SERMONS
SERMON XI
LE CHEMIN DE SION.
Et il y
aura là un sentier et un chemin, qui sera
appelé le chemin de la
sainteté ; celui qui est souillé
n’y passera point, mais il sera pour
ceux-là ; celui qui va son chemin, et
les fous ne s’y égareront point. Il
n’y aura point là de lion, et aucune
bête farouche n’y montera, ni ne
s’y trouvera ; mais les rachetés y
marcheront. Et ceux dont l’Éternel aura
payé la rançon, retourneront, et
viendront en Sion, avec chant de triomphe, et une
allégresse éternelle sera sur leur
tête ; ils seront dans la joie et dans
l’allégresse ; la douleur et le
gémissement
s’enfuiront.
Esaïe XXXV. 8. 9. 10.
Tandis que les Israélites assis
auprès des fleuves de Babylone, pleuraient
en se souvenant de Sion, et que les harpes
suspendues aux saules du rivage, ils refusaient
de chanter leurs saints cantiques dans une terre
étrangère ;
(Ps. CXXXVII. 1. 2. 4.) le Seigneur
leur avait ménagé une grande
consolation, en mettant entre leurs mains diverses
prophéties qui annonçaient la
délivrance de cette cruelle
captivité. Avec quelle joie, par exemple, ne
devaient-ils pas lire le chapitre d’où
notre texte est tiré ! Avec quelle
magnificence le Prophète décrit
l’heureux changement qui allait être
produit dans leur sort ! Quel abondant retour
de bénédictions il annonce !
Le désert et le lieu aride se
réjouiront, la solitude sera dans
l’allégresse, et fleurira comme une
rose. Elle fleurira et sera dans
l’allégresse, elle poussera des cris de
joie et des chants de triomphe ; la gloire du
Liban et la magnificence du Carmel et de Saron lui
seront données ; ils verront la gloire
de l’Éternel et la magnificence de
notre Dieu. Fortifiez les mains languissantes et
affermissez les genoux tremblants ; dites
à ceux qui ont le coeur
troublé : Prenez courage et ne craignez
plus ; voici votre Dieu ; il viendra
lui-même, et il vous délivrera.
(Esaïe XXXV. 1-4.) - Mais, ces
passages, si consolants pour les Israélites,
ne le sont pas moins pour nous, mes
bien-aimés frères, puisque le
prophète, en annonçant la
délivrance de l’esclavage
d’Assyrie, annonce aussi celle d’un
esclavage plus dur et plus honteux encore ;
celui auquel Christ est venu mettre un terme.
C’est surtout ce puissant Rédempteur
qu’Esaïe avait en vue, quand il disait
immédiatement après les paroles que
nous venons de citer : Alors les yeux des
aveugles seront ouverts, et les oreilles des sourds
seront débouchées ; alors le
boiteux sautera comme un cerf, et la langue du muet
chantera avec triomphe ; car des eaux
sortiront au désert et des torrents au lieu
solitaire.
(Esaïe XXXV. 5. 6.)
À ces traits, qui ne reconnaîtrait le
Sauveur et les merveilles qu’il a
opérées en faveur des siens ? -
Oui, c’est lui qui a pris nos langueurs,
(Matth. VIII. 17.) et qui les a
guéries. C’est lui qui a fait
jaillir les eaux au désert par les
grâces et les bénédictions
précieuses qu’il a répandues sur
son peuple ; et c’est
à la marche glorieuse de ses rachetés
vers la Jérusalem éternelle, que doit
essentiellement s’appliquer le texte que nous
avons choisi pour notre instruction dans ce jour.
Et il y aura là un sentier et un chemin,
qui sera appelé le chemin de la
sainteté, celui qui est souillé
n’y passera point, mais il sera pour
ceux-là ; celui qui va son chemin, et
les fous, ne s’y égareront point. Il
n’y aura point là de lion, et aucune
bête farouche n’y montera, ni ne
s’y trouvera ; mais les rachetés y
marcheront. Et ceux dont l’Éternel aura
payé la rançon, retourneront, et
viendront en Sion, avec chant de triomphe, et une
allégresse éternelle sera sur leur
tête ; ils seront dans la joie et dans
l’allégresse ; la douleur et le
gémissement s’enfuiront.
