SERMONS
SERMON VIII
SUR LE SUPPORT DES DÉFAUTS D'AUTRUI.
Portez les
fardeaux les uns des autres et accomplissez ainsi
la Loi de Christ.
Gal. VI. 2.
Nous sommes chargés ici-bas de divers
fardeaux, qui pèsent sur notre âme.
Cette partie de nous-mêmes qui soupire
après la liberté, la lumière
et la vie des cieux, est sans cesse
travaillée et fatiguée par les
misères du monde présent. Les
infirmités, les maladies, les soucis, les
chagrins, les soins toujours renaissant de la
vocation terrestre et surtout une corruption
invétérée et profonde, sont
pour elle des chaînes pesantes, qui la
rendent captive, et arrêtent son essor. -
Oui ; soupirer, languir, gémir, sous le
poids de notre infirmité ; porter
chacun un fardeau, qui tantôt plus pesant,
tantôt allégé, demeure pourtant
sur nous jusqu’à la fin : telle
est ici-bas notre destinée.
Mais remarquez, M. F., que ce n’est pas notre
fardeau seul, dont nous sentons le poids :
nous participons aussi aux fardeaux de nos
frères. - Quelqu’un de ceux qui nous
touchent est-il affligé, ne le sommes-nous
pas aussi ? - Quelqu’un de nos proches
éprouve-t-il des revers, n’en
ressentons-nous pas plus ou moins
l’ébranlement ?
- Quelqu’un a-t-il des défauts
importuns et pénibles, tous ceux qui
l’entourent, ne souffrent-ils pas de leurs
déplorables effets ? - Nous sommes trop
près les uns des autres, trop exposés
à des contacts multipliés, pour que
le fardeau qui pèse sur nos frères,
ne pèse pas aussi sur nous et
n’augmente pas nos peines propres. Mais
puisque Dieu l’a voulu ainsi, nous ne devons
pas murmurer de cet assujettissement ; il faut
porter ce poids et ne pas le rejeter loin de nous
par notre impatience. Portez les fardeaux les
uns les autres, nous dit St. Paul, et
accomplissez ainsi la Loi de Christ.
Nous nous proposons d’envisager
aujourd’hui ce précepte sous un point
de vue particulier, en traitant seulement de
l’obligation qui nous est imposée de
supporter les défauts d’autrui. Ce
point de vue paraît d’ailleurs
justifié, par la liaison de notre texte avec
le verset qui le précède. Mes
frères, dit l’Apôtre, si
quelqu’un vient à tomber en faute, vous
qui êtes spirituels, redressez-le avec un
esprit de douceur ; et prends garde à
toi-même, de peur que tu ne sois aussi
tenté. On voit qu’il est ici
question de la manière dont on doit se
conduire à l’égard de ceux qui
s’abandonnent à leurs mauvais
penchants. - Nous attachant donc à ce point
de vue, examinons:
1°. en quoi consiste le support des
défauts d’autrui,
2°. comment la Loi de Christ doit nous engager
à avoir ce support.
Mais, ô Sauveur miséricordieux !
avant que d’enter dans cette importante
matière, je sens le besoin de recevoir le
don de parler le langage de la charité.
O toi donc, qui nous as tant aimés !
donne à la prédication de ta Parole
cette onction et en même temps cette force,
qui pénètre les coeurs et les
persuadent. Oui, ô mon divin
Maître ! que ceux qui assistent
maintenant devant toi, sentent les douceurs du
support, de l’indulgence, du renoncement, et
que désormais leur vie prouve qu’ils
t’ont connu et qu’ils veulent te suivre.
Amen !
I. L’Apôtre, en nous prescrivant
de supporter les défauts d’autrui, ne
nous impose pas l’obligation de ne pas les
voir ; car à moins de nous aveugler
volontairement, cela serait impossible. Mais, si
nous les voyons, que ce soit du moins avec
indulgence. - Hélas ! si quelqu’un
n’a pas assez senti l’influence
vivifiante de l’Évangile, pour secouer
le joug d’habitudes
invétérées et de passions
coupables, si au lieu d’être
revêtu des dispositions saintes et pacifiques
des rachetés du Seigneur, il est encore
esclave de penchants qui le tyrannisent et le
tourmentent, plaignons-le, car il est bien
malheureux ; envisageons-le, nos plus comme un
être dont l’humeur, les habitudes, les
inclinations nous font souffrir, mais comme une
âme qui gémit dans des liens funestes,
et livrons-nous à la douce espérance,
qu’un jour peut-être, le Seigneur
l’en affranchira. - Oh ! comme cela
soulage, d’envisager ainsi avec charité
les défauts de nos frères !
