Commentaire sur
l'épître aux Romains
Chap. IV.
DISCOURS
PRÉLIMINAIRE.
L'Apôtre a
montré dans le chapitre
précédent, l'impossibilité
où sont les hommes d'être
justifiés par l'obéissance à
la loi sous laquelle ils sont tous placés,
il continue à présent en
considérant plus particulièrement
l'efficacité des observances
cérémonielles. C'était
nécessaire à
cause des préjugés des Juifs, qui,
parce que les rites de Moïse étaient un
établissement divin attendaient d'eux leur
justification et leur salut Paul corrige cette
fausse idée en examinant la justification d
Abraham II montre par le récit de Moïse
que la circoncision d'Abraham, le père des
croyants, faite lorsqu'il avait atteint l'âge
de 99 ans ; n'avait pas eu la plus
légère influence sur sa
justification ; puisqu'il avait
été justifié par la foi,
long-temps avant d'être circoncis.
Cet exemple était très convenable
à citer parce que la circoncision
était le plus pénible de tous les
rites ordonnés par la loi, et parce
qu'Abraham étant : « le
père des croyants » sa
justification était le modèle de la
leur. La force. de cet argument consiste en ce
qu'Abraham était le père des croyants
tant Juifs que Gentils, et que tous ses enfants
devaient être justifiés de la
même manière que lui. Il l'avait
été par la foi sans les oeuvres de la
loi, il devait en être de même d'eux.
Il avait été sans circoncision ;
il était clair que les Gentils pouvaient
l'être sans ce signe, lorsqu'ils croyaient en
Dieu. Quoique le croyant Abraham fît beaucoup
de bonnes œuvres, elles étaient les
effets de sa foi et nullement la cause de sa
justification.
L'Apôtre commence par demander ce qu'Abraham
le père des croyants, avait obtenu par ces
services selon la chair, que les Juifs estimaient
d'une si grande valeur.
Il n'avait point obtenu, la justification, car si
Abraham avait été justifié par
quelque œuvre morale ou
cérémoniale, il aurait pu se vanter
que sa justification n'avait pas été
une faveur, mais une dette qui lui était due
à raison de ce qu'il avait fait.
Cependant il n'avait point de sujet de se glorifier
devant Dieu ; c'est évident, puisque
Dieu lui impute sa foi à justice ; ce
qui suppose qu'en le récompensant, Dieu ne
s'était pas acquitté d'une dette mais
lui avait accordé une faveur ; car ceux
qui reçoivent une récompense pour
leurs œuvres, ne la reçoivent pas comme
faveur, mais comme une dette. Or à celui oui
ne fait point les oeuvres, mais qui croit à
ce qui est promis par Dieu dont la
prérogative est de justifier les
pécheurs, sa foi lui est imputée pour
justice seulement par faveur. C'est pourquoi,
d'après le récit que Moïse fait
de la justification d'Abraham, il parait qu'il a
été
justifié gratuitement sans la mériter par aucune
espèce d'œuvre, ni morale, ni
cérémonielle, Par conséquent
le mode de justification enseigné dans
l'évangile, était attesté par
la loi
elle-même,
comme l'Apôtre l'affirme, chap. III. 21.
La même chose est aussi attestée par
les
prophètes, car
David ne représente jamais les hommes comme
bénis éternellement, ni par
l'obéissance aux préceptes de la loi
de Dieu, ni par l'accomplissement de la
circoncision, ni par l'offre des sacrifices, ni par
aucun de ces rites qui purifiaient la chair ;
( Héb. IX. 13) mais il exprime au contraire la
béatitude de celui à qui la justice a
été imputée, sans œuvre
d'aucune espèce, en disant :
« bienheureux sont ceux à qui les
iniquités sont pardonnées, et de qui
les péchés sont couverts ;
bienheureux est l'homme à qui le Seigneur
n'aura point imputé le
péché. »
L'Apôtre montre par-là que lorsque
Dieu n'impute pas le péché, il impute
la justice, assurant le pécheur contre la
punition, et par un libre don de sa
miséricorde, lui donnant droit à la
récompense.
Pour montrer la
fausseté de l'idée que les hommes ne
pouvaient être justifiés à
moins qu'ils ne fussent circoncis, l'Apôtre
demande ensuite si la bénédiction de
la justification est donnée seulement
à la circoncision, ou si elle l'est aussi
à l'incirconcision : et dans la
réponse qu'il fait à cette question,
il observe que la foi d'Abraham lui fut
imputée à justice pendant qu'il
était dans l'incirconcision, car elle eut
lieu treize ans entiers avant qu'il ne fût
circoncis.
Mais comme on pouvait demander : si Abraham
avait été justifié avant la
circoncision, pourquoi ce rite lui fut-il
ordonné ? l'Apôtre répond
que ce fut comme un sceau ou une confirmation de la
part de Dieu, que la foi qu'Abraham avait eue avant
la circoncision, lui avait été
imputée à justice, et qu'il avait
été fait le père de tous les
croyants incirconcis, pour les assurer que leur foi
leur serait imputée, comme l'avait
été la sienne.
C'était encore un sceau ou une preuve qu'il
était le père de tous ceux qui
étant circoncis, non-seulement avaient
reçu ce signe, mais encore avaient la
même foi qu'il avait lui-même avant sa
circoncision.
Pour montrer encore que l'obéissance
à la loi morale ou
cérémonielle n'avait aucune influence
pour faire obtenir la justification, Paul
déclare que la promesse faite à
Abraham, qu'il serait l'héritier du monde,
ou le père commun des Juifs et des Gentils,
qu'il jouirait comme eux de l'héritage
éternel, avec celui qui était sa
semence et qui était
« l'héritier de toutes choses,
(Héb. I. 2) » que cette promesse ne
lui avait pas été faite en vertu de
l'obéissance à la loi, mais en vertu
de la justice qui est reçue par la
foi ; car si ceux qui sont justes par
l'obéissance étaient
héritiers, la foi leur serait inutile pour
obtenir l'héritage, et la promesse par
laquelle il doit leur être donné comme
un don libre, n'aurait en cela aucune influence, ce
qui serait contraire aux déclarations
expresses de l'écriture.
