Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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LES VAUDOIS ET L'INQUISITION




CHAPITRE VII
L'Inquisition du Languedoc.

ARTICLE 1. - LES VAUDOIS POURSUIVIS AVEC LES CATHARES.

Avec l'institution définitive de l'Inquisition confiée à des juges spéciaux, le plus souvent en France, dominicains ou franciscains, s'ouvrit pour les Vaudois, comme pour les Cathares, une ère de persécution régulièrement conduite jusqu'à la disparition de la secte. Le Languedoc en particulier vit tout naturellement les Pauvres de Lyon partager le sort des manichéens sous le régime inquisitorial, comme leurs destinées avaient été souvent communes pendant la guerre.

Dans un cas comme dans l'autre, par suite, de la dénomination vague d'hérétique donnée en particulier aux Cathares, mais en général aussi à tous les dissidents, il ne nous est pas toujours facile de distinguer qui, parmi les condamnés, suivaient les doctrines de Valdo, qui s'attachaient aux traces anciennes de Manès (1). Pourtant, dans certains cas, la dénomination de Vaudois ou Pauvres de Lyon est bien précise. Parcourons donc rapidement ce qui dans les annales inquisitoriales peut nous intéresser.

Quand l'évêque Durand d'Albi (1228-1254) organisa dans son diocèse une confrérie contre les hérétiques, il lui donna pour but de combattre les hérétiques, les Vaudois et toute les autres erreurs (1243) (2). On ne saurait donc douter qu'un certain nombre de léonistes furent dès cette époque punis par cet évêque si actif.

Ses successeurs, Bernard de Combret (1254-1271), surtout Bernard de Castanet (1275-1308), dont toute la vie fut pleine de démêlés ou de batailles contre les dissidents, eurent, sans doute, maille à partir avec les Vaudois. En voyant ailleurs les inquisiteurs de Carcassonne interroger leurs témoins sur l'hérésie et la vaudoiserie (1250) (3), nous sommes bien convaincus que les suspects de l'un comme de l'autre devaient comparaître devant le tribunal, si les juges parvenaient à les découvrir. C'est ainsi que l'archevêque de Narbonne condamna deux femmes vaudoises à la prison (1251) (4). De même les inquisiteurs de Toulouse de 1271 à 1274 semblent avoir puni pas mal de Vaudois avec les manichéens parus à leur barre (5).

Il nous faut malgré ces traces de poursuites attendre le XIVe siècle pour trouver dans les monuments publics la mention nominale de Vaudois frappés par l'Inquisition.

Au sermon public ou autodafé (6) tenu à Toulouse en 1315 les inquisiteurs Bernard Gui et Geoffroy d'Albi condamnent à la prison un vaudois, bourguignon d'origine. Ils en livrent un autre, impénitent, Jean Brayssa, au bras séculier. Quatre ans plus tard, le « sermon » célébré encore à Toulouse comprenait cinq Vaudois pénitenciés, quatorze condamnés aux croix, vingt-huit à la prison, un autre frappé d'une condamnation posthume. Tous ces condamnés étaient de simples croyants (7). En même temps, les inquisiteurs livrèrent au bras séculier un prêtre nommé Jean Philibert et deux laïques, tous les trois relaps (8) Aucun d'eux n'est indiqué comme ministre ou parfait. Mais le prêtre surtout se trouvait en relations tellement intimes avec les Vaudois, que bien probablement il était membre de la communauté des ministres.


ARTICLE II. - LES AUTODAFÉS DE VAUDOIS.

Les Vaudois jusqu'alors condamnés étaient d'origine bourguignonne. S'ils avaient fui de leur pays pour éviter les poursuites ecclésiastiques, ils purent se convaincre qu'il n'était pas facile d'échapper au bras puissant de l'Inquisition.

À Pamiers, l'évêque Jacques Fournier, assisté des inquisiteurs, en livra deux au bras séculier, Jean de Vienne et Huguette sa femme, qui avaient déjà eu des démêlés avec l'inquisition de Carcassonne (1321) (9). Nous rencontrons ensuite trois Vaudois, originaires du diocèse de Rodez, condamnés à des pèlerinages, lors de l'autodafé de Toulouse de 1322, cinq soumis aux croix, deux à la prison, cinq défunts atteints par des sentences posthumes ; taudis que quinze contumaces et fugitifs sont frappés d'excommunication et menacés des peines des contumaces. Une femme vaudoise est, le même jour, livrée au bras séculier (10).

