SERMONS
SERMON III
JÉSUS CONVAINQUANT DE PÉCHÉ LE
JEUNE PHARISIEN.
Et voici,
quelqu’un s’approchant, lui dit :
Mon bon Maître, que dois-je faire pour avoir
la vie éternelle ? Il lui
répondit : Pourquoi m’appelles-tu
bon ? Il n’y a qu’un seul bon ;
c’est Dieu. Que si tu veux entrer dans la vie,
garde les commandements. Il lui dit :
Quels ? Et Jésus lui
répondit : Tu ne tueras point ; Tu
ne commettras point d’adultère ;
Tu ne déroberas point ; Tu ne diras
point de faux témoignage ; Honore ton
père et ta mère ; Et tu aimeras
ton prochain comme toi-même. Le jeune homme
lui dit : J’ai observé toutes ces
choses-là dès ma jeunesse ; que
me manque-t-il encore ? Jésus lui
dit : Si tu veux être parfait, vends ce
que tu as, et le donne aux pauvres ; et tu
auras un trésor dans le ciel ;
après cela viens et suis-moi. Mais quand le
jeune homme eut entendu cette parole, il s’en
alla tout triste, car il possédait de grands
biens.
Matth. XIX. 16-22.
Que dois-je faire pour avoir la vie
éternelle ? voilà une
question malheureusement bien rare parmi nous. Il y
a tant de gens pour qui la vie présente est
tout, qui s’en occupent exclusivement et qui
ne s'embarrassent pas de ce qui doit suivre !
” Que dois-je faire pour augmenter mes
revenus ? Comment passerai-je mon temps
d’une manière agréable ?
Comment m’y prendrai-je pour obtenir telle
place ?”
Voilà le cercle de leurs questions
habituelles ; ils vivent comme s’ils ne
devaient jamais mourir. - D’autres pensent
quelquefois, il est vrai, aux choses invisibles et
au jugement de Dieu ; mais ils se croient
suffisamment prêts pour cette époque
solennelle ; ils se disent à
eux-mêmes : “Je suis honnête
homme, ma réputation est intacte,
qu’aurais-je à craindre ?”
Ainsi ils envisagent la question de notre texte
comme superflue.
Cependant, nous devons le reconnaître, M. C.
F., il en est aussi plusieurs parmi vous, qui ne la
regardent pas comme inutile et qui pèchent
plutôt par la manière dont ils la
font. Les uns, au lieu de l’adresser à
Jésus-Christ qui parle toujours au milieu de
son Église par l’Évangile, se la
font à eux-mêmes et y répondent
sous l’influence de leurs
préjugés et de leurs passions :
ils se forment ainsi un plan de vie, qui peut
paraître bon à l’homme naturel,
mais qui ne soutient pas le regard perçant
de Celui qui sonde toutes choses et qui
démêle les secrets des coeurs.
Quelques autres adressent la question à
l’Évangile, mais avec le secret
désir d’y trouver la confirmation de
leurs propres idées ; et quand la
Parole sainte les contrarie, et brise par son
puissant marteau l’édifice
élevé avec complaisance par
l’orgueil humain, alors ils s’en vont
tout triste et sans avoir le courage de renoncer
à leurs vues particulières pour se
soumettre à la vérité
éternelle. - Ce fut
précisément le cas du jeune homme de
notre texte.
Expliquons d’abord ce trait de
l’Évangile ; indiquons ensuite les
leçons qui en découlent pour
nous : ce sera tout l’objet de notre
instruction aujourd’hui.
O Dieu ! à toi seul appartient de
dissiper nos illusions et de nous montrer ce que
nous sommes : que ta Parole soit donc pour
ceux qui m’écoutent comme le miroir
auquel la compare l’Apôtre, et que le
pécheur en l’entendant soit
forcé de se dire : Tu es de cet
homme-là.
(2 Sam. XII. 7.) Amen !