D'ailleurs, d'après la nature des choses,
aucun de ceux qui auraient une fois
transgressé une loi, ne pouvait obtenir
l'héritage par la loi ; car la loi, au
lieu de récompenser, produit la
colère sur chaque transgresseur, et c'est
même par la loi que les hommes sont rendus
transgresseurs, car où il n'y a point de
loi, il ne peut y avoir de transgression.
Par conséquent, comme tous, ayant
transgressé la loi, sont par-là
sujets à la condamnation, il était
nécessaire que ceux que Dieu avait
désignés pour qu'ils obtinssent la
bénédiction de la justification, et,
par conséquent, l'héritage
éternel, le reçussent comme un don
libre par la foi. C'était par ce moyen qu'il
pouvait être assuré à toute la
race d'Abraham, non pas seulement à ceux qui
vivaient sous la dispensation légale, mais
encore à tous les autres, dans tous les
lieux du monde et dans tous les temps, à
tous ceux enfin qui auraient part à la
même foi. En effet l'héritage leur
avait été promis dans la personne
d'Abraham, qui, dans l'incirconcision, avait
été fait le père de ces
croyants, afin qu'il reçût la promesse
en leur nom, selon ce que Dieu lui avait dit,
« qu'il serait le père de
plusieurs nations. »
Abraham crut à
cette promesse, malgré les
difficultés en apparence insurmontables qui
semblaient devoir en empêcher
l'exécution. Il espéra avec confiance
qu'il deviendrait le père de plusieurs
nations qui seraient sa postérité
naturellement, et spirituellement par Christ qui
devait être de sa race. Ainsi il donna gloire
à Dieu. Il crut que ce qui lui avait
été promis serait sûrement
accompli, et comme sa foi était relative au
Messie, elle lui fut imputée à
justice, (1) Dieu inspira
ensuite à Moïse de rappeler ce fait,
non-seulement pour l'honneur de la mémoire
d'Abraham, mais encore à cause de ceux qui
croiraient de la même manière en Dieu,
qui a manifesté l'accomplissement de ses
promesses à Abraham, en ressuscitant d'entre
les morts Jésus, « de la race de
David, » qui a été ainsi
« déclaré le fils de Dieu
en puissance ; » Jésus
« l'Éternel notre justice,
(Jér. XXIII. 6) en qui, toute la
postérité d'Israël sera
justifiée et se glorifiera, »
(Esa. XLV. 25) ayant été livré
pour leurs offenses, (2) et
ressuscité pour « leur
justification. »
II paraît d'après cela que le moyen de
justifier les pécheurs, par l'imputation de
la justice de Christ, au moyen de la foi, au lieu
de les justifier par l'obéissance que la loi
demande, n'était pas une voie nouvelle de
justification. Elle fut indiquée dès
la chute d'Adam, et était
révélée obscurément
dans la promesse que la semence de la femme
briserait la tête du serpent ; elle fut
ensuite déclarée plus explicitement
dans l'alliance avec Abraham quand Dieu promit
à lui et à ses descendants par la
foi, soit Juifs soient Gentils, un héritage
éternel, dont la terre de Chanaan
était le type.
De sorte que, sur
l'article de la justification, les
révélations Mosaïque et
chrétienne sont parfaitement
conformes.
Chap. V.
DISCOURS
PRÉLIMINAIRE.
Ayant établi cette
grande et importante
doctrine de l'évangile, que l'homme est
justifié par la foi seule, l'Apôtre
poursuit en montrant quels sont les effets de cette foi qui sont liés avec
la justification de cette foi, et ensuite quel est
le fondement
de la justification
elle-même.
Il y a deux grands bienfaits liés avec la
justification : la paix avec Dieu, et le
bonheur actuel, qui vient de la vue assurée
de la gloire future. Ceux qui sont justifiés
ont la paix avec Dieu au moyen de leur Seigneur
Jésus-Christ. L'état
d'inimitié ou d'hostilité que le
péché avait établi, est
terminé par une pacification bienheureuse,
au moyen du grand Médiateur, et une alliance
amicale est établie entre le Dieu Saint, qui
a de si justes raisons de traiter comme ennemies
ses créatures coupables, et le rebelle qui,
jusqu'alors, avait été si
déraisonnablement aliéné de
son bienfaisant Créateur.
Se trouvant dans la pleine faveur de Dieu, comme
s'il n'eût jamais péché, le
fidèle est dans cet état
accepté devant Dieu et assuré par sa
promesse et par sa grâce de n'être
jamais rejeté par lui ; il apprend
à se réjouir dans l'espérance
vive, permanente et réelle, d'être
glorifié en lui et de le glorifier,
d'être revêtu complètement de sa
glorieuse image, et de jouir pendant toute
l'éternité de son ineffable
amour.
Telle est la nature bienheureuse de cette
espérance que ceux qui la possèdent
se glorifient même dans les tribulations, car
ils savent que ces tribulations sont
disposées par leur Père
céleste, pour produire en eux les plus
heureux résultats. Leurs épreuves et
leurs persécutions font naître en eux
la soumission à la volonté divine, et
un saint acquiescement à ses dispositions,
une patiente persévérance à
bien faire, un esprit tranquille dans l'attente du
Seigneur, au milieu de toutes les
difficultés, des périls et des
souffrances. Cette patience produit en même
temps, une expérience étendue, une
connaissance pratique de la faiblesse et de la
culpabilité qui leur sont propres, et qui
les humilient, ainsi que de la
réalité du pouvoir de la grâce
dans leurs cœurs, et de la
fidélité de Dieu dans ses promesses.
De sorte que ces pénibles dispensations
tendent de plus en plus à affermir
l'espérance qu'ils ont de la gloire et
à les assurer qu'elle ne peut jamais
être frustrée. Car au milieu de ces
chagrins, ils éprouvent
dans leurs âmes, les
bienheureuses effusions de l'Esprit Saint, qui
rendent doux pour eux les temps même des
tribulations.
