BOTANIQUE
BIBLIQUE
CHAPITRE LVI
Le Figuier
Le Figuier ne poussera
point et il n'y aura point de fruit dans les
vignes, ce que l'olivier produit manquera, et pas
un champ ne produira rien à manger ;
les brebis seront retranchées du parc, et il
n'y aura point de boeufs dans les étables.
Mais moi, je me réjouirai en
l'Éternel et je tressaillerai de joie au
Dieu de ma délivrance.
(Habac. III, 17, 18.)
C'est ainsi que le Prophète hébreu
glorifiait Dieu, et le chrétien murmurerait
en présence des épreuves
d'ici-bas ! Non, car les
bénédictions réservées
au coeur qui aime et à une vie
sanctifiée, éclatent bien plus
souvent au milieu de la maladie, de la
pauvreté et de la misère, qu'au sein
des prospérités terrestres.
(Rom. V, 1-5.)
Habacuc parle du Figuier comme d'une plante
d'une grande importance pour le peuple
d'Israël. Le Figuier des
Saintes-Écritures (Ficus Carica) y
est mentionné
fréquemment, depuis le péché
de nos premiers parents jusqu'à la venue du
Messie.
L'ombrage de ce bel arbre est fort
épais ; on plante le Figuier dans les
cours des maisons de l'Orient, parce qu'on
prétend que son ombre est plus fraîche
et plus salutaire que celle d'une tente.
Le voyageur qui parcourt la Terre-Sainte se
réjouit encore aujourd'hui lorsque la voix
de l'Arabe sous le Figuier :
« Tacht-el-tine »
l'invite à venir s'y reposer. À
l'heure où le soleil darde ses rayons
ardents sur la terre, il apprécie pleinement
le sens de cette expression, qui peint si bien le
bonheur dont jouissaient les
Israélites : Habitant en assurance
chacun sous sa vigne et sous son Figuier.
(1 Rois IV, 25.) Lorsqu'en outre il
vient à manger des Figues fraîches ou
sèches, il ne lui semble plus étrange
que, dans un pays où les fruits forment une
portion si considérable de la nourriture
quotidienne, la disette de Figues soit
regardée par le prophète, comme une
calamité publique.
Les espions envoyés par Moïse en Canaan
rapportèrent, entre autres fruits, des
raisins, des grenades et des Figues d'Escol.
(Nombr. XIII, 24.) Cet endroit est
encore cité pour ses Figuiers, dernier
vestige de son ancienne fertilité et de sa
splendeur passée.
Les fleurs du Figuier, très peu apparentes,
sont renfermées à
l'intérieur de la Figue elle-même, qui
sort ainsi des rameaux sous forme de boutons et
grossit peu à peu. C'était à
cette pousse des fruits que notre Seigneur faisait
allusion lorsqu'il disait : Quand ses
branches commencent à être tendres, et
qu'il pousse des feuilles, vous connaissez que
l'été est proche.
(Matth. XXIV, 32.)
On a discuté sur ce passage
(Marc XI, 13 - 20) :
Jésus voyant de loin un Figuier qui avait
des feuilles, il y alla pour voir s'il y trouverait
quelque chose, et s'en étant
approché, il n'y trouva que des feuilles,
car ce n'était pas la saison des Figues.
Alors Jésus prenant ta parole, dit au
Figuier : Que jamais personne ne mange de ton
fruit ! Le matin ses disciples virent le
Figuier séché jusqu'aux racines.
Comment, disent quelques écrivains
juifs, comment Christ pouvait-il s'attendre
à y trouver des fruits, puisque la saison
n'en était pas encore
arrivée ?
La difficulté est plus apparente que
réelle.
Les Figues d'été ne sont mûres,
il est vrai, qu'au mois de juin et l'incident avait
lieu vers Pâques ; mais il arrive
quelquefois de trouver, même à cette
époque, des Figues encore bonnes,
arriérées de l'automne
précédent, et l'on comprend que le
Seigneur s'approchât de l'arbre pour en
chercher.
