LES SEPT
PAROLES
JÉSUS-CHRIST SUR LA
CROIX
CINQUIÈME
MÉDITATION.
Après cela, Jésus
voyant que tout était déjà
accompli, dit, afin que l'Écriture fût
accomplie « J'ai soif ». Il y avait là un vase plein
de vinaigre ; ils imbibèrent donc de
vinaigre une éponge, ils la mirent autour
d'une branche d'hysope, et ils la lui
présentèrent à la
bouche. - Jean XIX, 28, 29.
Les paroles que le Seigneur prononça sur
la croix ne sont pas, au premier abord, aussi
remarquables, aussi frappantes les unes que les
autres. Supposons un voyageur, un homme
étranger à ce qui arrive dans ce
moment à Jérusalem, et qui traverse
cette grande ville et continue son voyage. Il passe
sur le Calvaire, il entend une des paroles du
crucifié.
Est-ce le moment où il prononce cette belle
prière : Père, pardonne-leur,
ou bien est-ce lorsque le
Sauveur dit à l'un de ses compagnons de
supplice : Aujourd'hui, tu seras avec moi
en Paradis.
Si notre voyageur a un coeur, s'il est capable
de réfléchir, il éprouvera un
sentiment d'admiration, ou tout au moins
d'étonnement ; il ne s'éloignera
pas, sans avoir reçu une impression, qui
sera peut-être bientôt effacée,
mais qui a du moins quelque chose de sérieux
et de solennel.
À l'ouïe de ces mots :
Voilà ton fils, voilà ta
mère... des larmes eussent
peut-être mouillé ses yeux, et sa
pensée se fût reportée sur une
mère, sur une épouse, ou sur des
enfants laissés dans ses foyers.
Mais non ; il passe au moment ou Jésus
dit : J'ai soif.
Qu'éprouvera-t-il ? un mouvement de
pitié pour un malheureux, pour un criminel,
pensera-t-il, qui, vers la fin d'un long supplice,
est dévoré d'une soif ardente et
fiévreuse. Notre voyageur doublera sans
doute le pas, pour se dérober plus vite
à ces douloureux accents, à ce
déchirant spectacle, qu'il aura
bientôt oublié. Et pourtant, dans la
réalité, reçue avec tout
l'Évangile, cette parole n'est pas moins
sérieuse, pas moins impressive que les
autres.
Nous pouvons, chers frères, vous citer ici,
non une supposition, mais un fait, mais un exemple
réel, et qui nous est
fourni par un sauvage. La première
conversion qui vint réjouir et encourager
les Évangélistes français dans
le midi de l'Afrique, fut, au rapport de notre
frère le missionnaire Casalis, celle d'un
chef Bassouto, touché d'abord par ces
mots : J'ai soif, et qui, bientôt
après, se mit avec zèle à
prêcher l'Évangile à ses
compatriotes.
Nous n'en serons pas étonnés,
après que nous nous serons rappelé
les circonstances dans lesquelles cette parole fut
prononcée, et quelques-unes des
leçons quelle peut et doit nous donner.
Arrêtons-nous donc au pied de la croix pour
l'entendre. Et veuille l'Esprit de notre Dieu, que
nous implorons au nom de celui qui dit :
J'ai soif, allumer et entretenir en nous la
soif des biens qu'il nous acquit, et le
désir de vivre pour celui qui nous les
acquit, pour celui qui nous a aimés.
Amen.
I.
Jésus voyant que tout était
déjà accompli... ou comme on peut
aussi traduire, que tout était
bientôt accompli.... Cela peut s'entendre
en général de tout ce que
Jésus-Christ était venu faire
ici-bas, de tout ce qu'il avait
déjà fait pour le salut des
pécheurs, pour notre salut ; puisque
tout de suite après les choses
racontées dans notre texte, et avant de
rendre le dernier soupir, il prononça ces
autres paroles, qui ouvrent un si vaste champ.
Tout est accompli, ou plus
littéralement : C'est accompli,
paroles que nous réservons pour en
faire, si le Seigneur le permet, le texte d'une
autre méditation.
Jésus donc voyant que tout
était déjà ou
bientôt accompli... cela peut
s'entendre aussi dans ce sens, c'est qu'il ne
restait plus beaucoup à accomplir de
ces oracles par lesquels les Prophètes
avaient annoncé le Christ et son oeuvre, de
ces prophéties qui, à commencer par
l'officier de la reine d'Éthiopie, devaient
amener tant d'intelligences, tant d'âmes
à l'Évangile.