Comme on aurait pu objecter que l'espérance
des fidèles pourrait être encore
frustrée par leurs mauvaises inclinations et
le pouvoir des tentations, l'Apôtre
prévient cette objection et montre en
même temps combien de raisons ils ont d'aimer
Dieu et leur Sauveur. Car tandis que les
pécheurs, qui depuis ont été
réconciliés avec Dieu, étaient
dans leur état naturel, enveloppés
dans les ruines de la chute de l'homme, sous la
colère méritée de Dieu, sous
l'empire de Satan et du
péché ; lorsqu'ils étaient
sans
force,
impies, aliénés de Dieu et
pécheurs
en révolte
contre lui ; tandis qu'ils étaient vus
dans cette situation par Dieu, suivant son
omniscience et sa prévision universelle,
alors même, Christ dans le temps fixé
est mort pour eux, en sacrifice pour leurs
péchés.
C'était un exemple d'amour bien
au-delà de tout ce dont on pouvait trouver
un modèle parmi les hommes ; et
puisqu'il en était ainsi, qu'ils avaient
été justifiés par l'effusion
de son sang, au moyen de leur foi dans cette
expiation « beaucoup
plutôt » devaient-ils être
empêchés de tomber de nouveau dans la
colère de Dieu et de périr dans leurs
péchés, par celui qui avait
été mis à mort, et qui
était ressuscité pour eux. Car
pouvait-on imaginer que celui qui avait assez
aimé ses ennemis pour mourir pour eux, ne voulût
pas les sauver et les conserver par son pouvoir
infini lorsqu'ils étaient devenus ses
amis ?
Si quand ils étaient non-seulement
destitués de sainteté, transgresseurs
impénitents, mais encore ennemis du saint
caractère, de la loi, de la
souveraineté et de la grâce de Dieu,
ils ont été amenés à un
état de réconciliation sincère
et de paix avec lui, par la mort de son Fils,
« beaucoup plutôt, »
maintenant qu'ils sont réconciliés,
seront-ils préservés par sa vie, son
intercession, son autorité et sa grâce
toute puissante, de retomber sous le pouvoir du
péché et dans l'apostasie finale.
Celui qui a fait l'œuvre la plus grande pour
eux, comme ses ennemis, accomplira sûrement
une œuvre bien moins difficile pour eux, comme
ses amis et ses enfants. Dès-lors il
n'y a point de danger pour les croyants
réconciliés, de
retomber sous la colère de Dieu, hors qu'ils
ne commissent le péché et qu'ils ne
mourussent sans repentance. Mais Christ aurait-il
souffert et se serait-il humilié pour eux
jusqu'à la mort, même jusqu'à
la mort de la croix, afin de les amener à un
état de réconciliation, pour
après tout cela, les abandonnera
eux-mêmes et les laisser dans les mains du
méchant, afin qu'ils finissent par
périr, tandis que son pouvoir vivant peut
les en garder sans que pour cela il ait à
subir aucune souffrance, ni à
déployer aucune sorte de renoncement
à lui-même.
Dès-lors ayant dans l'amour de Dieu par
Jésus-Christ, et dans la miséricorde
qu'ils ont déjà
éprouvée, une telle assurance du
salut complet qu'ils doivent avoir un jour,
l'Apôtre déclare que lui et les autres
fidèles, non seulement se réjouissent
et triomphent dans l'espérance de la gloire
céleste, et dans les tribulations qu'ils
souffrent pour l'amour de Christ, mais encore
qu'ils se glorifient en Dieu comme en un ami
immuable, et en qui ils ont toutes choses ;
ils ne les ont point par les œuvres d'aucune
loi, c'est par leur Seigneur Jésus-Christ,
car suivant la loi, ils étaient tous
pécheurs et ennemis, mais par Christ, ils
ont maintenant obtenu la réconciliation.
Ainsi dans la distribution actuelle du salut
à ceux qui sont justifiés, ils ne
sont point considérés comme
pécheurs, mais comme justes ; ils ne
sont plus ennemis, ils sont
réconciliés.
Lorsque Dieu a donné son Fils pour qu'il
mourût pour les élus, il les a
considérés, tels qu'ils
étaient en eux-mêmes, mais en leur
accordant actuellement la vie éternelle, il
les considère tels qu'ils sont en Christ,
ils ont été « élus
en Christ, avant la fondation du monde.
(Eph. I. 4)
Ils ont
été sauvés selon le propre
dessein de Dieu et selon la grâce qui leur a
été donnée en
Jésus-Christ, avant les temps
éternels. (II Tim. I. 9) Christ a été
déjà ordonné avant la
fondation du monde, mais il a été
manifesté dans les derniers temps pour
eux. » ( I Pier. I. 20)
Ayant décrit les bienheureux effets qui
accompagnent la justification, l'Apôtre
continue en montrant quel est le fondement sur
lequel elle est établie, la mort et la
résurrection de Jésus-Christ.
Afin d'éclaircir plus
complètement ce sujet important, il porte
ses regards sur l'état de l'homme, depuis la
chute d'Adam. Il a déjà montré
quel est le péché et la misère
de l'homme dans son état naturel, et a
prouvé que le monde est rempli de
péché.
Ici il explique comment tous les hommes sont
devenus sujets au péché et a la mort
par leur union avec Adam, qui était le
représentant de tous ceux qui étaient
descendus de lui par la génération
naturelle.
Il prouve que la coulpe du premier homme
s'étendait sur toute sa
postérité, puisque la mort qui a
été occasionnée par le
péché, règne universellement,
et sur ceux-là même qui n'ont point
commis de péchés actuels.