Voyons:
- 1°. qui sont les voyageurs dont il est ici
parlé,
- 2°. dans quel chemin ils marchent,
- 3°. où ce chemin aboutit.
O Seigneur ! tandis que ta Parole ne cesse de
nous rappeler tes bienfaits, donne-nous à
tous des yeux pour voir et des oreilles pour
entendre. Amen !
I. Ceux que nous contemplons avec le
prophète, avaient été esclaves
à Babylone. Tous ceux qui marchent dans le
chemin de l’Évangile, ont aussi
commencé par l’esclavage. En
vérité, en vérité je
vous dis, que quiconque s’adonne au
péché, est esclave du
péché ;
(Jean VIII. 34.) ce sont les paroles
du Seigneur lui-même, et St. Pierre nous dit,
que l’on devient esclave de celui par qui
on est vaincu.
(2. Pierre II. 19.) Telle est notre
condition naturelle à
tous.
Au lieu d’entrer dans la vie avec des
dispositions d’obéissance à
notre Créateur, nous naissons esclaves du
prince des ténèbres et de la
révolte. Notre âme, au lieu de
gouverner le corps auquel elle est unie, se laisse
gouverner par lui. Les sens nous séduisent,
les voluptés nous entraînent ; au
lieu de nous attacher à ce qui est solide,
nous courons après ce qui n’a que
l’apparence ; pleins de
l’idée que nous pouvons trouver ici-bas
un bonheur réel, nous nous tourmentons pour
acquérir des biens, qu’un souffle de
colère va bientôt anéantir.
Diverses passions nous dominent tour à tour
et nous conduisent aux plus tristes excès.
Tout ce qui est bien nous est difficile, tout ce
qui est mal a des attraits pour nous. Quelle
servitude pour celui qui avait été
créé un peu moindre que les
Anges ! Quelle dégradation pour des
êtres en qui Dieu avait mis son image. - Ce
qu’il y a de plus déplorable encore,
c’est que l’homme se complaît dans
cette servitude ; il ferme les yeux sur sa
honte, il ne veut pas la reconnaître, il
cherche même à ennoblir ses
liens ; plus il s’abaisse, plus son
orgueil augmente ; il se fait un mérite
de ses biens, de son esprit, de tous les avantages
frivoles qu’il peut avoir, et il oublie que
son âme est dans les ténèbres,
séparée de son Dieu, et
menacée de la mort éternelle. Tous ne
sont pas corrompus au même degré, je
le sais ; mais tous sont par leur nature
éloignés de la vie de Dieu,
aveuglés sur leurs propres misères et
soumis au joug humiliant des passions. Dans cet
état, ils appartiennent au royaume de Satan,
et non pas au royaume du Seigneur.
Ils sont esclaves à Babylone, comme
l’avaient été les voyageurs dont
nous parle Esaïe. Mais le moment de la
délivrance était arrivé pour
les Israélites captifs.
L’Éternel avait fait publier un
édit de liberté, et ceux qui avaient
eu le coeur touché par le souvenir de la
patrie, reprenaient le chemin de Jérusalem.
Le moment de la liberté est aussi venu pour
les disciples du Sauveur ;
l’Évangile a été
proclamé, ils l’ont
écouté avec joie, ils l’ont
cru ; et délivrés des liens de
ténèbres, ils ont été
mis dans la liberté glorieuse des enfants de
Dieu. Ils ne sont pas encore, il est vrai,
arrivés au repos ; ils sont loin encore
de la patrie ; mais ils sont sur le chemin qui
y conduit ; ils marchent. - Oui, le vrai
Chrétien est déjà libre
ici-bas ; il n’appartient plus au
maître dur et impitoyable qui le retenait
dans ces chaînes ; le Fils l’a
affranchi ;
(Jean VIII. 36.) c’est à
lui qu’il appartient ; il n’a plus
sur son front la marque ignominieuse de la
malédiction, il est devenu enfant de Dieu et
citoyen de la céleste Jérusalem. O
heureuse délivrance ! O vrai
liberté ! Liberté de
l’âme, qui a recouvré les droits
de sa première origine et la force de faire
la volonté de Dieu ! - Heureux
Chrétiens ! comment avez-vous reconquis
votre indépendance et votre couronne ?