Depuis quelques heures que Jésus est sur la
croix, combien n'a-t-il pas déjà
accompli de ces prophéties !
Ses pieds et ses mains sont percés,
ses habits partagés, sa robe a
été tirée au sort. Ses
ennemis, autour de sa croix, l'insultent par les
mêmes paroles, presque mot pour mot, que plus
de mille ans auparavant David avait mises dans leur
bouche : II se repose, disent-ils, sur
l'Éternel, que l'Éternel le
délivre et le sauve, s'il a mis en lui son
affection, et Jésus lui-même a
prononcé les mêmes paroles, par
lesquelles David a commencé ce Psaume XXII,
ces paroles que nous avons déjà
méditées ensemble, mes chers
frères : Eloï !
Eloï ! lama sabackthani ; Mon
Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'as-tu
abandonné ?
Maintenant il va bientôt rendre le dernier
soupir, et il retient ses forces
défaillantes, jusqu'à ce qu'il ait
accompli la seule prophétie, qui ne l'ait
pas encore été, et qui doit
l'être encore avant la mort de
Jésus : Afin donc que
l'Écriture fût accomplie, il
dit : J'ai soif, et les soldats en
lui présentant, au bout d'une verge
d'hysope, une éponge imbibée
de vinaigre, accomplissent, sans le savoir,
la prédiction de David, dans un autre de ses
Psaumes prophétiques, dans le
LXIXe : Ils m'ont donné du
fiel pour mon repas, et dans ma soif, ils
m'ont abreuvé de vinaigre.
Au commencement de son supplice, on lui avait
présenté du vinaigre
mêlé avec du fiel. Alors, il n'en
voulut point boire, sans doute parce que le
but et l'effet de ce breuvage était
d'étourdir celui qui le prenait, et
d'amortir en lui le sentiment de la douleur, et que
Jésus voulait conserver toutes ses forces,
et souffrir en entier, et si l'on ose ainsi
dire de bonne foi toutes ces
douleurs, toutes ces langueurs qu'il
prenait sur lui, afin de nous
délivrer des douleurs
éternelles ; qu'il voulait, en un mot,
pour parler le langage de l'Écriture,
goûter, savourer la mort. Mais
maintenant, zélé pour la Parole de
son Père, qui était, dit le
Prophète, au dedans de ses entrailles,
ne voulant pas qu'un seul mot, un seul iota,
un seul accent de cette divine Parole
tombât en terre sans
s'accomplir ;... afin que
l'Écriture fût accomplie, Jésus
dit : J'ai soif.
Et nous, chers frères, quels enseignements
recueillerons-nous de ce mot prononcé dans
de telles circonstances, dans un tel but ?
Regardons-nous l'Écriture comme
toute divinement inspirée ?
Nous la chérirons comme
David ; comme notre Maître, nous
l'aurons au dedans de nos entrailles, dans
notre coeur. Nous ne tiendrons pour peu important
rien de ce qu'elle raconte, rien de ce qu'elle
enseigne, rien de ce qu'elle commande.
En particulier nous ne négligerons pas
l'étude des prophéties, trop
oubliées par des gens même pieux et
éclairés, et par d'autres,
étudiées trop exclusivement
peut-être, avec trop d'imagination, avec un
esprit trop prévenu, et
trop attaché à son propre
sens ; et si nous ne pouvons comprendre
toutes les prophéties, ni savoir comment ni
quand seront accomplies, celles qui ne le sont pas
encore, nous étudierons à fond et
nous saluerons pour ainsi dire avec joie
celles de l'Ancien Testament dont l'accomplissement
est indiqué dans le Nouveau par
Jésus-Christ et par ses Apôtres. Et si
nous apprécions pour nos propres âmes
la grâce d'avoir reçu la Parole de
Dieu, nous déploierons notre
activité, notre zèle, nos efforts,
pour qu'elle soit connue, appréciée
de tous, comme de nous-mêmes ; nous
aspirerons par nos voeux, nous contribuerons par
nos prières, par nos dons, autant que nous
le pourrons, à avancer ces temps heureux,
où cette Parole du Seigneur, qui
déjà maintenant court sur la terre
avec beaucoup de vitesse, la couvrira
tout entière comme le fond de la mer
est recouvert par les eaux, et surtout nous
aspirerons à la rendre honorable devant
tous, par notre obéissance, par notre
soumission à la volonté de Dieu qui
l'a dictée.
