Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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LES VAUDOIS ET L'INQUISITION




CHAPITRE V
Les doctrines des Vaudois.

ARTICLE I. - MANQUE D'UNITÉ DANS LES DOCTRINES VAUDOISES.

Dans les commencements de leur séparation d'avec l'Église romaine, les Vaudois semblent, nous l'avons déjà dit, n'avoir eu avec elle que des divergences d'ordre pratique (1). Valdo s'était proposé en effet une réforme dans l'Église, non contre elle. Mais la persécution éloigna ses disciples de l'enseignement primitif ; leur doctrine se développa donc indépendante, tirant les conséquences des prémisses posées par le fondateur, à savoir, que l'amour des richesses avait corrompu la chrétienté (2) ; que la révélation divine, contenue dans la Bible, renfermait cependant la doctrine du salut (3) ; d'où nécessité pour tous de la lire de la comprendre et, pour cela, d'en avoir des traductions populaires. Ce fut à ce signe qu'on reconnut tout d'abord les Vaudois (4). Revenir à ce qu'ils croyaient être la pratique et l'enseignement de l'Église primitive, leur sembla, en second lieu, le moyen du salut (5).

Sur ce point, la doctrine vaudoise, avec des intentions plus pures, avec une morale autrement rigide, eut un trait commun avec les Hussites d'abord, avec les Réformateurs du XVIe siècle ensuite. Il en est résulté, dans le cours des âges, une compénétration réciproque des groupes vaudois, hussites, protestants, et, vu la pénurie relative des ouvrages vaudois antérieurs au hussitisme, une difficulté sérieuse pour distinguer les doctrines spécifiquement vaudoises, d'avec celles apportées aux descendants de Valdo par des dissidents plus ou moins voisins (6).

Dès le début, nous avons vu se produire parmi les disciples de Valdo une double tendance, celle des Pauvres de Lyon, plus conforme aux enseignements romains, celle des Pauvres Lombards, plus éloignée en général de la doctrine catholique (7).

À ces premières divergences, d'autres s'ajoutèrent dues à la vaste dissémination de la secte, aux persécutions hâtives, qui l'empêchèrent de se développer à son aise, et surtout au manque d'une autorité fortement centralisée. Une ou deux fois par an, il se tenait bien un chapitre où les recteurs des hospices se réunissaient, et aux délibérations duquel les parfaits prenaient tous part, sauf les jeunes et les femmes (8). Mais quelle pouvait être la force des décisions prises par une assemblée, dont tous les membres étaient sous la menace d'une arrestation et de la mort, si un seul avait à se plaindre ? Et comment une confrérie, traquée sans pitié par la société civile et par l'Église, aurait-elle pu exiger l'obéissance des siens ? Il en résulta donc un certain flottement perpétuel dans les croyances.

Au XIIIe siècle, les catholiques du Languedoc reprochaient quatre choses aux Vaudois : de porter des sandales, de ne jamais consentir à faire un serment, de se refuser à toute effusion du sang humain, même à la guerre ou à la suite d'une sentence judiciaire, d'admettre qu'en cas de nécessité, toute personne, même non ordonnée, à condition d'être sans faute, pouvait consacrer pourvu qu'elle portât des sandales (9) (c'est-à-dire appartînt à l'ordre).

Le dernier reproche était de beaucoup le plus grave, car il signalait un point des doctrines vaudoises, par qui la hiérarchie sacerdotale romaine se trouvait fortement ébranlée.


ARTICLE Il. - DIVERGENCES D'AVEC LES DOCTRINES ROMAINES.

Elle le fut bien plus encore, lorsque la persécution vint mettre un fossé infranchissable entre les Vaudois et l'Église, en ne laissant aux premiers que le choix entre disparaître par la soumission, ou disparaître par la mort. Si déjà, dans un colloque tenu à Narbonne en 1190, les chefs vaudois affirmaient qu'on ne devait obéissance qu'aux bons prélats, que ceux-là seuls pouvaient avoir le ministère apostolique, qui vivaient une vie apostolique, dès lors, aux seuls évêques irréprochables appartenait le droit de lier et de délier (10).

La logique (11) fit pousser les choses plus loin encore. Les laïques pieux purent alors exercer le sacerdoce comme les prêtres, confesser, célébrer l'Eucharistie et à fortiori prêcher, même les femmes (12). Le pouvoir sacerdotal résida désormais dans la communauté qui, par l'élection, pouvait le conférer, comme elle pouvait le retirer au ministre indigne (13).

