SERMONS
AVERTISSEMENT
L'AUTEUR de ces Sermons, après un
ministère de six années dans la
Paroisse où ils furent prononcés, lui
a laissé, en la quittant, ce souvenir qui
lui a été demandé par
plusieurs personnes respectables.
Quelque répugnance qu'il ait d'abord
montrée pour cette publication, il n'a pu
résister à l'espérance de
contribuer en quelque chose à
l'édification domestique de ces âmes,
dont il devra aussi pour sa part rendre compte, et
de remédier ainsi selon ses moyens aux
imperfections qu'il peut avoir apportées
dans un ministère toujours bien
défectueux, quand on le compare à
l'importance de son objet. - Il a d'ailleurs saisi
avec joie cette occasion de répondre, par sa
déférence, aux nombreux
témoignages d'affection qu'il a reçus
dans cette Paroisse, et dont il conservera toujours
un souvenir vif et profond.
L'Auteur n'aspire à aucune
espèce de mérite littéraire,
pas même à celui de la
nouveauté, et il avertit qu'il a
puisé ses idées partout où il
en a trouvé de propres à
édifier les âmes, auxquelles il
était appelé à porter la
Parole de vie. -
Néanmoins, en consentant à
l'impression de ces discours, il ne s'est point
dissimulé qu'il les exposait à des
critiques de tout genre, et il désire
sincèrement profiter de celles qui pourront
lui être utiles.
Mais enfin, quels que soient ces Sermons
pour la forme, l'Auteur espère, que
fondés sur la Bible, ils rendent
témoignage à ce Jésus, hors
duquel il n'y a point de salut pour le
pécheur, et qu'ils participeront ainsi
à l'efficace dont le Seigneur a promis
d'accompagner sa Parole. - C'est ce qu'il demande
pour eux au Père de toutes grâces, et
c'est ce qu'il ose attendre de sa
bonté.
L'ÉDITEUR.
Yverdon, le 18 Décembre 1826
SERMON I.
LE COMPTE DE NOS JOURS.
Enseigne-nous à tellement
compter nos jours, que nous en puissions avoir un
coeur sage.
Ps. XC. 12.
POUR LE PREMIER JOUR DE
L’ANNÉE
Le Psaume d’où nous avons tiré
notre texte, est de Moïse. Il paraît que
ce saint homme le composa dans le désert,
à une époque où il
était affligé par
l’incrédulité des
Israélites et effrayé des Jugements
par lesquels Dieu les châtiait.
Dans le commencement de son cantique, il
s’élève en esprit à
Celui, dont l’existence est
d’éternité en
éternité, qui voit les
années et les siècles passer comme un
moment, qui détruit et renouvelle tout
à son gré et qui est une
retraite assurée pour tous ceux qui
s’attendent à Lui. Puis il
s’arrête à considérer la
fragilité et le néant des pauvres
humains ; comme leur vie n’est qu’un
songe ; comme elle est troublée
par toutes sortes de misères ; comme
elle est promptement et soudainement finie par le
courroux d’un Dieu juste Juge, qui compte nos
iniquités et qui met à la
clarté de sa face nos fautes cachées.
Tous nos jours s’en vont par ta grande
colère et nous consumons nos années
comme une pensée. Les jours de nos
années reviennent à soixante et dix,
et s’il y en a de vigoureux, à
quatre-vingts ans, et le plus beau de ces jours
n’est que fâcherie et que
tourment ; il est retranché, et nous
nous envolons.
(Ps. XC. 8. 9. 10.)
Ces réflexions, Mes Frères, sur la
vanité de la vie et sur l’attente
redoutable du jugement de Dieu, sont aussi vraies
de nos jours qu’aux jours de Moïse. Nous
faisons route dans un désert comme les
enfants d’Israël ; comme eux nous
nous abandonnons trop souvent à la
défiance et au murmure ; comme eux nous
voyons le bras de l’Eternel frapper bien des
pécheurs, et les retrancher subitement au
milieu d’une carrière criminelle :
tout nous rappelle que si Dieu use de patience
pendant un temps, un autre temps vient aussi,
où sa justice aura son tour ; que bien
que les méchants jettent des branches
pendant un moment, toutefois n’étant
pas sûrement fondés, ils seront
bientôt ébranlés et
déracinés, par la
tempête ; que la grande
journée de l’Eternel approche,
qu’elle se hâte fort, que le cri de
cette journée-là sera terrible, et
que là, ceux qui se croient si forts
crieront.