Est-ce vous-mêmes qui avez brisé vos
fers ? Est-ce par votre propre énergie
que vous êtes sortis de
l’esclavage ? - Non, non, vous
n’aviez ni les lumières, ni les
ressources nécessaire pour cela, vous devez
tout à la miséricorde de notre Dieu.
Il y a trois moyens de délivrer un
captif ; la force, l’échange et le
rachat. C’est ce dernier moyen que Dieu a
choisi pour les fidèles. Ils sont
appelés dans le texte, les
rachetés. Qui a payé leur
rançon ? - L’Éternel. -
Quelle rançon ? - Son propre Fils.
Écoutez St. Pierre : Vous avez
été rachetés, non par des
choses périssables comme l’argent ou
l’or, mais par le précieux sang de
Christ, comme de l’Agneau sans défaut
et sans tache.
(1. Pierre I. 18. 19.) O cieux !
soyez attentifs ! Terre ! Tressaille de
joie à ce prodige de l’amour de Dieu
notre Père! Il a donné son fils
unique, il l’a donné pour le rachat des
pécheurs. - Nous avions tous
transgressé les lois souveraines, et selon
la justice divine nous devions périr pour
nos violations. Ces lois éternelles ne
pouvaient pas être
révoquées ; il fallait que le
pécheur portât la peine
prononcée, ou que quelqu’un la
portât à sa place. - Dieu s’est
fait notre frère, et a pris sur lui le
châtiment. Nous étions esclaves et
prisonniers du péché. - Ce
péché, le plus puissant, le plus
pernicieux, le plus cruel de tous les tyrans, et
qui appesantissait son joug sur tous les hommes de
l’univers, ne pouvait être vaincu, quand
bien même toutes les créatures, les
hommes et les Anges se seraient réunis pour
cela ; mais il l’a été par
la force irrésistible, et par la puissance
au-dessus de toute puissance de
Jésus-Christ, qui s’est donné
lui-même pour vaincre.
(1)
Ainsi, par son sacrifice, notre rançon est
payée toute entière, et les secours
les plus efficaces nous sont acquis pour sortir de
notre dégradation. Il ne faut que se confier
aux promesses du Rédempteur, et aller
chercher un abri sous sa croix protectrice. -
D’où vient donc qu’il en est tant
parmi nous qui demeurent dans leurs vieux liens, et
qui continuent à être esclaves du
monde et du prince qui y règne ?
D’où vient, que les jours, les mois,
les années s’accumulent sur leurs
têtes, sans qu’on aperçoive en
eux un généreux élan, pour
commencer une nouvelle vie et pour marcher dans le
droit sentier ? - Ah ! ce ne sont pas les
secours qui leur manquent, mais la foi au Sauveur.
Ils ont mis leur confiance en eux-mêmes, en
leur prudence, en leurs ressources ; ils
veulent se passer d’appui, et ils ne font que
se traîner dans leurs souillures ; ou
bien, pour croire au salut qui leur est
annoncé, ils veulent attendre de voir en eux
des dispositions plus saintes, et ils ne
comprennent pas, que c’est seulement
lorsqu’ils se confieront pleinement au
Rédempteur, qu’ils recevront de lui ces
dispositions. Ainsi ils se tourmentent sous leur
joug, sans pouvoir le briser.
O hommes, si lents à croire et si pleins
d’illusions ! contemplez ces voyageurs
que nous montre le texte. Pourquoi ont-ils
quitté Babylone ? - N’est-ce pas,
parce qu’ils ont cru à
l’édit de délivrance
publié par ordre du Seigneur ?
N’est-ce pas, parce que, fondés sur la
promesse du Dieu qui ne peut mentir, ils ont tenu
pour certain, que ce Dieu les ferait rentrer dans
leur héritage ? C’est pour cela
qu’il sont partis et qu’ils se sont mis
en marche au travers du désert : sans
cela ils auraient vieilli à Babylone, et ils
auraient trouvé leur sépulcre dans
cette terre infidèle. Et si vous aussi, M.
