SERMONS
ÊTES-VOUS
CHRÉTIEN ?
Examinez-vous
vous-mêmes, pour voir si vous êtes dans
la foi ; éprouvez-vous
vous-mêmes : ne reconnaissez-vous pas en
vous-mêmes que Jésus-Christ est en
vous ? - à moins que peut-être
vous ne soyez
réprouvés. »
(2 Cor. XIII, 5.)
Êtes-vous dans la foi ?
Telle est la question que je viens examiner avec
vous : entrez dans cet examen, chacun pour
lui-même, et comme s'il était seul au
monde.
Faut-il rappeler combien cette question est
sérieuse ? Il y va de votre
éternité. Car il est
écrit :
« Celui qui croit au Fils a la vie
éternelle ; celui qui ne croit point au
Fils ne verra point la vie, mais la colère
de Dieu demeure sur lui
(Jean III, 36.). » Mais ne
vous paraîtra-t-elle pas superflue ?
Demander si nous sommes dans la foi, c'est demander
si nous sommes chrétiens. Eh ! sans
doute, ou que sommes-nous
donc ?
- Mes frères, les Corinthiens étaient
aussi des chrétiens, et vraisemblablement,
à tout prendre, de meilleurs
chrétiens que nous ; et pourtant, saint
Paul n'a pas jugés inutile de leur
écrire : « Examinez-vous pour
voir si vous êtes dans la
foi. »
C'est qu'on peut être chrétien par la
profession, sans l'être par le
cœur.
Vous êtes chrétien, soit, mon cher
auditeur : reste à savoir si vous
êtes un vrai chrétien.
Que si vous vous croyez si assuré de
vous-même que vous n'ayez pas besoin de vous
sonder là-dessus, cela prouve seulement que
vous en avez plus besoin qu'un autre.
Si quelqu'un pouvait s'en passer, c'est celui qui
dit en son cœur : Voilà un sujet
pour moi ! quand saurai-je bien à quoi
m'en tenir sur l'état de mon
âme ? Comment me persuader que je sois
un vrai chrétien, moi si indigne, moi si
incrédule, moi si infidèle ?
Ainsi se défiaient d'eux-mêmes les
apôtres, quand leur Maître leur eut
dit : « l'un de vous me
trahira ; » car « ils
commencèrent à s'attrister, et ils
lui dirent un à un : Est-ce moi ?
et un autre : Est-ce moi
(Marc XIV, 19.) »
« Bienheureux l'homme qui se donne
frayeur continuellement ! mais celui qui
endurcit son cœur tombera dans la
calamité. »
« N'endurcissons donc pas notre
cœur : prêtons-nous avec frayeur
à l'examen proposé par saint Paul,
dans une matière où l'illusion est si
redoutable à la fois, et si facile.
Cette frayeur salutaire, que je partage avec vous
comme chrétien, je la
ressens aussi comme prédicateur : pas
de discours, causons tout naturellement devant
Dieu. Et toi « qui connais les
cœurs, » montre-nous à
nous-mêmes, non pas tels que nous souhaitons
de nous voir, mais tels que nous sommes !
Le premier examen que provoque cette
question : « Êtes-vous dans la
foi ? » porte sur la doctrine
å croire ; aussi bien, nul ne peut
être sauvé que par « la
vérité
(Tite 1, 1 ;
Jean XVII, 17.) »
Cette vérité, la recevez-vous ?
avez-vous la foi en Jésus-Christ ?
Le témoignage que l'Écriture rend de
Jésus-Christ, et que Jésus-Christ a
rendu de lui-même, le croyez-vous tout
simplement, tel qu'il est, sans l'effacer par vos
explications, en prenant le salut pour un salut et
la grâce pour une grâce ?
Croyez-vous que Jésus-Christ est le Fils
unique de Dieu, et le seul médiateur entre
Dieu et nous : « Je suis le chemin,
la vérité, et la vie ; nul ne
vient au Père que par moi
(Jean XIV, 6.) ? »
Croyez-vous que Jésus~Christ est
véritablement le Sauveur du monde, venu pour
chercher et pour sauver ce qui était perdu,
à commencer par vous-même :
« Jésus-Christ est venu dans le
monde pour sauver les pécheurs, desquels je
suis le premier
(1 Tim. I, 15.). »
Croyez-vous que « Jésus-Christ a
souffert pour nous, lui juste pour nous
injustes, » pour un Zachée, pour
une Marie-Magdeleine, pour un
malfaiteur crucifié, pour vous et moi :
« Étant justifiés
gratuitement, par sa grâce, par la
rédemption qui est en Jésus-Christ
(Rom. III,
23.) ? »
Croyez-vous que hors de Jésus-Christ, vous
étiez livré, sans ressource et sans
retour, à une condamnation
méritée par vos œuvres
mauvaises : « Nous étions par
nature des enfants de colère, comme les
autres
(Eph. II, 3.) ? »
Croyez-vous qu'en Jésus-Christ, vous recevez
le germe d'une vie nouvelle, sainte, divine, qui
est le principe de toute œuvre bonne devant
Dieu : « Nous sommes son ouvrage,
ayant été créés en
Jésus-Christ pour les bonnes œuvres
(Eph. II, 10.) ? »
Croyez-vous enfin que rédemption,
justification, sanctification, consolation, et s'il
y a quelque autre délivrance requise pour
notre âme, elle se trouve tout entière
en Jésus-Christ et en lui
crucifié : « A qui
irions-nous, Seigneur ? tu as les paroles de
la vie éternelle ? »
Avez-vous cette foi ? ai-je dit ; mais il
fallait dire avec saint Paul :
« Êtes-vous dans cette
foi ? » expression pleine de sens,
et qui suffit pour écarter un christianisme
de profession, de culte ou de sacrement.