Cette pauvre créature, que les actes nomment Ermenio, était originaire de Bourgogne, avec un certain nombre des autres condamnés ; nouvelle preuve que les Vaudois avaient eu des églises prospères en Bourgogne, mais qu'ils y étaient traqués sans pitié et obligés de s'enfuir. Elle refusa constamment de prêter serment, et son obstination la conduisit au bûcher. Son supplice termina la longue cérémonie, dont les Vaudois avaient eu les honneurs principaux, sinon tous : À peu près vers la même époque, quatre Vaudois, pauvres artisans originaires de Vienne, chassés sans doute de leur pays par la crainte d'être saisis, vinrent tomber entre les mains redoutables de l'évêque Fournier, et furent livrés au bras séculier (11).

Parmi les condamnés de l'inquisiteur de Carcassonne, Henri de Chimay (1318-1329), avec des cathares, des spirituels et autres sectaires, se trouvent encore des Vaudois (12). Ils deviennent cependant de plus en plus rares. Tout au plus pouvons-nous mentionner au XVe siècle, à Montpellier, une certaine Marguerite Sauve, vaudoise ou professant à peu près les doctrines vaudoises, ne le dominicain Raymond Cabassa, vicaire de l'inquisiteur, condamna, et que le bailli lit brûler (1407) (13).

Dans tous les condamnés, dont nous avons encore les noms, on ne trouve aucun ministre, bien que les dépositions en signalent plusieurs. Est-ce que leurs sentences ne nous ont as été conservées, ou bien, grâce au dévouement de leurs fidèles, ont-ils pu constamment déjouer les efforts des inquisiteurs pour les prendre ? La question reste indécise, faute de documents pour la trancher. Il semblerait cependant bien étonnant que la police, établie pour la surveillance générale des dissidents, n'ait jamais pu réussir à mettre la main sur un des missionnaires vaudois, et dans ce cas, ou il se sera converti, ou le bûcher l'aura dévoré ; car l'Inquisition recherchait avec énormément de soin les ministres des sectes, sachant bien que leur conversion avait une influence énorme, ou que leur mort répandrait la terreur dans leurs troupeaux.

Quoi qu'il en soit, avec le manichéisme, la vaudoisie disparaît du Languedoc dans le cours du XIVe siècle, par la fuite de ses partisans et de ses ministres, par la conversion de certains et aussi la fusion de quelques-uns dans l'hérésie des béguins ou fratricelles, alors dans toute sa force. Plus d'un point commun réunissait, au reste, les enfants de Valdo aux fils de saint François devenus rebelles (14).

En dehors du Languedoc, l'Inquisition les avait mis à l'épreuve. Contre eux, le Saint-Office avait été institué en Bourgogne, et bien que ses tribunaux ne subsistèrent pas longtemps la présence de Vaudois bourguignons, constatée Jans le Midi, témoigne que les poursuites n'avaient pas été inefficaces. S'il en tomba entre les mains du dominicain Robert la Bougre, l'exterminateur des cathares du Nord, nous n'avons pas besoin de nous enquérir longuement de leur sort (15). Sur la rive gauche du Rhône, les Vaudois n'étaient guère plus tranquilles. Nous en avons vu à Pamiers, fugitifs de Vienne. Nous savons d'ailleurs qu'Avignon assista au supplice d'un de ces infortunés, mourant sur le bûcher en 1315 (16), et qu'à la même époque, les inquisiteurs parcouraient déjà les vallées du Dauphiné, à la quête des hérétiques ; c'est cependant dans ces vallées que les Vaudois se maintinrent malgré tout, et c'est de leur côté qu'il faut maintenant nous diriger, pour étudier leur ténacité et leurs souffrances (17).