I. Quelqu’un s’approcha de
Jésus et lui dit : Mon bon
Maître, que dois-je faire pour avoir la vie
éternelle ? Par la suite de ce
récit, nous voyons que celui qui vint ainsi
à Jésus, était un jeune homme,
et St. Luc en rapportant le même trait nous
apprend que c’était un des principaux
du lieu. Il s’approcha de
Jésus : St. Marc dit qu’il
accourut et se mit à genoux devant le
Sauveur, ce qui semblait indiquer chez lui un
grand désir d’entendre les
leçons du Fils de Dieu et une disposition
à se soumettre entièrement aux
directions qu’il allait recevoir. - Mais
écoutons son langage : Mon bon
Maître, dit-il, que dois-je faire pour
avoir la vie éternelle ? Ici nous
commençons à entrevoir un peu le
Pharisien. Les Docteurs de cette classe se
faisaient donner le titre de Maître,
et ils permettaient même qu’on y
ajoutât celui de Bon ; cela
flattait leur orgueil qui était le trait
saillant de leur caractère. Ils faisaient
toutes leurs actions, nous dit
l’Évangile, afin d’être
vus des hommes ; ils
aimaient à avoir les premières places
dans les festins et les premiers sièges dans
les synagogues ; à être
salués dans les places publiques et à
être appelés par les hommes,
maître, maître
(Matth. XXIII. 5. 6. 7.).
Il paraît que le jeune homme s’imaginait
que Jésus avait des principes semblables
à ceux des Pharisiens, et c’est pour
cela qu’il s’adresse à lui avec la
formule ordinaire : Mon bon
Maître. - Ce trait nous en rappelle un
autre rapporté au livre des Actes, celui du
geôlier qui se jeta tout tremblant aux
pieds de Paul et de Silas, et qui leur dit :
Que faut-il que je fasse pour être
sauvé ?
(Act. XVI. 29. 30.) Malgré la
ressemblance apparente de ces deux traits, ils
diffèrent entre eux d’une
manière essentielle ; car d’abord
le jeune homme n’avait pas le tremblement qui
indiquait chez le geôlier une âme
effrayée de son état de
péché ; ensuite le jeune homme
dit proprement : Quel bien
(1) faut-il que
je fasse pour avoir la vie
éternelle ? Ce qui nous
découvre encore mieux le Pharisien ou le
Juste du monde. - Les Pharisiens d’alors
enseignaient comme ceux de nos jours, que
l’homme peut mériter la vie
éternelle par sa conduite
régulière et par sa justice, et ils
pensaient l’obtenir eux-mêmes à
ce titre : cependant comme leurs consciences
leur reprochaient beaucoup de fautes et que cela
les inquiétaient, ils avaient imaginé
de réduire l’observation de la Loi
à des formes décentes et
honnêtes, à certaines oeuvres
extérieures qui dispensaient (suivant eux)
de la purification du coeur.
Le jeune homme du texte semble avoir eu des
idées pareilles : il pensait avoir
déjà fait beaucoup de bien et il
vient demander à J. C. quel bien il doit
faire encore pour assurer ses droits au
céleste héritage ! Il
s’attendait peut-être à ce que le
Seigneur lui indiquerait quelque nouvelle
purification extérieur, ou quelque oeuvre de
sainteté dont les autres Docteurs
n’avaient pas parlé; qu’alors ils
deviendraient parfait comme il désirait de
l’être.
Comme le grand mal de ce jeune homme, était
la bonne opinion qu’il avait de
lui-même, il fallait avant tout la lui
ôter, sans cela l’Évangile ne
pouvait pas arriver jusqu’à son coeur.
Un médecin perdait son temps et son art
auprès d’un malade qui se croyant
encore en santé, ne voudrait rien faire pour
se guérir. La première chose à
faire auprès d’un tel homme serait de
lui rendre sensible le fâcheux état
où il se trouve : et c’est aussi
ce que Jésus tâcha de faire à
l’égard de celui qui le consultait.
