UN
SIÈCLE DE MISSION A
MADAGASCAR
CHAPITRE PREMIER
PREMIÈRES SEMAILLES
La première tentative de christianisation
faite à Madagascar remonte au XVIe
siècle. Elle fut l'oeuvre de Portugais venus
sur la côte orientale de l'île peu
après sa découverte par Fernando
Suarez en 1505. Malheureusement le Christianisme se
présentait sous le même drapeau que
celui hissé par les marchands d'esclaves sur
leurs lourdes barques pontées. Il n'excita
que la haine des indigènes qui
massacrèrent les Européens.
Au début du siècle suivant,
des marins français, assaillis par la
tempête au sud de l'Afrique, parvinrent
à aborder dans la baie de St-Augustin :
et y furent bien reçus par les habitants.
Revenus en France ils incitèrent certains de
leurs compatriotes à s'occuper de commerce
dans les parages qu'ils avaient
découverts. Ce fut
l'origine de la Compagnie dite de l'Orient,
fondée par des Dieppois et encouragée
Par Richelieu.
En 1642, un navire armé par la dite
compagnie visita la côte est et la remonta
jusqu'à la baie d'Antongil. Pronis, un
huguenot, qui semblait commander la petite
expédition, revint pourtant vers le sud et
fonda un premier établissement dans une baie
située au sud-est, à laquelle il
donna le nom de Ste-Luce.
Le climat et diverses circonstances le
forcèrent un peu plus tard à se
diriger encore plus au sud. En 1644 il fonda
Fort-Dauphin.
C'est pendant son administration que les
Lazaristes cherchèrent à implanter le
catholicisme dans l'île. Il y eut même,
dès 1647, un évêque de
Madagascar. Mais la tentative n'eut aucun
succès. Elle ne survécut pas à
la ruine de l'établissement français.
Les pères se présentaient trop sous
le couvert de l'autorité du gouverneur. L'un
d'eux, le père Étienne, voulut user
de menaces et de violence : il fut
massacré, et toute une bande
d'indigènes révoltés vint
brûler Fort-Dauphin en 1663.
Malgré les efforts de Flacourt
(1648-1660), de Champmargou, aidé de
l'ancien sous-officier Lacaze, devenu chef d'une
tribu malgache, l'oeuvre de colonisation
française fut totalement interrompue en
1672, après une nouvelle incursion des
indigènes qui massacrèrent une bonne
partie des colons dans l'église, le jour de
Noël. Rien ne subsista ni des efforts
dépensés par la
compagnie, ni des essais des pères
Lazaristes.
Il faut arriver au commencement du XIXe
siècle pour assister à la
réelle introduction du Christianisme
à Madagascar. Encore cette nouvelle
tentative faillit-elle échouer dès le
début. Elle s'inaugura, en effet, par une
véritable catastrophe.
Deux jeunes gens, élèves dans
un petit séminaire théologique du
pays de Galles, David Jones et Thomas Bevan,
avaient répondu spontanément à
l'appel qu'avait adressé, en faveur des
Malgaches, le directeur de cette institution, le
docteur Philips.
Ces deux premiers envoyés de
l'Évangile dans la grande île furent
consacrés les 20 et 21 août 1817
devant une assistance émue de plus de 5.000
personnes, et s'embarquèrent le 9
février suivant.
Les voyages étaient longs alors. Il
fallait doubler le cap de Bonne-Espérance
dans clé modestes bateaux à voile qui
mettaient quatre ou six mois pour atteindre
Maurice. Là il fallait s'entendre avec des
commerçants allant à Madagascar
chercher des boeufs ou des esclaves, et qui
consentaient à vous emmener à
Tamatave dans leurs grandes barques à peine
pontées, où l'on restait parfois
trois semaines, couchant à côté
de tonneaux de saumure et sans aucun confort.
