du miracle.

Lorsque parvint en Amérique, par câblogramme, la nouvelle de la mort de John Stam et de sa jeune femme, l'angoisse et la douleur pénétrèrent au coeur de ceux qui les avaient connus et aimés, plus particulièrement chez leurs proches. Des prières montèrent jour et nuit pour l'orpheline laissée sans secours, au sein de tant de dangers. Au télégramme de sympathie envoyé à Paterson par le Comité de la « China Inland Mission », M. Stam père répondit comme suit :

« Sommes profondément touchés par sympathie. Le sacrifice est bien grand ; cependant pas trop grand pour Celui qui s'est donné pour nous. Faisons l'expérience de la grâce de Dieu. Croyons de tout coeur Romains 8 : 28. »

Et aux amis dans la douleur, M. Stam écrivit :

« Nos chers enfants, John et Betty, sont maintenant avec le Seigneur. Ils l'aimaient. Ils le servaient ici-bas. Et maintenant ils sont avec Lui. Quel sort pourrait être plus glorieux ? Il est vrai que la manière dont ils sont morts a été pour nous un coup terrible ; mais si effroyables qu'aient pu être leurs souffrances, elles sont aujourd'hui abolies et pour toujours, et tous deux sont maintenant infiniment heureux de toutes les joies du Ciel.

« Pour nous qui restons, nous avons été soutenus par le télégramme de l'un des premiers camarades de classe de John : « SOUVENEZ-VOUS QUE VOUS AVEZ DONNÉ JOHN À DIEU, NON À LA CHINE. » Nos coeurs sont brisés pour un peu de temps sous la douleur, mais nous disons : Amen. C'était notre désir qu'il servît le Seigneur, comme nous le faisons nous-mêmes. Et puisqu'il semble que cela doive être fait par sa mort plus que par sa vie, nous le voulons aussi. Le sacrifice semble bien grand maintenant, mais aucun sacrifice n'est trop grand pour Celui qui s'est donné pour nous.

« Nous prions avec ardeur que cela soit pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Comme nous serons heureux si, par leur martyre, des âmes sont gagnées à Jésus-Christ. Comme nous serons heureux, si, par leur exemple, bien des jeunes chrétiens sont conduits à se livrer plus que jamais an Seigneur, pour une vie de sacrifice et de service !

« Nous nous sentions honorés du fait que nous avons des fils et des filles engagés au service du Seigneur, parmi les païens ; mais nous le sommes plus encore, maintenant, puisque deux d'entre eux ont reçu la couronne des martyrs.

« Et nous avons la certitude que nos chers frère et soeur : le professeur et Mrs. C. E. Scott, se joignent à nous en disant avec Job : « Le Seigneur l'avait donné, le Seigneur l'a ôté, que le saint Nom de l'Éternel soit béni. »

Pour tous, ce fut un miracle que la petite Hélène Priscille eût traversé sans qu'elle en eût apparemment souffert, en tout cas sans que sa santé en eût souffert, un si long jeûne et tant d'épreuves diverses et prolongées.
Après un sérieux examen, les docteurs de l'hôpital de Wouhou déclarèrent qu'elle était en excellente santé. Même sa mère n'aurait pu souhaiter de la voir plus heureuse ou mieux portante, et sa gentillesse lui gagnait tous les coeurs. M. Wallon, qui s'occupait du bébé pendant son séjour à Wouhou, écrivit aux grands-parents à Tsinan :

« Combien je voudrais que vous voyiez la chère petite Hélène ! Car elle est vraiment parfaite. C'est un superbe bébé bien portant et robuste, et qui vaut son pesant d'or. Il est rare qu'elle pleure ! Et elle est une si délicieuse combinaison de John et de Betty. Ses yeux sont tout à fait ceux de sa maman. Elle sourit presque toujours quand elle est réveillée ; et elle roucoule ou s'essaye à parler de façon charmante ! »

Pour le professeur et Mme Scott, l'arrivée de la chère fillette à Tsinan fut comme une résurrection d'entre les morts.

« ... Tous les détails de sa délivrance, écrivirent-ils, nous disent l'amour et la puissance de Dieu. Et nous sentons bien que s'Il a gardé cette frêle petite chose, cette enfant sans défense de moins de trois mois, au travers d'innombrables dangers et en parfaite santé jusqu'ici, Il aurait certainement pu aussi préserver la vie des chers parents, si la chose avait été conforme à ses desseins à leur endroit... »

Le sacrifice de ces deux vies est-il une perte ? Non pas pour les deux jeunes gens qui, en se donnant pour la Mission, avaient donné leur vie à Dieu, d'abord. Certainement, ils ne le considèrent pas ainsi. Non plus les anges qui furent les témoins du sacrifice, et qui, eux, n'ont pas le privilège de pouvoir manifester leur amour par le sacrifice et la souffrance. Les sentiments de la jeune femme, au sujet de toute offrande faite par amour pour le Seigneur, quel qu'en soit le prix, elle les a exprimés dans une poésie sur Marie, répandant aux pieds de Jésus une huile de senteur de nard pur :

« Dans la maison de Simon, à Béthanie, le Maître, à table s'est assis :

« La pureté, la force, la piété, resplendissent sur son visage,

« Et les coeurs de tous brûlaient à l'ouïe des divines paroles de grâce,

« Lorsqu'une femme survenant, versa sur ses pieds un parfum de grand prix.

« Et dans l'air se répandit comme la senteur des jardins de l'Orient,

« Le vase d'un albâtre très précieux qui contenait le nard

« Gisait en pièces sur le sol, ces fragments s'irradiant des teintes de l'arc-en-ciel,

« Et à genoux, pleurant, une femme, de ses cheveux, essuyait les pieds du Seigneur.

« Un murmure de désapprobation s'éleva parmi les invités...

« Car le monde ne peut tolérer qu'une précieuse chose soit répandue inutilement,

« Quand il s'agit d'un don de consécration totale au Roi,

« Mais la femme qui, beaucoup aimait, pleinement heureuse, baisait ses pieds. »


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(1) Les vers ci-dessus sont un essai de rendre dans notre langue un petit poème qui se rapporte à l'héroïsme chrétien d'un missionnaire en Chine, le Rév. J.-W. Winson. Ce poème fut écrit par un autre missionnaire, le Rév. E.-H. Hamilton. John l'aimait beaucoup, il l'avait reçu du Dr C.-E. Scott, père de Betty. R. S.

(2) Ils n'avaient, respectivement, que vingt-sept et vingt-huit ans.

 

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