Pourquoi m’appelles-tu bon ? lui
dit-il d’abord, il n’y a qu’un
seul bon, c’est Dieu. Christ apprenait
par-là à ce nouveau disciple, que nul
homme n’a droit d’être
appelé bon et que quiconque
s’attribue ce titre, c’est un orgueilleux
qui ne se connaît pas lui-même. Cette
seule réflexion aurait dû suffire pour
confondre toutes les idées de propre-justice
du jeune homme.
- Mais, à ce premier moyen de conviction, le
Sauveur voulut en ajouter un autre, et comme le
jeune Pharisien lui avait demandé :
Quel bien dois-je faire ? il
répondit directement à sa question,
en lui indiquant toute la Loi. Si tu veux entrer
dans la vie, garde les Commandements. -
Quels ? reprit le jeune homme. - Tu
ne tueras point, tu ne commettras point
adultère, tu ne déroberas point, tu
ne diras point de faux témoignage, honore
ton père et ta mère, et tu aimeras
ton prochain comme toi-même. - Le jeune homme
lui dit : J’ai observé toutes ces
choses-là dès ma jeunesse. Ici sa
propre-justice parait toute entière. Suivant
les idées des Pharisiens, il
s’était habitué à ne voir
dans la Loi que la lettre et à croire
qu’elle ne réglait que les actions,
tandis qu’elle doit régler aussi les
paroles et les secrets mouvements de
l’âme; et c’est cette erreur qui
était devenue l’appui de son orgueil.
Il se croit donc irréprochable et dit :
j’ai observé toutes ces choses
dès ma jeunesse. - Mais s’il
était dans l’erreur sur le sens de
quelques-uns de ces commandements, il ne devait pas
du moins ignorer le sens du dernier, tu aimeras
ton prochain comme toi-même.
“Quoi !” aurait-on peu lui dire,
“quoi ! jeune homme, tu aurais
aimé ton prochain comme
toi-même ! Ce commandement
n’ébranlerait pas quelque fibre
secrète de ta conscience ! tu aurais
aimé tous ceux que la Providence
t’ordonne d’aimer! Ah ! s’il en
est ainsi, tu es un prodige nouveau parmi les
mortels ; car tous, tous sans exception
doivent se reconnaître transgresseurs devant
cette loi capitale.
- Mais non ; La vérité est que
tu ignores ta misère et que les
préjugés et l’orgueil t’ont
voilé ce qui se passe dans ton coeur.
Puisque tu es encore si étranger à
toi-même que d’oser dire : que
me manque-t-il encore ? Jésus va te
confondre par un commandement qui te fera toucher
comme au doigt la plus grande de tes plaies.
” Si tu veux être parfait, dit le
Seigneur, vends ce que tu as et le donne aux
pauvres, et tu auras un trésor dans le
ciel ; après cela, viens et
suis-moi.
Cet ordre était rigoureux sans doute, mais
il était particulièrement
approprié aux circonstances du jeune homme,
qui avait complaisamment attaché son coeur
aux grands biens qu’il possédait ;
c’était là son endroit le plus
sensible et rien ne pouvait mieux le signaler que
ce commandement du Sauveur. - L’ordre
était d’ailleurs positif ; et qui
est-ce qui le donnait ? c’était le
Maître, le Docteur venu du ciel, celui qui
parlait de la part de Dieu et à qui on ne
pouvait résister sans rébellion.
Vends tout ce que tu as et le donne aux
pauvres ! - Quel coup foudroyant pour ce
riche qui se croyait si près du royaume des
cieux ! Il faut qu’il renonce à
toutes ses espérances pour le monde à
venir, ou aux jouissances si douces pour le monde
présent ; il faut sacrifier
l’éternité et ses trésors
sans prix, ou se séparer de ces biens
qu’il est si difficile d’amasser, si
commode de conserver, si dur de perdre ! -
point de milieu, il faut opter : la
pauvreté et la bénédiction
d’en haut, ou la richesse avec une
réprobation effrayante.
