Le
Mystère de l'Eglise
Appendice I
L'épître de Paul à
Philémon est une des plus courtes, et aussi
l'une des plus importantes et des plus utiles
à méditer, parce qu'elle nous montre,
quelle était ce que, nous appellerions
volontiers la politique du Saint-Esprit, à
l'égard des lois et usages de la
société politique au milieu de
laquelle les chrétiens primitifs devaient
vivre.
Paul, prisonnier à Rome, a
rencontré pendant sa captivité un
esclave fugitif, nommé Onésime. Il se
trouve justement que cet esclave a appartenu
à Philémon, riche propriétaire
de Colosse, membre de l'Eglise de cette ville, et
fils spirituel de Paul. L'apôtre
s'intéresse au malheureux fugitif, et il a
le bonheur de l'amener à la foi.
« Je l'ai engendré dans mes
chaînes », dit-il. Paul le renvoie
à Philémon, son maître, parce
que la loi romaine ne reconnaît pas à
l'esclave le droit de se libérer par la
fuite. Ainsi, Paul se soumet et soumet
Onésime à une loi injuste et cruelle,
parce que le chrétien doit
fidélité à l'État, sauf
quand il s'agit des droits de Dieu.
Mais en lui renvoyant Onésime, Paul a
soin d'ajouter :
« J'aurais désiré le
retenir auprès de moi pour qu'il me
servît à ta place, pendant que je suis
dans les chaînes pour l'Évangile.
Toutefois, je n'ai rien voulu faire sans ton avis,
afin que ton bienfait ne soit pas comme
forcé, mais qu'il soit volontaire.
Peut-être a-t-il été
séparé de toi pour un temps, afin que
tu le recouvres pour l'éternité, non
plus comme esclave, mais comme supérieur
à un esclave, comme un frère
bien-aimé, de moi
particulièrement, et de
toi à plus forte raison, soit dans la chair,
soit dans le Seigneur. Si tu me tiens pour ton ami,
reçois-le comme moi-même ».
Paul, le citoyen romain, se met sur le
même rang qu'Onésime, l'esclave, et il
y met aussi Philémon ! Voilà, en
dépit des lois humaines,
l'égalité chrétienne,
proclamée par
l'apôtre !
Appendice
Il
« Séparés du paganisme,
les fidèles devaient vivre entre eux. Chaque
Église formait une société
complète dont les membres demeuraient sans
doute obligés par les lois fiscales ou
autres, de la cité et de l'Empire, mais
devaient éviter de porter leurs
différends devant d'autres juridictions que
celles de la communauté. On se mariait entre
chrétiens... Dans la vie ordinaire, le
chrétien devait se montrer soumis aux
autorités et à ses maîtres s'il
était esclave. L'oisiveté
était flétrie ; on insistait
fortement sur l'honnêteté,
l'amabilité dans les rapports, la
gaieté qui procède d'un coeur pur, la
charité et particulièrement
l'hospitalité...
« La vie religieuse ressemblait
beaucoup à celle des synagogues ; on se
réunissait pour prier et pour lire la Sainte
Écriture... Les éléments
spécifiquement chrétiens de ce culte
primitif étaient l'eucharistie et les
charismes, « effusions extraordinaires de
l'Esprit Saint. »
L. DUCHESNE
(Histoire ancienne de l'Eglise).
Appendice
IlI
L'Eglise et la Synagogue
L'idée de l'Eglise locale n'était
pas nouvelle. Après la chute de
Jérusalem, la destruction du temple et la
dispersion d'Israël, une institution
naquit : la Synagogue. Elle n'avait pas
été prévue par les lois
mosaïques, mais les circonstances la rendirent
nécessaire. N'ayant plus ni temple, ni
autel, ni prêtres, ni sacrifices, les Juifs
prirent le parti de se réunir chaque jour de
sabbat dans les villes de leur exil, afin d'adorer
et de prier ensemble le Dieu d'Israël, de lire
ensemble les écrits de Moïse et des
prophètes, dont ils avaient soigneusement
gardé des copies, et de s'exhorter
mutuellement à la fidélité,
dans l'attente de la délivrance que leur
promettaient leurs saints Livres.