comme l’âme est moins oppressée,
quand, pénétré de
l’Esprit de Christ, on bannit loin de soi
l’amertume et l’aigreur ! on se sent
soi-même meilleur, plus calme, plus
près de Dieu ; on éprouve avec
joie, que l’on est sur la route qu’il a
tracée à ses enfants et qui
mène jusqu’à lui.
Faites encore attention, M. C. F., que si nous ne
pouvons pas nous empêcher de remarquer les
défauts de nos frères, leurs bonnes
qualités ne devraient pas non plus nous
échapper. Quelque pénible que soit un
homme, il a cependant toujours un côté
plus ou moins louable dans son caractère.
Pourquoi ne pas nous y arrêter de
préférence ? Pourquoi ne pas le
faire ressortir avec bonté ? Mais il
semble que cela est insipide et sans
intérêt pour beaucoup de gens. -
Quelle peut en être la raison ? -
C’est que chez eux il y a beaucoup de
malignité, mais point de
charité ; la vue des défauts
d’autrui excite une satisfaction
secrète chez les esprits méchants,
tandis que la vue des bonnes qualités
produit souvent sur eux un effet tout
contraire.
Supporter les défauts d’autrui, ce
n’est pas, en second lieu, ne jamais en faire
mention ; nous sommes au contraire
appelés à redresser nos frères
qui s’égarent ; et
c’est-là un devoir
impérieusement prescrit par la
charité. Mais cette charité veut
aussi que notre langage soit digne d’elle. Si
donc nous reprenons nos frères,
reprenons-les, comme dit l’Apôtre,
avec un esprit de douceur. N’allons
pas, donnant essor à une vivacité
amère et indiscrète, les censurer
avec emportement ; l’emportement vient de
l’homme charnel, et non pas de l’Esprit
de Dieu. Mettons au contraire dans nos
observations, cet intérêt, ce ton
d’affection, qui gagne le coeur et qui le
dispose à recevoir la
vérité !
Ménageons l’amour-propre ;
n’ayons pas l’air de ne parler aux autres
de leurs défauts, que pour leur faire sentir
notre supériorité ou l’ennui que
ces défauts nous donnent ; soyons
animés de plus nobles motifs ; que ce
soit l’amour du bien, le désir de la
gloire de Dieu, celui de la
régénération et du salut de
nos frères, qui dirigent les paroles de
notre bouche ; oublions-nous nous-mêmes,
n’employons pas notre propre sagesse ;
faisons parler l’Évangile, ses appels,
ses encouragements, ses espérances ;
c’est le moyen de tout aplanir.
Si nous devons recommander une telle conduite
à toute personne qui souffre des
défauts de ses semblables, nous devons la
recommander surtout à ceux que la Providence
a appelés à vivre sous un même
toit et dans des relations
très-étroites. - Qu’un mari ait
à souffrir des défauts de sa femme,
ou une femme de ceux de son mari, ce n’est pas
avec de l’aigreur ou des crieries que le mal
sera adouci ou pourra se guérir ; non,
mais il pourra l’être, si vous employez
le baume divin de la religion et de la
charité. - O vous donc, que la Providence
expose à cette épreuve
pénible ! vous qui avez journellement
à souffrir des défauts de veux qui
vous touchent de si près ! gardez-vous
de vous laisser aller à une impatience qui
n’est que trop naturelle à nos
âmes ; comprimez-en les premiers
mouvements ; apprenez de votre divin
Maître à être doux et humble
de coeur, à ne pas briser le roseau
froissé, mais à le soutenir
contre l’orage ; à ne pas pousser
à bout le pécheur, mais à le
ramener avec bonté.
Que vos lèvres, purifiées par le St.