La foi que demande l'Apôtre est une foi de
cœur, qu'on possède moins qu'on n'est
possédé par elle ; une foi dans
laquelle on « est établi
(1 Pierre V, 9.), » dans
laquelle on a « la vie, le mouvement et
l'être
(Act. XVII, 28.). »
Voyez, examinez-vous ; car si telle n'est pas
votre foi, vous n'êtes donc pas
dans la foi ; et si vous
n'êtes pas dans la foi, vous n'avez pas la
vie éternelle.
Mais ne nous arrêtons pas là ;
saint Paul lui-même ne s'y arrête pas.
Toute forte qu'est cette première question,
elle ne lui suffit pas ; tant il redoute notre
habileté à « nous
séduire nous-mêmes par de vains
raisonnements. »
La doctrine, la doctrine même la plus ferme,
la plus irréprochable, va trop souvent sans
la vie, surtout dans des jours tels que les
nôtres, où cette doctrine, à
peine réveillée comme d'un long
sommeil, peut devenir l'objet d'une
préoccupation trop exclusive. C'est moins un
examen de doctrine que propose l'Apôtre,
qu'un examen de vie intérieure.
Aussi se hâte-t-il d'éclaircir sa
pensée, en substituant à sa
première question une autre question plus
vive, disons mieux, plus vivante :
« Ne reconnaissez-vous pas en
vous-mêmes que Jésus-Christ est en
vous ? » Comme s'il disait :
Prenez garde de vous donner le change ;
revenez-y encore ; éprouvez-vous
bien ; et pour qu'il ne puisse vous rester
aucune incertitude, sachez enfin si
Jésus-Christ, Jésus-Christ
lui-même, est en vous, ou non.
Voilà le point sur lequel il concentre toute
son attention, et sur lequel nous allons concentrer
toute la nôtre.
Jésus-Christ en nous : étrange
pensée ! Étrange pour nous,
« gens de petite foi ; »
mais non pas étrange pour saint Paul, qui en
parle comme d'une chose si simple
que chacun de ses lecteurs aurait pu devancer sa
question : « Ne le reconnaissez-vous
pas en vous-mêmes ? »
Jésus-Christ en nous : ne faut-il voir
dans ce langage qu'une métaphore ?
Non, non ; loin de nous ces
interprétations scolastiques et
rapetissantes, qui ne savent voir que des
métaphores dans la parole du
Saint-Esprit ! Qu'on nous laisse
écouter Dieu, non en philosophes, mais en
petits enfants !
Jésus-Christ en nous, c'est une
vérité ; une
vérité invisible ; parce qu'elle
est spirituelle, mais une vérité qui
n'en est pas moins réelle et vivante ;
que dis-je ? elle l'en est davantage.
Les choses invisibles sont les seules
éternelles, tandis « que les
choses visibles, image mobile des premières,
ne sont que pour un temps
(2 Cor. IV, 18.), et n'offrent qu'une
ombre fugitive des choses, non leur essence intime
et profonde
(Hébr. X, 1.) « Que
Dieu, écrit saint Paul aux
Éphésiens, vous donne d'être
puissamment. fortifiés par son Esprit dans
l'homme intérieur, tellement que Christ
habile dans vos cœurs par la foi
(Eph. III, 16, 17.) »
Par le Saint-Esprit, oui ; dans l'homme
intérieur, oui encore ; mais pourtant
véritablement et sans figure : l'homme
intérieur n'est pas l'imagination, et le
Saint-Esprit n'est pas l'enthousiasme.
Écoutez encore ce même saint
Paul : « Si quelqu'un n'a point
l'Esprit de Christ, celui-là n'est point
à lui ; mais si Christ est en
vous, le corps est mort par le
péché, mais
l'Esprit est vie par la justice
(Rom. VIII, 9, 10.) »
Écoutez le seigneur lui-même, dans ces
derniers discours où « il ne parle
plus en figure
(Jean XVI, 29.), »
exhortant ainsi ses disciples :
« Demeurez en moi, et moi en vous
(Jean XV, 4.). » Que si
vous osiez obscurcir ces paroles par les
téméraires éclaircissements de
la sagesse humaines, du moins craindriez-vous de
toucher à cette prière que le Fils
présente au Père :
« Que tous soient un, ainsi que toi,
Père, est en moi et moi en toi ! afin
qu'eux aussi soient un en nous... moi en eux
et toi en moi, afin qu'ils soient consommés
dans l'unité
(Jean XVII, 21, 23.) »
après quoi il faudrait douter que Dieu soit
en Jésus-Christ, pour douter que
Jésus-Christ soit dans les siens.
Mes frères, prenez de plus hautes
pensées de la foi chrétienne :
cette foi nous associe tellement à
Jésus-Christ, qu'elle nous fait tenir
à lui comme les membres du corps à la
tête, comme les sarments. au cep
(Jean XV, 1 ;
Éph. IV, 15, 16 ;
V, 28.).
Ce sont là des images, j'en conviens, les
choses visibles étant les types des
invisibles ; mais ce ne sont pas les images
d'une image, ce sont les images d'une
réalité vivante. Et n'est-ce pas par
cette union réelle avec Jésus-Christ
que nous sommes sauvés ?