En outre, si l'arbre eût dû porter des
Figues d'été, elles eussent
déjà été visibles
quoique non mûres, puisqu'elles sortent
des branches avant les
feuilles ; mais il n'y en avait point ;
l'arbre était donc stérile, et
Jésus le condamne comme une image frappante
de cette sainteté extérieure, mais
dépourvue des fruits de la foi, qui
caractérisait les Pharisiens.
En Orient, on emploie souvent les Figues de la
même manière que le prophète
Esaïe lorsqu'il voulut guérir le roi
Ezéchias, en les appliquant sur la partie
malade.
(2 Rois XX, 7.)
Outre la récolte de l'été, qui
donne des Figues plus grosses, le Figuier en
fournit d'ordinaire une seconde en automne avec des
fruits plus petits, mais souvent plus savoureux.
CHAPITRE LVII
La Myrrhe
Jésus
étant né à Bethléem,
des Mages d'Orient arrivèrent à
Jérusalem, et ils trouvèrent le petit
enfant avec Marie sa mère, lequel ils
adorèrent en se prosternant, et après
avoir ouvert leurs trésors, ils lui
présentèrent des dons, de l'or, de
l'encens et de la Myrrhe.
(Matth. II, 1 - 11.)
Nous savons par divers passages des
Saintes-Écritures et par les usages actuels
des Orientaux, que l'on offrait
en présent des fruits, des légumes et
des résines odorantes aux monarques de la
terre. Les Mages agirent ainsi vis-à-vis de
Jésus enfant, parce qu'ils reconnaissaient
en lui le Prince de la vie.
La réputation dont la gomme-résine
appelée Myrrhe jouissait chez les
anciens, n'a pas diminué de nos jours en
Orient. Elle est fort estimée comme
substance aromatique et comme parfum. On s'en sert
aussi en médecine ; c'est un stimulant
très précieux. Les Égyptiens
en brûlaient dans leurs temples et
l'employaient avec d'autres aromates pour embaumer
les cadavres.
Après la mort du Sauveur, nous voyons
Nicodème, si timide pendant la vie de
Jésus, apporter cent livres de Myrrhe et
d'aloès pour les consacrer à sa
sépulture. C'est un petit arbre
appelé Arbre à Myrrhe
(Balsamodendron Myrrha), qui produit cette
drogue. Il croît en Abyssinie et dans
l'Arabie-Heureuse, parmi les acacias épineux
et les euphorbes.
Ses rameaux sont couverts d'épines, son
écorce et son bois sont odoriférants,
ses feuilles poussent trois par trois, son fruit
est semblable à une petite prune ; il
ressemble à l'arbrisseau qui produit le
baume de Galaad et appartient à la
même famille
(1).
Lorsque la Myrrhe suinte de l'arbre, c'est une
substance transparente, qui tombe en gouttes sur
les pierres placées au-dessous des branches.
Elle coule pendant presque toute l'année,
mais c'est dans la saison chaude qu'elle est le
plus abondante.
Quand elle a durci, les Abyssins la recueillent
dans de petites peaux de chevreaux pour l'exporter
aux Indes et en Arabie. Il fut un temps où
la Myrrhe était fort estimée en
Europe. Un auteur excentrique, Van Helmont,
écrivait que si l'on pouvait parvenir
à dissoudre complètement de la Myrrhe
dans les liquides du corps humain, l'homme
deviendrait immortel.
La saveur de ce produit est amère et
désagréable ; quant à son
odeur, qui peut n'être pas du goût de
tout le monde, il est certain que les
Hébreux en faisaient grand cas. Nous en
avons un exemple dans le passage suivant :
Tous tes vêtements sont parfumés de
Myrrhe, d'aloès et de casse, quand tu sors
des palais d'ivoire par lesquels on t'a
réjoui.
(Ps. XLV, 9.)
Plusieurs espèces de Myrrhe paraissent avoir
été anciennement en usage, et il est
probable qu'il y en avait de plus ou moins
aromatiques.