(Sophon. I. 14.)
Oui, tout vous rappelle ces choses, et cependant ne
pouvons-nous pas dire, avec Moïse dans le
Psaume de ce jour ? Éternel !
qui est-ce qui connaît la force de ton
courroux et de ta grande colère pour te
craindre ?
(Ps. XC. 11.) Qui est-ce qui se rend
attentif aux signes par lesquels tu nous annonces
ta colère ? Qui d’entre nous y
prend garde à salut ?
Hélas, M. F, vous le savez, il est petit
parmi nous, le nombre de ces âmes
vigilantes ; la masse est encore appesantie
par le sommeil de la mort. Ah ! c’est
donc à bien juste titre que nous
répétons aussi après
Moïse la prière qu’il ajoute
à ces réflexions sur les jugements de
Dieu envers son peuple : O Seigneur !
enseigne-nous à tellement compter nos jours,
que nous en puissions avoir un coeur
sage !
Ces paroles nous appellent
à examiner,
Ce que c’est que nos jours ;
Comment nous devons les compter ;
Dans quel but nous devons les compter ;
La manière d’atteindre ce but.
Mes chers Frères ! profitons de
cette journée pour nous recueillir devant
Dieu et pour réfléchir
sérieusement à ce qu’il demande
de nous. C’est assez avoir envisagé
cette époque comme une époque de
plaisir ; il est temps d’en faire pour
nous une époque de sagesse.
Ne semble-t-il pas dans ce jour, que notre
vanité nous apparaît toute
entière ? que nous voyons comme
à l’oeil la rapidité avec
laquelle nos années se précipitent,
la force du torrent qui nous entraîne et
l’attente continuelle où nous devons
être de nous voir bientôt
poussés sur les eaux de l’Océan
éternel ? S’agit-il encore de
dormir à cette vue ? de courir
après des chimères ?
d’amasser des trésors qui s’en
vont périr ? de ne penser qu’au
présent et de s’étourdir sur la
mort qui nous fixe déjà comme sa
proie ?
Non ; c’est le moment de penser à
une âme immortelle et de dire à
Dieu : Éternel ! aie
pitié de moi ; guéris mon
âme, car j’ai péché contre
toi.
(Ps XLI. 5.) Amen !
I. Qu’est-ce que le Psalmiste appelle
nos jours ? C’est notre vie. Note
vie est en effet un assemblage de jours qui se
suivent aussi longtemps qu’il plaît
à Dieu de ne pas y mettre un terme. Il nous
les donne successivement, un à un ; de
telle sorte que lorsque nous commençons une
période de temps un peu longue, comme par
exemple une année, nous ne pouvons pas
encore dire que Dieu nous la donne, puisque nous
n’en aurons peut-être qu’une bien
petite portion. Il est donc juste de compter notre
durée par jours, et de dire avec le
Psalmiste, nos jours.
Si l’Auteur de ce Psaume se sert du mot
jours pour désigner notre vie,
c’est encore afin de nous faire comprendre
combien cette vie est courte. Elle paraît
quelquefois longue à celui qui forme de
vastes projets et qui ne se tient pas en garde
contre les illusions de l’espérance,
mais elle nous paraîtra bien courte, quand
nous la comparerons avec d’autres
durées propres à nous la faire
apprécier à sa juste valeur.
Voyez comme elle paraît courte, quand on la
compare avec celle des premiers patriarches. Huit
ou neuf cents ans leur étaient ordinairement
assignés pour leur pèlerinage, tandis
que les plus vigoureux d’entre nous atteignent
à peine la dixième partie de cette
durée.