L'Église romaine devint ainsi la société des méchants, l'Église de l'Antéchrist, n'ayant aucun droit ni aucun pouvoir sur les âmes ; ses prétentions étaient donc sans fondement, ses excommunications sans valeur (14). Continuant leur évolution, les Vaudois rejetèrent le purgatoire, les indulgences, les prières pour les morts, l'intercession des saints, l'invocation de la sainte Vierge, la messe (15). Les premiers disciples de Valdo avaient admis les sept sacrements et la transsubstantiation leurs successeurs, probablement après avoir reçu l'influence du Hussitisme et à fortiori de la Réforme, n'admirent plus que le baptême et l'Eucharistie (16). Dans cette dernière, plusieurs ne virent plus qu'une figure (17). Sauf la justification par la foi, c'était presque tout le programme du protestantisme.

Et cependant, tout en se montrant fort sévères, les auteurs et les inquisiteurs catholiques du moyen âge rendirent une certaine justice aux Vaudois (18). « En toutes choses, disait un écrivain du milieu du XIIIe siècle, ils se conduisent fort religieusement, ont des moeurs régulières, des conversations sages, parlant volontiers de Dieu, des saints, des vices à fuir et des vertus à pratiquer (19). » On constate aussi chez eux un grand dévouement à leur cause ; les parfaits sont désintéressés ; ils se contentent du nécessaire, des aumônes volontaires données par leur peuple ; tandis que les croyants font de leur mieux pour fournir à leurs ministres tout ce qui peut leur être utile. Les actes de sacrifice ne se comptent pas dans leur histoire ; on en trouve témoignage jusque dans les pièces inquisitoriales. Une femme, par exemple, léguait sa robe à une autre vaudoise et vingt sous à la société des Pauvres de Lyon ; ce qui attira sur son cadavre la colère de l'Inquisition. Il fut exhumé et jeté en terre profane (20).

Avec les Cathares et bien d'autres sectaires du moyen âge, les Vaudois, nous l'avons dit, rejetèrent le serment, sauf aux timides à le prêter, sous les menaces des inquisiteurs. Nous avons déjà parlé de leur horreur du mensonge, il est inutile d'y revenir. De tout ce que nous savons d'eux, les Vaudois nous paraissent donc, d'après leurs principes, des gens fort inoffensifs. Malheureusement leurs premières désobéissances les rendirent suspects, bientôt leurs théories ébranlèrent les fondements de l'autorité ecclésiastique, on les traita dès lors comme des hérétiques, et comme c'était l'époque où l'Église et l'État engagés à mort dans la lutte avec des sectaires de tout nom, Cathares, Albigeois, Patarins et autres, en venaient aux mesures les plus rigoureuses, les pauvres Vaudois, assez mal distingués des autres dissidents, se virent englobés dans les rigueurs dirigées contre des sectaires plus dangereux (21).


Table des matières


(1) Cela ressort des démarches faites auprès d'Alexandre III pour obtenir l'approbation du Saint-Siège.

(2) Pseudo-Reiner, Biblioth. Maxim., t. XXV, p. 265 ; Étienne de Bourbon, p, 297 ; Hahn, t. II, p. 271.

(3) Pseudo-Reiner, 1. c. ; Hahn, t. II, p. 110, 147, 271.

(4) Voyez les bulles d'Innocent III à l'évêque de Metz, 12 juillet 1199 ; Decretal., Gregorii IX, I. V, tit.7, c. 12 Potthast 780, 781 Hahn ; t. II, p. 272 ; Comba, p. 671 Montet, p. 35, 85.

(5) Bernard Gui, Pratica, p. 214 Pseudo-Reiner, Biblioth. Maxim. t. p. 264 ; Refutatio errorum, Biblioth. Maxim, t. XXV. p. 302 ; Lin, Hahn. t. II, p. 272.

(6) Cf. Comba, p. 670 sq. ; Hahn, t. II, p. 157 ; Montet, p. 41 sq., 149 sq. 177 sq.

(7) Voir ci-dessus, Bernard Gui, Practica, p. 217.

(8) Bernard Gui, Pratica p. 219 ; Cf. Lettre du barbe Morel à Oecolampade, Comba p. 611.

(9) La condition de porter des sandales pour consacrer parait drôle au premier abord, et fait croire à une erreur du chroniqueur, mais les sandales étant l'insigne caractéristique des missionnaires vaudois, porter des sandales doit s'entendre dans le sens d'appartenir aux parfaits, Pierre de Vau-Cernai, c. 2 ; Bouquet. XIX, 6 ; cf. Reiner Bibl. Maxim., t. XXV, p. 366 ; Bernard Gui, p. 216 : Pilichdorf p. 298 Hahn. t. Il p. 288 s q. Limborch, Lib. sentent., p. 263 ; Müller, p. 91 Douais, l'Inquisition p. 281.

