Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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LES VAUDOIS ET L'INQUISITION




CHAPITRE III
Hiérarchie vaudoise.

ARTICLE 1. - L'ORDRE DE PRÉDICATEURS RÊVÉ PAR VALDO.

Le but premier de Valdo avait été, nous l'avons dit, de rappeler dans l'Église l'esprit de pauvreté et d'humilité originel. Cette réforme, Il l'avait conçue comme devant être exécutée par une confrérie ou ordre religieux, dont les membres, soumis au voeu de pauvreté, se livreraient à la prédication (1), ainsi que devaient le faire plus tard les fils de saint François. Elle supposait donc des religieux, missionnaires ambulants, donnant l'exemple de la pauvreté évangélique, se dévouant à diriger les fidèles restés dans le monde vers une voie plus élevée que celle où les conduisaient les évêques catholiques, devenus seigneurs féodaux, propriétaires de grandes fortunes, aussi peu semblables que possible, sous ce rapport, aux premiers apôtres de l'Évangile.

Dans cette donnée, l'idéal chrétien devait être la pratique des enseignements donnés par Jésus, dans son Discours sur la montagne. De plus, la réforme, destinée à pénétrer peu à peu dans les familles fidèles, devait venir de la hiérarchie. Au fond, l'idée de Valdo s'attaquait surtout à la morale ecclésiastique, à la conduite des prélats, des clercs et des moines. Elle laissait intacte la foi proprement dite. Présentée avec prudence, cette réforme aurait très bien pu s'adapter aux besoins de l'Église, d'autant plus que tous les papes d'alors, Innocent III surtout, sentaient le besoin de faire quelque chose. C'eût été l'ordre franciscain d'origine lyonnaise précédant celui d'Assise.

Il y avait pourtant, dans les premiers projets de Valdo, plusieurs points susceptibles d'observations sérieuses. D'abord, la question de la prédication par des laïques, puis cet office confié à des femmes. L'Évangile parle bien de femmes qui servaient le Christ et ses apôtres, il ne dit pas qu'elles prêchaient. Au reste, sous ce rapport, l'imitation complète de la vie apostolique sur laquelle nous savons trop peu de chose, présentait de graves inconvénients, et fut, sans doute, le motif qui fit accuser les Vaudois d'immoralité. Ce reproche, reconnaissons-le, leur a été fait par des adversaires et sur des on-dit (2). L'histoire donc peut bien les en disculper. Toutefois l'organisation de Valdo fournissait un prétexte à ses accusateurs (3).

Comme nous avons vu Valdo s'adresser au pape Alexandre III pour obtenir l'approbation de son institut, nous devons supposer que son intention première n'avait été ni de nier, ni de renverser la hiérarchie ecclésiastique. Élu supérieur par ses frères, Valdo s'était probablement imaginé qu'il serait simplement le chef des missionnaires, mais que le pape et les autres prélats resteraient à la tête de leurs églises, transformées par l'exemple, non moins que par la parole des nouveaux apôtres. Quelle devait être leur attitude en cas de conflit ? Peut-être Valdo ne l'avait pas prévu. En tout cas, les Vaudois ne surent pas rendre, ou manquèrent du tact et de l'humilité nécessaire pour se faire agréer. La conclusion fut leur excommunication.

Une fois hors de l'Église et décidés à exécuter quand même ce qu'ils estimaient leur vocation, les Pauvres de Lyon devaient se trouver amenés à constituer chez eux l'autorité nécessaire, tant à la direction de leur ordre qu'au gouvernement des âmes, et, peu à peu, par une évolution que nous pouvons simplement soupçonner, car nous n'avons aucun renseignement à son sujet, le supérieur de l'ordre devint le chef ecclésiastique des religieux et des fidèles. D'après le principe posé, l'Église primitive fournit le modèle de la hiérarchie rêvée. Elle se composa comme aux temps primitifs d'évêques, de prêtres et de diacres.


ARTICLE II. - LA HIÉRARCHIE VAUDOISE.

Les renseignements que nous possédons sur les Vaudois, sont excessivement difficiles à concilier.
Souvent confondus avec les Cathares, on leur a prêté bien des institutions qui n'étaient pas les leurs. De plus, ils ont bien pu de leur côté emprunter diverses formes aux sectaires avec qui ils se trouvaient en contact. Enfin, une fois séparés de l'Église, leur organisation a dû forcément se modifier, et, soit par l'effet des persécutions, soit par l'influence de groupes plus ou moins dissidents, se présenter, suivant les lieux et suivant les époques, sous une forme bien différente, aux yeux des écrivains qui nous ont transmis des détails sur leur compte (4).

En bloc cependant, les religieux, évêques, prêtres ou diacres des deux sexes étaient les Vaudois proprement dits (5). Les fidèles qui les écoutaient ne semblent pas avoir eu d'abord de nom spécial. Plus tard, et c'est l'Allemagne qui, semble-t-il, en fournit le premier exemple, on donna ce nom de Vaudois non seulement aux ministres, mais encore à leurs fidèles laïques. On put parler alors, non seulement d'un ordre religieux vaudois, mais d'une église vaudoise. À la même époque sans doute, on inventa, pour désigner les religieux ou ministres, le nom de parfaits, nom qui servait aussi aux ministres cathares. Les fidèles devinrent alors les auditeurs ou croyants (6).