Contemplez ce soleil qui est sur nos
têtes ; depuis six mille ans qu’il
éclaire ce globe, que de
générations d’hommes ont vu tour
à tour sa lumière et bientôt
ont disparu pour s’en retourner en leur
lieu ! Pensez à
l’Éternité elle-même,
à cette immensité des temps qui a
été avant nous, à
l’immensité qui doit suivre. — Que
deviendra notre existence présente devant
une telle durée ? Que
paraîtra-t-elle à nos yeux ? Un
souffle, un point, le néant.
Mais sans aller chercher si loin nos termes de
comparaison, considérez seulement les
ouvrages des humains ; il en est beaucoup qui
durent plus que leurs auteurs. Que de monuments
sont debout depuis des siècles, tandis que
les hommes changent autour d’eux et que les
noms même de ceux qui les ont
élevés s’oublient ! Nos
propres maisons subsisteront longtemps après
que nous en serons sortis couverts du linceul de la
mort. Les objets qui servent à notre usage,
passeront dans d’autres mains après
nous : la couche où nous cherchons le
sommeil, servira probablement à
d’autres, après que nous y aurons rendu
le dernier soupir. — Considérez ce
temple, qui nous réunit à cette
heure ; il n’est pas bien ancien, et
cependant où sont ceux qui en ont
formé le plan et qui l’ont
exécuté ? Depuis longtemps ils
sont dans la poussière, et le ver du
sépulcre consume leur dépouille. Les
sièges que vous occupez maintenant, ont
été occupés par bien des gens
avant vous : moi-même j’en ai vu
beaucoup qui étaient assis là et que
je ne vois plus. Il n’y a pas longtemps que
d’autres voix retentissaient dans cette
enceinte, que d’autres serviteurs de Dieu
occupaient cette chaire, annonçant comme
nous la venue du grand jour.
Prédicateurs, auditeurs, tout a
passé ! Encore un peu de temps et
l’on dira la même chose de nous ;
encore un peu de temps et la voix qui vous parle
s’éteindra aussi ; encore un peu
de temps et nous irons joindre nos devanciers sous
la voûte d’argile où ils
reposent, et d’autres viendront prendre nos
places. Ah ! comment, en pensant à ces
choses, ne nous écrierions-nous pas avec le
Prophète : Toute chair est comme
l’herbe et toute sa grâce comme la fleur
d’un champ : l’herbe est
séchée et sa fleur est tombée
parce que le vent de l’Éternel a
soufflé dessus : ce peuple est
véritablement comme l’herbe.
(Esaïe XL. 6,7.) Oui
l’homme né de femme est d’une
vie courte et plein d’ennui ; il sort
comme une fleur puis il est coupé, il
s’enfuit comme une ombre et il ne
s’arrête point ; ses jours sont
déterminés ;
(Job XIV. 1,2. 5.) il
s’écoule comme des eaux courantes.
Certainement il se tourmente en vain, il amasse des
biens et il ne sait qui les recueillera.
(Ps XXXIX. 7) Ne parlons donc plus de
nos années comme si notre existence
devait être longue sur cette terre, employons
plutôt avec le Psalmiste le mot jours,
et notre langage sera celui de la
vérité.
Mais pourquoi Moïse dit-il dans le
texte : Nos jours ? En est-il
aucun, dont on puisse dire qu’il nous
appartienne ? Non sans doute ; le temps
passe et s’enfuit, sans que nous puissions en
retenir la plus petite portion. Quand un jour est
écoulé, nous ne pouvons pas le
rappeler pour en jouir et en disposer encore ;
il nous est ôté sans retour.
On ne peut donc pas dire proprement que les jours
de notre vie nous appartiennent, cependant ils sont
appelés nôtres, parce que ce
sont ceux que Dieu nous accorde pour travailler
à notre salut. Il est vrai que nous
avons l’éternité devant nous et
que notre existence ne doit jamais finir. Mais il
ne nous est accordé qu’un certain
nombre de jours pour travailler au bien de nos
âmes, et ensuite il ne sera plus temps.
