BOTANIQUE
BIBLIQUE
CHAPITRE LI
L'Ébénier
Les enfants de Dedan
ont négocié avec toi, tu avais dans
ta main le commerce de plusieurs îles, et on
t'a rendu en échange des dents
d'ivoire et de l'Ébène.
(Ézéch. XXVII, 15.)
Ainsi l'Ébène faisait partie
des objets de commerce de l'ancienne Tyr, cette
riche cité dont les marchands étaient
des princes, mais c'est le seul endroit de la Bible
où il soit parlé de ce bois.
L'Ébène des anciens est le
coeur ou partie intérieure d'un arbre de
l'Inde, le Diospyros Ebenum ou
Plaqueminier, qui croît dans les
forêts de l'île de Ceylan. Cette partie
du tronc devient noire et très dure, tandis
que les couches extérieures ou aubier
restent blanches. Le bois d'Ébène
était fort estimé des anciens ;
ainsi que de nos jours, on l'employait pour
l'ébénisterie et la marqueterie. Le
prophète mentionne l'ivoire dans le
même passage, parce qu'on s'en servait pour
incruster l'Ébène.
Les fruits de quelques espèces de Diospyros
sont bons à manger, surtout lorsqu'ils ont
été gardés très
longtemps, comme les nèfles ; il y en a
qui ressemblent aux cerises ou à de petites
prunes ; d'autres sont aussi gros que des
pêches, tandis que ceux d'une espèce
japonaise sont comme des abricots.
L'espèce d'Europe, qui croît en
Italie, et qu'on retrouve en Orient (Diospyros
Lotus), porte un fruit fort semblable à
la datte et presque aussi doux. On pense que ce
fruit est celui dont il est parlé sous le
nom de Lotus dans la mythologie, comme rival
descélèbres eaux
du Léthé et ayant, ainsi qu'elles, la
propriété de faire oublier le
passé. Le nom de Diospyros est grec, et
signifie fruit de Jupiter ou fruit
céleste.
CHAPITRE LII
Le Châtaignier et le Platane
II était devenu
beau dans sa grandeur et dans la longueur de ses
branches, car sa racine était sur les
grosses eaux. Les cèdres du jardin de Dieu
ne lui étaient rien de son lustre, les
sapins n'étaient pas pareils à ses
branches, et les Châtaigniers
n'étaient pas semblables à ses
rameaux ; tous les arbres du jardin de Dieu ne
lui étaient pas semblables en beauté.
(Ézéch. XXXI, 7,
8.)
Les grands arbres de la Palestine sont souvent,
chez les écrivains inspirés, des
emblèmes de force et de puissance, et des
types de princes ou d'hommes élevés
au-dessus du reste de l'humanité. Dans les
versets que nous venons de citer, le cèdre
et le sapin sont l'image du roi d'Assyrie.
Le mot hébreu traduit dans nos versions par
Châtaignier, doit être rendu par
Platane. Cet arbre (Platanus orientalis)
a été
célébré par les
poètes persans ; les
Grecs et les Romains l'estimaient aussi beaucoup
pour l'étendue de son ombre ; ils le
plantaient autour de leurs demeures, où son
feuillage épais formait un abri
impénétrable aux rayons du
soleil.
Son nom, tiré du Grec, signifie
large ; Virgile le chanta, et Platon
faisait ses délices d'un grand Platane sous
lequel coulait un ruisseau. Homère,
décrivant un sacrifice près d'une
source, dit que c'était à l'heure
où le Platane étend son ombre autour
de lui.
Partout, en Grèce et en Asie-Mineure, les
bouquets de Platanes accompagnent le bord des eaux
courantes dans les contrées
montagneuses ; mais cet arbre atteint une
taille gigantesque lorsqu'il croît
isolé auprès de quelque fontaine,
dont les eaux arrosent ses racines, trait si bien
saisi dans la description d'Ezéchiel.
CHAPITRE LIII
Le Peuplier et le Mûrier
Ils sacrifient sur le
sommet des montagnes et ils font du parfum sur les
coteaux, sous les chênes, les Peupliers et
les ormes, dont l'ombre est agréable.
(Osée IV,
13.)
D'après la version des Septante, c'est du
Peuplier blanc (Populus alba) qu'il est ici
question ; il forme, avec le Peuplier noir
(Populus nigra), une forêt entière
dans les environs de Damas. Carne l'a
observé aussi dans les jardins de Sidon.
C'est l'une des espèces les plus
élégantes, et la couleur blanche du
dessous de ses feuilles fait un contraste charmant
avec le vert foncé de la surface
supérieure.