Quelle lutte cruelle ! - Encore s’il ne
s’agissait que de vivre d’une
manière plus simple et plus modeste, il
pourrait s’y résoudre ; mais
porter la croix, partager les opprobres du
Maître, souffrir la persécution, le
péril, l’épée ! Le
renoncement au dehors, le renoncement au
dedans ! Ah ! c’était trop
pour ce riche du monde ; il succomba :
il s’en alla tout triste, dit
l’Évangile, car il avait de grands
biens.
C’était sans doute la tristesse
selon le monde qui affligeait son coeur, le
regret de n’avoir pu allier les deux
maîtres incompatibles : cependant nous
ne pouvons pas dire si cette tristesse ne devin pas
plus tard la tristesse selon Dieu qui conduit au
salut. Un grand point était
obtenu ; le jeune homme était
désabusé de ses rêves de
propre-justice ; il était obligé
désormais de se reconnaître
pécheur puisqu’il avait
résisté en face au commandement de
l’Envoyé céleste ; cette
idée dut le poursuivre sans relâche,
et sa conscience, une fois réveillée
dut parler hautement. D’ailleurs, St. Marc
nous dit que Jésus l’aima
(Marc X. 21.) et cet amour du
Rédempteur l’amena sans doute plus tard
à la pleine connaissance de la voie du
salut.
Arrêtons-nous maintenant aux leçons
qui découlent pour nous de ce récit
de l’Évangile.
II. Rappelons ici, M. C. F., que depuis
l’origine du monde, Dieu a traité deux
alliances avec les hommes ; l’alliance
des oeuvres et l’alliance de la grâce.
L’alliance des oeuvres fut traitée avec
Adam encore innocent : comme il était
alors capable de faire toute la volonté du
Seigneur, et de lui obéir d’une
manière absolue et complète, la
persévérance dans la
fidélité fut la condition à
laquelle Dieu attacha la continuation du son
bonheur ; il en était de lui à
cet égard, comme des anges, qui sont
maintenus dans leur félicité
glorieuse par leur attachement et leur
obéissance au Créateur. - Mais quand
l’homme eut perdu sa première
innocence, et se fut rendu esclave du
péché, une nouvelle dispensation
devint nécessaire. Si Dieu eût
abandonné sa créature déchue,
aux conséquences terribles de la loi des
oeuvres, sans ouvrir un chemin de salut, c’en
était fait d’Adam et de sa
postérité toute entière, qui
serait demeurée à jamais sous le
poids de la malédiction. Aussi,
l’Éternel dans ses grandes compassions
envers nous, daigna traiter alors avec notre
premier père, l’alliance de
miséricorde, en annonçant que la
semence de la femme écraserait la tête
du serpent,
(Gen III. 15.) et cette semence
était Christ, qui, dans
l’accomplissement des temps, devait venir
chercher et sauver ce qui était
perdu,
(Luc XIX. 10.) et détruire le
règne du Diable. Depuis le moment de sa
chute, l’homme fut donc absolument incapable
d’obtenir le salut par ses oeuvres, il ne put
l’obtenir que par grâce, par la foi au
Libérateur qui devait venir. Mais, comme
le coeur est trompeur et
désespérément malin,
(Jér. XVII. 9.)
les descendants d’Adam
oublièrent bientôt leur état de
dégradation toujours croissante, et ce fut
pour la leur rappeler d’une manière
vivante et forte, que l’Éternel donna
la Loi par le ministère de Moïse.
Elle fut ajoutée, dit St. Paul,
à cause des transgressions ;
(Gal. III. 19.) et rien n’est
plus puissant pour nous les manifester que cette
Loi redoutable et sainte.
Là nous apprenons à nous
connaître, là nous voyons avec
évidence que nous sommes de pauvres et
misérables pécheurs, mille fois
condamnés par la justice et n’ayant de
refuge que dans le sein de la
miséricorde : et c’est
après avoir considéré
attentivement cette règle inflexible de la
volonté souveraine, que,
pénétrés de notre
misère spirituelle, nous nous tournons du
côté de Jésus-Christ pour
obtenir par lui le salut. La Loi, dit encore
St. Paul, a été un conducteur pour
nous mener à Christ.