Fais maintenant selon ton pouvoir tout ce que tu
as le moyen de faire, dit
l’Ecclésiaste ; cars dans le
sépulcre où tu vas, il n’y a ni
oeuvres, ni discours, ni science, ni sagesse.
(Ecclés. IX. 10) Oui, quand la
mort aura frappé ; quand le jour
éternel sera venu rouvrir nos
paupières, il n’y aura plus lieu
à se convertir, Dieu n’appellera plus
les pécheurs par sa Parole, par ses
ministres, par son Esprit de grâce ;
toutes ces dispensations d’attente et de
miséricorde auront fini ; tout sera
compté, tout sera décidé,
et là où l’arbre sera
tombé, il y demeurera.
(Ecclés. XI. 3.) Comprenons
donc bien ce que nous avons à faire pour
notre bonheur, tandis que nous avons des jours que
nous pouvons appeler nôtres,
bientôt nous n’en aurons plus et la
rétribution viendra.
Les jours de notre vie sont aussi appelés
nôtres, parce que ce sont ceux dont
nous devrons rendre compte. Si en effet Dieu nous
les donne, c’est afin que nous les employions
d’une manière utile ; non à
faire notre volonté, mais la sienne ;
non dans la dissipation et dans la vanité,
mais dans un travail qui soit en
bénédiction à nous et à
nos frères : or nous rendrons
bientôt compte, chacun pour nous-mêmes
de l’emploi de ce temps que nous avons
reçu.
Nous devrions donc nous rappeler, que chacun de nos
jours, même chacun de nos moments, est comme
un messager qui vient à nous de la part de
Dieu et qui immédiatement retourne à
Dieu chargé d’un rapport favorable ou
défavorable sur l’état de nos
âmes et sur notre conduite : ce rapport
est inscrit au Livre de mémorial de
l’Éternel et réservé pour
nous être présenté au jour
où nous serons appelés devant le
Trône de Dieu. Ainsi rien n’est
indifférent dans l’emploi de notre
temps ; tout est grave, tout est de
conséquence ; même nos paroles
oiseuses sont comptées et deviendront pour
nous l’objet d’un redoutable
jugement.
Ah ! qui pourrait penser à un pareil
tableau de l’emploi de ses jours sans un
saisissement d’effroi ? Qui pourrait y
penser sans que son coeur en fût
remué, et que son âme tremblante
comprît le besoin d’un appui pour aller
subir le jugement terrible ? Hommes
légers et insouciants ! rappelez-vous
quelquefois ces moments fugitifs qui montent sans
cesse comme autant de témoins pour grossir
votre compte devant Dieu, et peut-être
bientôt sentirez-vous avec efficace le prix
du sang que Jésus a versé sur la
croix.
II. Après avoir vu ce que sont ces
jours dont parle le Psalmiste, nous devons examiner
ce que c’est que les compter.
Compter nos jours, c’est d’abord
nous faire une idée juste de leur
durée. Il semble au premier abord que les
hommes sont assez disposés à
reconnaître cette vanité de leur vie
et le petit espace qu’elle occupe. On entend
sur ce sujet peut-être autant de
réflexions dans les cercles du monde que
dans la chaire de vérité. La
fragilité de l’homme, la
brièveté de sa carrière,
l’incertitude de ses projets pour cette terre,
voilà des expressions qui sont dans toutes
les bouches. Mais remarquez, M. F., que si nous
sommes assez disposés à
reconnaître cette vérité
d’une manière générale ou
à l’égard de nos semblables,
nous ne nous en faisons guère
l’application à nous-mêmes. On
compte assez les jours des autres hommes, mais on
ne compte pas les siens propres et c’est
pourtant là l’essentiel. Compter nos
jours, qu’est-ce donc ? C’est
nous dire sérieusement à
nous-mêmes : “Misérable
pécheur, qui as mille fois
mérité la condamnation et la
mort ! souviens-toi qu’une mesure de
jours t’a été accordée,
que cette mesure est petite, et que si tu n’en
profites pas pour te convertir à ton Dieu,
tu es perdu. ”
Mais ce n’est pas assez pour bien compter nos
jours, que de les apprécier en masse, il
faut encore les compter en détail, un
à un, à mesure que Dieu les donne.