Il répète plusieurs fois que la
condamnation de tous les hommes a lieu de cette
manière, et prouve par là qu'ils sont
dans l'impossibilité de se relever par
eux-mêmes de cette situation, et que cela ne
peut être opéré que par la
grâce de Dieu, et le don de la justification
par sa grâce. Non seulement la loi de Dieu ne
peut relever les hommes de cette condition, mais
elle fait que le péché abonde de plus
en plus. Car la nature corrompue a la plus grande
opposition avec la loi, et cherche d'autant plus
à accomplir ses désirs que la loi les
défend davantage. Dès-lors la loi, au
lieu de donner la vie, montre plus
complètement la nécessité d'un
Sauveur et de la grâce, comme remède
à la corruption de la nature humaine ;
plus en effet, la loi est étendue et
expresse, plus les transgressions sont nombreuses,
évidentes et criminelles ; mais tout
cela donne lieu à ce que la grâce
abonde davantage, comme régnant au moyen de
la justice pour conduire à la vie
éternelle par Jésus-Christ.
Ainsi comme Adam, par un seul péché,
avait ruiné toute sa postérité
et l'avait amenée sous la condamnation et la
mort, de même Jésus, par son sang et
sa justice, justifie tous les croyants et leur
donne la vie éternelle. C'est ainsi que
l'Apôtre magnifie le Rédempteur, et
prouve dans quelle absolue dépendance de
lui, sont tous ceux qui sont sauvés.
En résultat, nous apprenons dans ce
chapitre, l'état de coulpe et de
condamnation, dans lequel les fidèles
étaient plongés et la manière
dont ils étaient tombés :
l'état heureux auquel
ils sont conduits par la justification et la voie
par laquelle ils la reçoivent. Ils jouissent
de la faveur de Dieu, comme s'ils n'avaient jamais
péché, et se réjouissent en
lui, comme leur propre Dieu.
Que le fondement de cette joie soit solide, que
ceux qui sont justifiés ne puissent manquer
de parvenir à la vie éternelle, c'est
ce que l'Apôtre prouve, par les quatre
arguments suivants :
1) parce que les
tribulations même, sont pour les
fidèles de véritables
bénédictions :
2) parce que l'amour que Dieu a pour eux, et en
conséquence duquel ils seront
éternellement heureux, leur est
assuré et que le joyeux sentiment de cet
amour est répandu dans leurs cœurs par
le Saint-Esprit :
3) si l'effet de la mort de Christ a
été que par elle les pécheurs,
impies et ennemis de Dieu, ont été
justifiés et réconciliés avec
lui, à plus forte raison, par la vie de
Jésus-Christ, ceux qui sont
réconciliés seront-ils
éternellement heureux :
4) si par le premier péché d'Adam,
non-seulement une sentence de condamnation a
été portée sur toute sa
postérité, mais si celle-ci a
été actuellement atteinte par les
suites de ce jugement, parce que ce
péché leur était
imputé, à plus forte raison les
bienfaits mérités par
l'obéissance de Christ, seront-ils
répandus sur tous ceux pour lesquels il a
obéi.
Chap. VI.
DISCOURS
PRÉLIMINAIRE.
Dans ce chapitre et dans les
deux suivants, Paul réfute les imputations
calomnieuses dont il a parlé au Chap. III,
que les apôtres permettaient aux hommes de
pécher, afin que la grâce
abondât, et il prouve aussi que la doctrine
de la justification par la foi sans les
œuvres, n'anéantit pas la loi, mais
qu'au contraire, comme il l'a affirmé,
Chap. III. 31, elle affermit la loi.
Cette transition à ces nouveaux objets est
belle et naturelle : ayant montré dans
le chapitre précédent, que telle
était la malignité du
péché, que tous les hommes avaient
été condamnés par le seul
péché d'Adam, et ayant traité
de la surabondance de la grâce envers ceux
qui reçoivent le libre don de la
justification, il demande à présent,
si l'on peut supposer qu'il puisse être assez
inconséquent pour enseigner aux hommes
à pécher, afin que la grâce
abonde dans leur pardon. Ceux qui affirment que
Dieu a assujetti toute la race humaine à la
mort ; pour une seule
offense du premier homme, doivent être bien
éloignés de penser que Dieu donne
plus abondamment aux hommes la vie
éternelle, par cela même qu'ils
persévèrent dans leur
péché.
Pour montrer que par cette doctrine de la
justification par la foi sans les œuvres, il
ne veut point établir que ceux qui sont
justifiés soient libres de l'obligation de
obéissance personnelle envers Dieu,
l'Apôtre observe que dans le baptême,
qui est le rite d'initiation pour les disciples de
Christ, le fidèle est
représenté comme mis à mort
avec Christ, à cause de son
péché, comme étant enseveli
avec lui, afin que le sentiment de la
malignité du péché, soit plus
profondément imprimé en lui et qu'il
soit engagé à le haïr comme le
plus grand des maux.
D'ailleurs dans la même
cérémonie, la personne
baptisée ressuscitant hors de l'eau,
après avoir été lavée,
il lui était enseigné par-là,
qu'elle était ressuscitée avec
Christ, par la puissance du Père, afin de
marcher ici-bas avec lui en nouveauté de
vie, comme elle devait être à la fin
ressuscitée du tombeau, afin de vivre avec
lui éternellement dans le ciel.
Les fidèles étaient encore par le
baptême, mis dans la plus forte obligation
d'agir saintement, parce qu'étant ainsi
représentés dans cette
cérémonie, comme morts, ensevelis et
ressuscités avec Christ, leur vieil homme,
leur vieille nature corrompue était
crucifiée avec lui, ce qui leur enseignait
qu'étant mis à mort pour le
péché, ils ne devaient plus le servir
comme ses esclaves.
Le péché ayant remporté la
victoire sur le premier homme, se l'était
assujetti comme esclave, aussi bien que tous ses
descendants, par le droit de conquête, et
comme leur maître, exigeait continuellement
d'eux, avec rigueur, l'ignominieux service
d'actions criminelles ; mais Christ
étant mort à leur place, les droits
qu'avait le péché sur les personnes
et les services des fidèles était
entièrement détruit.
Le péché les ayant mis à mort
avec Christ, ils ne pouvaient plus être ses
esclaves,
de même qu'un
esclave qui est mis à mort par son
maître, cesse d'être sous son
autorité. Mais quoiqu'ils fussent morts avec
Christ sur la croix, ils vivaient actuellement et
devaient vivre ensuite avec lui dans les cieux, et
c'est pourquoi ils étaient alors de droit
les serviteurs de Christ.