Rappelons-nous, mes frères, une parole du
Seigneur en Gethsémané :
Comment, dit-il à son disciple qui
voulait le défendre, comment
s'accompliraient les Écritures, qui disent
qu'il faut que cela arrive
ainsi ! ces
Écritures qui disaient, qu'il devait
souffrir avant d'entrer dans sa gloire.
Eh bien ! si ces Écritures qui
disent : L'homme est né pour être
agité comme l'oiseau pour voler. C'est par
beaucoup d'afflictions qu'il faut entrer dans le
royaume de Dieu, si ces Écritures
doivent s'accomplir par beaucoup
d'afflictions, d'agitations, de sujets de peine
dans notre coeur, dans notre famille, dans notre
patrie, victoire à la Parole de Dieu,
à la volonté de Dieu !
Si pour remplir les devoirs auxquels nous appellent
évidemment ces saintes Écritures,
il faut nous imposer de douloureux sacrifices,
faire violence à nos sentiments les plus
chers, les plus doux ; s'il faut, comme le dit
Jésus, nous arracher un oeil,
nous couper un bras, victoire
à la Parole de Dieu, à la
volonté de Dieu ! Amour et respect
à la Parole de Dieu, à la
volonté de Dieu ! Me voici, ô
Dieu, pour faire ta volonté, comme il est
écrit dans le Livre. J'ai pris plaisir
à faire ta volonté. Ta loi est
au-dedans de moi. Ta volonté soit faite et
non la mienne.
Mes frères, sont-ce là nos
sentiments, notre zèle, notre amour pour la
Parole de Dieu, pour la volonté de
Dieu ? Et bien plutôt,
hélas ! n'avons-nous pas à nous
humilier, en méditant ainsi cette parole
prononcée par notre
Maître, afin que l'Écriture
fût accomplie : J'ai soif.
N'avons-nous pas à désirer,
n'avons-nous pas à lui demander qu'il nous
donne une portion de l'esprit qui l'animait quand
il la prononça ?
II.
J'ai soif... Le Seigneur n'a pas
prononcé cette parole seulement pour
accomplir l'Écriture ; car, si
jamais aucune parole de Jésus-Christ ne fut
prononcée en vain, sans un but
sérieux, élevé, jamais, non
plus, et par là même aucune ne fut
prononcée qui ne fût conforme à
la vérité. J'ai soif,
dit-il ; c'est qu'il a réellement
soif, comme aurait pu le sentir et le dire
un de nous.
Je ne sais, chers frères, si vous
éprouvez la même impression que moi,
et je crois pourtant que oui, tant elle me semble
naturelle. Jamais, quant à moi, je ne me
sens si vivement touché en pensant a
Jésus-Christ, en lisant dans
l'Évangile quelque chose de la vie de
Jésus-Christ, que lorsque l'Évangile
nous le montre semblable à nous dans les
détails de la vie, dans les affections du
coeur, dans les besoins mêmes
terrestres ou matériels,
dans les infirmités de la nature humaine
corporelle ; non seulement quand nous le
voyons pleurer vers le tombeau de Lazare
qu'il va bientôt ressusciter, ou quand il est
en Gethsémané, troublé,
agité, effrayé, l'âme triste
jusqu'à la mort ; mais aussi quand
nous lisons, qu'il était près de
défaillir au milieu d'une foule
entassée dans un local étroit, pour
recueillir ses enseignements ou ses bienfaits, ou
quand nous le voyons, au fort de l'orage, dormir
sur un oreiller, dans une barque,
fatigué, épuisé qu'il est
d'une vie dépensée sans
relâche, à prêcher, à
enseigner, a guérir, à
répondre à tous venants, amis,
disciples, ennemis, malades, pécheurs,
à aller de lieu en lieu faisant du
bien ; quand nous le voyons s'asseoir, las
de la marche et de la chaleur de midi, au bords du
puits de Jacob, et là, recru,
altéré, demander à boire
à une femme de Sichem.
