Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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(Jean 17.17)
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LES VAUDOIS ET L'INQUISITION




CHAPITRE VI
Les premières persécutions.

ARTICLE I. - LE BANNISSEMENT.

L'archevêque de Lyon, Guichard aux Blanches Mains, avait excommunié Valdo avec ses disciples, il les avait chassés de son territoire. Ces premières sévérités furent, ce semble, le pronostic des destinées futures des Vaudois. Ils étaient nés sous une mauvaise étoile, puisqu'ils durent attendre longtemps, jusqu'à la Révolution française le moment où luirait sur eux le jour de la tolérance. Dès 1184, nous les avons vus signalés spécialement dans les bulles de Lucius III. On doit bien penser qu'ils ne furent pas épargnés dans les édits lancés alors par l'empereur Frédéric 1er Barberousse, pour faire plaisir au pape, et n'échappèrent, dès ce temps, ni aux poursuites, ni aux châtiments.

Frappés par l'excommunication pontificale, ils tombaient en même temps sous le ban Impérial, ce qui entraînait l'exil, la confiscation des biens, l'incapacité de toute fonction publique et l'infamie (1).
Nous ne possédons aucune donnée sur les résultats immédiats de ces décrets, ni sur leur application aux Vaudois. En ce qui regarde notre pays, le document le plus ancien, qui nous montre les disciples de Valdo dans le Languedoc, nous les présente disputant, à Narbonne (1190), avec des théologiens romains ; ce qui suppose en tous cas des poursuites fort peu actives. Ils furent déclarés hérétiques par l'arbitre, Raymond de Deventer, et l'archevêque Bernard Gaucelin les condamna. On ne voit pas qu'ils aient eu, sur-le-champ, à se ressentir de cette double sentence (2).

En revanche, Alphonse II, roi d'Aragon (1162-1196), met les Pauvres de Lyon hors la loi de ses États, il prescrit de les expulser, et de confisquer les biens de tous ceux qui leur donneraient asile (1192). C'était l'application à l'Aragon des décrets de Frédéric 1er et du pape Lucius III (3).

Plus sévère, Pierre II le Catholique (1197-1213), en renouvelant l'édit de son prédécesseur, ordonnait de brûler l'hérétique saisi sur le territoire, après le délai fixé pour l'exécution de la loi (1198) (4).

Ces décrets nous intéressent, car les rois d'Aragon se trouvaient alors suzerains d'un bon nombre de seigneurs de la France actuelle. Il semble cependant qu'ils aient été édictés uniquement pour l'Aragon et la Catalogne. Bien probablement ils n'avaient en vue que les Vaudois proprement dits ou parfaits. Y en eut-il qui tombèrent alors victimes de leur zèle ? Aucun document ne nous l'apprend. En tout cas, la Constitution du roi ne semble pas avoir rencontré dans la population un accueil assez chaleureux pour obtenir l'effet désiré (5).

Le mot terrible de feu, lancé officiellement pour première fois, présageait une longue suite de supplices. Pourtant Innocent III, en confiant à son légat Raynier la mission de faire poursuivre les Vaudois avec les autres hérétiques du Languedoc, réclamait simplement contre eux le bannissement et la confiscation (1198) (6).

Quelques années plus tard, nous trouvons de nouveau des Vaudois, discutant à Montréal, contre l'évêque Diego d'Osma et saint Dominique, tous deux missionnaires en Languedoc (7) (1207). Si, en effet, parmi les contradicteurs des missionnaires, des noms comme Guillebert de Castres, appartiennent aux Cathares, certaines questions disputées, sur la sainteté de l'Église qualifiée par les hérétiques de Babylone de l'Apocalypse, sur l'institution divine ou ecclésiastique de la messe, semblent se rattacher plutôt aux doctrines vaudoises qu'à celles des manichéens. Les arbitres, des laïques, laissèrent la conférence sans solution. On assure cependant que cent cinquante hérétiques (vaudois ou cathares ?) (8) se convertirent. une nouvelle conférence à Pamiers mit encore les Vaudois en tournoi pacifique avec les saints missionnaires, redoutables jouteurs, entourés d'une couronne de prélats (1207). Les chroniqueurs virent de très mauvais oeil la nouvelle fondation (9).