Esprit, ne distillent jamais ces reproches
sanglants, ces propos amers dont le seul effet est
d’échauffer la bile et de donner
lieu à Satan ; non, non ; ce
serait renier Jésus-Christ, que de
s’irriter de la sorte. Cherchez, au contraire,
à l’exemple de ce bon Sauveur,
à surmonter le mal par le bien,
à étouffer les semences
empoisonnées à force de patience, et
à briser le coeur qui vous résiste,
par votre longanimité et votre support. Rien
ne touche et ne pénètre davantage que
les accents d’une âme vraiment
chrétienne ; l’Esprit du Seigneur
peut seul renverser les puissantes forteresses du
péché : ouvrez donc votre
âme à cette céleste
influence ; allez chercher ce divin principe
auprès de Jésus-Christ ; et
quand vous puiserez habituellement les eaux vives
à leur source éternelle, notre coeur
les distillera avec abondance, votre bouche parlera
le langage de la sagesse, de la persuasion et de la
grâce, et ce langage sera
écouté.
Mais, M. F., pour supporter véritablement
les défauts des autres, ce n’est pas
assez de posséder nos âmes par la
patience, lorsque nous avons à souffrir de
leur part ; il faut encore ne pas chercher
à nous éloigner d’eux et
à les fuir, quand notre devoir nous appelle
à rester près de leurs personnes. Un
homme qui trouve sa maison
désagréable à cause des
défauts de ceux qui l’habitent, ne
manquera pas de moyens de se distraire et de tout
oublier. Il peut faire souvent des absences,
laisser sa femme et ses enfants, et aller chercher
de l'étourdissement et du plaisir, dans les
cercles, et dans les assemblées du monde.
Il est très aisé de se soustraire aux
ennuis domestiques, par une dissipation
journalière. - Mais est-ce là
répondre au but de la Providence ? -
Lorsqu’elle nous réunit en
société de famille, est-ce afin que
brisant ces liens et trahissant lâchement
notre devoir, nous allions passer notre temps loin
du lieu qu’elle nous assigne ? - Non,
elle ne le veut point ainsi. Pères de
famille ! Dieu a voulu que votre vie
habituelle se passât dans le sein de vos
maisons, et que là vous travaillassiez
à faire régner la
piété, l’union et la
bienveillance mutuelle. Femmes ! Dieu vous a
marqué votre place ordinaire sous le toit
domestique, et lors même que vous y
éprouvez souvent des choses pénibles,
que vous avez à y souffrir des
défauts de ceux avec qui vous vivez, votre
devoir vous y attache, vous devez y être en
édification et chercher à adoucir le
mal par vos soins et votre patience. Oh !
comme les maisons changeraient de face, si les
pères et les mères, les frères
et les soeurs, si les parents se disaient entre
eux : “Dieu nous a rapprochés les
uns des autres, pour que nous travaillions
mutuellement à nous corriger de nos
défauts et à devenir meilleurs ;
il nous a rapprochés, afin que le chandelier
de l’Évangile soit placé au sein
de nos demeures et y répande de toutes parts
ses célestes clartés. Ah ! il ne
s’agit donc pas de se laisser aller à
l’aigreur, ou d’abandonner le poste qui
nous est confié par la Providence ; il
faut remplir le but ; il faut changer nos
coeurs ; ne pas
s’irriter du mal, mais travailler avec le
Seigneur à le détruire, et en
attendant qu’il daigne accomplir cette oeuvre
dans chacun de nous, il faut porter le fardeau les
uns des autres, le porter avec résignation,
avec douceur, au lieu de le jeter loin de nous et
de refuser de le toucher du doigt. ”
Supporter les défauts du prochain,
c’est enfin ne pas murmurer en secret de
l’ennui et des contradictions auxquelles ces
défauts nous exposent, mais s’y
soumettre humblement devant Dieu. Quelquefois on
n’éclate pas au dehors en plaintes et
en murmures, mais on souffre impatiemment au
dedans ; or ce n’est pas assez que la
bouche soit close, il faut encore que le coeur ne
murmure pas. Il est vrai que ces épreuves
journalières semblent d’abord
être un sujet de tristesse ; mais
puisque Dieu a jugé à propos de nous
y exposer, courbons la tête sans
hésiter, sous sa volonté souveraine.