Ne semble-t-il pas alors que nous sommes plus
assurés de l'amour qu'il a pour nous, amour
qui l'a fait s'humilier et s'assujettir à un
tel point, lui qui était en forme de
Dieu ?
Ne semble-t-il pas que nous sommes plus
assurés de la compassion, de la sympathie
qu'il aura pour nous, dans ces infirmités,
dans ces besoins, dans ces larmes,
dans ces craintes, dans
lesquelles il peut se mettre à notre
place ? Non, nous n'avons pas un souverain
sacrificateur, qui ne puisse compatir à nos
infirmités. Dans toutes nos angoisses, il a
été en angoisse. Y a-t-il donc
besoin, et n'est-ce pas faire injure à notre
seul Médiateur, Jésus-Christ
homme, que de chercher d'autres
Médiateurs dans les saints, dans la
bienheureuse Vierge Marie, avec lesquels on
prétend devoir être plus à son
aise, auxquels on s'imagine pouvoir mieux ouvrir
sou coeur ?
Est-ce donc pour rien que Jésus-Christ s'est
fait notre frère ? Et quand il
serait prouvé, ce qui ne l'est point, que
ces prétendus médiateurs connaissent
quelque chose de ce qui nous intéresse, en
est-il un qui, comme Jésus, puisse
connaître nos maux et nos besoins, en
même temps avec la science de celui qui nous
a faits, et avec l'expérience, la sympathie
de celui qui fut semblable à nous. Celui qui
sur la croix, s'écria : J'ai soif,
ne doit-il pas obtenir toute notre confiance,
comme il a droit à tout notre amour et
à toutes nos adorations ?
Mais quelle vertu sanctifiante et consolante, dans
toutes nos misères et dans celles des
autres, ne doivent pas avoir cette confiance, et le
souvenir, la pensée de cette parole :
J'ai soif ?
Vous avez peut-être lu, ou entendu citer
ce que disait un malade chrétien, dont je ne
puis vous rapporter les propres expressions, mais
la pensée et le sentiment toutefois :
« Ah ! le Seigneur a souffert bien
plus que moi. Il avait comme moi une soif
brûlante, mais on ne lui donna que du
vinaigre, et moi, des mains amies me
présentent un breuvage qui rafraîchit
doucement mes lèvres. »
Puissions-nous penser, sentir ainsi dans tous nos
maux ! Et, quand nous serions
abandonnés comme Jésus, souffrants
comme lui, (ah ! ce sera toujours bien moins
que lui, qui souffrait pour nous tous),
puissions-nous lui dire du coeur, sinon des
lèvres : Seigneur ! tu as
souffert, toi le saint et le juste, toi le
Roi des rois, toi par qui et pour qui
sont toutes choses, tu as souffert et tu as
voulu souffrir pour moi ; tu as dû
implorer de la pitié de tes créatures
un triste et chétif soulagement ; et
moi, une de tes créatures, moi
pécheur, je ne voudrais pas souffrir !
je me roidirais contre la souffrance, je
m'irriterais contre ceux qui me la font
subir ! je dirais : C'est assez, c'est
trop !
Ah ! préserve-moi d'un impie
murmure ; fortifie et humilie à la
fois, ton faible et orgueilleux enfant. Ploie-le
sous ta main, et surtout mets dans son
coeur par ton Esprit l'assurance
que ni la faim, ni la soif, ni la
nudité, ni aucune affliction ne
peut le séparer de ton amour.
Qu'ainsi, toujours il me souvienne, ô mon
Sauveur ! de cette parole sortie de ta bouche,
dans ton amour, sur la croix : J'ai
soif !
Ne nous semble-t-il pas, chers frères, que
si nous eussions entendu ce cri du Seigneur
Jésus, nous eussions voulu le soulager, lui
donner quelque chose de mieux que du
vinaigre ?
Eh bien ! vous savez qui il a
désigné à nos soins, à
nos secours ; en sa place : Vous aurez
toujours des pauvres avec vous, mais vous ne
m'aurez pas toujours. Vous aurez toujours des
pauvres, et quand vous voudrez, vous pourrez leur
faire du bien.
Vous savez ce qu'il dira au dernier jour
à ceux qu'il mettra à sa
droite : J'ai eu faim, et vous m'avez
donné à manger ; j'ai eu soif et
vous m'avez donné à boire... En
vérité, je vous dis qu'en tant que
vous avez fait ces choses à l'un des plus
petits d'entre mes frères, vous me les avez
faites à moi-même.