Les « Pauvres catholiques » ne vécurent pas longtemps. D'un autre côté, une tentative analogue, suscitée sans doute par les paroles et l'exemple de Durand, au milieu des Pauvres lombards, fut entreprise par un certain Bernard Prim, que le pape prit également sous sa protection, en lui indiquant la profession de foi qu'il devait souscrire avec ses adhérents. Cette réforme ne paraît pas avoir eu plus de succès que la première (10). Mais il peut bien se faire que ces tentatives de couvents pauvres, fondés par des convertis et inspirés par l'esprit catholique, ne fussent pas étrangères aux fondations autrement fécondes de saint Dominique, à la Prouille ; de saint François, à Assise.


ARTICLE Il. - LA MORT.

Les luttes oratoires n'allaient pas tarder à se changer en d'autres plus sanglantes. Si, dans les affreux massacres des guerres albigeoises, les catholiques, restés dans les places assiégées, partagèrent parfois le sort des rebelles (11), inutile de requérir d'autres renseignements pour deviner celui des Vaudois. Les croisés n'avaient pas le loisir de chercher dans quelle mesure exacte leur doctrine pouvait se rapprocher ou s'écarter de celles des Cathares. Désignés comme coupables d'hérésie, aussi bien que les manichéens (12), les enfants de Valdo eurent le sort des disciples de Manès ; c'étaient des hérétiques ; des croisés les brûlèrent, les pendirent ou les massacrèrent indistinctement. Dans quelques cas assez rares, les chroniqueurs signalent spécialement les Pauvres de Lyon parmi les victimes. Ainsi le légat Robert de Courçon en fit brûler sept, faits prisonniers au château de Marillac (13) (1214). Peut-être fut-ce dans ces circonstances fort dangereuses pour eux que les Vaudois prirent les habitudes de dissimulation, de réponses subtiles, qui mécontentèrent ou déroutèrent plus tard les inquisiteurs (14).

Pendant que se déroulaient les drames sanglants du Languedoc, les communautés vaudoises, à peine fondées dans les provinces du Nord, se voyaient, elles aussi, soumises à de rudes épreuves. Si la mission ordonnée par Innocent III à Metz (1200), et confiée à trois abbés de Citeaux, se contentait de brûler les traductions de la Bible en langue vulgaire, et d'expulser les missionnaires vaudois (15), la « fosse aux hérétiques » de Strasbourg (1212), servait de théâtre à l'affreux autodafé qui vit brûler plus de quatre-vingts personnes, dont la majorité est dite vaudoise. Ce fut un coup de massue terrible asséné par l'évêque Henri II de Behringen (1202-1233) (16). La terreur répandue par l'événement paraît avoir fait disparaître, comme par enchantement, les Vaudois de l'Alsace, de la Lorraine et de la Flandre, car on n'en retrouve plus guère que de très rares mentions dans les années qui suivirent.

L'établissement de l'Inquisition régulière allait du reste se livrer à une chasse moins bruyante, quoique bien plus efficace. Elle fera disparaître complètement de la France l'hérésie lyonnaise, sauf des montagnes du Dauphiné et de quelques districts de Provence où nous les retrouverons plus tard.

Ce qui est singulier, c'est que la sorcellerie prit en Flandre d'assez bonne heure, en France vers le XVe siècle le nom des Vaudois. Était-ce en souvenir des véritables Léonistes du XIIIe siècle, restés dans la mémoire populaire comme les hérésiarques par excellence ; était-ce par une confusion ou par une certaine analogie avec les Vaudois des Alpes et d'Allemagne, combattant les mêmes dogmes romains, ou habitant les mêmes pays que les prétendus sorciers, il ne nous est pas facile de le savoir (17).


Table des matières


(1) La bulle de Lucius III se trouve dans bien des collections, Labbe. t. X, col. 1717 ; Mansi, t. XXI, p. 476 ; Hahn, t. I, p. 489 ; Décrétales, lib. 5, tit 7, c. 9 ; Frédéricq, t. I, p. 53 sq. ; cf. Rocquain, t. I, p. 120 ; Comba, p. 59.

(2) Bernard de Fontcaude, Contra Valdenses et contra Arianos in Maxim. Biblioth.. t. XXIV, p. 1585 sq. ; Comba, p. 67 ; Ebrard de Beth. in Maxim. Biblioth., t. 24, p. 1522, 1526 ; Vaissette, t. VI, p. 218 ; Tanon, p. 99 ; Bernard I Gaucelin fut archevêque de Narbonne 1181 à 1191. Gallia christ., t. VI, p. 57.

(3) Lea, t. 1, p. 91 ; Pena, Comment., sur la 2e partie d'Eymeric, com. 391 ; Llorente, t. I, p. 30,

(4) Llorente, t. 1, p. 21 ; la Constitution de Pierre Il a été publiée dans Menendez y Pelago, Los heteroeloxos espagnoles, t. I, p. 712.