C. F., vous ajoutiez une foi entière au
message de réconciliation que nous publions
de la part de Christ, si vous teniez pour certain
que votre salut a été
opéré par lui, que votre
rançon a été payée,
vous vous lèveriez tous ensemble du sein de
vos tombeaux, pour prendre le chemin de la patrie
céleste, avec tous les fidèles qui
s’y dirigent. Mais quel est ce chemin dans
lequel marchent les rachetés ? nous
allons le voir dans notre second point.
II. La voie dans laquelle marchent les
rachetés est d’abord appelée
un sentier, ce qui suppose un chemin facile.
Pour qui est-il facile ? - Pour les simples
qui se confient entièrement au Seigneur.
Mais le texte dit, que celui qui va son chemin
et les fous ne s’y égareront point ou
ne le parcourront point.
(2)
Oui, les insensés qui veulent suivre
leurs propres idées et l’impulsion de
leur propre coeur, n’entreront point dans ce
chemin ; ils n’y verront rien qui les y
attire. La porte par laquelle on entre est
étroite ; c’est
l’humilité. Il ne faut pas
présumer de soi-même, s’imaginer
être quelque chose, tandis que l’on
n’est rien ; il faut
reconnaître sa misère, son
dénuement, et recevoir le salut comme un
don de Dieu, comme un pur don de sa
miséricorde. Un tel abaissement ne convient
pas aux esprits indépendants et
orgueilleux ; ils souffriraient de se mettre
à leur place, et de s’avouer criminels
et perdus sans ressource. Ils veulent se sanctifier
eux-mêmes, se tirer d’affaire
eux-mêmes, et ils repoussent le joug du
Seigneur.
Mais l’âme simple s’y soumet
sans hésitation et sans murmure ; le
pauvre d’esprit, qui sent qu’il n’a
rien de son propre fonds, qu’il ne peut rien,
profite avec empressement de cette voie de salut
qui lui est ouverte. il entre donc, il entre avec
confiance, parce que c’est le chemin que Dieu
lui a tracé ; et une fois qu’il y
est engagé, cette même confiance
devient sa sauvegarde. Il ne s’appuie point
sur ses propres forces ou sur sa sagesse ; il
regarde à Dieu et lui dit :
“Seigneur ! vois mes incertitudes, ma
faiblesse ; guide toi-même ton enfant au
milieu des tentations qui l’environnent.
”
Tout est facile, M. F., pour celui qui a une
foi semblable ; les obstacles ne
l’effraient plus ; il marche avec
courage, avec joie, sachant qu’il est sous
l’oeil d’un bon Père et sous sa
garde. - Ce n’est donc pas de grande
instruction ou de profonds raisonnements que nous
avons besoin, pour marcher facilement dans le
chemin de l’Évangile ; mais de
foi, de simplicité, de la simplicité
des petits enfants qui sentent leur faiblesse et
qui s’attachent à une main plus forte.
Si nous étions assez sages, pour nous
abandonner tout-à-fait au Seigneur, et pour
le suivre avec docilité partout où il
voudrait nous mener, nous aurions bien moins de
peines et de troubles ;
mais nous revenons constamment
par quelque détour à notre propre
volonté et à nos propres vues ;
c’est là ce qui gâte notre
chemin, et ce qui le rend difficile. Heureuses les
âmes qui, dépouillées
d’elles-mêmes, écoutent Dieu avec
simplicité dans sa parole, et
obéissent à la voix de son Esprit,
sans résistance et sans murmure ! Elles
possèdent le vrai bien ; dans toutes
leurs détresses l’Ange de sa face
marche devant elles ; lui-même les
conduit par son amour et par son support ;
elles avancent par un sentier doux et uni comme
l’agneau qui descend le long d’un frais
pâturage, jusqu’à ce qu’il
atteigne son bercail.
Le texte, en nous représentant le chemin des
rachetés comme facile, nous le
représente aussi comme sûr. Il
n’y aura point là de lion, et aucune
bête farouche n’y montera, est-il
dit. L’assurance de n’être pas
exposés aux attaques des bêtes
féroces, était bien précieuse
pour des voyageurs appelés à
traverser de vastes contrées de
l’Orient. Les lions y infestent
fréquemment les déserts, surtout dans
le voisinage des fleuves, et du milieu des roseaux
ils s’élancent sur les caravanes
imprudentes. Le lion, qui est l’ennemi le plus
redoutable du voyageur, représente ici
l’ennemi des âmes, l’adversaire qui
rôde sans cesse autour de nous, cherchant
qui il pourra dévorer.