Quand, le matin, nous ouvrons les yeux et que nous
revoyons la lumière, disons : “O
mon âme ! voilà encore un
délai que Dieu te donne ; tu sais
pourquoi il te le donne ; hâte-toi donc
d’entrer dans ses desseins et de bien employer
ce jour qui sera peut-être le dernier.”
Quand le soir arrive, avant que le sommeil
appesantisse nos paupières,
demandons-nous : “Qu’as-tu fait de
ces heures qui viennent de
s’écouler ? Rends-en compte, comme
tu le feras à la grande journée.
As-tu glorifié ton Dieu ? As-tu fait
l’oeuvre d’un racheté ? As-tu
laissé pour traces du temps qui a fui,
quelque oeuvre de charité, quelque action
selon l’Esprit de Christ ? As-tu
reçu cet Esprit de Christ ? Le coeur de
pierre a-t-il été ôté,
le coeur de chair est-il à la place ?
Es-tu régénérée,
ô mon âme, ou bien es-tu encore dans le
sommeil de la mort ?” C’est par de
telles questions, M. F., que nous apprenons
à connaître le prix des jours que Dieu
nous donne et à les compter à salut.
— Il ne s’agit donc pas de les laisser
passer sur nos têtes en silence, dans un
déplorable oubli de nous-mêmes et de
ce que nous avons à faire ici-bas ; il
ne s’agit pas de tuer le temps, comme
le dit un monde frivole et aveugle, il faut
l’employer à bénir Dieu et
à faire notre devoir.
Compter nos jours, c’est encore nous
attendre à en voir bientôt la fin.
Hélas ! qu’il y a peu de gens,
à qui une semblable pensée soit
familière ! Au lieu de se
représenter la mort comme tout près,
ainsi qu’elle l’est en
réalité, l’imagination la place
bien loin et il en résulte que, quand elle
vient, elle est toujours inattendue. Le vieillard
même, qui devrait être averti par son
corps courbés et par ses cheveux blancs, que
le temps du délogement approche, forme
souvent des projets comme s’il était
dans la vigueur de l’âge et que la mort
dût longtemps encore les respecter ;
tous voient qu’il est près de sa fin,
excepté lui-même.
—Le monde dira sans doute, que penser ainsi
habituellement à la mort et s’y
attendre, se serait rembrunir péniblement la
vie. Oui, j’en conviens, cela produirait cet
effet chez celui, qui ne veut pas se
convertir ; mais pour celui qui a
cherché la paix de son âme et qui
l’a trouvée auprès du Sauveur,
une telle pensée n’a rien de sombre.
Car enfin, avons-nous cru aux promesses de
Dieu ? et si nous avons cru, pourquoi toujours
parler de la mort comme si triste ? Ce
n’est plus un objet
d’épouvante ; c’est un
délogement, un dormir, c’est le passage
d’un monde d’afflictions et de
misères à une éternité
de paix et de gloire dans le sein de notre
Père Céleste. Il n’y a que
l’homme non converti qui doive frémir
à de semblables pensées : quant
au fidèle, il attend sa fin avec calme, avec
joie, veillant, priant, mourant de jour en jour au
monde et soupirant en lui-même, en
attendant l’adoption, savoir la
rédemption de son corps.
(Rom. VIII. 23.)
III. Maintenant, M. F., à quoi doit
nous conduire ce compte de nos jours ?
À avoir un coeur plein de sagesse.
Apprends-nous à tellement compter nos
jours, que nous puissions en avoir un coeur
sage, dit Moïse dans notre texte.
Il y a bien des gens qui comptent leurs jours et
qui n’en deviennent pas plus sages.