Table des matières


(1) Les contemporains y voyaient-ils bien clair eux-mêmes, il semble bien que non. Les inquisiteurs Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre condamnent à la réclusion dans un couvent, une religieuse Jeanne, veuve d'un Bernard de la Tour, accusée d'avoir adoré les hérétiques, c'est-à-dire d'après le langage courant, les ministres cathares et d'avoir donné des aumônes aux Vaudois. Ce fait suppose ou bien de l'éclectisme chez la pauvre femme, ou un manque
de netteté dans les termes usités d'hérétiques et de Vaudois (1216). Douais, Documents, textes, p. 31. De même dans les dépositions reçues par les mêmes inquisiteurs contre le dualiste Pierre Garcias, un témoin dit que la mère du suspect était vaudoise. Douais, l. c., p. 109 ; d'autres qu'elle avait été sur le point d'être hérétiquée, c'est-à-dire reçue parfaite cathare, ce qui la supposait croyante manichéenne. Douais, l. c., p. 95, 101.

(2) Douais, Documents, introduct. p. 88. L'inquisiteur Pierre Ceila rencontra, paraît-il, beaucoup de Vaudois dans le Querci et leur imposa des pénitences légères. Collection Doat, t. XXI, cf. 185 sq. 100. ; Tanon p. 100

(3) Douais, Documents, textes, p. 244, 269. C'est le registre de l'Inquisition de Carcassonne de 1250 à 1267.

(4) Vaissette, t. VIII, col. 1272.

(5) Vaissette, t. IX, p. 38.

(6) La cérémonie, où les accusés de l'inquisition recevaient leur pénitence en public, s'appelait, en France, sermon public, en Espagne, autodafé. Tous ceux qui y comparaissaient n'étaient pas nécessairement condamnés, car beaucoup étaient graciés. Très peu étaient livrés au bras séculier, c'est-à-dire au feu. L'immense majorité se voyait soumise à diverses pénitences, des pèlerinages, la prison, le port des croix, des prières, des jeûnes, etc.

(7) V. les Actes du Sermon, dans Limborch. Liber Rentent., p. 201. sq.

(8) Limborch, Liber sentent., 252 sq., 262 sq., 272 sq. ; Vaissette, t. IX, p. 386, sq.

(9) Limborch, Liber sentent., p. 289 sq.

(10) Limborch. Liber sentent., p. 339 sq. Sur toutes ces pénitences, on peut voir le livre de M. Tanon, Histoire des tribunaux de l'inquisition en France. Nous n'allons pas tarder, nous-mêmes à publier dans notre Histoire de l'Inquisition en France, un volume spécial sur la procédure inquisitoriale, où le lecteur trouvera tous les détails nécessaires sur les peines imposées dans les tribunaux inquisitoriaux.

(11) Molinier, Études, p. 228. Jacques Fournier, évêque de Pamiers (1317-1326), devint ensuite pape sous le nom de Benoît XII (1334-1342) ; il resta toute sa vie un adversaire terrible des hérétiques et un partisan décidé de l'inquisition.

(12) Vaisselle, t. IX, p. 400, note ; Tanon, p. 101.

(13) Parcus Thalamus de Montpellier, publié par la Société archéologique, 1811, p. 461 ; Tanon, p. 107.

(14) Les fratricelles ou béguins professaient la pauvreté absolue, ils ne voulaient ni couvents, ni greniers, ni rien. Le Christ et les apôtres, d'après eux, n'avaient rien possédé, même en commun. Ils devinrent schismatiques et furent rudement poursuivis.

(15) Sur Robert le Bougre, on peut voir notre petit travail sur les Albigeois ; Tanon, p. 114.

(16) Limborch, Liber sentent., p. 310.

(17) L'Allemagne devenait aussi une terre de contradiction pour les Vaudois mais il n'est pas de notre plan de parler des hérétiques allemands. Contentons-nous de signaler les hérétiques vaudois poursuivis par le terrible Conrad de Marbourg. Plusieurs disciples de Valdo comparurent devant Thierry, évêque de Trèves (1231) ; un d'entre eux fut brûlé. Frédéricq, t. I, n. 82 ; t. II, n. 22 ; Hefele, 659, 1016 ; Gesta Treviror. episcp. ; Martène, Amplis. colt., t. IV, p. 232 Monum. Germ. script., t. XIV, p. 400.

 

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