Seuls les, parfaits se voyaient tenus à la pauvreté et à la chasteté des religieux ; en revanche ces obligations fondamentales des ordres monastiques restaient pour eux strictes. Aussi la personne mariée qui désirait entrer dans la communauté le pouvait sans doute, mais son mariage était considéré comme rompu, et elle devait se séparer de son époux. Chez les Lombards, on exigeait pour cette séparation le consentement de la partie restée dans le monde ; les Vaudois français estimèrent qu'un vote de la communauté, représentant l'Église, suffirait pour légitimer cette séparation (7).

Il semble bien qu'à la mort de Valdo, il y eut dans les Vaudois français une velléité de ne confier aux ministres leurs diverses fonctions que pour un an (8). Nous ne pouvons pas savoir comment se seraient arrangées les choses, en supposant l'évêque élu simplement pour un temps aussi court, d'après la théorie catholique, encore admise chez eux à cette époque, du pouvoir d'ordination conféré à cet évêque (9).

Les Pauvres Lombards réclamèrent au contraire avec plus de logique l'élection à vie, et somme toute, c'est l'opinion qui paraît aussi l'avoir emporté en France, après quelques tâtonnements sans doute (10).
Donc, en théorie, chaque communauté devait posséder un évêque, pour ordonner les ministres, distribuer l'Eucharistie, accorder l'absolution des péchés et la rémission de leurs peines (11). Aux prêtres la charge des prédications et des confessions ; aux diacres le rôle humble d'aider les ministres de rang supérieur (12). À la tête de toute la secte un majoralis chargé de maintenir l'unité, de concentrer et d'administrer les ressources communes (13). Le pouvoir de ce personnage, de ce pape des Vaudois, successeur de Valdo, se trouva dès le début fort limité par les divisions intestines. Il se peut bien qu'il n'ait existé qu'en Languedoc. De plus, bien les communautés n'eurent pas d'évêque, un prêtre en tint lieu, et quand la persécution vint, il fut admis qu'un laïque juste pouvait faire le rôle du prêtre ou de l'évêque empêché (14).

Les membres laïques de l'église vaudoise, n'appartenant pas à la confrérie religieuse chargée de l'apostolat, restaient dans le monde et vaquaient à leurs affaires, soutenant de leurs aumônes les missionnaires, ainsi que les oeuvres pieuses de leur secte. Ils étaient autorisés, par mesure de prudence, à suivre extérieurement le culte catholique, et à recevoir même les sacrements, comme tous les fidèles (15), bien qu'autant que possible ils dussent se confesser aux ministres vaudois.

À mesure que les persécutions s'accentuaient, ces derniers, appelés « parfaits, nous l'avons dit, comme chez les Cathares, ou « Barbes » dans le Piémont, se trouvèrent tout naturellement signalés par leur vie spéciale à la vigilance de l'autorité et sur eux tombèrent spécialement les coups des inquisiteurs. Aussi ils ne tardèrent pas à abandonner les marques spéciales prescrites d'abord par Valdo, leurs sandales, leurs boucles ; ils s'ingénièrent au contraire à trouver des déguisements, qui leur permirent de circuler sans être arrêtés, afin d'aller visiter les communautés de croyants ou en fonder d'autres (16).

D'abord uniquement adonnés à la prédication, ils voyageaient deux à deux, ainsi que les ministres cathares, sans avoir de demeure permanente (17). Plus tard cependant, on trouve des mentions d'hospices, où vivaient ensemble quatre ou six Vaudois, hommes ou femmes, sous la direction d'un recteur, formant ainsi de petits couvents mixtes qui ne paraissent avoir été qu'en petit nombre (18). À partir du XVe siècle, il n'y a plus de femmes parmi les ministres actifs, mais elles vivent dans les hospices qui leur servent de couvents. À ce moment, les Vaudois avaient été chassés du Languedoc, et les courses dans les montagnes eussent été sans doute trop pénible pour des femmes. Nous avons au reste peu de renseignements sur la manière dont se recrutaient alors les « Barbes » (19).


Table des matières


(1) Comba, p. 36 ; Müller, p. 7, 11, 15. etc. ; Tocco, p. 169.

(2) On sait avec quelle facilité les partis se jettent réciproquement à la tête les reproches d'immoralité. Il est cependant frappant que les écrivains qui parlent des Vaudois s'appuient toujours sur le bruit public et non sur des faits.

(3) La prédication par les femmes semble bien avoir choqué les contemporains. Bernard de Fontraulde, p. 113-114 Tocco, p. 178 ; Pseudo-Reiner in Maxim. Bibliot., t. XXV, p. 265 Pilichdorf, id., p. 278 Alain de Lille, p. 258 Moneta, p. 401 ; Yvonet, p. 1778, 1781 ; Hahn, t. 11, p. 275.

