Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



HISTOIRE DES MARTYRS PERSÉCUTÉS ET MIS Á MORT

pour la vérité de l'Évangile


LA  DERNIÈRE PERSÉCUTION, ET FOMENTÉE ET CONTINUÉE PAR LES PAPES CONTRE L'ÉGLISE CHRÉTIENNE,
 
DANS L'ESPACE DE QUELQUES CENTAINES D'ANNÉES.


LA persécution des Papes accompagne celle des Turcs. Elle est d'autant plus dangereuse, qu'elle est venue à l'impourvu (à l'improviste), & d'autant plus cruelle, qu'elle est exercée par ceux qui devaient être les plus paisibles & les plus sincères dans la foi Chrétienne, & qui veulent être réputés (reconnus) les plus saints dans l'Église, comme prétendant que Christ leur a donné toute puissance sur l'Église, & qu'ils peuvent tailler... dans les affaires de la religion à leur plaisir, & qu'ils sont les chefs & pasteurs de l'Église universelle. Car il n'y a personne qui ne sache (connaisse) bien les vanteries du Pape & de ses esclaves.

Mais il a été montré par une infinité d'écrits, que les choses sont autres (différentes) non seulement quant à la foi & la religion, mais aussi touchant l'Église, sur laquelle ils veulent dominer tyranniquement.

Il y a une grande différence entre l'ancienne Église Romaine & ses premiers Évêques, & l'Église Romaine d'aujourd'hui avec ses Papes & Cardinaux.

Les anciens Évêques de Rome depuis l'an 70. jusqu'à Constantin le grand environ l'an 214. ont été au nombre de 32. tous Prêcheurs & Ministres de l'Église de Jésus Christ, & s'étant fidèlement portés en leur charge, ont enduré la mort, pour l'amour du Seigneur JÉSUS-CHRIST, & de son Évangile. Ils n'ont pas dominé à la mode des Princes de ce monde; ils n'avaient point de Cour à Rome, ni un conseil de Cardinaux, ils n'avaient nulle garde, ni rien de ce que les Papes ont accoutumé d'avoir aujourd'hui.
Et je
m'en rapporte... à toutes les histoires vraies, qui n'ont pas été écrites par les flatteurs des Papes.

QUANT au nom de Pape, il n'a été seulement attribué à l'Évêque de Rome, mais aussi aux Évêques des autres pays. Car Aurèle & S. Cyprien à Carthage, S. Ambroise à Milan, & d'autres qui ont été Évêques ailleurs, étaient aussi appelés Papes.

S. Jérôme appelle Pape S. Augustin, Évêque d'Hyppone en Afrique.

Pape signifie père, en la langue de Syracuse, comme Suidas (1) le témoigne. Car, comme S. Paul dit aussi, les Ministres de l'Église doivent être comme des pères fidèles du peuple.
De plus, entre les Évêques de Rome, depuis le temps de Constantin le grand, & depuis Sylvestre jusqu'à Grégoire premier, au nombre de 36. par l'espace de 280 ans ou environ, il n'y en a pas eu un qui ait eu cette pompe &
cette magnificence des papes d'aujourd'hui; ils ont bien été en grand crédit (honneur) & autorité envers les autres Églises & les autres ministres, mais c'était parce qu'ils étaient le plus souvent des gens savants (instruits), & parce qu'ils n'étaient (comme dans quelques autres Églises) tachés (influencés) par les sectes, & principalement d'autant qu'ils ont été ministres de l'Église provenant de celle que les Apôtres avaient plantée au commencement, à cause de quoi (raison pour laquelle) elle a été appelée Apostolique, ou siège Apostolique & siège de l'Apôtre S. Pierre.

Néanmoins, ce titre de siège Apostolique a été attribué aussi à d'autres Églises, comme à l'Église de Jérusalem & d'Antioche.

Siège, ici, n'est pas à dire un siège royal, mais une chaire où l'on prêche. Car les Anciennes Églises, sièges Apostoliques, ont acquis ce nom à cause de la doctrine Apostolique, simplement parce que les Apôtres ont prêché dans ces lieux-là; de ces Églises Apostoliques, la doctrine des Apôtres a été portée dans des Églises proches, & lointaines aussi.