(1. Pierre V. 8.) Mais les
fidèles sont à l’abri de ses
fureurs ; ils sont
gardés par la puissance de Dieu, par la foi,
pour le salut qui doit être
révélé dans les derniers
temps.
(1. Pierre I. 5.) Ils sont sans doute
fréquemment exposés à de
violents combats, à des tentations pleines
d’artifice ; ils peuvent faire
momentanément des chutes
déplorables ; mais ils ne
périront jamais sous les attaques de
l’adversaire, car Christ qui les a
appelés est fidèle, et nul ne les
ravira de sa main.
(Jean X. 28. /
1. Thess. V. 24.) Au milieu des plus
terribles assauts, il se tiendra près
d’eux et les couvrira de son bouclier
invisible ; il leur dira, comme autrefois
à ses disciples effrayés,
c’est moi, n’ayez point de
peur ;
(Matth. XIV. 27.) il les soutiendra
par sa force, et ainsi en toutes choses, ils
seront plus que vainqueurs par celui qui les a
aimés.
(Rom. VIII. 37.)
Considérez maintenant, M. F., un nouveau
caractère très important que le
prophète attribue au chemin des
rachetés ; il l’appelle un
chemin de sainteté, et il ajoute, que
celui qui est souillé n’y passera
point. Si en effet, Dieu adresse des promesses
si magnifiques aux fidèles, ce n’est
pas afin qu’ils se relâchent et
qu’ils oublient leur sanctification.
L’Esprit qui leur est donné d’en
haut purifie graduellement leurs coeurs, donne
à leurs affections une direction sainte et
élevée ; et le Seigneur ne
reconnaît pas pour siens, ceux qui prennent
son nom dans leurs bouches, pour marcher
ensuite après leurs cupidités.
(Ezéch. XXXIII. 31.) Il se
trouve quelquefois des gens qui voyant
l’Évangile promettre le pardon au
pécheur qui s’humilie et qui a la foi
en Jésus, pensent pouvoir saisir ce pardon
précieux, sans abandonner leurs
égarements.
De tel hommes font donc une profession
stérile de leurs lèvres, et
disent : “Oui, je reconnais ma grande
misère, et j’attends tout de mon
Sauveur. ” Mais après s’être
appliqué la première partie du
message céleste, il ne tardent pas à
voir l’autre qui nous prescrit de marcher
en nouveauté de vie,
(Rom. VI. 4.) d’entrer dans
la route étroite,
(Matth. VII. 14.) de ne pas suivre
la multitude pour mal faire,
(Exode XXIII. 2.) mais de nous
joindre à la troupe des fidèles
disciples qui, séparés des
vanités du siècle, travaillent
à se purifier eux-mêmes, comme
celui qui les a appelé est pur.
(1. Jean III. 3.) Ces paroles
inquiètent le faux chrétien ; il
essaie peut-être d’obéir et
d’entrer dans la voie. Mais, que ce chemin lui
paraît pénible et dépourvu de
douceurs ! Point de plaisir bruyant pour
étourdir ; point de flatterie pour
tromper le coeur ; point de voluptés
pour les sens ! et quoi en leur place ? -
La simplicité, l’humilité, la
prière, le renoncement à
soi-même et au monde, la vie cachée
avec Christ en Dieu ;
(Col. III. 3.) quelle
carrière, pour un homme qui n’a pas
été touché d’une
manière vive et profonde ! À
cette vue, il hésite, il s’effraie, il
sent que s’il recule, les promesses lui
échappent ; que s’il avance, il
aura des sacrifices pénibles à
accomplir : une telle lutte n’est pas
faite pour son âme, et bientôt jetant
ce manteau de christianisme dont il
s’était revêtu un moment, il
retourne au monde qu’il n’a jamais
cessé d’aimer.