(10) Lea, t. I, p. P ; Bernard de Fontcaude Biblioth. Maxim. t. XXIV, p.1585 ; Comba, p. 67 ; Alain de Lille, p. 262 ; Pseudo-Reiner, p. 265 ; Étienne de Bourbon, p. 296 ; Hahn, t. II, p. 276, Directoire de S. Raymond de Pennafort ; Douais, l'Inquisition, p. 281, Alain, p. 385 ;Müller, p. 95.

(11) En fait de logique, il est assez curieux de voir les Vaudois, fondés par Valdo comme un ordre religieux avec les voeux monastiques, rejeter plus tard les voeux comme une invention de Sodome, traiter l'ordre monastique de « charogne puante », si toutefois ces belles images n'ont pas été prêtées gratuitement aux Vaudois par les centuriateurs protestants. Hahn, t. II, p. 140, 145, 277 ; Index errorum in Maxim. Biblioth., t. XXV, p. 308.

(12) V. plus haut. Bernard Gui, p. 246 ; Leger, t. I, 21 ; Étienne de Bourbon, p. 295 ; Reiner, p. 265 ; Hahn, t. II, p. 143, 275, 280 ; Limborch Liber. sentent., p. 263.

(13) Comba, p. 224.

(14) Hahn, t. II, p. 80, 147 : Limborch, Lib. sentent., p. 261, 201, 207 Bernard Gui, Practica, p. 215, 246.

(15) Les indulgences sont déjà niées au milieu du XIIIe siècle. Directoire de saint Raymond de Pennafort, Douais, l'Inquisition, p. 280 ; Hahn, t. II, p. 94, 97, 126, 143, 138 ; Perrin, p. 301 sq. ; Léger, t. I, p. 111 sq., Bernard Gui, Practica, p. 247, 252 ; Limborch, liber sent., 208, 264 ; Pseudo-Reiner, p. 266. Sur le purgatoire, Limborch, p. 201, 208, 210 Bernard Gui, p. 217, 252, Müller, p. 99.

(16) Comba, p. 211, 211 ; Pseudo-Reiner, p. 265 ; Hahn, t. II, p. 101, 120, 280, 281 ; V. la lettre du barbe Morel. Comba, p. 605.

(17) Étienne de Bourbon, p. 298 ; Hahn, t. II, p. 281.

(18) Il y a bien des contradictions. Eymeric, part. II, q. 14, impute aux Vaudois des actes obscènes, sans fondement d'ailleurs. Bernard Gui les accuse de se livrer les uns aux autres après la Cène, mais il parle en même temps de l'apparition d'un chat qui les asperge avec sa queue, ce qui montre que toutes les connaissances du célèbre inquisiteur étaient loin de lui venir d'expériences personnelles. Bernard Gui, Practica, p. 248 ; Cf. Limborch, Histor. inquisit., p. 33. Perrin, p. 18 sq. ; Hahn 1 t. II, p. 148, énumèrent les reproches faits aux Vaudois modernes. Le barbe Morel avoue humblement des fautes contre la chasteté. Comba, p. 610 ; en revanche, il y a beaucoup de témoignages favorables, Hahn, t. II, p. 149 sq ; Léger, t. I, p. 183 sq. ; De Thou Histoire universelle, 11 vol. Bâle, 1142, t. I p. 539.

(19) Yvonet, p. 1781 ; Pseudo-Reiner, p. 261 ; V. dans Perrin, le Livre des vertus, p. 186 sq., les anathèmes contre les danses, la luxure, etc. Hahn, t. II, p. 109, 141, 149, 272 Le caractère puritain des Vaudois n'est guère contestable. Ils poussent même la sévérité à l'exagération en soutenant que le mensonge est toujours péché mortel ; Bernard Gui, p. 251.

(20) Liber Constitutionum et practicae sancti officii inquisitionis, Bibliothèque Ambroisienne, A, 129, inf. f° 78 recto, d'après Molinier, Études, p. 179. Cette sentence est probablement due à l'Inquisition lombarde. Sur la générosité des Vaudois, V. Bernard Gui, Practica, p. 251 et dans les derniers temps la lettre du barbe Morel, dans Comba, p. 611.

(21) Les doctrines vaudoises des derniers temps sont, il est vrai, presque aussi hostiles à l'Église que le protestantisme : messes, images, indulgences, toutes les pratiques catholiques y sont abolies. Mais n'oublions pas, d'une part, l'influence hussite, d'autre part, l'influence protestante, qui a fait retoucher bien des livres vaudois, en sorte qu'il faut toujours se demander si les points les plus révolutionnaires ont été réellement des enseignements vaudois. Enfin, il faut bien reconnaître que la persécution dut accélérer le mouvement de répulsion tout ce qui touchait à Cr. Hahn, t. II. 138, p. 140, 142, 144, 146 sq., 278.

 

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