Certes, ce qui nous sauve, ce n'est pas une notion
de notre esprit, ni même un sentiment de
notre coeur ; c'est Jésus-Christ ;
venant en nous, de telle sorte que nous puissions
dire avec l'Apôtre : « Je vis,
non plus moi, mais Christ en moi
(Gal. II,
20.). »
Voulez-vous donc savoir si vous êtes dans la
foi ?
Cherchez si Jésus-Christ habite en vous par
son Esprit.
Ainsi posée, la question exclut par
elle-même bien des chrétiens de
profession, pour lesquels on ne saurait demander si
Jésus-Christ est en eux sans profaner son
nom.
Eh quoi ! si Jésus-Christ est dans ce
jeune homme, chrétien de nom, mais
livré aux maximes relâchées du
siècle et aux convoitises de la
chair ?
Si Jésus-Christ est dans cet homme,
chrétien de nom, mais ne vivant que pour
accroître sa fortune, et dont le contentement
s'élève et s'abaisse avec son
trésor ?
Si Jésus-Christ est dans cette femme,
chrétienne de nom, mais courant après
les futiles plaisirs du monde, et mendiant sa
honteuse idolâtrie ?
Restent les gens religieux, au moins dans les
apparences, pour lesquels seuls il est permis de
faire la question, et avec lesquels il est temps de
l'examiner, d'après les signes que
l'Écriture elle-même va nous
fournir.
Si Jésus-Christ est en vous, il y
vivra et le premier signe auquel vous pouvez
reconnaître que vous êtes dans la foi,
c'est la vie de Jésus-Christ
communiquée à votre âme.
« En lui est la vie
(Jean I, 4.) ; » son
nom est « le Prince de la vie
(Act. III, 15.) ; »
« qui a le Fils a la vie
(1 Jean V, 12.) ; »
c'est le Fils lui-même qui est
« notre vie
(Col. III, 4.) ; » et
le Dieu qu'il nous révèle, auquel il
nous unit, n'est pas seulement
« le vrai Dieu, » il est aussi
« le Dieu vivant (1 Thess. I,
9.), » vivant dans le monde, mais
vivant surtout dans le cœur de ses
enfants.
Cette vie de Jésus-Christ en nous, quelle
est-elle ?
N'espérons pas en donner jamais une
définition précise : la vie se
sent, elle ne se définit pas. Au reste, nous
ne saurions mieux nous rendre compte de la vie de
Jésus-Christ en nous, qu'en suivant l'image
cachée dans le nom même dont le
Saint-Esprit l'a nommée. S'il appelle vie
l'état d'une âme où
Jésus-Christ habite, c'est que cet
état offre certains traits de ressemblance
avec cette vie du corps, que « Dieu
souffla » dans les organes de la
respiration du premier homme, et par laquelle il
convertit une poussière organisée en
une « âme vivante
(Gen. II, 7.) ».
Vous chargeriez-vous d'expliquer ce qu'est la vie
du corps ? Essayez de définir la vie
autrement que par la mort, ou la mort autrement que
par la vie : vous ne sortirez jamais de ce
cercle, et vous ne réussirez enfin à
faire comprendre la vie, tant bien que mal, qu'en
mettant un homme vivant à côté
d'un homme mort.
Que de ressemblances entre ces deux hommes, et
pourtant quelle différence ! Qu'est-ce
donc qui les sépare ? C'est
l'âme, c'est-à-dire le souffle, ce
souffle invisible, à la
vérité, mais qui, pour être
invisible, n'en est pas moins l'appui, le lien
nécessaire, sans lequel le corps ne tarde
pas à se dissoudre et à
perdre jusqu'à sa forme
extérieure ; s'il pouvait se rencontrer
un homme qui se refusât à
reconnaître cette différence, sous
prétexte que l'homme mort a des yeux, des
mains, des pieds aussi bien que l'homme vivant, que
lui répondre ?
Un tel langage prouverait seulement que celui qui
le tien n'a pas l'instinct de la vie, auquel toutes
les explications du monde seraient incapables de
suppléer.
Juste image de la vie spirituelle que l'Esprit de
Dieu, c'est-à-dire le souffle de
Dieu, communique à une âme où
Jésus-Christ habite.
Mettez à côté l'un de l'autre
deux hommes dont l'un à la vie de
Jésus-Christ, et l'autre ne l'a pas :
que de ressemblances entre eux, et pourtant quelle
différence !
Ils ont en commun la vie physique, et chacun des
deux mange et boit, dort et se réveille,
parle et se remue ;
- la vie intellectuelle, et chacun des deux
réfléchit, observe, raisonne, tire
des conclusions ; - la vie des affections, et
chacun des deux a une femme, des enfants, des
parents, des amis qu'il aime du plus tendre
amour ;
- la vie morale, et, chacun des deux a au-dedans de
lui une conscience qui lui rend témoignage,
et « des pensées qui l'accusent ou
qui l'excusent
(Rom. II, 15) ; »
- une vie religieuse même, et chacun des deux
peut avoir certaines habitudes de
piété, lire l'Écriture, prier
matin et soir, assister aux exercices du culte.
Qu'y a-t-il donc qui les sépare ?