(Gal. III. 24.) Ce serait donc
tout-à-fait méconnaître le
dessein de Dieu à l’égard de la
Loi, que de vouloir en faire pour nous un fondement
de justification, puisqu’elle doit servir au
contraire à nous condamner, en nous montrant
nos désobéissances
multipliées. Cependant beaucoup de gens
parmi nous, semblables aux Pharisiens
d’autrefois, s’appuient sur leur
prétendue observation de la Loi, pour
justifier leur sécurité et pour
méconnaître le besoin d’un salut
entièrement gratuit. C’est avec ces
personnes, qu’il faudrait en agir comme
Jésus-Christ le fit avec le jeune homme du
texte ; il le mit sous la Loi :
essayons donc de montrer à ces personnes
comment la Loi doit inévitablement les
condamner.
Vous savez les commandements : Tu ne tueras
point, tu ne commettras point
d’adultère, tu ne déroberas
point, tu ne diras point de faux témoignage,
honore ton père et ta mère, et tu
aimeras ton prochain comme toi-même.
Tu ne tueras point. Non, sans doute, vous
n’avez pas tué ; vous
n’êtes pas descendu jusque-là
dans l’abîme de la révolte :
mais n’avez-vous jamais maltraité
quelqu’un de vos frères ? Ne
l’avez-vous jamais outragé par des
paroles violentes ? Votre coeur a-t-il
toujours été exempt de colère,
d’animosité et de haine ? La Loi
défend toutes ces choses : quiconque
hait son frère est un homicide, dit un
Apôtre ;
(I Jean. III. 15.) êtes-vous
innocent ?
Tu ne commettras point
d’adultère. Non, j’aime
à le croire du moins, il n’est personne
dans cette enceinte, qui ait commis cet affreux
péché ; mais est-ce assez pour
être pur devant la Loi et devant celui qui
l’a donnée ? Consciences !
recueillez-vous, rappelez vos souvenirs, soyez
sincères devant Dieu et parlez ;
êtes-vous sans reproches ? - Oui,
pensez-y, M. C. F., d’autres crimes
d’impureté vous sont-ils
inconnus ? votre coeur ne les a-t-il jamais
conçus ? votre bouche n’en
a-t-elle jamais été
souillée ? n’en êtes-vous
jamais venus à
l’exécution ? - Voiles
ténébreux ! demeurez, je ne veux
pas vous soulevez davantage ;
je ne veux pas trop montrer
l’homme à lui-même ;
j’en ai assez dit pour le condamner sur ce
point.
Tu ne déroberas point. Ici je veux
encore pleinement vous accorder que vous
n’avez jamais directement et ouvertement ravi
le bien d’autrui. Mais il y a beaucoup de
manières indirectes de lui faire tort, et ne
les avez-vous jamais employées ?
Pensez-y bien. Il y a tant de malversations
couvertes dans les affaires ; il y a tant de
fraudes qui échappent aux yeux du public et
qui n’en sont pas moins réelles ;
il y a tant de tromperies dans les ventes, dans les
achats, dans les indications que l’on donne,
dans la manière dont on tient ce qu’on
a promis : à tous ces égards,
seriez-vous sans reproche ? - Je ne veux rien
décider ; mais je ferai seulement la
réflexion qu’en aucun temps
peut-être, il n’y a eu autant de
plaintes sur la mauvaise foi des gens, que chacun
en son particulier convient qu’on ne saurait
prendre assez de précautions pour ne pas en
être la victime, et que la multitude des
faits notoires donne beaucoup à
réfléchir sur ce qui reste encore
caché.
Tu ne diras point de faux témoignage.
Quel serait, dans cet auditoire, l’homme au
front d’airain, qui étouffant la voix
de sa conscience, pourrait se lever à la
face de tous et dire : “Je n’ai
jamais péché contre ce
commandement ?” - Jamais
péché contre ce commandement !