(5) Schmidt. Histoire des Cathares ou Albigeois, t. I, p.369 ; Comba, p. 74.

(6) Potthast n. 69, 95 ; Vaissette, t. VI, p. 222. Lettres à l'archevêque d'Arles et à Guillaume, seigneur de Montpellier. Innocent III, I. Il, epist. 123 et 296 ; Bouquet, XIX, 379, 380

(7) Guillaume de Puy-Laurens, c. 9 ; Vaissette, t. VI, p. 249.

(8) Pierre de Vaux-Cernai, 3 ; Vaissette, t. VI, p. 219.

(9) Lettres d'Innocent III à ce sujet I. 11, epist. 196, 197, 198 du 18 déc. 1208 ; Potthast, 3571, 3572, 3573 ; I. 12, epist. 17, du 3 avril 1209 ; epist. 68, 67, 66, 69 du 5 juillet 1209 ; Potthast, 3694, 3766, 3767, 3768, 3769 ; I. 13, epist. 78, 62, 77 des 12 et 13 mai 1210 ; Potthast 3998, 3999, 4003 ; I. 15, epist. 82, Potthast, 4504 ; Pelayo, Append. t. I, 714 ; I. 15, epist. 92, 91, 96, 93, 90 ; 26, 28, 29 mai 1212 ; Potthast, 4504, 4506, 4508, 4510,4512.

(10) Lettres d'innocent III sur Bernard Prim, I. 13, n. 94, du 14 juin 1210 ; Potthast, 4014. I. 15, n. 137, du 23 juillet 1212 ; n. 146 du 1er août 1212 ; Potthast, 4567, 4569 ; Müller, p. 17 ; Combe, p. 77, 109.

(11) On sait qu'à Béziers on massacra tout indistinctement.

(12) Voyez la bulle d'Innocent III du 21 avril 1196, lib. I, epist. 94 ; Potthast, 95 ; Vaissette, t. VI, p. 222.

(13) Pierre de Vaux-Cernai, c. LXXIX ; Vaissette, t. VI, p. 415. Une tolérance relative semble cependant avoir protégé assez longtemps les Vaudois dans le Toulousain, où ils vivaient d'aumônes, lisaient et chantaient dans les églises. V. la Confession de Guillaume de Saint-Michel de Castelnaudary, Bibliothèque de Toulouse, manuscrit 609, f° 252 ; Douais, Documents pour servir à l'histoire de l'Inquisition, textes, p. 109 note ; cela se passait en 1205. On connaît un témoignage postérieur à 1215 constatant la même liberté accordée aux Vaudois qui engageaient à l'occasion des discussions contre les Cathares. V. la confession de Michel Verger d'Avignonet, Biblioth. de Toulouse, 1. c., f° 136. Douais, 1. c.

(14) Bernard Gui, Practica, p. 252.

(15) V. plus haut, Lettres d'Innocent III, I. 2, epist., 235 ; Potthast, 893.

(16) Annales Marbacenses, dans les Monument. German. script., t. XVII, p. 171 ; Tenon, p. 99 : Comba, p. 149 : Glockler, Geschichte des Bisthum Strassburg, t. I, p. 224.

(17) Cette confusion peut bien avoir pris sa source dans les bulles pontificales où le démon était allégoriquement représenté comme l'ange, le chef des hérétiques : de là à faire des hérétiques les sectateurs d'un démon visible, il n'y avait qu'un pas. N'avons-nous pas vu de nos jours une parole du pape Léon III parlant allégoriquement de Satan comme président des Loges francs-maçonnes, devenir une preuve pour beaucoup de la présence visible du diable dans les tenues maçonniques. V. Comba, p. 571.
Déjà au commencement du XIVe siècle on parlait de chat, diabolique sans doute, dans certaines réunions vaudoises, et Bernard Gui, l'inquisiteur, qui ne devait pas être un naïf, l'admet sans observation. Bernard Gui, Practica, p. 248.
En tout cas, au XVe siècle, il était bien entendu que tout Vaudois était sorcier. Les érudits expliquaient même que les disciples de Valdo, persécutés par l'Église s'étaient adressés aux démons pour se tirer d'affaire ou mettre le comble à leurs crimes. Dialogue d'un chartreux de la Val-Dieu, De diversarum religionum origine, Martène et Durand, Amplissim. collect., t. VI, p. Il sq ; Hansen, Quellen und Untersuchungen zur Geschichte des Hexerwahns, Bonn, 1901, p. 240.

 

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