Jones et Bevan qui s'étaient
mariés tous deux avant de partir,
laissèrent d'abord leurs
épouses à
Maurice : elles venaient d'y avoir leur
premier enfant. Ils voulurent faire seuls une
première enquête et atteignirent
Tamatave le 18 août 1818. Ils y
trouvèrent de nombreux indigènes de
la tribu des Betsimisaraka, intelligents,
développables, mais
démoralisés par leur contact trop
prolongé avec la civilisation purement
matérielle que leur avaient fait
connaître les traitants et les marchands
d'esclaves.
La première impression des jeunes
missionnaires fut, malgré tout, assez
favorable, et après six semaines
d'études préliminaires, ils reprirent
le chemin de Maurice pour y chercher leurs
familles. Les Jones repartirent les premiers pour
Madagascar, laissant les Bevan pour quelque temps
encore derrière eux.
Ils se mirent aussitôt à
l'oeuvre avec enthousiasme. Mais, ignorants des
conditions climatologiques de l'île, ils
avaient choisi, pour s'installer sur cette
côte malsaine, le plus mauvais moment, juste
en pleine saison chaude. D'autre part, ne sachant
pas s'ils devaient rester longtemps à
Tamatave, ils avaient pris la première case
venue, ou plutôt celle qu'on avait bien voulu
leur céder à l'une des
extrémités de la ville, près
de marécages où pullulaient les
moustiques.
Les effets de cette installation
défectueuse ne tardèrent pas à
se faire sentir. Le 13 décembre, le jeune
enfant des Jones succombait à la
fièvre.
Et quand, le 6 janvier suivant, les Bevan
débarquèrent
à leur tour, quelle ne fut pas leur
douloureuse surprise en trouvant leur ami Jones
grelottant de fièvre sur son lit, et
désormais seul ! Car sa femme avait
suivi de près son enfant dans la tombe,
emportée par une violente attaque de
paludisme, le 28 décembre 1818. Les nouveaux
venus furent atteints à leur tour, et, le 3
février, Mme Bevan rendait le dernier
soupir, ayant vu son enfant et son mari
enlevés à son affection, à une
semaine d'intervalle.
Jones demeurait l'unique survivant de la
petite troupe missionnaire. Il était
lui-même dans un état de santé
tout à fait précaire. Bien d'autres
auraient perdu courage et abandonné la
partie. Il avait heureusement une foi qui savait
triompher des épreuves les plus
douloureuses. Il s'était nettement senti
appelé à porter l'Évangile
à Madagascar, et il était
disposé à dépenser, pour
obéir à l'appel reçu,
jusqu'à son dernier souffle.
Il crut sage cependant d'aller
rétablir à Maurice sa santé
par trop ébranlée, non pourtant sans
avoir essayé d'ouvrir à Tamatave une
petite école. Il demeura à Maurice de
juillet 1819 à septembre 1820.
Il avait employé son temps à
prendre auprès des marchands, et aussi
auprès d'un certain nombre d'esclaves
malgaches, tous les renseignements possibles sur
l'île voisine et ses habitants. Il finit par
acquérir la conviction que le meilleur moyen
pour réussir dans sa tentative
était de s'adresser
à la grande tribu des Merina
(1), habitant au
centre de l'île. Cette tribu, restée
éloignée du contact trop direct avec
les traitants, avait su, mieux que les
Betsimisaraka, préserver ses qualités
natives. Et, d'autre part, il valait mieux se faire
connaître du prince qui prétendait
à l'hégémonie sur l'île
entière et tâcher de gagner tout au
moins sa neutralité : sinon on risquait
de se voir entravé dans son oeuvre, et sans
cesse à la merci de faux rapports ou d'un
caprice royal.
Le gouverneur de Maurice désirait
précisément envoyer, à cette
époque, une ambassade auprès du roi
de Tananarive, Radama, afin de reprendre avec lui
de nouveaux pourparlers au sujet de la suppression
du trafic des esclaves. M. Jones crut voir
là une occasion particulièrement
favorable pour mettre à exécution son
projet de montée vers les hauts
plateaux.