Apprenons à vouloir un peu moins, ce que
notre imagination inquiète nous
suggère, et à vouloir un peu plus ce
que Dieu veut pour notre bien. Restons donc dans
une humble attente vis-à-vis de lui,
comprimons par la résignation
l’impétuosité de nos
désirs ; soyons calmes, patients,
fidèles : il accomplira ses desseins en
son temps.
Il est si doux de s’abandonner ainsi
entièrement à lui ! de se
décharger sur lui de tous nos soucis et de
toutes nos peines ! Ce sacrifice de notre
volonté est plus propre que toute autre
chose à nous donner la paix. Il est si
consolant de lui dire : “Seigneur !
tu l’as voulu : je porterai donc ce poids
aussi longtemps que tu le jugeras convenable.
Je ne murmure point, Seigneur ! Je me soumets,
je me soumets avec joie, avec actions de
grâce, parce que tout ce que tu fais est bien
fait. Donne-moi seulement ton bon Esprit, pour que
je ne trompe pas les vues de ta miséricorde.
” Voilà, M. F., un langage
chrétien ; voilà comment nous
devons supporter les défauts des
autres ; montrons maintenant comment la Loi de
Christ doit nous engager à une telle
conduite, c’est le sujet de mon second
point.
II. Si nous devons porter les fardeaux
les uns des autres, c’est, nous dit St.
Paul, afin d’accomplir la Loi de
Christ. Or cette Loi, est une Loi
d’humilité, et une Loi
d’épreuve.
C’est d’abord une Loi
d’humilité. Considérons
donc, avant de nous impatienter des défauts
des autres, ce que nous sommes nous-mêmes.
Sommes-nous des êtres parfaits ?
N’avons-nous pas aussi notre fardeau de
défauts, qui pèse sur ceux qui nous
environnent et sur ceux même qui excitent le
plus nos ennuis ? Ne bronchons nous pas
tous en plusieurs choses,
(Jacques III. 2.) et ne
pourrions-nous pas faire une longue liste de nos
misères et de nos imperfections ? -
Homme ! qui es si disposé à
l’aigreur et à l’impatience, cesse
donc un moment de considérer de si
près les autres, et replie-toi un peu sur
toi-même. Vois, s’il n’y a pas bien
des qualités qui te manquent, et que
dès longtemps tu aurais dû
revêtir ?
Vois, si dans ce coeur, caché aux yeux des
hommes, il n’y a pas bien des petites
passions, bien des plaies secrètes, qui
feraient ta honte, si elles étaient
produites au grand jour ? Vois si, justement
apprécié, tu vaudrais beaucoup mieux
que ceux que tu méprises ? - Prends le
miroir de la Parole de vérité, et
contemples-y sans déguisement ton visage
naturel. Ah ! il ne faut qu’ouvrir les
yeux et tu seras confus de ton indignité et
de ta misère profonde ; tu seras
condamné à ton propre jugement ;
tu seras forcé de reconnaître que tu
es coupable et sans excuse. - Et si tu parais tel,
à tes propres yeux, que dois-tu
paraître à ceux du Scrutateur
suprême des coeurs ? Penses-y;
qu’es-tu dans l’éternelle
balance ? Qu’es-tu devant cette Auguste
Sainteté, qui démêle tous les
ressorts, perce tous les replis et lève tous
les voiles ? - Ah ! créature
déchue et pécheresse ! tu ne vis
et ne respires que par miséricorde ;
ton existence est tout entière dans le
support immense de ton Dieu ; tu n’as
rien de ton propre fonds que le mensonge et le
péché, tu ne mérites que la
condamnation ; serait-ce donc à toi de
t’élever avec orgueil et
d’être si difficile ? Oui, tu
n’es qu’un monument de patience et de
longue attente, car tu as fatigué le ciel
par tes égarements ; comment donc
oses-tu refuser aux autres un support dont Dieu use
si abondamment envers toi-même ? - Mais
Dieu fait plus encore ; il veut te pardonner,
quoique tu n’attires sur toi que sa
colère, écoute cette voix, qui se
fait entendre maintenant jusqu’aux
extrémités du monde : Venez
à moi, vous tous qui êtes
travaillés et chargés et je vous
soulagerai.
(Matth. XI. 28.)