Rien, que le souffle de Dieu, dont l'un est
animé, l'autre
dépourvu ;
- rien, que le regard de l'âme tourné,
chez l'un, vers le ciel et
l'éternité, chez l'autre, vers la
terre et le temps ;
- rien, que la grâce substituée
à la colère, la vie éternelle
à la mort éternelle, l'empire de
l'esprit à la tyrannie de la chair, les
consolations de Dieu aux étourdissements du
monde ;
- rien, que le Père, le Fils et le
Saint-Esprit, ici présents, là
manquants ;
- rien, du tout !
L'homme irrégénéré,
n'ayant pas l'instinct de la vie,
méconnaît ce contraste
intérieur, parce qu'il est invisible - et
pourtant le monde même, tout le monde qu'il
est, est contraint parfois de le sentir et de le
confesser à sa manière
(Jean XVII, 21, 23.).
Mais l'homme spirituel, instruit par le
Saint-Esprit et par sa Parole
(1 Cor. II, 14.), reconnaît au
croyant une vie qui lui est propre ; une vie
si nouvelle, qu'il n'y a pu entrer que par une
nouvelle naissance, plus encore, par une nouvelle
création : « Si quelqu'un est
en Jésus-Christ, c'est une nouvelle
création ; » il
« est passé de la mort å la
vie
(2 Cor. V, 17 ;
1 Jean III, 14.). »
Au reste, le croyant sent en lui-même, bien
mieux que ne sauraient l'observer les autres, le
changement radical qui s'est opéré
dans son cœur ; et, il en rend
témoignage, en empruntant tour à tour
le langage de l'aveugle-né :
« J'étais aveugle, mais je vois
(Jean IX, 25.), » et celui
du Sauveur ressuscité :
« J'ai été mort, mais je
vis
(Apoc. I, 18.) »
Eh bien ! mes chers auditeurs, cette nouvelle
naissance, l'avez-vous
éprouvée ?
Cette vie de Jésus-Christ, la sentez-vous en
vous-mêmes ?
Cette nouvelle naissance, l'avez-vous
éprouvée ?
Avez-vous conscience d'un changement
intérieur qui a fait de vous un autre homme,
avec d'autres maximes, d'autres sentiments,
d`autres goûts, un autre langage, un autre
cœur, une autre existence morale tout
entière, et qui vous a, selon
l'énergique expression de l'Apôtre,
« converti des ténèbres
à la lumière, et de la puissance de
Satan à Dieu
(Act. XXVI,
18.) ? »
Toutefois, cette nouvelle naissance peut avoir eu
lieu sans être clairement aperçue,
surtout si elle a été cachée
dans le développement général
de l'enfance ou de la jeunesse ; venons donc
à la question capitale : cette nouvelle
vie, la sentez-vous en vous-même ?
Votre repentance est-elle vivante ?
Avez-vous appris à vous frapper la poitrine
devant la croix de Jésus-Christ, et à
lui dire : « J'ai
péché contre toi, contre toi
proprement
(Ps. LI, 4.) ; » c'est
pour moi, pour moi proprement que tu es
mort ?
Votre foi est-elle vivante ?
La Parole de Dieu, reçue comme de la bouche
de Jésus-Christ, et
« mêlée avec vous par cette
foi
(Héb. IV, 2. Version
littérale.), » est-elle
tombée en vous comme une semence de vie
céleste
(1 Pierre I, 23.), qui
« vous a rendu participant de la nature
divine
(2 Pierre I, 5.). »
Vos prières sont-elles vivantes ?
L'Esprit de Jésus-Christ
« prie-t-il lui-même pour
vous » et en vous,
tantôt par ces paroles puissantes qui
triomphent du Dieu fort
(Gen. XXXII, 28.), tantôt
« par ces soupirs
inexprimables », compris de lui seul, et
qui pénètrent doucement jusqu'au fond
de son cœur paternel
(Rom. VIII, 25.) ?
Votre charité est-elle vivante ? tout
en aimant votre prochain comme vous-même,
savez-vous faire une place à part à
cet amour fraternel, la charité de la
charité, qui unit un croyant à un
autre croyant, parce que Jésus-Christ dans
le cœur de l'un répond à
Jésus-Christ dans le cœur de l'autre
(1 Jean III, 14.) ?
Vos affections sont-elles vivantes ? pour
vous, comme pour Jésus-Christ ; au sein
de sa famille
(Jean VII, 3-7 ;
Act. I, 14.), la vie
éternelle est-elle votre première
sollicitude pour ceux que Dieu vous a unis par les
liens du sang ou de l'amitié
(1 Tim. V, 8.) ?
Que dirai-je encore ?
Votre joie
(Jean XV, 21.), vos consolations
(2 Cor. I, 3, 4.), vos conversations
(Col. IV, 5.), votre vie
entière est-elle vivante ? et, en
réponse à Jésus-Christ vous
disant : « Parce que je vis, vous
vivrez
(Jean XIV, 19.), »
avez-vous été instruit à dire
avec saint Paul : « Pour moi, vivre
c'est Christ
(Phil. I, 21. Version littérale :
« Pour moi, vivre, c'est Christ, et
mourir, c'est un
gain ».) ? »
Voyez, examinez. Si vous n'avez pas la vie de
Jésus-Christ, vous n'avez donc pas
Jésus-Christ en vous ; et si vous
n'avez pas Jésus-Christ en vous, vous
n'êtes pas dans la foi, vous n'avez pas la
vie éternelle.
La vie se révèle par des actes, dont
le plus immédiat est la
parole. Si Jésus-Christ est en vous, il y
parlera ; et le second signe auquel vous
pouvez reconnaître que vous êtes dans
la foi, c'est le témoignage de
Jésus-Christ assurant votre cœur
que vous lui appartenez.