(4) Qu'il s'agisse des doctrines ou de l'organisation des sectes médiévales, les renseignements contradictoires abondent et ne sont pas conciliables. Rien d'étonnant à cela. Ces sectes n'ayant pas de chef unique reconnu devaient varier à l'infini. Les apologistes catholiques de leur côté ne pouvaient juger que de ce qu'ils voyaient. Ils appliquaient donc aux Vaudois, en général, ce qui était le fait d'une communauté locale, et encore, peut-on supposer que souvent ils se trouvèrent induits en erreur. Aussi les auteurs qui ont voulu se débrouiller dans cet amas de renseignements contradictoires s'y sont perdus. Notre but étant de dessiner simplement un tableau général, et d'insister sur les poursuites dont la secte fut l'objet, nous nous contenterons des données qui nous semblent les plus certaines, et concernent les Vaudois français.

(5) Cf. Müller, p. 47, 48.

(6) Pseudo-Reiner, p. 266 ; Étienne de Bourbon, p. 280, 291 ; Hahn, t. II, p. 297 ; Bernard Gui, Practica, p. 223. Quelquefois les fidèles s'appellent les « amis » ; Müller, p. 28.

(7) Ces pratiques vaudoises dérivaient évidemment des usages catholiques modifiés. On sait que dans l'Église, le mariage non consommé est dissous par la profession solennelle religieuse d'un des deux époux, et que, le mariage étant consommé, les deux époux peuvent se séparer pour recevoir les ordres sacrés, ou faire la profession religieuse dite solennelle. Cf. Anonyme dans Martène et Durand, Amplissima collectio. t. V p. 1751, sq. ; Yvonet, p. 1781 ; Étienne de Bourbon, p. 299 ; Müller, p. 51.

(8) C'était un régime très républicain avec deux recteurs, nommés pour un an, que se proposaient d'établir les Français. Cf. le Rescriptum dans Preger, Beitraege, c. 15 ; Müller, p, 33. Ces deux recteurs étaient-ils évêques, ou simplement des supérieurs sans fonctions ecclésiastiques, c'est une question non résolue. Cf. Müller, p. 45.

(9) Les persécutions avaient sans doute commencé à cette époque, mais les théories avaient-elles déjà évolué au sacerdoce universel, c'est ce dont on peut douter. Cf. Müller, p. 36.

(10) Cf. Müller, p. 87.

(11) Montel, p. 37 ; Comba, p. 228 ; Müller, p. 86.

(12) Bernard Gui, Practica, p. 138.

(13) On trouve aussi le titre de major. Il n'est pas très facile de savoir la situation de tous ces titulaires dans la société ; le major était peut-être le supérieur ou l'évêque local, le majoralis le supérieur général. C'est ce qui semble résulter des paroles de Bernard Gui dans sa Practica inquisitionis p. 248. Cf. Comba p. 222, 229 ; Limborch, Liber sententiarum, p. 289, 291 ; Millier, p. 97.

(14) Bernard Gui, Practica, p. 137 ; Comba. p. 221 ; Alain de Lille, p. 193.

(15) Pseudo-Reiner, p. 286 ; Hahn, t. II, p. 293 ; Bernard Gui, p. 223.

(16) Étienne de Bourbon, p. 293.

(17) Inquisiteur de Passau, dans la Biblioth. Maxim., t. XXV, col, 273 ; Comba, p. 162 ; Lettre de Morel à Oecolampade ; Comba, p. 609.

(18) Funk, dans le Kirchen Lexicon, art. Waldenser, col. 1189 ; De pauperibus de Lugduno, manuscrit du Vatican dans Döttinger, pauperibus t. II, p. 92 sq. ; Combe, p. 139, 229. À ces hospices se trouvaient rattachées les écoles ou séminaires des Barbes. Cf. Comba. p. 609 ; Limborch, Liber p. 252.

(19) Fort intéressante en effet au point de vue mystique, la littérature vaudoise est très pauvre en tant qu'histoire. Il semble pourtant que les Vaudois du XVIe siècle conservaient encore bien des pratiques de leurs pères. Ainsi la confession de foi, transmise en 1530 par les deux Barbes Georges Morel de Fraissinières et Pierre Masson de Bourgogne aux réformateurs d'Allemagne, rappelle à Oecolampade qu'il y a dans la secte vaudoise des vierges vouées au célibat, que les Barbes ne se marient point, qu'ils ont la confession auriculaire.
Mais en même temps ils demandent si l'on doit établir une hiérarchie dans le clergé, avec des évêques, des prêtres et des diacres, Montet, p. 179, 180, ce qui prouve qu'à cette époque, les Barbes avaient perdu souvenir de la première organisation. Eux-mêmes ne se considéraient que comme prédicateurs, ils n'administraient pas de sacrements, et en laissaient le soin aux prêtres romains (les membres de l'Antéchrist). Montet, p. 180 ; Comba, p. 605 sq., 609.

 

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