Le gouverneur anglais ne vit aucun
inconvénient à laisser le jeune
missionnaire voyager de compagnie avec son
ambassadeur, M. Hastie. Mais il lui recommanda tout
particulièrement de se cantonner dans sa
tâche religieuse, et de se tenir
complètement en dehors des questions
touchant à la politique. Il ordonna
d'ailleurs à Hastie, dans ses instructions
écrites, de te se mêler, ni de
près ni de loin, à ce qui concernait
la propagande religieuse. Et de fait, les deux
domaines restèrent
toujours entièrement
séparés.
Jones et Hastie débarquèrent
à Tamatave, le 4 septembre 1820.
Ils se heurtèrent aussitôt
à la haine non déguisée des
marchands d'esclaves qui connaissaient l'objet du
voyage de Hastie, et qui voyaient d'un autre
côté, dans le représentant de
l'Évangile, un ennemi
particulièrement dangereux pour leur odieux
commerce.
On essaya d'intimider les nouveaux
arrivants, en leur dépeignant la situation
en Imérina et les dispositions du roi Radama
sous des couleurs tout à fait contraires
à la réalité. Jones, qui avait
surmonté les terribles angoisses et les
épreuves si douloureuses de son premier
débarquement, n'était pas homme
à s'arrêter devant quelques menaces ou
quelques faux rapports. Il poursuivit son chemin
vers le nouveau pays où il sentait que Dieu
lui réservait une grande tâche
à accomplir.
Ce n'est jamais une besogne aisée que
de fonder une oeuvre d'évangélisation
dans un pays complètement neuf et, en somme,
en dépit des informations recueillies, a peu
près inconnu.
Il y a la difficulté de la langue
qu'on ne saurait exagérer. Pas de
dictionnaires, de grammaire, encore moins de
professeur : il faut, à force
d'ingéniosité, briser un
véritable mur qui vous sépare de
l'indigène.
Mais cette difficulté est moins
grande encore que celle
apportée par l'ignorance des moeurs, des
sentiments, des préjugés de ceux
auxquels il faut s'adresser. Que de fois un geste
amical d'un missionnaire, mal
interprété, a repoussé les
gens, alors qu'il était fait pour les
attirer ! Que de fois un argument
présenté à été
à contre-fins de son but ! Et puis, il
y a le paganisme qui bien vite se sent
menacé et qui se dresse aussitôt
contre les nouveaux arrivants.
Madagascar n'avait pas un système
religieux bien cohérent.
Le paganisme ne s'y présentait pas
aussi solidement armé contre la
lumière offerte que dans certains pays.
Malgré cela, il était puissant, de
par son ancienneté et par l'empreinte qu'il
avait gravée au fond des coeurs.
Le fétichisme enserre le malheureux
indigène dans un tel réseau de rites
à accomplir, de gestes à
éviter, de précautions minutieuses
à prendre minute après minute, que
l'esprit, inconsciemment terrorisé, n'a plus
la force de raisonner et s'ankylose presque
complètement.
Le missionnaire Jones avait montré
que sa foi était de nature à
triompher de toutes les épreuves. Il se mit
courageusement à la besogne et l'un de ses
premiers soins fut d'ouvrir une école dans
la capitale de l'île. Les leçons
commencèrent le 8 décembre
1820 : « J'emploie, écrit-il
le 3 mai 1821, la plus grande partie de mon temps
à instruire seize enfants ou jeunes gens que
le roi m'a confiés. Trois d'entre eux vivent
chez moi : ce sont les enfants
de la soeur du roi Radama, et
l'un d'eux est même l'héritier
présomptif. Les autres sont des enfants de
dignitaires, tous remarquablement intelligents.
L'un d'eux, qui a tout juste six ans, sa soeur,
ainsi que deux autres, commencent à lire
couramment certains chapitres de la Bible, alors
qu'au mois de novembre dernier ils ignoraient
l'alphabet.