Ce langage vous surprend peut-être ;
vous y trouvez je ne sais quel air de mysticisme.
Mais prenez-y garde :
- « Ne dites pas conjuration, toutes les
fois que ce peuple dit conjuration
(Esaïe VIII, 12.) ;
- Ne dites pas non plus mysticisme, toutes les fois
que la multitude dit mysticisme.
Un sentiment n'est pas mystique pour être
caché dans le cœur, et dès lors
impossible à définir ; il ne
mérite ce nom que s'il est dépourvu
de motif appréciable et solide.
L'amour qu'une mère porte à son
enfant n'a rien de mystique, parce qu'il repose sur
un attachement naturel et qui vient de Dieu ;
le remord qui poursuit un criminel n'a rien de
mystique, parce qu'il repose sur la conscience et
sur les lois du monde moral ; le sentiment
religieux n'aura rien de mystique non plus, quand
il reposera sur la Parole de Dieu :
l'autorité de cette parole
infaillible, voilà le vrai
caractère qui sépare, dans les choses
spirituelles, la vérité d'avec le
mysticisme.
À ce point de vue, beaucoup de choses que le
monde appelle mystiques sont très solidement
démontrées, tandis qu'il en en
d'autres qui lui semblent
incontestables, et auxquelles le
nom de mystiques conviendrait bien mieux.
Ce témoignage intérieur de
Jésus-Christ à l'âme
fidèle, la Parole de Dieu le
reconnaît-elle ? voilà tout ce
que nous avons besoin de savoir.
Eh bien ! elle le reconnaît
formellement : « Celui qui garde les
commandements de Dieu demeure en
Jésus-Christ, et Jésus-Christ en
lui ; et par ceci nous connaissons qu'il
demeure en nous, par l'Esprit qu'il nous a
donné
(1 Jean III, 24.) ; »
car en cet Esprit rend témoignage
à notre esprit que nous sommes enfants
de Dieu
(Rom. VIII, 16.) ».
Aussi l'expérience des croyants de tous les
siècles vient-elle à l'appui de ce
que je viens de dire. Ce bienheureux
témoignage a été entendu dans
tous les âges de l'Église ; il
l'a même été des saints de
l'Ancien Testament, selon la mesure de leur
lumière. C'est ce témoignage qui a de
tout temps réjoui, soutenu, fortifié
le peuple de Dieu ; c'est ce témoignage
qui a enfanté tout ce qui s'est tait de
grand dans le royaume de Dieu, au sein d'un monde
ennemi de Dieu.
Abraham le possédait au-dedans de
lui-même, lorsqu'il « a vu le jour
de Christ et qu'il en a tressailli
(Jean VIII,
36.) ; »
Jacob, lorsque bénissant ses fils par
l'esprit de prophétie, il s'interrompt un
moment comme contraint par la voix
intérieure : Ô
Éternel ! j'ai attendu ton salut
(Gen XLIX,
18.) ; »
Job, lorsqu'il confesse son
Rédempteur : « Je sais que
mon rédempteur est vivant...
je le verrai moi-même, mes
yeux le verront et non un autre ! mes reins se
consument dans mon sein
(Job XIX, 25,
27.) ; »
David, lorsqu'il oppose à ses ennemis
acharnés cette affirmation d'un cœur en
prière : « Je sais que Dieu
est pour moi .... tu as délivré mon
âme de la mort, et mes pieds de chute
(Ps. LVI, 10,
14.) ; »
Néhémie, lorsqu'il suspend de
temps en temps son récit pour
s'épancher dans le sein de Dieu :
« Mon Dieu ! mon Dieu !
souviens-toi de moi en bien
(Néh. XIII,
31.) ; »
le vieux Siméon, quand
répondant au vieux Jacob, après
dix-huit siècles écoulés, il
contemple avant de mourir ce que le patriarche
mourant avait attendu : « Tu laisses
maintenant aller ton serviteur en paix, selon ta
parole, car mes yeux ont vu ton salut
(Luc II, 29,
30.) ; »
Étienne, lorsque « rempli
du Saint-Esprit, » il voit
« les cieux ouverts et le Fils de l'homme
se tenant à la droite de Dieu
(Act. VII, 56.) ;
Paul, quand il écrit à
Timothée ; « Je connais celui
en qui j'ai cru, et qu'il est puissant pour garder
mon dépôt
(2 Tim. I,
12.) ; »
Luther, près de comparaître
à Worms, quand il prie ainsi dans son
angoisse : « Seigneur, cette cause
est tienne, tiens-toi près de moi... mon
âme est à toi ! »
Mais que parlé-je de tous ces grands
serviteurs de Dieu ? le chrétien le
plus humble et le plus ignoré a aussi bien
qu'eux « le témoignage de Dieu en
lui-même
(Jean V, 10.) : » il
voit son Sauveur des yeux de l'esprit, il l'entend
des oreilles de l'âme. Non, il n'y a pas
de puissance sur la terre, il n'y
a pas de démon dans l'enfer, qui soit
capable de nous persuader que tu n'es pas en nous,
Seigneur Jésus, que tu ne nous entends pas,
que tu ne nous parles pas, que tu ne nous aimes
pas, que tu ne t'es pas donné pour
nous !
Et vous, mon cher auditeur, le possédez-vous
ce témoignage de
Jésus-Christ ?