CHAPITRE LVIII
Le Roseau et la Canne aromatique
Jésus se mit
à parler de Jean au peuple et dit :
Qu'êtes-vous allés voir au
désert ? Était-ce un Roseau
agité par le vent ?
(Matth. XI, 7.)
Le Roseau est bien l'emblème d'un être
fragile et mortel. Il s'agite à chaque
souffle du vent ; le léger panache qui
surmonte sa tige élancée peut
être considéré comme une image
de l'esprit de l'homme poussé en sens divers
par des émotions contraires.
D'autres comparaisons de la Bible, tirées de
la même plante, sont également
saisissantes. Lorsque le guerrier assyrien
injuriait le roi Ezéchias, il lui dit :
Tu te confies en l'Égypte, en ce
bâton qui n'est qu'un Roseau cassé,
sur lequel si quelqu'un s'appuie, il lui entrera
dans la main et la percera ; tel est Pharaon,
roi d'Égypte, pour tous ceux qui se confient
en lui
(2 Rois, XVIII, 21.)
Esaïe XLII, 5, dit : II
ne brisera point le Roseau froissé.
Ce caractère attribué au Messie
par le prophète est singulièrement
propre à relever le pauvre pécheur
navré, inquiet, abattu, et à remplir
son coeur de joie par la certitude de l'amour de
son Sauveur.
Le Roseau était employé chez les
anciens pour
écrire ; on en ôtait la moelle,
on le faisait sécher au soleil et on le
taillait comme une plume. Il faut substituer le mot
Roseau à celui de plume dans
les divers passages de la Bible où il est
question d'écriture, car les plumes ne
servaient pas alors à cet usage.
C'est le Roseau appelé Arundo Donax,
qui doit être celui de la Bible. Il est
commun en Asie et dans l'Europe méridionale.
Il a de fortes tiges creuses, hautes de dix
à quinze pieds (3 à 5 mètres),
et on l'emploie pour des échalas, des
palissades et une foule d'autres ouvrages. Ses
fleurs fournissent une teinture et ses racines
contiennent du sucre.
Le Roseau aromatique était l'une des
substances qui composaient l'huile de l'onction.
(Ex. XXX, 23.) Pourquoi me
présentera-t-on la meilleure Canne
aromatique venant d'un pays
éloigné ? dit
l'Éternel.
(Jér. VI, 20.)
On pense qu'il est question dans ces passages du
Calamus aromaticus, espèce de palmier
des Indes ; plusieurs écrivains,
remarquant que des rapports commerciaux
étaient établis entre cette
contrée et l'Égypte dès
l'époque des Pharaons, pensent que le Roseau
aromatique des Indes pouvait fort bien être
l'un des produits précieux importés
en Palestine de ces régions lointaines.
Le bois du Calamus est très dur, aromatique,
et fournit une substance résineuse analogue
au sang-dragon.
CHAPITRE LIX
L'Ivraie
Le royaume des cieux
est semblable à un homme qui avait
semé de bonne semence en son champ. Mais
pendant que les hommes dormaient, son ennemi vint,
qui sema l'ivraie parmi le blé et s'en alla.
(Matth. XIII, 24, 25.)
Luther, dans sa version allemande, traduit
ainsi : Son ennemi vint et sema de
mauvaises herbes parmi le blé.
Le mot original Zizanion ne se trouve
pas dans les auteurs profanes, mais le mot
très analogue : Siouann, par
lequel les Arabes désignent l'Ivraie,
permet de croire que le Zizanion du Nouveau
Testament est bien notre Ivraie (Lolium temu
lentum).
Une autre remarque vient encore à
l'appui de l'identité des deux
plantes : jusqu'au moment où le
blé est en épis, l'Ivraie lui
ressemble tellement qu'elle se confond avec
lui ; ainsi l'agriculteur ne se doute de sa
présence que quelque temps avant la
moisson.