Il ne faut pas que les lieux, d'où la prédication & la doctrine Apostolique sont bannies, se vantent d'être encore des sièges Apostoliques quoiqu'ils l'aient été il y a plusieurs années. Car S. Jean dit qu'il y a un siège de Satan, Apoc. 2. 13.

MILLE ans s'étaient écoulés depuis le temps des Apôtres jusqu'à Henry 4. Alors l'Église commença sa troisième période, & changea sa doctrine, sa discipline & sa forme de gouvernement, en choses nouvelles & toutes contraires.

Le premier âge de l'Église durant les premiers 500. ans fut d'autant plus entier & pur qu'il approchait plus près des Apôtres & de leurs disciples. Et quoiqu'elle ait eu de terribles combats contre les Païens & les hérétiques... la victoire lui est toujours demeurée, parce que la pure doctrine était son appui, & qu'elle était fortifiée par les exemples de ceux qui confessaient le Nom de Christ, & par d'autres qui portaient constamment les difficultés & les ennuis des bannissements ainsi que le tourment des plus cruels supplices: tellement que les erreurs ne pouvaient subsister ni tenir coup parmi telles tempêtes.

Sur le déclin de cet âge, elle fut entachée de quelques vices introduits par la superstition du menu peuple, & par l'erreur de quelques doctes (érudits) personnages.

Depuis, ces vices s'accrurent à cause des courses (des allées et venues) des nations étrangères, qui vinrent accourant de divers endroits, lors que l'Empire d'Orient commença à se déchirer; c'est alors la discipline ancienne s'affaiblit, les superstitions commencèrent à prendre pied & de ce nombre furent la Moinerie, les vœux, le célibat, la vénération des saints & autres traditions humaines semblables, dont les semences commencèrent à prendre racine, & à bouter dehors peu à peu, quelque temps après le Concile de Nicée.

L'autorité de ce Concile fut toujours en vigueur, parce que beaucoup d'excellents personnages qui s'y trouvèrent avaient maintenu les principaux points de la doctrine Chrétienne contre les hérésies; une partie d'entre eux avaient souffert la persécution pour sceller la vérité de la religion Chrétienne.

Au reste, quoiqu'on eût fait dans ce Concile quelques décrets touchant le gouvernement des Églises: comme par exemple que l'Évêque d'Alexandrie serait surintendant des Églises d'Afrique, celui d'Antioche de celles d'Asie, celui de Rome de celles d'Europe & que les Évêques seraient créés par les voisins, toutefois on ne dressa point une police mondaine, ni ne donna l'autorité & la puissance à un seul des Évêques pour commander à tous les autres.

Ainsi ces décrets ne furent pas faits pour être tenus comme articles de foi: mais comme ce sont articles hors la parole de Dieu, lesquels se changent avec le temps, ils ont pris fin avec les Églises d'alors, si bien qu'ils n'appartiennent pas à l'Église, laquelle n'est point assujettie à des doctrines, des inventions & des lois humaines, ni obligée de garder en tout temps & en tous lieux une même police extérieure, mais est liée seulement à la parole de Dieu.

En ce temps il n'était point loisible à l'Évêque de Rome ou d'Antioche, ou d'Alexandrie, d'assigner & d'assembler les Conciles, ou de charger les autres Églises de nouvelles cérémonies; encore moins de dresser des nouveaux articles de foi, ou d'introduire un service de Dieu contraire à celui que lui même requiert: mais la seule parole de Dieu avait toute autorité, comme il apparaît par les décrets & les déterminations de quelques Conciles Chrétiens qui ont été tenus après celui de Nicée, comme le premier Concile de Constantinople où l'hérésie d'Eunomius fut condamnée, celui d'Ephèse contre Nestorius, celui de Chalcédoine contre Eutyches, & quelques autres depuis.

Or combien que les Conciles tenus après les premiers susnommés aient retenu la sainte doctrine touchant les articles de foi, toutefois ils ont donné trop d'autorités aux lois & traditions humaines, & ils se sont laissés gagner par la superstition qui commençait à lever la tête.