Entendez-vous en vous-même votre Sauveur, qui
vous assure de son pardon : « Tu es
à moi, je t'ai racheté, tes
péchés te sont remis, va en paix
(Esaïe XLIII, 1 ;
Matt. IX, 2 ;
Luc VII, 50.) ? »
L'entendez-vous qui vous appelle, et pouvez-vous,
en vous mettant à genoux, lui dire avec
David : « Mon cœur me dit de ta
part de chercher ta face ; je chercherai ta
face, Ô Éternel
(Ps. XXVII,
8.) ? »
L'entendez-vous qui vous répond, et
pouvez-vous dire, avec ce même David, en vous
relevant de votre prière :
« J'ai crié de ma voix à
l'Éternel, et il m'a répondu de la
montagne de sa sainteté
(Ps. III, 5.) ? »
L'entendez-vous qui vous parle, et pouvez-vous, en
interrogeant les Écritures divines, lui dire
avec Samuel : « Parle, Seigneur, ton
serviteur écoute
(1 Sam. III,
10.) ? »
L'entendez-vous qui vous écoute, et
connaissez-vous en votre cœur que
« le cri que vous avez jeté devant
lui est parvenu à ses oreilles, »
sans s'égarer en chemin
(Ps. XVIII, 7.) ?
L'entendez-vous qui vous marque le chemin, à
qui vous dites : « Enseigne-moi le
chemin où je dois marcher
(Ps. CXLIII, 10.), » et qui
vous dit à son tour : « Je
t'enseignerai le chemin où
tu dois marcher
(Ps. XXXII, 8.) ? »
L'entendez-vous qui vous console, qui vous rassure,
qui vous avertit, qui vous reprend, qui vous
fortifie
(Ps. LXXXVI, 11 ;
XCIV, 12 ;
CXXXVIII, 3, etc.) ?
Si vous n'avez jamais rien ressenti de tout cela,
si « vous n'avez jamais ni entendu sa
voix, ni vu sa face
(Jean V, 37.), » si vous ne
possédez pas, si vous ne connaissez pas
même le témoignage de
Jésus-Christ, Jésus-Christ n'est donc
pas en vous ; et si Jésus~Christ n'est
pas en vous, vous n'êtes pas dans la foi,
vous n'avez pas la vie éternelle.
Mais venons enfin à la marque la plus
palpable et tout ensemble la plus sûre de la
vie, l'action. Si Jésus-Christ est en vous,
il y agira ; et le dernier signe auquel
vous pouvez reconnaître que vous êtes
dans la foi, c'est l'œuvre de
Jésus-Christ devenue vôtre.
Jésus-Christ ne
saurait demeurer nulle part « oisif ni
stérile
(2 Pierre I, 8.) ; »
comme « le Père agit de tout
temps, le Fils agit aussi
(Jean V, 17.) ; » et
il déploie en ceux qui croient
« l'énergie du pouvoir de sa force
(Éph. I, 19.). »
C'est pourquoi « celui qui croit en
Jésus, fera les œuvres que Jésus
a faites
(Jean XIV, 12.) » ;
« celui qui dit qu'il demeure en
Jésus-Christ doit vivre comme
Jésus-Christ lui-même a vécu
(Jean II, 6 ;
IV, 17.). »
Je disais tantôt, mes chers
frères : Prenez de plus hautes
pensées de la foi chrétienne ;
je dis maintenant : Prenez de plus hautes
pensées de la vie
chrétienne. Il n'y a pas d'autre vie
chrétienne que la vie de Christ dans le
chrétien ; et il n'y a de vrai
chrétien que celui qui vit en
représentant de Jésus-Christ,
continuant sur la terre l'œuvre que
Jésus-Christ y a commencée.
Il faut qu'on le contemple vivant en nous ; et
comme il a pu dire : « Celui qui m'a
vu, a vu mon Père
(Jean XIV, 9.), » il faut
que chacun de nous puisse dire aussi : Celui
qui m'a vu a vu mon Maître. Quelle vocation,
mes chers frères ! si glorieuse
véritablement et si difficile, qu'on a peine
à y croire...
Mais celui qui nous a donné ce
commandement : « Qu'il y ait en vous
les mêmes, sentiments qui étaient en
Jésus-Christ
(Phil. II, 8.), » est aussi
celui qui nous rendra capables de
l'accomplir ; disons plus, c'est moins nous
qui devons l'accomplir que le Seigneur qui doit
l'accomplir en nous
(1 Thess. V, 24.) ;
Pour l'œuvre de Christ nous avons la force de
Christ, parce que nous avons Christ lui-même,
si toutefois « nous l'avons
reçu, » et « si nous
marchons en lui
(Col. II, 6.). »
Ne me dites pas que cette pensée vous
accable, et que vous aimez mieux reposer vos
regards sur les exemples des grande serviteurs de
Jésus-Christ que sur celui de
Jésus-Christ lui-même, parce qu'il se
trouve chez ces serviteurs, tout grands qu'ils
sont, des infirmités et des chutes qui les
rapprochent de nous : cette raison est peu
digne d'un chrétien. C'est
précisément parce que
Jésus-Christ nous a seul offert un
exemple parfait, c'est parce qu'il est la loi de
Dieu vivante, que vous devez le choisir de
préférence à tout autre pour
objet de votre imitation. Aussi bien, c'est ce
qu'ont fait les saints dont vous parlez, ou
plutôt c'est ce qui les a faits : ils
ont pris exemple du Maître, non d'aucun
homme, « quel qu'il fût
(Gal. II, 6.). » Que cela,
est sensible chez l'Apôtre auquel j'emprunte
mon texte, et auquel on en revient toujours quand
on veut prendre sur le fait la foi
chrétienne ou la vie
chrétienne !