Cependant, M. F., de ce que la vie
chrétienne n’est pas agréable
à l’homme charnel, n’en concluez
pas qu’elle soit dépourvue de douceurs.
Non, non ; Dieu en donne abondamment au coeur
qui le cherche. Écoutez le texte :
Ceux dont l’Éternel aura payé
la rançon, retourneront et viendront en Sion
avec chant de triomphe, et une allégresse
éternelle sera sur leurs têtes.
L’allégresse nous est
représentée ici comme étant
sur la tête de ces voyageurs, parce que les
Israélites avaient la coutume d’oindre
leur tête d’huile parfumée, et de
se couronner de fleurs dans les fêtes
solennelles. C’est l’image des joies, qui
sont réservées au véritable
Chrétien. - O vous ! qui ne les
connaissez que de nom, et qui pensez
peut-être qu’elles sont peu de chose en
comparaison de celles que le monde vous donne,
essayez de demander au plus humble et au plus
chétif de tous les fidèles, s’il
voudrait échanger ses privilèges et
son bonheur contre le vôtre ? - Il vous
répondra, que même ses heures les
moins heureuses, valent mieux que vos plus vifs
plaisirs. - Que possède-t-il en effet le
croyant ? - La paix, la paix du coeur, ce
calme intime et céleste qui résulte
de la pensée que Dieu est notre Père
et que nous sommes ses enfants ; la certitude
que nous sommes à lui, qu’il ne nous
abandonnera jamais, et qu’il accomplira en
nous, pour la journée de
Jésus-Christ, la bonne oeuvre qu’il a
commencé.
(Philipp. I. 6.)
Voilà le sujet du chant de triomphe
des fidèles, voilà
l’allégresse qui leur est
donnée par le Saint-Esprit. Ah ! joies
du monde ! pâlissez devant un bonheur si
doux et si pur. Et vous, qui courez encore
après ces joies grossières !
souvenez-vous que quand vos plaisirs seraient mille
fois plus vifs et plus enivrants, une seule
pensée suffirait pour les empoisonner ;
c’est que leur fin approche, que la mort va
les anéantir à jamais, et qu’il
n’en restera plus aucune trace, si ce
n’est dans les effroyables conséquences
qui en résulteront pour vos âmes. -
Mais la joie du Chrétien ne se termine pas
à la mort ; son allégresse ne
dépend pas de l’existence des choses
visibles ; elle est éternelle,
dit le Prophète. Oui quand le
pèlerinage du fidèle
s’achève, il entrevoit au travers des
ombres du tombeau, une nouvelle aurore et une
patrie plus heureuse, et il va achever au pied du
trône avec les Anges, le cantique de
délivrance que ses lèvres
glacées murmuraient encore.
III. Il nous reste à examiner, M. F.,
où vont les voyageurs dont il est
parlé dans notre texte. - Ils se dirigent
vers Sion. Sion était la montagne sur
laquelle était bâti le temple de
Jérusalem. Or pour les Israélites
exilés, c’était la patrie, le
lieu de la présence particulière du
Seigneur, et le séjour du peuple
fidèle.
C’était d’abord pour eux, la
patrie. Ils sortaient de Babylone, où ils
avaient été esclaves, ils
traversaient des pays où ils ne devaient pas
se fixer ; toutes leurs
pensées, tous leurs désirs, toutes
leurs espérances étaient
tournés vers Jérusalem.
Les Chrétiens traversent aussi une
contrée où ils ne doivent pas faire
un long séjour ; le monde est pour eux
un désert, une terre
étrangère ; ils se dirigent vers
la Jérusalem céleste dont Dieu
lui-même est l’architecte et le
fondateur.
(Héb. XI. 10.) Nous
n’avons point ici-bas de cité
permanente, mais nous cherchons celle qui est
à venir.