Vous savez ce qu'il a dit aussi,
étant encore dans le monde : Un
verre d'eau froide, donné en mon nom, ne
demeurera pas sans récompense. Qu'ainsi
encore, qu'ainsi toujours il ne nous souvienne,
ô Jésus ! de
cette parole sortie de ta bouche, dans ton amour,
sur la croix : J'ai soif.
J'ai soif.... Ces mots nous ont
déjà rappelé que dans une
occasion bien différente, le Sauveur,
éprouvant ce même besoin, demanda
à boire à une femme sur le bord d'un
puits. Mais ne nous rappellerons-nous point ce
qu'il dit alors à cette femme ?
Quiconque boira de cette eau aura encore
soif ; mais celui qui boira de l'eau que je
lui donnerai n'aura plus soif ; mais l'eau que
je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau
vive, qui jaillira jusque dans la vie
éternelle.
Mes frères, l'homme est toujours
altéré, il a toujours soif de
quelque chose. Qui que tu sois, cher compagnon de
voyage :
« Dans le désert, où tu
poursuis ta route » et où tu dresses tes tentes, tu te creuses
toujours des puits, tu cherches toujours des
fontaines. De quoi as-tu soif ? Des choses du
monde ? Eh bien ! quiconque boit de
cette eau aura encore soif. Tu ne seras
jamais content ; tu désireras toujours
plus ; ton âme ne sera pas
remplie ; elle est de plus grande mesure.
Après avoir bu cette eau,
souvent avec tourment, tu seras comme
celui qui a soif, et qui songe
qu'il boit... et quand il est
réveillé, il est las, et son
âme est altérée ; et
puis il faut sortir de ce monde d'où
tu ne peux rien emporter, comme tu n'y as
rien apporté.
Mais, cher compagnon de voyage, j'espère
que tu as soif de quelque chose de
mieux ; je puis sans
témérité juger de toi
d'après moi-même ; la même
soif travaille ou a travaillé tous
les enfants d'Adam. Oui, nous avons tous une
âme immortelle, et qui sent toujours, une
fois ou une autre, que nous sommes faits pour
quelque chose de mieux que manger, boire,
bâtir, semer, planter, amasser de l'argent,
ou même orner notre esprit de connaissances
humaines, ou même ouvrir notre coeur aux
affections terrestres les plus douces et les plus
pures.
Et puis nous avons tous une conscience qui, au
moins par intervalles, se sent mal à l'aise
dans le péché, troublée par la
crainte du châtiment, troublée par le
péché lui-même,
désireuse de meilleures choses,
désireuse de pardon et de
sainteté ; forcée de
reconnaître que cela vaudrait mieux
même pour ce monde, pour cette vie et surtout
que sans la sanctification, personne ne verra le
Seigneur. Que faire ? Laissons ces
citernes que nous creusons, où nous
puisons, à fleur de terre, et dont les moins
impures ne donnent qu'une eau qui
tourne souvent à l'amertume. Écoutons
la voix qui nous crie : Celui qui boira de
l'eau que je lui donnerai n'aura plus soif.
Celui qui parle ainsi, où est-il ?
Le voilà sur la croix, celui qui dit
aujourd'hui : J'ai soif, comme pourrait
le dire l'un de nous, mais qui, étant
Dieu manifesté en chair peut apaiser
notre soif, et faire jaillir pour nous des
sources, où nous pourrons puiser
des eaux avec joie.
Et c'est pour cela même qu'il est sur
cette croix où il dit : J'ai soif,
afin que l'Écriture soit accomplie.
C'est pour cela même que depuis 4000 ans
les Écritures lui rendent
témoignage.
C'est pour cela que sous les ombrages d'Eden,
sous les tentes de Mamré, dans les palais de
Sion et de Babylone, à Adam, à
Abraham, à David, à Daniel, à
Esaïe, à tous les Prophètes, ont
été prononcés pour être
répétés de la part de Dieu,
ces oracles du Messie, dont le dernier, (au moins
pour ce qui regarde sa vie mortelle), s'est
accompli en Golgotha, au moment où il a
dit : J'ai soif et où on lui a
donné du vinaigre.
Et maintenant, vous qui êtes
altérés, venez aux eaux.