Comment s'est formé ce disciple, qui
« a travaillé plus que tous les
autres
(1 Cor. XV, 10.), » et qui
n'a pas craint de dire, tout humble qu'il
était ; « Soyez mes
imitateurs, comme je le suis de Christ
(1 Cor. XI,
1.) ? »
C'est en se modelant sur Jésus-Christ avec
un soin si jaloux, qu'il semble s'appliquer
à confondre en quelque sorte sa personne et
son histoire avec la personne et l'histoire de son
divin Maître, jusque dans les œuvres les
plus exclusivement réservées au
Seigneur. Si « la nourriture de
Jésus-Christ est de faire la volonté
de celui qui l'a envoyé et d'accomplir son
œuvre
(Jean IV, 34.), » voici
Paul qui « ne fait cas de rien, et
à qui sa vie même n'est point
précieuse, pourvu qu'il achève avec
joie sa course et le ministère qu'il a
reçu du Seigneur Jésus
(Act. XX, 24.) » Si
Jésus-Christ peut dire en finissant :
« j'ai achevé l'œuvre que tu
m'avais donnée à faire
(Jean XVII,
4.), » voici Paul
qui dit à la veille de son martyre :
« J'ai combattu le bon combat, j'ai
achevé la course, j'ai gardé la
foi ; du reste, la couronne de justice m'est
réservée
(2 Tim. IV, 7, 8.). »
Que dis-je ? Si Jésus-Christ
« a été fait
malédiction pour nous
(Gal. III, 13.) ; »
voici Paul qui « souhaiterait
d'être fait anathème - loin de Christ
pour ses frères, qui sont ses parents selon
la chair
(Rom. IX, 3.) ; » et
si « Jésus-Christ a porté
nos péchés en son corps sur le bois
(1 Pierre II, 24.), » voici
Paul qui s'enhardit jusqu'à écrire
ces étonnantes paroles : « Je
me réjouis donc maintenant en mes
souffrances pour vous, et j'accomplis le reste des
afflictions de Christ en ma chair, pour son corps
qui est l'Église
(Col. I, 24.)... »
N'expliquons pas ces sublimes hyperboles de la
charité, sentons-les plutôt : la
tâche de Paul, telle quelle est aussi votre
tâche, si le Christ de Paul est aussi votre
Christ ; celui qu'on retrouve partout vivant
dans la vie de Paul, il faut qu'on le retrouve
aussi vivant dans la vôtre.
Examinez-vous donc, mes chers auditeurs, pour voir
si vous faites l'œuvre de
Jésus-Christ.
Je ne demande pas si vous la faites sans
mélange et sans
infidélité : hélas !
qui pourrait se ranger alors au nombre de ses
imitateurs ? Mais du moins, vos œuvres
sont-elles empreintes de l'Esprit de
Jésus-Christ ? Et reconnaît-on
votre Maître dans le fond de votre
vie ?
Reconnaît-on, dans votre travail, celui qui,
après une journée employée
à « aller de lieu en lieu faisant
le bien
(Act. X, 38.), »
« se retire sur la montagne pour prier,
et passe toute la nuit à prier
Dieu (Luc VI, 12.) ? »
Reconnaît-on, dans vos plaisirs, celui dont
la présence répand sur la noce de
Cana une joie douce autant que pure, et à
qui une fête de famille fournit plus d'une
instruction salutaire
(Jean II, 1-11.) ?
Reconnaît-on, dans vos douleurs, celui qui a
pleuré sur la ruine prochaine de
Jérusalem, ou celui qui a supporté
tout le poids de la malédiction divine, pour
épargner aux pécheurs une autre ruine
plus redoutable encore?
Reconnaît-on, dans vos lectures, celui qui
« prend son plaisir dans la loi de
l'Éternel, qui médite dans cette loi
jour et nuit
(Ps. I, 2.), » et qui ne
demande qu'à elle seule des armes contre la
triple tentation du désert
(Math. IV, 1-11.) ?
Reconnaît-on, dans vos discours, celui dont
la bouche ne s'ouvre que pour
« communiquer la grâce à
ceux qui l'écoutent
(Eph. IV, 29.), » et qui ne
rencontre ni objet dans la nature, ni
événement dans la vie, auquel il
n'arrache quelque leçon de vie
éternelle ?
Reconnaît-on, dans votre action et dans votre
repos, dans votre veiller et dans votre dormir,
dans « votre entrer et dans votre
sortir, » celui qui « fait
toujours les choses qui sont agréables au
Père
(Jean VIII,
29.) ? »
Hélas ! que n'y reconnaît-on, pas
plutôt que lui : votre éducation,
votre tempérament, votre entourage, votre
intérêt, votre
égoïsme, votre convoitise !...
Mais je m'oublie : ce n'est qu'à
vous-même de vous juger. Voyez, examinez,
sondez-vous bien.
Si vous êtes étranger à
l'oeuvre de Jésus-Christ, vous n'avez donc
pas Jésus-Christ en vous ; et si vous
n'avez pas Jésus-Christ en vous, vous
n'êtes pas dans la foi, vous n'avez pas la
vie éternelle.
Voilà trois signes auxquels vous pouvez
discerner si Jésus est en vous : sa
vie, son témoignage, son œuvre.