Jamais dit ce mensonge publiquement ou en
secret !
Jamais fait tort au prochain en portant sur lui un
faux jugement, ou en attaquant sa réputation
d’une manière
légère ! Jamais
répété de nouvelles sur son
compte sans savoir si elles étaient
fondées ! Jamais voilé ou
altéré la vérité par
calcul ou par malice ! Jamais ! -
Quoi ! oserait le dire, juste du monde !
quand les âmes les plus pieuses et les plus
vigilantes, ont elles-mêmes à se
reprocher de semblables transgressions de la
Loi ?
Honore ton père et ta mère. Il
en est sans doute plusieurs au milieu de nous, qui
ont à coeur d’observer ce commandement,
et qui y réussissent jusqu’à un
certain point par la grâce de Dieu qui agit
en eux. Mais si nous pouvions appeler ici en
témoignage les pères et les
mères de quelques-uns, que de tristes
dépositions seraient entendues au pied de
cet autel ! combien n’en est-il pas, qui
le corps courbé sous le poids des
années, la douleur peinte sur le visage,
viendraient dire en pleurant !
“Hélas ! depuis que je suis vieux,
il semble que je ne suis plus bon à rien
dans ce monde et qu’on ne m’y souffre
qu’avec peine ; on me délaisse, on
ne fait plus attention à moi : si je
veux dire un mot, on me répond d’une
manière pénible ; si je veux
faire quelque représentation, elle est
reçue avec froideur ou impatience :
ah ! il faut que je me hâte de mourir,
puisque j’ai perdu le coeur de mes enfants.
” - Et si nous pouvions encore évoquer
ceux qui ne sont plus; si nous pouvions rappeler du
fond de leurs tombeaux les pères et les
mères qui y sont descendu dès
longtemps et qui y reposent; si
leurs cendres pouvaient se ranimer ;
s’ils pouvaient paraître au milieu de
cette assemblée, escortés de tous
leurs souvenirs, et pour remettre devant nos yeux
les torts dont nous nous sommes rendus coupables
à leur égard : si ces
êtres qui nous ont quittés venaient
nous parler de toutes ces choses, non point avec le
ton des petites passions de la terre, mais avec le
calme et la solennité que donne la
lumière éternelle qui éclaire
maintenant leurs âmes : Grand
Dieu ! quels coups ils frapperaient à
nos consciences ! Que d’actes funestes
ils viendraient révéler !
Que de sujets de plaintes et de regrets sortiraient
du fond de leurs cercueils pour jeter l’effroi
dans nos coeurs ! que de torts oubliés,
que de devoirs négligés seraient
retracés avec douleur à notre
mémoire ! Ah ! dans cette
scène de deuil, dans ce procès
lugubre et terrible entre nous et les ombres des
morts, quel est celui qui, troublé,
éperdu, ne fléchirait pas les genoux
et ne se tournerait pas vers le trône de la
miséricorde, en s’écriant dans
l’angoisse de son âme?
“Éternel ! n’entre
point en compte et en jugement avec
nous ; nous avons péché, nous
avons transgressé ta Loi ! Seigneur aie
pitié, Seigneur pardonne !”
Et si après avoir examiné les devoirs
des enfants envers leurs père et
mère, nous voulions examiner les devoirs de
ceux-ci envers leurs enfants, que de nouveaux titre
d’accusation seraient produits au Tribunal du
Maître ! - Que d’exemples funestes
dans les familles !
Que de pères autorisent le vice chez leurs
enfants, par leurs propres désordres !
Que de mères, au lieu de cultiver la
simplicité et la piété dans
leurs filles, ne les forment qu’à la
vanité et à l’amour du
monde ! Que de médisances, de
jurements, de propos imprudents font passer le
poison dans des coeurs déjà si
disposés au mal ! Que de
négligences pour l’ordre religieux de
l’intérieur des ménages ! -
Ce sont là de tristes plaies ; on ne
peut les nier ; elles frappent de toutes
parts ; et tandis que je les signale, bien des
consciences doivent se troubler et élever
leurs voix.