Ainsi les fidèles devaient considérer
avec soin qu'ayant été mis à
mort par le péché, ils avaient
été rendus à la vie par Dieu,
au moyen de Jésus-Christ qui était
devenu par-là leur Seigneur légitime.
C'est pourquoi leur devoir et leur
intérêt, étaient de ne point
permettre au péché de gouverner plus
long-temps la vie qu'ils avaient reçue par
Christ, mais d'employer au contraire toutes les
parties de leur corps et toutes les facultés
de leur âme, au service de Dieu comme
devaient le faire des personnes qu'il avait
revivifiées de la mort où le
péché les avait conduites.
Pour faire voir clairement que les apôtres
n'enseignaient pas aux croyants à
pécher en leur disant qu'ils
n'étaient plus sous la loi, mais sous la
grâce, Paul affirme que leur doctrine a une
tendance absolument contraire, et il assure les
fidèles que le péché ne peut
régner sur eux, par cela même qu'ils
ne sont plus sous la loi, mais sous la grâce,
parce que celle-ci leur communique l'inclination et
la force nécessaire pour dompter les mauvais
désirs et pour exercer la justice ; au
lieu que la loi, en demandant une obéissance
parfaite à ses préceptes et en
refusant tout pardon aux pécheurs, les
endurcissait dans leurs péchés,
à cause de leur
méchanceté ; car l'état
d'être sous la loi, non-seulement comme
règle, mais comme assujettissant à
une obéissance parfaite, comme condition
pour obtenir la vie, rendait les pécheurs
ennemis de la loi, et cela même en
était une violation. D'un autre
côté, ceux qui étaient sous la
grâce, ne voyant plus la loi comme leur
étant contraire à cause de son
pouvoir de condamnation, ils l'aimaient et lui
rendaient une obéissance cordiale.
Paul déclare en même temps, que les
fidèles ne sont point affranchis du
péché, dans ce sens qu'ils puissent
s'abandonner à la paresse et à la
négligence, comme s'ils n'avaient plus
d'inclination au péché ; car le
péché existe encore en eux,
quoiqu'ils ne soient plus sous son empire, ni sous
sa condamnation. Ils doivent donc dans la confiance
du pouvoir et de la fidélité de Dieu,
combattre contre le péché et le
mortifier en s'abandonnant à de saintes
affections et non plus à des désirs
criminels, se souvenant que suivant qu'ils se
reconnaissent pour esclaves du péché
ou de la sainteté, c'est l'un ou
l'autre qui a de l'empire sur
eux. Mais Paul remerciait Dieu de ce que ceux
à qui il écrivait, quoiqu'ils eussent
d'abord été esclaves du
péché, obéissaient maintenant
à la forme de doctrine, dans laquelle ils
avaient été jetés comme dans
un moule, et étaient devenus les serviteurs
de la justice. Aussi pour éviter qu'ils ne
fussent surpris des choses qu'il leur avait
écrites, il leur dit qu'à cause de la
faiblesse de leur intelligence relativement aux
matières spirituelles, il a parlé
d'après les lois et les coutumes des hommes
relatives à l'état des
esclaves ; et ayant clairement indiqué
la tendance puissante et des effets de la
grâce divine, et leur ayant rappelé
qu'ils avaient d'abord à cause du pouvoir de
leurs convoitises, appliqué leurs membres
à l'iniquité, il les exhortait
à cause de l'influence de leurs saintes
affections à les employer à la
justice. Il oppose ici la misérable
condition et la fin des esclaves du
péché à l'état heureux
et aux récompenses de ceux qui servent
Dieu.
Les métaphores employées dans ce
chapitre sont extrêmement hardies ;
cependant étant tirées de choses bien
connues, l'Apôtre s'en est servi avec un
grand avantage ; car l'influence des passions
criminelles pour contraindre les hommes à
commettre de mauvaises actions, ne pouvait
être mieux représenté que par
le pouvoir qu'un maître tyrannique exerce sur
ses esclaves.
On ne pouvait rien imaginer de plus frappant pour
montrer quelle est la misérable condition
d'un homme gouverné habituellement par ses
convoitises, que de le peindre comme asservi
à un maître dur et injuste, qui exige
rigoureusement de ses esclaves qu'ils emploient
à ses ouvrages tout leur temps et toute leur
force, qui leur demande des choses pénibles
et honteuses, et qui par la dureté des
charges qu'il impose, met misérablement fin
à la vie de ses serviteurs.
D'un autre côté, le droit qu'un
maître légitime et humain a sur les
travaux de ses esclaves, la nature des obligations
qu'il leur impose, la récompense qu'il leur
donne pour leurs fidèles services, donnent
une idée claire et frappante de l'obligation
que l'évangile impose aux hommes de
s'adonner aux œuvres de justice, aussi bien
que des bienheureuses conséquences d'une
semblable manière de vivre.
En résultat, l'Apôtre montre ici
quelle est cette liberté
spirituelle qui en
affranchissant
l'homme du péché et de la
condamnation de la loi, au lieu d'anéantir
la loi pour eux, les engage à une
obéissance volontaire et sincère, par
le sentiment de la reconnaissance et de l'amour
pour Dieu, il prouve que ceux à qui il est
pardonné sont purifiés ; que
là où le péché est
pardonné, il est assujetti et
abandonné, et que tous ceux qui sont
conduits à l'état de salut, vivent
saintement en Jésus-Christ.
Sur la fin, il appelle spécialement notre
attention sur ce que cet heureux résultat de
la conduite des fidèles, ne doit point
être considérée comme une
récompense méritée.