Volney nous apprend que les cultivateurs de
Palestine et de Syrie, de peur de perdre une seule
plante de blé, n'osent pas en ôter
l'Ivraie, mais qu'ils la laissent jusqu'à la
moisson, et qu'alors ils la trient avec la main
pour en faire des paquets
séparés ; ces détails
sont conformes à l'enseignement de la
parabole : Laissez-les (l'Ivraie et le
froment) croître tous deux ensemble
jusqu'à la moisson ; et au temps de la
moisson, je dirai aux moissonneurs : Cueillez
premièrement l'Ivraie et liez-la en
faisceaux pour la brûler, mais assemblez le
froment dans mon grenier.
(Matth. XIII, 30.)
L'Ivraie est commune dans les moissons de l'Europe
et de l'Orient ; c'est la seule plante
vénéneuse de la famille des
Graminées. La farine tirée de
ses graines donne des vertiges et enivre les hommes
et les animaux.
On cite l'exemple d'un fermier qui mourut pour
avoir persévéré à
manger du pain fait de farine d'Ivraie. Sa femme et
sa servante, qui renoncèrent à cette
nourriture, furent cependant malades au bout d'un
certain temps, quoiqu'elles n'en eussent pris
qu'une petite quantité.
CHAPITRE LX
La Moutarde
Le royaume des deux est
semblable à, un grain de Moutarde que
quelqu'un prend et sème dans
son champ ; ce grain est la
plus petite de toutes les semences ; mais
quand il est crû, il est plus grand que tous
les autres légumes, et il devient un arbre,
tellement que les oiseaux du ciel y viennent et
font leurs nids dans ses branches.
(Matth. XIII, 31, 32.)
Plusieurs commentateurs considèrent la
Moutarde de la Bible comme étant la
Moutarde noire (Sinapis nigra) de nos
champs. Sous le climat favorable de la Palestine,
cette plante arrive à une taille
élevée. Elle est cependant
annuelle ; sa tige, qui périt en hiver,
est à peine assez ligneuse pour
mériter la dénomination d'arbre.
Remarquons à ce propos, une fois de plus,
que la Bible n'est pas écrite avec une
rigueur scientifique, et qu'elle peut, par
conséquent, appeler familièrement
arbre une plante de la hauteur d'un homme et garnie
de branches étendues.
Le docteur Kitto, dans sa Bible pittoresque,
cite l'extrait suivant des voyages au Chili par
Alonzo de Avallo : « La Moutarde,
les navets, la menthe, le trèfle et d'autres
plantes cultivées en Europe, croissent sans
culture au Chili, et ne servent qu'à la
nourriture des bestiaux. La Moutarde y
prospère si rapidement, que sa tige atteint
la grosseur du bras et que la plante prend tout a
fait l'apparence d'un arbrisseau. J'ai fait bien
des lieues à travers des plantes de Moutarde
plus hautes qu'un homme à
cheval ; les oiseaux construisent leurs nids
dans leurs branches, ainsi que le dit
l'Évangile. »
Claude Hamilton a fait des observations analogues
dans la Haute-Égypte. Quand Jésus
représente la semence de Moutarde comme la
plus petite de toutes, il paraît avoir voulu
exprimer une petitesse comparative ; du reste,
ne nous inquiétons pas davantage de
l'exactitude littérale ici que dans
l'expression hyperbolique employée par
David, lorsqu'il dépeint Saül et
Jonathan comme plus légers que les
aigles, plus forts que les lions.
(2 Sam. I, 23.)
Quelques savants, dont nous ne partageons pas
l'opinion, se refusent à confondre notre
Moutarde et l'arbre des Saintes-Écritures.
Le Talmud mentionne un arbre à Moutarde sous
le nom de Kardal ; il a
été retrouvé sur les rives du
Jourdain, près du lac de Tibériade,
et le docteur Royle croit que c'est là
l'arbre à Moutarde de la Bible. Il a une
très petite semence, d'une saveur
piquante ; ses rameaux sont assez forts pour
porter des nids d'oiseaux. L'écorce de cet
arbre est acre et fait lever des ampoules sur la
peau ; on en emploie la décoction en
médecine ; ses baies sont mangeables.
C'est le Salvadora persica des
botanistes.
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