« Chaque dimanche j'enseigne le
catéchisme et le chant des cantiques. Les
enfants en savent déjà quatre par
coeur, et les chantent à quatre parties. Le
roi est enthousiaste de leurs progrès en
musique et vient souvent les écouter. Ces
élèves ont appris qu'ils avaient une
âme immortelle et savent répondre avec
sérieux à une foule de questions sur
Dieu, Jésus-Christ, la mort, le ciel, le
mal, etc. »
Jones ne tarda pas à recevoir des
compagnons de travail : d'abord un autre
Gallois, Griffith, homme d'une grande
activité et d'une véritable hauteur
de vues, puis le révérend Jeffreys et
quatre artisans missionnaires : Brooks,
charpentier ; Chick, forgeron ; Rowlands,
tisserand et Canham, tanneur.
Malheureusement Brooks mourut de la
fièvre quinze jours après son
arrivée. Sans se laisser arrêter par
cette nouvelle épreuve, les missionnaires se
mirent avec ardeur au travail. Jones, Jeffreys et
Griffith eurent bientôt chacun une petite
école à diriger.
Elles étaient bien modestes, ces
premières écoles : pas de livres
ni de tableaux noirs. Pour
remplacer ces derniers on avait
imaginé d'étendre une couche de
graisse noircie au charbon sur une planche et le
maître y écrivait au moyen d'un petit
morceau de bois pointu.
Le 11 septembre 1826 arriva à
Tananarive un des missionnaires dont le travail
devait être des plus féconds.
C'était encore un Gallois, qui s'appelait
David Jones. Les indigènes le
surnommèrent Jonjyfohy (Jones le court) pour
le distinguer de son collègue de même
nom.
Avec David Jones vint aussi Cameron,
charpentier de son état, et qui,
dévoré d'activité, enseigna
aux Malgaches à fabriquer des briques, du
savon, fit des cours de toutes sortes, et devint
célèbre dans toute l'île par
ses constructions et ses initiatives.
En 1827 monta à Tananarive un, autre
missionnaire d'une haute distinction
intellectuelle, J. -J. Freeman, auquel est due une
très intéressante relation des
débuts de la mission et surtout de la
persécution qui vint, neuf ans après
son arrivée, assaillir l'Eglise malgache
naissante.
Il fut très heureusement
impressionné par ce qu'il vit au moment de
son débarquement. Les premiers obstacles
rencontrés par les pionniers qui l'avaient
précédé s'aplanissaient. Le
roi Radama se montrait de plus en plus favorable.
L'indigène, en général
prêt à suivre les indications de ses
chefs, s'approchait des missionnaires, mû, il
faut le dire, autant par la curiosité que
par le désir de changer de vie. Dans
une de ses lettres, Griffith
parle d'un total de Plus de 4.000 auditeurs dans
les différents lieux de culte, et, dans le
rapport envoyé par le secrétaire de
la conférence missionnaire de Tananarive au
Comité de Londres, on voit que les
églises de la ville, d'ailleurs simples
hangars de modeste apparence, se remplissaient de
gens auxquels il devenait plus aisé de
prêcher la parole divine : on faisait
même trois services successifs : le
matin de bonne heure pour les élèves,
un peu plus tard pour les adultes, et
l'après-midi pour le personnel de la
Mission.
Un document, qui présente un
intérêt tout particulier, nous est
fourni par la relation d'un universitaire
français, Copalle, ancien proviseur du
lycée d'Albi, venu à Madagascar de
mai 1825 à juin, 1826 pour faire un portrait
à l'huile du roi Radama.
« M. Hastie, écrit-il, est
fortement secondé dans ses efforts de
civilisation par messieurs les missionnaires, dont
le zèle est véritablement digne
d'éloges. »
Et voici comment il décrit la
première distribution de prix qui ait eu
lieu à Tananarive :
« Les élèves des
diverses écoles de Tananarive et des
villages voisins se sont réunis aujourd'hui
27 mars, dans le temple protestant, pour la
distribution des prix.