Cependant, M. C. F., nous ne vous avons
parlé jusqu’ici, que de quelques-uns
des devoirs de la seconde table de la Loi, sans
rien dire de ceux de la première, qui sont
encore beaucoup plus généralement
négligés ; nous ne vous avons
pas parlé non plus du commandement qui nous
prescrit d’aimer Dieu, lequel suffirait
à lui seul pour nous condamner tous ;
nous ne vous avons pas examinés sur la Loi
de l’amour du prochain, laquelle
peut-être pas un de ceux qui
m’écoutent n’a observé
à aucune époque de sa vie, d’une
manière supportable.
Maintenant, prenez-y garde, ô vous qui
penseriez vous justifier devant la Loi ! une
malédiction est prononcée, de par
l’Éternel, contre ceux qui ne
l’auront pas observée dans tous ses
points. Maudit est quiconque ne
persévère pas dans toutes les choses
qui sont écrites au Livre de la Loi pour les
faire.
(Gal. III. 10.)
Et St. Jaques nous déclare, que celui qui
viole la Loi en un seul point, est coupable comme
s’il les avait tous violés.
(Jaques II. 10.) Ainsi, comme
l’affirme St. Paul, ce que dit la Loi, elle
le dit à ceux qui sont sous la Loi, afin que
tous aient la bouche fermée et que tout le
monde soit reconnu coupable devant Dieu. C’est
pourquoi, personne ne sera justifié devant
lui par les oeuvres de la Loi, car c’est la
Loi qui donne la connaissance du
péché.
(Rom. III. 19. 20.) - Vous voyez
donc, M. C. F., que la Loi n’est nullement un
refuge pour nous ; tout ce qu’elle dit,
doit au contraire nous faire trembler et nous
manifester notre état de condamnation.
Vouloir se faire illusion à cet
égard, c’est se tromper de la
manière la plus grossière sur le sens
et la tendance de l’Évangile et oublier
ce qu’une longue expérience de notre
faiblesse devrait nous rappeler à toute
heure ; c’est vouloir adapter à
l’homme dégradé, le même
plan que Dieu avait formé pour l’homme
encore dans l’innocence.
Maintenant donc, quelle sera notre espérance
et notre refuge ? Comment
échapperons-nous à cette Loi terrible
qui nous menace de son glaive ? Qui nous
protégera contre la colère à
venir et ses flammes dévorantes ? -
Parais Agneau de Dieu qui ôtes les
péchés du monde !
(Jean I. 29.) Viens rassurer nos
coeurs éperdus, viens nous montrer le chemin
qui conduit au Père, toi seul nous donneras
la paix. Maintenant, dit encore
l’Apôtre, la justice de Dieu a
été manifestée, la Justice,
dis-je, de Dieu, qui est par la foi en
Jésus-Christ en tous ceux et sur tous ceux
qui croient : car il
n’y a point de distinction, puisque tous ont
péché et sont déchus de la
gloire de Dieu ; et qu’ils sont
justifiés gratuitement, par sa grâce,
par la rédemption qui est en
Jésus-Christ. Où est donc le sujet de
se glorifier ? il est exclus : par quelle
Loi ? est-ce par la Loi des oeuvres ?
non ; c’est par la Loi de la Foi. Nous
concluons donc que l’homme est justifié
par la Foi, sans les oeuvres de la Loi.
(Rom III. 21. 22. 23.
26. 27.)