La mort temporelle et
éternelle est le gage stipulé ou ce
que le péché mérite pour toute
violation de la loi. C'est ce que chaque homme a
mérité, et c'est ce que recevra
chaque pécheur. Mais la vie éternelle
est le don de
Dieu, accordé
à ceux qui se condamnent eux-mêmes, et
qui renoncent à se confier à leurs
services incomplets et souillés, pour se
reposer entièrement sur la grâce
divine par la justice et l'expiation de
Jésus-Christ et cette sainteté qui
les rend propres à la félicité
céleste, est aussi bien le don de Dieu par
Christ, que cette justice imputée qui est le
titre que les fidèles ont à
l'obtenir. « C'est ici le témoignage, que
Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie
est en son Fils. » (I Jean V, 11)
Chap. VII.
DISCOURS
PRÉLIMINAIRE.
Ayant repoussé la
calomnie qui imputait à lui et
à ses frères d'enseigner aux hommes
à pécher, afin que la grâce
abondât, Paul continue en réfutant
l'objection que ceux qui ne sont chrétiens
que de nom, opposent à la doctrine de la
justification par la foi sans les œuvres, en
disant qu'elle anéantit la loi. Il commence
par observer que la loi n'a d'empire sur l'homme
que pendant sa vie, et il éclaircit cette
assertion, en citant la loi du mariage qui lie la
femme à son époux seulement pendant
qu'il vit ; puisque s'il meurt, elle est
affranchie de sa loi et libre de se marier à
un autre homme. De sorte que la mort de l'une des
parties rompant ce lien, celui qui a
été mis à mort par la
malédiction de la loi, dans la personne de
Christ, est affranchi de cette loi pour être
marié à Christ. et dans cette
nouvelle union, il produit des fruits à
Dieu.
Afin de montrer quelle est la vraie nature de la
loi sous laquelle les hommes
étaient originairement placés, et qui
avait été publiquement
délivrée aux Juifs ; afin de
prouver qu'elle n'avait point été
donnée comme moyen de justification à
l'homme tombé.
L'Apôtre déclare ensuite à ceux
à qui il s'adresse, que pendant qu'ils
étaient encore dans leur état
irrégénéré, les
passions criminelles agissaient avec efficace dans
leurs membres pour qu'ils fissent des actions
telles, qu'ils fussent assujettis à la mort,
mais de peur que de ce qu'il leur disait
qu'à cause de leurs actions criminelles, la
loi occasionnait leur mort, et de ce qu'il
affirmait qu'ils étaient affranchis de la
loi à cet égard, ils ne tirassent la
conclusion, qu'il pensait qu'à quelques
égards la loi fût mauvaise, injuste,
ou eût quelque tendance dangereuse, il les
assure qu'il n'a point une telle opinion.
La loi, quoiqu'elle ne puisse justifier les hommes
pécheurs, est bonne en elle-même, et
d'un usage indispensable comme règle de
conduite. Par ses défenses elle rend aussi
les péchés sensibles aux hommes et
par sa malédiction, elle leur fait
connaître ce que le péché
mérite. Paul cite comme exemple de cela que,
s'il avait su que le vif désir des choses
défendues fût un péché
actuel, c'était parce que la loi avait
dit : « Tu ne convoiteras
point ; » d'où il suit qu'en
leur disant que leurs passions criminelles, pendant
qu'ils étaient sous la loi, et non sous la
grâce, avaient agi dans leurs membres de
manière à les soumettre à la
mort, il avait voulu dire que c'étaient
leurs passions criminelles et non la loi, qui
avaient été en eux la cause des
désirs violents des choses défendues,
qui par la malédiction de la loi, les
avaient assujettis à la mort, car sans la
loi, le péché ne peut tuer le
pécheur.
Ensuite pour montrer quelle est l'excellente nature
de la loi, comme elle rend sensibles aux hommes et
leurs péchés et le
démérite de leurs
péchés, il observe que tandis que les
hommes ignoraient la loi, ils s'imaginaient qu'ils
avaient par eux-mêmes des droits à la
vie, mais que lorsque par l'opération de la
loi sur leur conscience, ils eurent acquis la
connaissance de leur vrai caractère, ils
sentirent que le péché vivait en eux
et qu'ils étaient morts par la
malédiction de la loi, c'est ainsi qu'il est
arrivé que la loi qui avait eu
originairement pour but de donner la vie aux
hommes, avait occasionné leur
mort, quoiqu'on même
temps loin d'être mauvaise sous aucun
rapport, elle fût au contraire sainte, juste
et bonne.
L'Apôtre suppose qu'on lui demande encore si
la loi, malgré sa bonté, n'a point
été l'occasion de la mort. Cette
objection est répétée pour
fournir l'occasion de montrer plus pleinement
l'excellente nature de la loi ; car il affirme
encore que ce n'est pas elle, mais le
péché, qui tue le pécheur par
la malédiction de la loi, et qu'il
était convenable qu'il eût
été lui-même puni ainsi comme
pécheur, pour montrer l'excessive
malignité du péché, aussi bien
que la corruption du cœur humain, afin que la
grâce de Dieu parût plus glorieuse.
Après cela pour développer
l'excellence de la loi plus clairement qu'il ne l'a
fait, il montre qu'elle est spirituelle, faisant
enquête non-seulement des actions
extérieures, mais encore des affections et
des motifs les plus secrets, et convainquant ainsi
les hommes,
combien, par leur
nature, ils sont en opposition avec elle, de sorte
qu'il ressentait et pleurait lui-même avec
amertume les opérations criminelles de son
esprit contre la loi sainte et spirituelle ;
car le péché venait naturellement en
lui du vieil homme qui, quoique mortifié,
n'était pas tué. Il ne peut produire
que le péché et la loi ne peut
qu'irriter la nature corrompue et la rendre de plus
en plus rebelle, parce que cette nature mauvaise ne
peut supporter ni la sainteté ni la
sévérité de ses commandements,
ainsi il fallait que toute son espérance et
toute sa sainteté vinssent de la grâce
de Dieu par Jésus-Christ suivant la nouvelle
alliance.
En rapportant ici sa propre expérience, Paul
a rendu un compte frappant du conflit
intérieur et pénible que tous ceux
qui « prennent plaisir à la loi de
Dieu, »
ont à soutenir
dans ce monde contre les restes de leur
corruption.