(Héb. XIII. 14.) Nous la
cherchons ! oui ; au milieu de ce
combat de la foi, que nous sommes appelés
à soutenir, au milieu des soupirs, que nous
arrachent les contradictions du monde et les
misères de nos propres coeurs ;
qu’est-ce qui nous soutient et qui nous
console ? - C’est que les choses visibles
vont passer, que les invisibles vont prendre leur
place, que notre course pénible
s’achève, et que nous ne tarderons pas
à arriver à la cité
céleste que le Seigneur nous a promise et
dont le sacrifice de Jésus nous a ouvert
l’entrée. Ce qui nous console,
c’est que nous ne sommes pas citoyens de la
terre, mais citoyens du ciel, et que chaque heure
qui s’écoule nous rapproche de cette
patrie éternelle. - Là, seront enfin
terminées, nos inquiétudes et nos
agitations constantes ; là, nous
trouverons un asile que ni la
méchanceté des hommes, ni les
révolutions des temps, ni les puissances de
l’enfer, ne pourront nous ôter.
Là, nous trouverons enfin ce tabernacle
qui ne sera point transporté, duquel les
pieux ne seront jamais ôtés et dont
pas un des cordeaux ne sera rompu. C’est
là véritablement que
l’Éternel sera magnifique pour son
peuple.
(Esaïe XXXIII. 20. 21.)
Sion, vers laquelle marchaient les
Israélites sortis de Babylone, était
encore pour eux l’habitation
particulière du Seigneur. Il y manifestait
sa présence par la nuée, qui reposait
sur l’arche sainte. Aussi le Psalmiste
disait : Dieu est connu dans la
Judée, sa renommée est grande en
Israël. Son tabernacle est en Salem, et son
domicile en Sion.
(Ps. LXXVI. 2. 3.)
La Sion d’en haut, vers laquelle marchent les
fidèles, est aussi d’une manière
bien particulière la demeure de
l’Éternel. Là, il manifeste sa
présence d’une manière
ineffable ; là il est vu face à
face par les âmes bienheureuses. - Oui, dans
ce ciel caché aux yeux des hommes, mais qui
sera bientôt révélé, est
l’habitation de ta gloire ô Dieu
Souverain ! Du haut de ton trône, tu
abaisses tes regards sur les mondes, et tes yeux
sondent toutes les créatures jusqu’au
fond. Les milliers d’Anges t’environnent,
les Séraphins volent à ta voix, les
la multitude des Intelligences fait retentir le
cantique : Saint, saint, saint est
l’Éternel des armées, tout ce
qui est dans toute la terre est sa gloire.
(Esaïe VI. 3.) - Et c’est
là aussi que tu veux nous introduire un
jour, si nous nous attachons par une vraie foi au
Sauveur que tu nous as donné ;
c’est là que nous
nous reposerons éternellement dans ton sein,
et que nous nous rassasierons des joies qui sont
à ta droite ; c’est là que
le gémissement s'enfuira à jamais,
que la mort ne sera plus, qu’il n’y aura
plus, ni deuil, ni cri, ni travail, parce que les
premières choses seront passées,
(Apoc. XXI. 4.) et que tu seras
tout en tous.
(1. Cor. XV. 28.)
- Ah ! qui sommes-nous ? M. F., qui
sommes-nous chétifs vermisseaux de terre
pour oser élever jusque-là nos
espérances ? - Mais la
miséricorde de notre Dieu a comblé
l’abîme qui nous séparait de lui.
En nous appuyant sur Jésus, nous ne sommes
plus des étrangers, ni des gens de
dehors ; mais nous sommes concitoyens
des saints et membres de la famille de Dieu;
(Eph. II. 19.) au nom de Christ, nous
entrerons dans le Sanctuaire.
Dans cette patrie céleste, nous trouverons
aussi ce Sauveur en qui nous croyons, que nous
aimons et en qui nous nous réjouissons
d’une joie ineffable et glorieuse.
(1. Pierre I. 8.) Oh ! qui
pourrait se représenter le bonheur
d’être ainsi réunis à
lui ? - Lorsque nous lisons
l’Évangile, et que nous suivons par la
pensée ce Maître adorable allant de
lieu en lieu pour faire du bien, nous envions
souvent le privilège de ceux qui pouvaient
l’accompagner, s’entretenir avec lui,
contempler journellement les témoignages de
sa bonté et de son inépuisable
miséricorde. Nous disons souvent :
“Oh ! si j’eusse été
là ! si j’avais pu aller au-devant
de lui, me mettre à ses pieds, lui dire les
misérables faiblesses de mon coeur, me
rassasier des discours qui sortaient de sa bouche
divine, c’eût été pour moi
la suprême félicité. ”
Eh bien ! M. F., ce voeu des âmes
chrétiennes sera pleinement
réalisé dans le ciel. Christ sera
avec nous, il sera notre Berger, il nous
paîtra, il nous conduira aux sources
d’eaux vives,
(Apoc. VII. 17.) il ne nous quittera
plus.