Avez-vous soif de pardon, de
sainteté ? Il a porté nos
péchés en son corps sur le bois, afin
qu'étant morts au
péché, nous vivions à la
justice ; son sang purifie nos
consciences des oeuvres mortes, afin que nous
puissions servir le Dieu vivant. Avez-vous
soif de bonheur, mais d' « un vrai
bonheur qui dure, » soif de vie et
d'immortalité ? Le Fils de l'homme
est élevé comme le serpent au
désert, afin que quiconque croit en lui ne
périsse point, mais qu'il ait la vie
éternelle. Avez-vous
soif... ?
Ah ! lui-même a soif de votre
bonheur, de votre sanctification, de votre salut.
Eh ! pourquoi serait-il ainsi descendu du
ciel, lui qui était riche, venu
ici-bas se faire pauvre, sinon afin
que par sa pauvreté nous fussions rendus
riches, sinon pour chercher et sauver ce qui
était perdu ? Ah ! ne le
rejetez plus désormais, vous qui ne l'avez
pas encore reçu. À qui iriez-vous,
et où iriez-vous ? Allez à
lui sans plus balancer, sans plus tarder ;
le temps est court, la fin est proche, les
ombres s'allongent, la nuit vient.
Et vous, qui l'avez reçu !
malgré vos nombreuses misères, vous
avez fait, et vous ferez, à divers
degrés sans doute, mais tous,
l'expérience de ce qu'il dit à la
Samaritaine : L'eau que je lui donnerai
deviendra en lui une source d'eau vive qui jaillira
jusques dans la vie éternelle. L'eau
qu'il donne ainsi
c'est son St.-Esprit, comme il nous l'explique
lui-même. Celui qui croit en moi, des
fleuves d'eau vive couleront de son sein : or
il disait cela de l'Esprit que recevraient ceux qui
croiraient en lui. Oui cet Esprit devient en
ceux qui l'ont reçu une source d'eau
vive qui jaillit jusque dans la vie
éternelle. Il fortifie dans leurs coeurs
la foi par laquelle ils ont la vie
éternelle. Il est les arrhes de leur
héritage, qui est la vie
éternelle.
Et puis cet Esprit forme des fleuves
d'eau vive qui sortent de leur sein ; bonnes
oeuvres, vertus chrétiennes,
témoignage d'une vraie foi, et de l'Esprit
de Dieu qui habite en eux.
De cette eau vive la source ne tarit
point. Elle coule toujours à pleins bords
à nos côtés. Il suffit de
demander, pour pouvoir y puiser à grande
mesure. C'est à quoi nous manquons trop
souvent, chers frères ; nous ne nous
souvenons pas assez, que comme les enfants
d'Israël au désert, le rocher
qui est Christ nous suit
toujours ; que pour être
abreuvés, il suffit de le frapper, et
qu'il faut le frapper non avec
défiance, comme Moïse le fit une fois,
mais avec une pleine et juste confiance.
Seigneur ! rends plus vivante et plus
entière en nous cette confiance. Donne nous,
augmente en nous la soif
de ta Parole, de ton Esprit, de ton amour, de
ton salut, soif de sainteté, soif
de la vie éternelle, soif dont tu
as dit toi-même : Heureux ceux qui
ont faim et soif de la justice ; ils seront
rassasiés.
Dans ce monde, il nous faudra peut-être
encore, comme toi, être abreuvés de
vinaigre, ou endurer quelques moments la
soif. Tu le permets, pour faire
« soupirer notre âme, Seigneur,
après tes ruisseaux » et pour nous
faire ensuite mieux goûter l'eau vive
que tu donnes aux tiens, pour nous faire
dire avec un de tes anciens serviteurs dans notre
pays : « Une seule goutte a
tant de douceur ; quelle sera la douceur de la
fontaine
(1) ? »
O que nous puissions dire pour dernier cri :
Mon âme a soif du Dieu Fort et vivant,
et alors, Seigneur Jésus,
Viens ! Viens nous prendre avec toi
et nous faire entrer, là où
toi-même qui as eu soif à cause
de nous ici-bas, tu nous feras entendre ces
paroles, que tu as dictées à ton
Disciple bien-aimé : C'est fait...
Je suis l'Alpha et l'Oméga, le commencement
et la fin. Je donnerai gratuitement à boire
de la source d'eau vive à celui qui
a soif.
Amen !
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