Ainsi dans ce chapitre la vie de la foi, dans le
croyant, est caractérisée par trois
choses, dont il a l'expérience à
l'égard de la loi de Dieu. Il est mort par
elle, il respecte ses préceptes et il
désire de l'accomplir.
Le fidèle est mort par la loi, et il vit par
Christ L'homme par sa nature est marié
à la loi et il cherche la vie dans
l'obéissance qu'il doit lui rendre ; sa
conscience est liée par la loi,
jusqu'à ce qu'étant
régénérée, son vieil
homme ou sa nature corrompue
soient mortifiés par l'Esprit. Lorsque sa
conscience en est affranchie, elle devient bonne et
est satisfaite, par ce que Christ a fait et par ce
qu'il a souffert, et comme une créature
nouvelle, s'attache fermement à Christ d'une
manière intime, pour pouvoir lui produire
des fruits, et vivre avec lui d'une nouvelle vie.
Il a d'ailleurs le plus grand respect pour la loi
de Dieu, qu'il regarde comme infiniment sainte,
juste et bonne, et plus il est renouvelé par
la grâce, plus il se plaît dans la loi.
quoique ce soit dans Jésus-Christ seul,
qu'il mette toutes ses espérances.
Il a auparavant été d'autant plus
l'ennemi de la loi dans sa vraie étendue,
qu'il voyait davantage qu'il ne pouvait accomplir
ce qu'elle demandait de lui : mais maintenant
il se plaît en la loi ; il s'efforce de
lui obéir ; quoiqu'il trouve en lui un
corps de péché qui le retarde
constamment et résiste à cette
obéissance. Il trouve ainsi son propre
esprit divisé contre lui-même ;
il y a en lui deux partis qui ne cessent de se
combattre, la corruption de la nature et la
grâce surnaturelle ; mais la plus
nouvelle vaincra à la fin la
première. La grâce triomphera à
la fin, et même dès à
présent elle est prédominante.
L'inclination principale de l'homme
renouvelé est l'obéissance et la
sainteté, et il se réjouit dans
toutes. les actions de cette espèce, tandis
qu'il ne peut regarder qu'avec regret et
déplaisir les péchés qu'il
commet ; mais en Jésus-Christ sa
victoire est complète.
Chap. VIII.
DISCOURS
PRÉLIMINAIRE.
Pour dernière
réponse à l'objection contenue,
Chap. III. 31. l'Apôtre développe ici
avec beaucoup de sensibilité et
d'énergie, plusieurs motifs puissants que
suggère la doctrine de l'évangile,
déjà exposée, et rendue
efficace par l'opération du Saint-Esprit,
pour engager les fidèles, soit par leur
jugement, soit parleurs affections, à
persévérer dans la recherche de la
sainteté. II vient de prouver que ceux qui
vivent par Christ, quoi qu'ils soient bien
retardés dans leur marche par leur
corruption naturelle, ne sont plus sous son empire
de manière à marcher suivant leurs
voies du péché, mais que, par leur
nouvel esprit, ils servent à la loi de Dieu.
Il commence ici à montrer que ceux, qui
marchent ainsi, non selon la chair, mais selon
l'esprit, sont affranchis de
la condamnation. D'après ce puissant motif,
il cherche à consoler les fidèles, du
pénible combat qu'ils éprouvent en
eux-mêmes, et à les assurer de leur triomphe final.
Cette délivrance du pouvoir du
péché et de la mort, Dieu l'a
opérée en envoyant son fils dans la
nature humaine, pour mourir comme une oblation pour
le péché, pour obtenir le pardon pour
les pécheurs et pour détruire en eux
le pouvoir du péché par sa parole et
son Esprit.
II distingue ensuite l'esprit charnel et spirituel,
et montre les différentes
conséquences d'être dans la chair ou
d'être dans l'esprit. Ceux-là, et
ceux-là seulement sont les enfants de Dieu,
qui ont l'Esprit de Christ, qui sont conduits par
lui, et sont soigneux de combattre et de mortifier
la chair, qui, s'ils lui cédaient, les
conduirait à la mort.
Par le Saint-Esprit, ils ont la vie avec Christ, et
seront ressuscités pour une
immortalité bienheureuse ; et pour
montrer quelle est l'excellente disposition que les
enfants de Dieu reçoivent du Saint-Esprit
qui habite en eux, l'Apôtre observe qu'ils
n'obéissent point à Dieu, à
cause d'une crainte servie de la punition, telle
que la ressentaient, à cause de la
malédiction de la loi, ceux qui sous la
première dispensation, n'avaient point vu
Christ comme la fin de la loi, mais au contraire,
qu'ils sont déterminés par des
dispositions filiales de gratitude et d'amour
envers leur Père.
Cette sainte disposition de l'esprit est, pour les
fidèles, une assurance qu'ils sont
véritablement enfants de Dieu, le
Saint-Esprit en rendant témoignage en leurs
consciences suivant les déclarations
données dans sa parole.
Après avoir ainsi montré que tous
ceux qui ont l'Esprit de Dieu sont ses enfants,
l'Apôtre rend un compte particulier des
honneurs, des privilèges et des biens qui
leur appartiennent. Ils sont les héritiers de
Dieu, et pour
définir le sens de cette expression, il
ajoute et les
cohéritiers de Christ, de sorte que la félicité
de cette vie immortelle dont Christ jouit à
présent dans la nature humaine, appartient
à tous les enfants de Dieu, qu'ils en seront
mis en possession, et que, puisqu'ils souffrent
avec lui, ils seront aussi glorifiés avec
lui.
La qualité d'être enfants de Dieu ne
garantit pas à la vérité les
croyants, des souffrances de ce monde ; au
contraire, elle les expose
davantage à les souffrir maïs elles
sont disposées pour abattre et mortifier le
corps de péché et de mort, et ici
l'Apôtre console les croyants qui les
endurent, et les encourage à les supporter
comme ne pouvant être mises en comparaison
avec la gloire future à laquelle ils doivent
participer.