Il en est, qui, considérant la
brièveté de leurs années et la
rapidité avec laquelle elles
s’écoulent, disent avec
l’impie : “Mangeons et buvons, car
demain nous mourrons. ” Apprécier ainsi
la vie c’est oublier qu’elle sera suivie
de l’éternité ; c’est
là le langage de ceux, que le Dieu de ce
siècle aveugle, pour les entraîner
à leur perte. — D’autres comptent
leurs jours pour se hâter d’achever des
entreprises qu’ils ont formées.
“Si je vis assez longtemps, ” disent-ils,
“je veux compléter
l’édifice de ma fortune ;
j’établirai convenablement ma famille,
je me bâtirai des maisons, je me planterai
des vignes, je me ferai des jardins et des vergers
et j’y mettrai toutes sortes d’arbres
fruitiers, et alors je pourrai me réjouir de
tout mon travail avant de m’en aller vers mes
pères. ” Insensé ! comme
s’il suffisait d’avoir des biens en
abondance, pour avoir aussi la vie et pour
être riche en Dieu ! —
D’autres prennent plaisir à laisser
quelque trace de leur passage sur cette terre, par
quelque monument, ou par quelque action
éclatante à laquelle ils attachent
leurs noms, imitant l’exemple du malheureux
Absalom, qui avait pris pendant sa vie une
statue et se l’était fait dresser dans
la vallée du Roi, disant : Je
n’ai point de fils pour laisser la
mémoire de mon nom ; et qui donna son
nom à cette statue. (2. Sam. XVIII.18)
Hélas ! qu’importe, après
tout, le nom que nous pouvons laisser parmi les
hommes, qui bientôt ne seront plus !
qu’importe le vain retentissement de leurs
blâmes ou de leurs louanges !
Ce n’est qu’un son, qui bientôt se
confondra pour nous avec le souffle du vent qui
passera sur nos tombeaux. Loin de nous donc ces
illusions fatales de la vanité ; si
nous comptons nos jours, que ce soit pour
devenir sages.
Mais qu’est-ce que la sagesse ? —
c’est l’intelligence des desseins de
Dieu, c’est le désir vrai
d’atteindre la fin qu’Il nous destine.
— Quelle est cette fin ? — Ce
n’est pas ce monde ou les choses du monde,
mais la possession du Royaume céleste. Or
qui entrera dans ce Royaume ? Tous ?
— Non sans doute ; mais ceux-là
seulement dont l’âme aura
été renouvelée par le St.
Esprit. Si quelqu’un ne naît de
nouveau, il ne peut voir le Royaume de Dieu.
(Jean III. 3.) La chair et le sang ne le
posséderont point ; la corruption
n’héritera point
l’incorruptibilité.
(1. Cor. XV. 50.) Ainsi le
déclare l’Écriture.
Désirer de naître de nouveau,
c’est donc là pour tout homme
pécheur la vraie sagesse, le chemin
sûr, la voie droite, celle qui aboutit au
Royaume du Dieu vivant. Hors de là tout est
ténèbres, illusion, oubli des
premiers intérêts, et attente du plus
effroyable désespoir.
Quiconque donc contemplera selon Dieu la
brièveté et la fragilité de la
vie présente, sera conduit à se
demander, s’il a assuré son sort pour
l’économie éternelle qui doit
suivre ? Car, de ce que cette existence-ci est
vanité, de ce qu’elle passe comme
l’ombre, il s’ensuit que ce n’est
pas elle que nous devons surtout avoir en vue, mais
celle qui est permanente et qui ne finira jamais.
O mon âme ! as-tu compris ces
choses ? As-tu vu le fond de toutes ces
brillantes apparences qui séduisent les
pauvres humains ? Tes regards sont-ils
fixés en haut vers un autre
séjour ? et as-tu commencé
à vivre pour cet immense avenir qui se
déroule au delà des années
présentes ? Ta paix est-elle faite avec
Dieu, âme pécheresse ? Es-tu
appuyée sur Jésus ? As-tu cru et
as-tu connu que miséricorde t’a
été faite par son sang ? et
sens-tu maintenant un vif désir de te
consacrer à son service pendant tout le
reste de ce présent
pèlerinage ?