L’entends-tu cet appel de
miséricorde ? - Tu le vois ;
malgré que tu sois bien indigne, Dieu veut
encore par son Fils, sauver ton âme perdue;
il n’attend pas que tu mérites quelque
chose pour te parler avec bonté; il te
prévient, il t’appelle, il te dit:
C’est moi, c’est moi qui efface tes
iniquités, pour l’amour de moi, et je
ne me souviendrai plus de tes péchés.
(Esaïe XLIII. 25)
Homme mortel ! rentre dans ton néant,
car tu n’es sauvé que par
grâce ; ce n’est qu’à
une miséricorde plus haute que les Cieux et
plus profondes que les abîmes, que tu dois de
pouvoir échapper à la perdition et
à la mort éternelle ; tu
n’as rien en toi-même qui puisse
opérer ta réconciliation avec
l’éternelle Justice, tu ne
l’obtiens que par le sang qui coule de la
croix. Où est donc le sujet de te relever,
de te glorifier, de t’estimer, toi, et de
rabaisser les autres ? Qu’est-ce qui
t’autorise à t’irriter si fort de
leurs défauts et à t’en
plaindre, comme s’ils étaient
insupportables? - Je te le répète, tu
n’es supporté toi-même et tu ne
peux être sauvé que par grâce,
par pure grâce, sans qu’il y ait le
moindre mérite de ta part. Tu dois donc
t’humilier dans ta bassesse, ne pas te croire
que quelque chose, tandis que tu n’es rien, et
ne pas être si sévère envers
des frères dont tu partages
l’incapacité et la faiblesse. quand on
reçoit tout de Dieu, on ne doit pas
être si exigeant vis-à-vis des autres
hommes.
Si dans tes relations avec tes alentours, tu mets
encore tant d’aigreur et tant
d’impatience, il faut que tu ne te connaisses
pas toi-même, que tu ignores encore la
véritable condition de ton âme, que tu
n’aies pas même entrevu l’effrayant
abîme de ton dénuement ; il faut
que tu sois encore sans componction et sans
repentance, que tu croies pouvoir te suffire
à toi-même et te passer de ton
Sauveur. Si tu le connaissais ce Sauveur, si tu
croyais qu’il a fallu son sang pour effacer
les péchés de ta vie, si tu avais
senti le besoin de crier à lui pour calmer
l’angoisse de tes remords, s’il avait
fait retentir le mot grâce,
grâce, dans ton âme éperdue,
oh ! alors, tu serais humble, tu baisserais ta
tête, tu penserais à tes propres
fautes et non à celles de tes frères,
plein du sentiment de tes infirmités, tu
oserais à peine remarquer celles qui
existent chez autrui ; tu dirais :
“Je ne subsiste que par mon Sauveur, ce
n’est donc pas à moi à
élever la voix pour critiquer, blâmer,
juger ceux qui m’environnent : Dieu
m’a fait grâce, je dois me taire et
m’humilier. ” Tel est le support que
donne la foi en Jésus quand elle est vivante
dans le coeur. La Loi de Christ est aussi une
Loi d’épreuve, et sous ce point
de vue encore, nous devons supporter les
défauts de nos frères. - Nous ne
sommes point destinés à être
ici-bas dans un état constant de calme et de
bonheur. Le Seigneur nous appelle à y
être éprouvés par des
contradictions et par des peines ; ces peines,
il les distribue à chacun selon le besoin
que nous en avons et qui est connu de sa sagesse
profonde.
Il éprouve les uns par des revers de
fortune, d’autres par des maladies,
d’autres par la perte de personnes qui leur
sont chères, d’autres enfin par les
défauts de ceux dont ils se trouvent
habituellement rapprochés. Et pourquoi
veut-il que nous soyons ainsi
éprouvés ? - C’est afin de
nous humilier toujours davantage, de nous
ôter notre volonté propre, de nous
abattre sous sa main et de nous soumettre
entièrement aux vues de sa
miséricorde. C’est ainsi que la chaire
et ses penchants se mortifient par degrés,
que l’on apprend à se détourner
de la vie extérieure du monde, pour vivre un
peu plus avec Dieu au-dedans, que l’âme
se dépouille d’elle-même, pour
s’abandonner sans réserve à son
Sauveur. Le grand mal de notre âme, est la
résistance à l’Esprit de Dieu
qui agit sur elle, et rien ne tend à
diminuer cette résistance comme les
épreuves journalières, surtout celles
qui nous viennent des défauts de nos
alentours. - Mais, si au lieu de les supporter et
d’en prendre occasion de nous humilier, nous
voulons repousser brusquement le fardeau et nous
abandonner à une irritation funeste ;
alors l’épreuve produit un effet
directement contraire au dessein de Dieu ;
elle nous endurcit au lieu de nous corriger et de
nous soumettre. Cette impatience, au lieu
d’établir le règne de la
Grâce, éteint l’Esprit de
Jésus-Christ ; la chair et le sang se
raniment, la volonté de l’homme se
relève, la volonté de Dieu est
foulée aux pieds, et ainsi l’aigreur et
le mépris que nous concevons pour nos
frères, fait tourner à notre mal ce
que Dieu avait destiné à notre bien.