Dans une personnification remarquable par sa
beauté, il représente toute la
création comme soupirant et étant en
travail, d'avoir été assujettie
à la vanité, mise dans un état
de souffrance par le péché de
l'homme, et attendant après sa
délivrance qui doit arriver quand les
enfants de Dieu, seront manifestés dans leur
véritable caractère et dans la gloire
qui est préparée pour eux.
Les fidèles soupirent aussi en
eux-mêmes, et attendent après leur
admission publique dans la famille de Dieu,
à la résurrection, lorsque leurs
corps seront rachetés du tombeau,
incorruptibles et immortels, mais ils attendent
patiemment ce qu'ils espèrent et ils
montrent par-là leur foi au milieu de leurs
épreuves et de leurs infirmités. Ils
pourraient, il
est vrai, s'ils
étaient abandonnés à
eux-mêmes, être bientôt vaincus
par elles, mais l'Esprit de Dieu les aide et les
soutient, devient en eux leur intercesseur j les
instruits et les rend capables d'offrir à
Dieu des prières qui lui sont
agréables.
L'Apôtre montre ici aux croyants un autre
fondement solide de leur
persévérance, dans l'assurance que
Dieu ayant pris la détermination finale de
les sauver, toutes les choses qui leurs
paraissaient ou prospères ou contraires,
concourent ensemble pour ce but.
Leur salut est d'une certitude absolue, car Dieu
les a appelés à un état de
réconciliation et d'amour pour lui, suivant
son dessein éternel que rien ne peut
ébranler ; car les ayant aimés
d'un amour éternel, il les a
prédestinés à être
conformes à l'image de son Fils pour qu'il
soit le premier-né entre plusieurs
frères. Les ayant prédestinés,
il les a appelés, il les a justifiés,
et à la fin, il les glorifiera.
Après avoir ainsi décrit le salut du
croyant, dans son origine, ses progrès
intermédiaires et son résultat,
l'Apôtre en son propre nom, ainsi qu'au leur,
demande : « Que dirons-nous à
ces choses ? » Puisque Dieu est pour nous, personne
ne pourra nous empêcher de recevoir
l'héritage promis. Car celui qui a
livré son propre Fils
pour nous tous, nous donnera aussi avec lui toute
sorte de bénédictions.
Alors entraîné par la vue qu'il a
prise des ces grands objets, et pour montrer qu'il
n'y a point de condamnation pour ceux qui sont en
Jésus-Christ, il s'écrie : Qui
portera accusation contre les élus de Dieu,
puisque c'est Dieu qui les
justifie ?
Quel est celui qui
prétendra les condamner, puisque Christ est
mort pour obtenir leur pardon, qu'il est
ressuscité, qu'il gouverne le monde pour
leur avantage et qu'il intercède
auprès du Père en leur
faveur ?
Alors personnifiant le corps entier des
fidèles vivement affectés de la
bonté de Dieu dans leur salut et
transporté par la considération des
privilèges qui leur sont
inaltérablement accordés, il
déclare l'impossibilité qu'il y a
à ce qu'ils soient séparés de
l'amour de Christ, quelques fortes que soient les
tentations dont ils peuvent être
assaillis.
Il nous est donc enseigné dans ce chapitre
quelle est la vie des fidèles, quels sont
les grands privilèges dont ils jouissent et
qu'ils espèrent. Ils vivent selon l'esprit
et non selon la chair. Ils vivent en Christ et
renoncent à eux-mêmes, le
péché demeure encore en eux et
cependant la grâce règne dans leurs
cœurs. L'Esprit de Christ habite en eux comme
l'esprit de foi et de prière, l'esprit de
sainteté et de consolation. C'est ainsi
qu'ils sont devenus serviteurs de Dieu, qu'ils sont
consolés au milieu de toutes leurs
afflictions par l'assurance d'une heureuse issue,
parce qu'ils savent que dès à
présent toutes choses concourent pour leur
bien. Ils ont la certitude de l'opération
efficace du Saint-Esprit dans leurs cœurs, l'Amour
éternel du Père et l'intercession toute puissante du
Fils.
La dernière partie de ce chapitre qui
contient dans les expressions les plus fortes et
les plus animées, la peinture des
privilèges, des espérances et du
caractère du chrétien, montrent
jusqu'à quel point l'évangile de
Christ peut inspirer la dépendance de Dieu
et la grandeur des sentiments, dans ceux qui
entendent et qui croient sa doctrine. C'est
pourquoi, elle forme très-convenablement la
conclusion d'un discours, où par les plus
fortes raisons, les saintes pratiques sont
recommandées comme ennoblissant les
pensées, donnant les joies les plus vives et
les plus solides, et disposant les hommes à
devenir les compagnons des
anges et à vivre avec Dieu lui-même
pendant l'éternité. En relisant les
encouragements à la sainteté
proposés par l'Apôtre dans ce chapitre
et dans les trois précédons, on voit
que le plan de salut révélé
dans l'évangile fournit les motifs les plus
puissants pour persuader à l'homme
d'abandonner le péché, de suivre la
sainteté et même de tout souffrir pour
bien faire.
C'est ainsi qu'il est démontré que la
calomnie dont l'Apôtre a parlé, qu'en
enseignant la doctrine de la justification des
pécheurs par la foi sans les œuvres, on
anéantit les obligations de la loi et on
encourage les hommes à pécher, que
cette calomnie, disons-nous, est entièrement
dénuée de fondement. Car dans ces
chapitres, l'Apôtre a montré que Dieu,
en imputant par la foi la justice de Christ,
fournit tant de puissants motifs
d'obéissance, qu'il en résulte, de la
manière la plus évidente, que ce mode
de justifier les pécheurs, est un exercice
de miséricorde qui au lieu d'affaiblir
l'obligation, d'obéir à la loi de
Dieu, la fortifie au contraire au plus haut
degré, et par conséquent qu'elle est
parfaitement d'accord avec son caractère, et
qu'elle concourt au plus haut point au but de
l'Éternel dans le gouvernement moral du
genre humain.
FIN DE LA
PREMIÈRE PARTIE.
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