Quand vous seriez en danger de vous tromper sur
l'un des trois, vous ne le seriez pas de vous
tromper sur tous : réunis ; ils
vous feront apprécier sûrement
l'état de votre âme devant Dieu.
L'illusion après tout ; pour être
facile, n'est pas inévitable ; et quand
nous ne demandons qu'à nous juger
nous-mêmes
(1 Cor. XI, 31.), Dieu ne saurait
nous refuser sa lumière pour un examen
auquel il nous convie tout le premier.
Suivez donc, suivez cet examen salutaire, et ne
vous arrêtez point que vous ne sachiez enfin
si vous êtes en Christ - ou hors de
Christ.
Vous avez dans cet examen deux écueils
à éviter.
Avant tout, gardez-vous de vous séduire
« en disant : Paix, paix, où
il n'y a point de paix
(Jér. VI,
14.) ; » mais aussi ne soyez pas
plus sévères que ne l'est le
Seigneur. Il y a des âmes défiantes et
timides, qui, tout en rassurant sur leur compte
tous les autres, ne sauraient
jamais se rassurer elles-mêmes. Je ne
voudrais pas décourager ces
âmes-là, car je sais que mon
Maître et le leur ne les décourage
point ; mais je leur dirai : Soyez plus
simples, chers amis.
La question n'est pas de savoir si vous trouvez en
vous la vie, le témoignage, l`œuvre de
Jésus-Christ, dans son
intégrité : elle est de
savoir si vous y trouvez quelque chose de sa vie,
de son témoignage, de son
œuvre ; ce n'est pas au degré
ou à la mesure que la promesse est faite,
c`est à la substance et à la
présence.
Le Seigneur a-t-il commencé en vous son
œuvre de grâce ?
Eh bien ! ne craignez point de le confesser
à sa gloire, et d'entrer dans l'humble, mais
ferme assurance de l'Apôtre :
« Je suis assuré que ni vie ni
mort, ni hauteur ni profondeur, ni
principauté ni puissance, ni choses
présentes ni choses à venir, ni
aucune autre créature, ne pourra nous
séparer de l'amour de Dieu en
Jésus-Christ notre Seigneur
(Rom. VIII, 37, 38.) »
Si tel est le résultat de l'examen auquel je
viens de vous inviter, s'il vous conduit à
reconnaître que Jésus-Christ habite en
vous - oh ! alors, sentez votre bonheur !
Mesurez vos obligations par vos
privilèges !
Ne vivant que par lui, ne vivez aussi que pour
lui !
« Au reste, mes
frères, » poursuit l'Apôtre,
« réjouissez-vous, tendez à
la perfection, soyez consolés, soyez tous
d'accord, vivez en paix, et le Dieu de
charité et de paix sera avec vous
(2 Cor. XIII,
11.). »
Que si cet examen devait avoir un résultat
contraire ; s'il devait vous convaincre que
vous n'avez connu jusqu'ici qu'une foi morte et que
vous avez vécu loin de Christ - que leur
dirai-je ? les flatterai-je dans leur
voie ? leur cacherai-je le péril
au-devant duquel ils courent se jeter ?...
Ah ! mes amis, ce serait être
infidèle à mon texte, qui vous fait
entendre en terminant quel est le partage de ceux
qui ne sont point dans la foi : « Ne
reconnaissez-vous point en vous-mêmes que
Jésus-Christ est en vous, à moins que
peut-être vous ne soyez
réprouvés ? »
Réprouvé, mot affreux !
Réprouvé, mis au rebut comme un
vaisseau qu'on a essayé et qu'on a
trouvé sans usage
(Ps. XXXI, 18.) !
Réprouvé, traité comme ces
branches stériles qu'on retranche, qu'on
amasse, qu'on jette au feu et qui brûlent
(Jean XV, 6.) !
Ne me dites pas que c'est manquer à la
charité que de vous présenter de si
effrayantes images.
Mes frères, il faut s'entendre sur la
charité : il y a deux charités.
Il y a la charité de Dieu, et il y a la
charité du Diable ; la charité
de Dieu qui dit : « Au jour que tu
mangeras, tu mourras, » et la
charité du Diable qui dit :
« Vous ne mourrez
nullement. »
Celle-là vous déclare perdu, mais
pour vous sauver ; celle-ci vous
déclare sauvé, mais pour vous
perdre...
Je viens à vous avec la charité de
Dieu dans le cœur, et je n'en connais point
d'autre l Je ne viens pas rassurer les consciences,
je viens les troubler à
salut ! Je ne viens pas canoniser ceux qui
meurent, je viens sauver ceux qui vivent !
Heureux, oh ! heureux, si je pouvais vous
enlever tous, comme un seul homme, dans mes bras et
sur mon cœur, pour vous déposer entre
des bras plus sûrs et sur un cœur plus
fidèle !
Je sais que je vous annonce la vérité
de Dieu ; je sais que Dieu est stable dans ses
menaces, comme dans ses promesses : si vous
vous obstinez à fermer les yeux aujourd'hui,
vous serez contraints de les ouvrir - alors qu'il
ne sera plus temps.
Mais je ne veux pas que vous attendiez qu'il ne
soit plus temps : voici le jour, l'heure, le
moment. Reconnaissez-vous, réveillez-vous,
arrêtez-vous, décidez-vous,
sauvez-vous, « séparez-vous de la
génération
perverse ; » et dites au Seigneur
avec Jacob : « Je ne te laisserai
point aller que tu ne m'aies béni
(Gen. XXXII, 6.) »
Amen.
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