Mais comprenez-le bien, M. C. F., ce n’est
pas pour nous laisser dans nos souillures que Dieu
nous a donné l’Évangile de
grâce, ce n’est pas pour autoriser la
rébellion qu’il pardonne, Christ
n’est pas ministre du péché
(Gal. II. 17.), et son peuple
doit être un peuple saint et
zélé pour les bonnes oeuvres ;
(Tite II. 14.) si donc notre foi au
Rédempteur est sincère, elle se
manifestera par un dévouement actif à
son service, par le renoncement au monde et par les
autres sacrifices que le Seigneur demande de ceux
qui lui appartiennent. - Jugez par-là si
vous avez vraiment une foi vivante, ô vous
qui faites profession de croire au Fils de Dieu, et
apprenez à vous connaître par les
fruits que vous portez.
Je ne vous demanderai pas si vous auriez
supporté l’épreuve à
laquelle Jésus soumit le jeune homme de
notre texte, quand il lui dit : Vends tout
ce que tu as et le donne aux pauvres.
Un tel sacrifice n’est imposé aux
Chrétiens que dans des cas extraordinaires,
et alors Dieu donne à ses serviteurs un
courage proportionné à la
gravité des circonstances. Mais je vous
demanderai, si vous faites avec joie les sacrifices
auxquels les fidèles sont appelés
dans tous les temps ? - Des biens, par
exemple, vous ont été confiés
par le Seigneur ; en usez-vous selon sa
volonté, ou selon votre caprice et vos vues
charnelles ? En faites-vous une part
suffisante pour le nécessiteux qui implore
votre secours et pour celui qui, honteux de sa
misère, n’ose pas avouer ses
besoins ? En faites-vous une part pour
procurer à vos frères des moyens
d’édification, pour leur mettre entre
les mains la Parole de vie, destinée
à réveiller leur âme et
à les conduire à
Jésus-Christ ? En faites-vous une part
pour assister d’une manière digne de
Dieu, dans leurs voyages, ceux qui se sont mis en
chemin pour son nom et pour annoncer le salut
aux Gentils ? (
3. Jean 6. 7.) - Vous êtes
environnés ici-bas, d’un monde
plongé dans le mal ; en êtes-vous
séparés par vos sentiments et par vos
habitudes ? Trouvez-vous plus de douceur
à vivre au sein de vos familles pour y
servir Dieu et y remplir vos autres devoirs,
qu’à courir avec la foule après
une dissipation qui étourdit l’homme
sur son état et sur sa misère
spirituelle ? - Employez-vous le Dimanche
comme on doit employer le jour du Seigneur ?
Le passez-vous dans le recueillement et dans la
paix de Dieu, ou bien, après avoir
assisté au culte public, croyez-vous
n’avoir rien de mieux à faire
qu’à vous divertir, comme tant
d’autres ? -
Lorsque le monde verse ses mépris sur les
serviteurs de Dieu, renoncez-vous sans regret
à l’estime de ce monde frivole, pour
vivre selon Christ et pour confesser ouvertement
son nom ? - Lorsque dans vos habitudes, vous
apercevez quelque chose de coupable, vous
sentez-vous pressés d’en faire le
sacrifice, afin de demeurer dans la
fidélité que vous devez à
celui dont le nom est invoqué sur
vous ? - Que dirai-je encore ? Avez-vous
renoncé à toute idée
d’orgueil ou de mérite propre, pour
donner gloire en toutes choses à votre Dieu
et pour reconnaître avec actions de
grâces, que c’est lui qui commence et
qui achève l’oeuvre du salut chez les
siens ? - Éprouvez-vous, M. F., sur ces
questions que nous adressons à vos
consciences, et voyez par-là, si en faisant
profession d’être à Christ, votre
vie montre que vous lui appartenez ; si en lui
disant mon bon Maître, votre coeur lui
est effectivement soumis.
Hélas ! tout me porte à croire,
que si vous essayez ainsi d’apprécier
votre foi par ses fruits, la plupart d’entre
vous auront sujet de rentrer dans leurs demeures,
tristes et abattus des réflexions
qu’ils auront faites, et du manque de vie
qu’ils auront découvert dans leurs
coeurs. - Alors, nous prierons le Père des
miséricordes, que cette tristesse ne soit
pas inutile pour le salut de leurs âmes.
Amen !
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