Et si à ces questions, M. F., votre
conscience ne répondait pas d’une
manière satisfaisante, si cette
expérience des fidèles
rachetés n’était pas la
vôtre, si le spectacle des vanités
présentes ne vous avait pas encore conduits
à la vraie sagesse, à qui faudrait-il
demander ce bien précieux ? —
À Dieu, et le texte vous le montre.
Enseigne-nous à tellement compter nos
jours, que nous en ayons un coeur sage.
IV. L’Écriture Sainte nous
déclare de la manière la plus
formelle, que la vraie sagesse ne peut nous venir
que de Dieu. C’est l’Éternel
qui donne la sagesse et c’est de sa bouche que
procèdent la connaissance et
l’intelligence, est-il dit au Livre des
Proverbes.
(Prov. II. 6.) De nous-mêmes
comme de nous-mêmes, nous sommes incapables
de penser quelque chose de bon ; mais toute
notre capacité vient de Dieu, dit St.
Paul.
(2 Cor. III. 5.) Et
Jésus-Christ n’a pas tenu un autre
langage :
Personne, dit-il, ne peut venir à
moi, si le Père qui m’a envoyé
ne l’attire. Car il est écrit dans les
Prophètes, ils seront tous enseignés
de Dieu ; quiconque donc a
écouté le Père et a
été instruit par lui, vient à
moi.
(Jean VI. 44.45.) En voilà
assez pour confondre l’orgueil le plus
obstiné, et pour nous montrer avec
évidence que nous ne devons rien attendre de
nous-mêmes, mais tout de Dieu.
Sans doute, comme nous l’avons
déjà vu, de nous-mêmes nous
pourrions assez compter nos jours et faire de vains
discours sur leur fragilité et sur leur
fuite rapide ; mais ce n’est pas de
discours qu’il s’agit ici,
c’est d’effets ; le Royaume de
Dieu ne consiste point en parole, mais en
efficace, dit St. Paul.
(1 Cor. IV. 20.) Or qui peut donner
cette efficace ? Qui peut changer ce coeur,
où il y a un si grand fonds de
légèreté ? Qui peut
transformer cette volonté qui est sans cesse
ramenée vers les choses du monde et vers la
souillure ? Qui le peut ? O homme !
ce n’est pas toi, c’est Dieu, c’est
Dieu seul.
Que cette doctrine révolte un monde toujours
plein de lui-même, quant à moi, je
l’avoue, elle fait mon unique consolation.
Pourquoi ? — Parce qu’il me serait
affreux de penser que je suis abandonné
à mes propres misères et à mon
inconstance : parce que je sens, que ce
changement, qui doit être opéré
en moi, m’est impossible et que ce
n’est qu’à Dieu qu’il est
possible ;
(Luc XVIII. 27.) parce que rien ne
m’est plus doux que de m’appuyer sur un
bon Père, d’avoir la certitude
qu’il veille sur moi, que son Esprit agit en
moi, qu’il triomphera de ma nature rebelle et
qu’après avoir commencé cette
bonne oeuvre, il l’achèvera.
(Phil. I. 6.)
Mais après tout, que cette doctrine
reçue par quelques-uns, soit rejetée
orgueilleusement par les autres, elle n’en
demeure pas moins la vérité de Dieu,
et sa puissance pour le salut de ceux qui
croient.
(Rom. I. 16.) Heureux l’homme
s’il la reçoit ! mais en la
rejetant, il ne peut ni la modifier ni la
détruire, car, dit encore le grand
Apôtre, nous n’avons aucun pouvoir
contre la vérité, nous n’en
avons que pour la vérité.
(2 Cor. XIII. 8.)
Âmes sincères, tournez-vous donc vers
Dieu, si vous voulez acquérir la
sagesse ! Dites-lui avec le Psalmiste :
Enseigne-nous, et il vous enseignera en
effet. Son Esprit agira sur vous, il vous
appropriera les instructions de
l’Évangile, il les rendra vivantes et
efficaces en vous ; et vous apprendrez
toujours mieux à vous détacher
d’un monde de misères, pour vous
élever à celui qui peut seul
réaliser tous vos voeux.