- Prenons donc garde à ne pas nous faire
illusion ; la vie chrétienne est une
vie de renoncement ; le Sauveur l’a
dit : Quiconque veut venir après
moi, qu’il renonce à soi-même,
qu’il se charge de sa croix et qu’il me
suive.
(Luc IX. 23.) Il faut donc entrer
dans cet état de renoncement, ne pas
s’irriter des obstacles que l’on
rencontre soit au dedans, soit au dehors ; ne
pas vouloir ne joncher que de fleurs la route de la
vie et murmurer des épines que Dieu y a
laissées exprès pour nous. Il faut
apprendre à souffrir, à se taire,
à porter le fardeau, à le porter pour
l’amour du Sauveur. Cela semble au premier
abord, bien dur, bien difficile ; mais si le
coeur est à Jésus-Christ, on ne
trouve plus cette tâche si rebutante. Il y a
tant de plaisir à servir ce bon
Maître ! à montrer par quelques
sacrifices, que nous sentons le prix de ses
bienfaits ! il y a tant de joie dans le
sentiment de son approbation et de son amour !
il nous environne de tant de grâces pour
soutenir notre faiblesse, que le chemin de la croix
qui paraît au premier abord si
pénible, se transforme en une route toute de
lumière, de bonheur et de gloire.
Supportons donc avec douceur les autres, M. C. F.,
c’est là ce que le Sauveur demande de
nous, c’est là sa Loi. Montrons par
notre patience que nous sommes vraiment les
disciples de cet Agneau de Dieu qui est venu
souffrir pour les péchés du
monde et nous ouvrir le trésor de la
plus incompréhensible charité. - Nous
ne voulons pas abandonner ce bon Maître,
tourner le dos à sa croix et retourner
à un monde qui va périr.
Non, nous voulons être du nombre de ceux
qui gardent la foi pour sauver leurs
âmes.
(Héb X. 39.) Eh ! bien,
soyons patients, calmes,
résignés ; que notre
lumière luise devant les hommes,
(Matth. V. 16.) si toutefois quelque
étincelle en a pénétré
dans nos coeurs ; souffrons avec
Jésus-Christ, souffrons étant
animés de son Esprit ; et
souvenons-nous, que si nous souffrons avec lui,
nous régnerons aussi avec lui ; mais
que si nous le renonçons, il nous renoncera
aussi,
(2. Tim. II. 12.) à son
dernier avènement.
O notre bon Dieu et Sauveur ! donne-nous
toi-même ce support et cette charité
qui caractérisent tes enfants ;
comprime par la puissance de ton Esprit, notre
chair qui tend sans cesse à se relever et
à reprendre son ancien empire ;
Seigneur notre Dieu ! aie pitié de nos
grandes misères et donne-nous cette
pureté incorruptible d’un esprit doux
et paisible qui est d’un si grand prix devant
toi.
(1. Pierre III. 4.) - Tandis que le
monde fait gronder autour de nous le bruit de ses
éternelles tempêtes, que les passions
se remuent, que les hommes s’agitent, que les
intérêts s’entrechoquent,
tiens-toi près de nous, pour nous faire
sentir ta paix, ton amour et une tendre
charité pour nos frères. -
Qu’ainsi nous te glorifions, Seigneur !
qu’ainsi nous fassions ton oeuvre sur la
terre, jusqu’à ce que tu nous
recueilles dans le repos réservé
à ton peuple. Amen !
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