Les jeunes pousses du Peuplier exhalent au
printemps une odeur douce et balsamique ;
écrasées, elles fournissent une
substance résineuse très odorante.
C'était peut-être là le parfum
que les enfants d'Israël brûlaient dans
les sacrifices idolâtres au sujet desquels le
prophète Osée leur adresse de
sanglants reproches.
Le Tremble (Populus tremula) orne
également les parties montagneuses de la
Terre-Sainte, et l'on trouve aussi en Syrie le
Peuplier d'Italie, quoique plus
rarement.
Le Mûrier est mentionné deux
fois dans la Bible :
1° David consulta l'Éternel, qui
répondit : « Tu iras
contre eux vis-à-vis des Mûriers, et
quand tu entendras au haut des Mûriers un
bruit comme des gens qui marchent, alors marche.
(2 Sam. V, 23, 24.)
Ici le Mûrier serait, d'après le
docteur Royle, une espèce de Peuplier ;
ce qui le lui fait croire, c'est qu'il n'y a pas
d'arbre dont les feuilles aient pu
être plus facilement mises
en mouvement que celles du Peuplier par les
manoeuvres d'un corps de troupes attaqué ou
surpris ; c'est aussi la ressemblance du mot
hébreu Baka, traduit ici par
Mûrier, avec celui de Bek, qui, en
arabe, désigne une espèce de
Peuplier.
2° Le Seigneur dit : Si vous aviez de
la foi aussi gros qu'un grain de semence de
moutarde, vous pourriez dire à ce
Mûrier : Déracine-toi et va te
planter dans la mer, et il vous obéirait.
(Luc XVII, 6.)
Dans ce passage-ci, c'est bien du Mûrier
(Morus nigra) qu'il est question. Les regards
de notre Sauveur se portaient probablement,
lorsqu'il parlait ainsi, sur l'un de ces vieux et
vigoureux arbres qui bordaient et ombrageaient les
chemins de la Palestine.
Le Mûrier blanc (Morus alba) est
cultivé par les Druses du Liban. Voici ce
qu'en dit Jowett :
« Ici, » la contrée est
aussi remarquable pour la quantité
innombrable de ses Mûriers, que
l'Égypte pour ses palmiers. Pendant la plus
grande partie de l'année, ces Mûriers
couvrent le pays d'une verdure charmante ; on
ne les cultive pas pour leurs fruits, mais pour
leurs feuilles, avec lesquelles on nourrit une
grande quantité de vers à
soie. »
CHAPITRE LIV
Le Pommier et le Citronnier
Les vignes sont sans
fruit, et les figuiers ont manqué, les
grenadiers, et même les palmiers ; les
Pommiers et tous les arbres des champs sont devenus
secs ; c'est pourquoi la joie a cessé
parmi les hommes.
(Joël I, 12.)
Un voyageur auquel les productions naturelles de la
Palestine sont familières, serait surpris de
trouver ici le Pommier cité avec le
grenadier et le palmier, arbres tout à fait
méridionaux.
En effet, le Pommier est rare en Syrie, et ses
petits fruits y ont peu de goût et de parfum.
Cependant on le cultive à Sidon et dans
plusieurs endroits de la Palestine ; les
meilleurs se trouvent dans les régions
tempérées du Liban. Damas est aussi
célèbre dans toute la Syrie pour ses
Pommes.
C'est dans le Cantique des Cantiques qu'il est fait
mention le plus fréquemment du
Pommier ; il y est représenté
comme le roi des arbres, au doux fruit, aux
ombrages délicieux. Salomon compare une
parole dite à propos à des Pommes
d'or émaillées d'argent.
Ces descriptions, et la rareté du Pommier en
Palestine, font généralement penser
que le Pommier de
l'Écriture était le Citronnier.
Cet arbre (Citrus medica) appartient
à la famille des Orangers ; il est
remarquable par la beauté et le parfum de
ses fleurs et de ses fruits, et il était
fort estimé dans toute l'antiquité.
Quant à l'Oranger, il est originaire
de l'Inde ou de la Chine, et ce n'est que beaucoup
plus lard qu'il a été introduit en
Orient et en Europe.
Les Citronniers sont toujours verts et
chargés à la fois de fleurs et de
fruits. Les plus beaux Citrons atteignent deux
décimètres (8 pouces) de longueur.
Ils ont une écorce spongieuse et une pulpe
acide ; le tissu des feuilles est rempli de
petites glandes contenant une huile très
odoriférante. En Chine, on met des Citrons
sur les tables, dans des plats de porcelaine, pour
parfumer les appartements.