La Synagogue subsista, même
après que le temple eût
été reconstruit par Esdras, et que le
sacerdoce eût été
rétabli. Elle était née, pour
ainsi dire, par la force des choses ; et l'on
peut affirmer que, par elle, la nationalité
juive a été sauvée.
Sans la Synagogue, le peuple de Dieu se
serait fondu dans les masses païennes au
milieu desquelles il fut dispersé, d'abord
sous les Chaldéens, et plus tard, sous les
Romains.
Lorsque Jésus parut, Il sanctionna,
par sa présence et sa participation aux
services de la Synagogue, cette institution
à la fois religieuse et patriotique. Depuis
lors, elle n'a jamais
cessé d'exister, dans tous les pays
où les Juifs sont dispersés.
Le culte de la Synagogue était, et il
est encore, bien différent de celui qui se
célébrait dans le temple de
Jérusalem. Et d'abord, il n'y a jamais eu
qu'un temple, il ne devait jamais y en avoir qu'un
seul, tandis que les Synagogues se comptaient et se
comptent encore par milliers. Et tandis que, dans
le temple unique, les prêtres seuls,
descendants de Lévi, avaient le droit de
pénétrer, la Synagogue était
ouverte à tous les mâles
âgés de douze ans et plus ; elle
était présidée par des
anciens, dont la principale fonction était
de veiller au bon ordre et à l'orthodoxie de
l'enseignement donné par des scribes ou
docteurs de la loi.
Chaque membre de la communauté
était appelé à son tour,
à lire à haute voix une portion des
Livres saints, conservés religieusement sous
forme de rouleaux de parchemin, dans une armoire
sacrée dont les ministres avaient la
garde ; chacun pouvait adresser des
exhortations à ses frères, comme en
témoignent nos Évangiles
(Matth. 4/23 ;
9/35 ;
13/54 ;
Luc 4/16-37
6/6-11,
etc.) ainsi que le livre des
Actes
(Actes
9/20
13/5, etc., etc.). Remarquons en
passant un fait très important : le
caractère laïque et démocratique
de l'assemblée juive facilita grandement le
ministère de Jésus et celui des
apôtres.
L'Eglise ne fut pas autre chose, à
ses débuts, qu'une Synagogue. Pour les
chrétiens comme pour les Juifs, il n'y a
qu'un temple ; mais, tandis que celui des
Juifs était à Jérusalem, celui
des disciples du Christ est constitué par la
multitude des rachetés, formant
l'édifice invisible, « la Maison
de Dieu, qui est l'Eglise du Dieu
vivant, la colonne et
l'appui de
la vérité »
(2
Tim. 3/15). Fidèles
à l'enseignement et à l'esprit de
leur Maître, les premiers chrétiens
n'attribuaient aucune vertu, aucune sainteté
particulière, à des édifices
de pierre ; ils adoraient « en
esprit et en vérité », et
la présence spirituelle de leur Sauveur
rendait sacrés tous les lieux où ils
se réunissaient, ou même la chambre,
ou le cachot, où ils étaient
contraints de vivre. Étrangers et voyageurs,
exilés ici-bas, leur culte n'avait rien de
formaliste ni de sacramentaire.
Comme la Synagogue juive, l'assemblée
chrétienne était gouvernée par
des anciens ; elle était instruite et
édifiée par des docteurs et des
prédicateurs ; mais aucun de ces
serviteurs n'avait le monopole exclusif de la
parole. Tous, et les femmes elles-mêmes,
avaient le droit, si l'Esprit Saint les y poussait,
de prier et de prophétiser dans les
assemblées chrétiennes
(Actes
2/17 ;
21/9 ;
1 Cor. 11/5, 13).
Il vaut la peine de souligner ce
caractère démocratique de la
Synagogue chrétienne. Tandis que, chez les
Juifs, les femmes n'avaient accès au culte
public que dans une galerie à part, et qu'il
fallait au moins dix hommes chefs de famille pour
qu'une Synagogue pût être construite
dans une localité (1),
dans l'assemblée
chrétienne la femme prenait place à
côte de son mari ou de ses frères, en
gardant l'attitude modeste et
réservée que son sexe lui imposait,
et que la corruption des moeurs païennes
rendait d'autant plus nécessaire.
Une différence plus essentielle
encore entre la Synagogue et l'Eglise, c'est que la
première était nationale, tandis que
la seconde était internationale
(2).
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