Enfin, M. F., Sion était aussi
l’habitation du peuple saint ; c’est
là que montaient les tribus de
l’Éternel, pour célébrer
son nom ; et les Chrétiens marchent
aussi vers une Sion, dans laquelle ils habiteront
ensemble, étant faits participants du
même amour et de la même
félicité. Vous êtes venus,
dit St. Paul aux Hébreux, à la
montagne de Sion, à la cité du Dieu
vivant, à la Jérusalem
céleste, aux milliers d’Anges ;
à l’assemblée et à
l’Église des premiers-nés, dont
les noms sont écrits dans les cieux.
(Héb. XII. 22. 23.)
Rappelez-vous, M. F., ces Patriarches
vénérables, que nous apprenons
à connaître par l’histoire des
premiers âges du monde ; rappelez-vous
ces Prophètes, dont les écrits
étincellent d’un feu divin, et raniment
si souvent nos coeurs abattus ; rappelez-vous
ces Apôtres, ces confesseurs, ces martyrs,
qui ont scellé de leur sang la
vérité de
l’Évangile ; tous ces hommes
pieux, qui depuis l’origine de
l’Église, en ont été
l’édification et les flambeaux ;
ils sont maintenant dans le ciel, et nous irons les
joindre, si comme eux, nous nous tenons fortement
attachés à l’ancre du salut.
- Pensez aussi à ces amis, à ces
parents qui vous ont quittés, et qui sur la
frontière du temps et de
l’éternité, invoquaient avec foi
le nom du Seigneur ; leur souvenir remplit
encore vos coeurs d’une
vénération mêlée de
douceur et de tristesse ; eh bien ! si
vous partagez leur foi, vous les retrouverez dans
la patrie vers laquelle nous marchons. - Le
père, dont la piété couronnait
les cheveux blancs, et l’heureuse famille qui
profita de ses leçons et de ses
exemples ; la mère et l’enfant
à qui elle apprit à
répéter le nom de Jésus ;
les époux, dont l’union fut
cimentée par des dispositions vraiment
chrétiennes ; les frères, les
amis qui craignaient l’Éternel et
qui pensaient à son nom ;
(Mal. III. 16.) tous ces disciples
pieux et fidèles se réuniront au pied
du trône, et recevront ensemble les
mêmes bénédictions. O heureuse
union! O sainte société ! doux
rapprochement des affections de la terre et de la
pure félicité du ciel! O ravissant
espoir pour les coeurs chrétiens !
Mais aussi, quel avertissement solennel ! pour
ceux que la Providence a rapprochés les uns
des autres, de ne pas s’aimer pour le monde,
pour une vie qui s’enfuit si vite, pour des
joies que la mort doit anéantir à
jamais ; mais d’aller à Christ et
de vivre avec Christ, pour que leur union soit
sainte et éternelle ! - Oui, M. F., si
le spectacle des voyageurs que nous avons
contemplés aujourd’hui, a touché
quelquefois vos coeurs, prenez garde de ne pas vous
arrêter à un mouvement de
sensibilité stérile ; mais
demandez-vous : “Suis-je du nombre de ces
voyageurs, qui marchent vers la cité
céleste ?
Ceux qui m’entourent, mes amis, mes parents,
mes enfants, font-ils partie de cette caravane
glorieuse ? Moi et les miens sommes-nous
assurés devant Dieu en justice, sommes-nous
appuyés sur Christ et sur ses
promesses ? Ou, sommes-nous encore du nombre
de ceux qui descendent vers la région des
ténèbres et de la mort avec la
sécurité que le monde
donne ?” - Voilà la question que
notre texte provoque avant toutes les autres ;
et nous prions Dieu qu’un grand nombre de ceux
qui sont ici présents, se la fassent pour
leur salut, et pour le salut de tous ceux qui leur
appartiennent ! Amen !
|