Ah ! qu’il est peu fait pour nous
attacher, ce monde où nous avons
été momentanément
jetés ! Si nos jours s’y
réduisent à peu, ceux du bonheur
s’y réduisent à bien moins
encore ; ce ne sont pas des jours, mais des
moments, qui à peine obtenus nous
échappent, et qui, mieux que tout le reste,
doivent nous faire comprendre que tout ici-bas est
vanité. Trompés continuellement dans
nos espérances, séparés
fréquemment par la distance ou par la mort,
de ceux que nous aimons, souffrant dans nos corps
et dans nos âmes, attendant journellement
notre fin, arrêterons-nous encore nos
pensées et nos yeux sur ce désert
où la moindre fleur qui vient réjouir
nos regards est si tôt
fanée ?
—Non, non Être immortels !
élevons nos yeux en haut, cherchons la
Cité qui a des fondements
(Héb. XI. 10.) et cette
nouvelle Canaan où le peuple de Dieu
reposera en paix, où le Seigneur fera
couler la bénédiction comme un
fleuve, où il nous consolera comme une
mère console son fils, où la mort ne
sera plus et où toute larme sera
essuyée.
(Esaïe LXVI. 12. 13. -
Apoc. XXI. 4.)
Mais un seul Guide peut nous y conduire c’est
Christ. Ah ! qu’il soit donc notre unique
Chef, notre tout appui : point de partage de
confiance ! il la veut toute entière,
et si nous la lui donnons, nous ne serons jamais
confus ; car il est le Premier et le
Dernier,
(Apoc. I. 17.) il est le Chemin,
la Vérité et la Vie ; et toutes
choses sont par lui et pour lui.
(Jean XIV. 6. -
Coloss. I. 16.) Après cela
que le monde finisse ! qu’il devienne un
monceau de ruines ! que toute sa gloire passe
avec lui comme une vaine fumée ! Nous
ne craindrons plus. — Nous aurons une autre
demeure, une autre paix, d’autres joies...
Nous serons dans le sein de Dieu !
O Dieu de nos pères ! source de
miséricorde ! regarde des cieux sur
nous tous, tes créatures, et donne-nous
cette sagesse qui ne peut venir que de toi !
Voici, nous ne sommes que corruption et que
misère ! nous sommes continuellement
les déplorables jouets du
péché, qui, comme un cruel tyran,
domine sur nous.
Toi seul, ô notre Dieu ! peux
remédier à de si grands maux. O toi
donc qui peux faire en nous plus que nous ne
désirons et que nous ne pensons,
apprends-nous à faire ta volonté et
change nos faibles coeurs, tourne-les
entièrement vers toi et viens y habiter pour
y faire toutes choses nouvelles.
C’est dans ce jour surtout que nous nous
sentons pressés de faire monter cette
requête devant ton trône ; dans ce
jour où nous faisant commencer une nouvelle
carrière selon le cours du temps, tu nous
appelles si visiblement à en commencer une
nouvelle selon toi. Que ton Esprit de grâce,
de lumière et de charité repose sur
nous tous, sur cette ville et sur ceux qui y
habitent, sur ce troupeau et sur ses conducteurs,
sur le peuple dont nous faisons partie et sur les
magistrats qui le gouvernent. — Que ta paix
garde nos montagnes et nos vallées, que tes
plus précieuses bénédictions
s’y multiplient, que l’arbre de la foi y
refleurisse de plus en plus, que l’ordre et
les bonnes moeurs y soient affermis, qu’ainsi
après avoir fléchi sous le joug de
ton Fils et glorifié ton nom pendant notre
séjour sur cette terre, nous aillons dans
ton temple éternel te louer et
répéter avec les âmes
bienheureuses, le cantique : A Celui qui
est assis sur le trône et à
l’Agneau soient louange, honneur, gloire et
force, aux siècles des
siècles !
(Apoc. V. 13.) Amen !
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