« On a commencé par
l'examen des feuilles d'écriture des
écoles de la capitale, puis on a
donné à résoudre quelques
problèmes
d'arithmétique. Le roi a
lui-même procédé à
l'examen avec beaucoup d'intérêt. Il a
accordé au jeune vainqueur une
médaille d'argent, en accompagnant ce don de
paroles obligeantes et propres à
l'encouragement.
« L'examen des écoles de
Tananarive terminé, on a
procédé à celui des
écoles circonvoisines.
« En s'en retournant à son
palais, le roi a fait rassembler, sur la place
d'Andohalo, les élèves au nombre
d'environ deux mille ; et là,
après avoir félicité la plus
grande partie des écoles sur leurs
progrès, il a adressé à
quelques-unes des reproches bien capables de
réveiller leur amour-propre.
« Radama a ensuite donné
dix boeufs aux élèves pour leur
souper. »
En 1825, Jeffreys mourut dans des
circonstances assez dramatiques. C'était
surtout Mme Jeffreys qui avait paru souffrir de la
fièvre et sa santé avait
semblé imposer un voyage à
l'Île de France. Elle s'embarqua avec son
mari et ses quatre enfants sur un petit bateau
chargé de bestiaux, où on ne put leur
offrir qu'une place dans la cale près des
boeufs que l'on transportait, et où des
matelas étendus sur des sacs de riz devaient
leur servir de couche.
Le passage dure ordinairement une dizaine de
jours ; « mais le Seigneur, qui
tient les vents dans sa main, dit Mme Jeffreys,
nous refusa, dans un but sans doute conforme
à sa sagesse, mais mystérieux pour
notre entendement, le vent
favorable dont nous avions besoin, en sorte que le
voyage dura un mois tout entier. Au bout de quinze
jours, notre fille aînée fut atteinte
de la fièvre malgache, et, dès le
lendemain, elle rendit le dernier soupir. C'est
à minuit qu'elle est morte dans l'affreuse
cale où nous étions
entassés ; nous n'avions aucun ami
auprès de nous, tous ceux qui nous
entouraient étaient des étrangers,
mes enfants dormaient à mes
côtés ; mon mari, qui
déjà avait lui-même subi les
atteintes de la fièvre, était
tombé dans une sorte d'apathie :
oh ! quelle n'était pas mon
angoisse ! Mais, au milieu de ma douleur,
J'eus cependant la force de me retirer
auprès de Celui qui nous a dit :
« Invoque-moi au jour de la
détresse ! »
- Le matin qui suivit cette terrible nuit,
le corps de ma fille chérie fut
abandonné aux flots de la mer. Pendant deux
jours mon mari ne sortit pas du triste état
où il était tombé ; le
troisième jour, il revint un peu à
lui ; mais, le quatrième, je dus me
séparer de cet ami, de ce tendre compagnon,
et le voir mourir dans mes bras. Du moins, je le
savais délivré de ses peines et de
ses souffrances ; et, tandis que mon âme
était déchirée à cause
de la perte que j'avais éprouvée, je
ressentais cependant une sorte de joie en pensant
au glorieux échange qu'il venait de faire,
en recevant, à la place de tous les genres
de maux, cette félicité
éternelle qui ne se trouve qu'auprès
du Sauveur, qu'il a fidèlement servi sur la
terre !... Pour moi, j'ai
perdu un époux
généreux qui m'aimait, un guide sage
et assuré. Je suis veuve, mère de
trois enfants, probablement appelée à
donner encore la vie à un autre orphelin, et
d'une santé de plus en plus chancelante.