Une tradition populaire fait du fruit
défendu qu'Ève cueillit au jardin
d'Éden, soit une espèce de Citron,
soit une Pomme ; inutile dédire qu'elle
ne repose sur aucun fondement.
Quelques écrivains pensent que le bel
arbre
(Lév. XXIII, 40) dont les
Israélites devaient prendre des fruits
à la fête des Tabernacles,
était le Citronnier. Rien ne prouve que
celui-ci fût connu des Israélites dans
le désert ; toutefois il est
remarquable qu'on se servit de Citrons pour la
même solennité du temps de
Josèphe.
Aujourd'hui encore les Juifs continuent à
manger des Citrons ou des
confitures de Citrons dans leurs jours de
fête.
Mc Cheyne et Bonar ont retrouvé cet usage
chez les Juifs de Moldavie : « Nous
logions, disent-ils, près de la
rivière, dans une auberge tenue par un
Juif ; il avait élevé devant sa
porte une cabane avec des saules pris au bord de
l'eau ; la fête des Tabernacles devait
commencer dans la soirée suivante. Il nous
montra sa branche de palmier, appelé Mab,
et son beau fruit, appelé ezroch,
qu'on suppose être celui du bel arbre
dont il est parlé dans la Loi.
C'était une espèce de Limon, qui ne
vient à maturité qu'une fois tous les
trois ans. On l'apporte d'Italie et de
Palestine ; un seul, pour la fête,
coûte quelquefois plus de cent écus.
Notre hôte avait payé le sien
vingt-cinq francs. »
CHAPITRE LV
Le Kikajon
L'Éternel Dieu
prépara un Kikajon, et le fit monter
au-dessus de Jonas, afin qu'il lui fît ombre
sur la tête et qu'il le délivrât
de son mal ; et Jonas se réjouit d'une
grande joie à cause de ce Kikajon. Mais
Dieu, prépara pour le lendemain,
quand l'aube du jour monterait, un ver qui frappa
le Kikajon, et il sécha.
(Jonas IV, 6, 7.)
Ricinus
communis (Ricin)
L'ombrage de cette plante, dans un lieu
brûlé par le soleil, fit les
délices du prophète Jonas. Dieu, en
la faisant sécher subitement, lui donna une
leçon frappante, au moment où, dans
l'amertume de ses sentiments, il venait de
désirer la mort d'une multitude de ses
semblables.
Quant à la plante appelée Kikajon,
il n'y en a peut-être pas une dans toute
la Bible qui ait soulevé des discussions
aussi passionnées. Les premiers Pères
de l'Église ont été, à
cet égard, d'une violence qui nous semble
aujourd'hui ridicule et absurde, se querellant,
s'excommuniant même réciproquement, et
déconsidérant ainsi la Parole de
Dieu.
Jérôme affirmait que le Lierre
était la plante en question ;
Augustin assurait que c'était la Courge,
parce qu'elle croît très
rapidement.
Cette dernière circonstance n'a du reste
point d'importance ; il est impossible, en
effet, de ne pas voir, dans la croissance rapide du
Kikajon, un fait purement miraculeux ; le
même Dieu qui dit : « Que
la lumière soit, » et la
lumière fut, a pu aussi, d'un mot, faire
croître en un instant un arbre pour procurer
de l'ombre à son serviteur.
Il est probable que la plante de Jonas était
le Ricin ou Palma Christi (Ricinus
communis). Dans nos jardins,
c'est une plante herbacée
annuelle, mais dans les climats chauds, c'est un
arbrisseau de cinq à six mètres
(quinze à vingt pieds), qui peut vivre
plusieurs années et dont les grandes
feuilles palmées donnent beaucoup d'ombrage.
Il grandit très vite.
M. Ramsay, qui accompagnait Lord Lindsay en
Égypte, en donne la description
suivante : « Nous avons vu
aujourd'hui une quantité de fort beaux
Ricins ; jamais je n'ai remarqué, au
même moment et sur une même plante, des
formes si diverses ; elle porte sur la
même tige deux sortes de fleurs
entièrement différentes ; les
unes rouges (1),
les autres blanches
(2), des boutons
et des fruits ressemblant aux marrons d'Inde, mais
plus petits. Les jeunes feuilles ont une teinte
d'un pourpre foncé, et les vieilles d'un
vert éclatant. »
L'huile de Ricin, produit de cet arbre, est
très employée comme purgatif. Les
Juifs en faisaient usage dans leurs rites
religieux, et c'est une des cinq espèces que
la tradition rabbinique recommande pour certaines
cérémonies. Les Chinois l'emploient
dans leur cuisine.
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