Oh ! priez pour moi, afin que le Dieu des
veuves et des orphelins me soutienne, que ces
épreuves terribles tournent à ma
sanctification, et que je sois
préparée à rejoindre le mari
que je pleure dans la félicité qui
est son partage et dont il jouira
éternellement ! »
Un autre événement vint
apporter aux missionnaires un très grave
sujet de préoccupations. Le roi Radama qui,
tout en restant païen, avait su les aider et
leur faciliter les choses, tomba subitement malade
et mourut des suites, il faut le dire, de son
intempérance.
Une de ses femmes, Ranavalona 1re,
elle-même fille du roi
Andrianampoïnimerina, et, par
conséquent, cousine germaine de son mari,
lui succéda.
D'accord avec les moeurs du temps, elle
commença par massacrer tous ceux qui
auraient pu émettre des prétentions
au trône. Elle fit jeter son neveu Rakotobe
dans un marais, fit percer de lances les parents de
ce même jeune homme, et ordonna de faire
mourir de faim sa belle-mère.
Bien d'autres parents encore périrent
égorgés.
Dès le début, la nouvelle
reine sembla prendre le contre-pied, de la
politique de son mari ; on la savait
d'ailleurs païenne déterminée et
entièrement entre les
mains des gardiens d'idoles. Pourtant, après
le premier moment d'émotion, les
missionnaires, trompés par certaines
apparences, eurent, durant quelques mois, l'espoir
que leur oeuvre ne serait pas entravée.
Voici, en effet, un extrait tiré d'une
lettre de Freeman, à la date du 8 août
1828:
« Les officiers vinrent nous
trouver, et nous apportèrent un message de
la part de Ranavalona (la reine qui a
succédé à Radama. Elle nous
exhortait à nous confier en elle et à
n'avoir aucune crainte, nous assurant que tout ce
que Radama avait fait en faveur de la Mission, elle
le ferait aussi et qu'elle en ferait encore plus
que lui. Deux ou trois heures après, nous
reçûmes une autre communication dans
le même sens, mais écrite, tandis que
l'autre était verbale ; la
première était officielle, mais la
dernière l'était, s'il est possible,
encore davantage ; car les principales
autorités civiles de la ville
s'étaient jointes à la
députation qui nous avait été
envoyée la première fois, pour nous
apporter cette lettre et recevoir notre
réponse, dans laquelle nous
remerciâmes la reine et le gouvernement, du
message qu'ils nous avaient adressé. Nous
exprimâmes notre confiance et assurâmes
la reine que nous étions disposés
à travailler à la
prospérité du royaume pour
Ranavalona, comme nous l'avions fait pour Radama,
et que, bien loin de nous relâcher, nous
redoublerions d'efforts. En adressant nos
remerciements à la reine, nous les
offrîmes aussi du fond du
coeur au Roi des rois, reconnaissant que c'est lui
qui dirige tous les événements dans
sa sagesse et dans sa miséricorde, et qui
incline le coeur des rois, afin qu'ils
accomplissent son bon plaisir. »
Le rapport de la Mission pour cette
année 1828 était fort encourageant.
Le nombre des écoles s'était
élevé à 38 avec 2.300
écoliers, et, dans les premiers mois de 1829
on compta 90 écoles avec plus de 4.000
élèves.
Les coeurs commençaient à
s'ouvrir sérieusement à la
prédication de l'Évangile. Une classe
de candidats au baptême fut ouverte, et, au
début de 1831, la permission de
procéder à des baptêmes fut
sollicitée de la reine, qui l'accorda.
Le jeudi 12 mai 1831, la souveraine
annonça même publiquement que rien
n'était changé aux ordres de Radama
en ce qui concernait les choses religieuses et que
ceux qui voulaient être baptisés le
pouvaient.
Le 29 mai, les vingt premiers
catéchumènes malgaches furent
solennellement introduits dans l'église et
huit d'entre eux admis à la
Cène.
Mais juste à ce moment, alors qu'une
ère nouvelle semblait se lever pour la
Mission, et que la récolte, après un
long travail de semailles, s'annonçait,
l'orage éclata avec une violence inattendue.
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