Pour exemple, le Concile de Laodicée condamna à bon droit les Novatiens, mais il a blâmé sans raison les laïcs qui se remarient pour la seconde fois.

Le Concile Mileuitain, où se trouva S. Augustin qui maintint très bien la doctrine du péché originel, de la grâce, & de la justification; mais qui conferme (ratifie) très mal (à tort) la superstitieuse opinion touchant les vœux.

Le Concile d'Ancyre permit aux Diacres de se marier; depuis, celui de Carthage le leur défendit.

Voilà comment peu à peu la superstition s'avança, au fur et à mesure que les traditions humaines furent plus estimées & proposées dans l'Église que les lois de Dieu.
Quant à la puissance d'assembler les Conciles, spécialement les généraux, ce droit a toujours appartenu aux Empereurs & non à d'autres comme on voit que Constantin, Théodose
& d'autres Princes Chrétiens ont appelé les Évêques pour vuider (régler) les différents survenus dans la doctrine; eux-mêmes ont assisté & présidé les assemblées tenues pour examiner ces différents. Les Empereurs suivants ont conservé cette autorité fort longuement jusques à Lothaire de Saxe.

APRÈS ce premier âge, survint le second, qui augmenta & ratifia les erreurs & les superstitions que le premier avait laissés, puis, par succession du temps on s'éloigna encore davantage de la règle des saintes Écritures, tant et si bien que finalement l'amas des superstitions & des erreurs accabla & éteignit entièrement la lumière de la pure doctrine.

Il advint que plusieurs peuples Barbares, comme les Goths, les Lombards & leurs associés, se jetèrent sur l'Italie. Alors les bonnes lettres (saintes Écritures) furent ensevelies, les Églises demeurèrent désertes; et ce qui est pire, c'est que ces Barbares, possesseurs de l'Italie, apportèrent avec eux, ou reçurent aisément beaucoup de superstitions, tellement, que bientôt les abus se multiplièrent grandement.

Les persécutions du premier âge avaient engendré les Hermitages & les Moineries. Puis après survinrent les horribles dissipations de l'Empire, & les confusions introduites par les nations étranges (étrangères).

Les gens paisibles, chargés de femmes & d'enfants, en contemplant l'Italie ainsi déchirée, & jugeant que c'était un heur (bonheur) singulier d'être éloigné des gouvernements publics pour demeurer en quelque désert sans famille, sans enfants, pour ne point voir les saccagements des villes, & la désolation du pays, ils estimaient heureuse la condition de ces Moines qui jouissaient de si grand repos.

Cela donna grand lustre (une lumière nouvelle) sur l'opinion du célibat, & mit les Moines en tel crédit, que plusieurs commencèrent à désirer & à chercher les lieux solitaires.

D'avantage les hommes, qui sont Barbares & farouches de leur naturel, ont en admiration les cérémonies nouvelles qui ont l'apparence de la Religion & quelques accointances avec Dieu.

Ce n'est donc pas merveille (étonnant) si les Moineries se multiplièrent alors, & si chacun se laissa persuader qu'une telle manière de vivre (qui éteignit finalement la lumière de l'Évangile touchant la vraie foi & les bonnes oeuvres) était fort excellente.

Alors que ces fondements de méchantes superstitions eurent été posés de si bonne heure, & qu'avec le temps ils furent affermis & appuyés (gravés) dans l'esprit des hommes, survint l'autorité publique du Pape Grégoire le grand, lequel monta sur le siège Papal en l'an 593.

Il établit le service & l'invocation des Saints, & commanda que l'on dédiât des temples & chapelles aux os & autels de ces derniers.

Outre cela, il fit valoir la fausse opinion de la moinerie, des traditions humaines contraires à la parole de Dieu, des satisfactions Canoniques, des vœux, du célibat, le joug duquel il imposa aux diacres de Sicile, qui jusqu'alors avaient eu licence (la permission) de se marier dans tous les degrés Ecclésiastiques, suivant la coutume de l'Église Grecque & les décrets des anciens Conciles.

En ce même temps naquit l'opinion de l'oblation (l'offrande) du corps & du sang de Jésus Christ pour les morts. De cela procéda une horrible profanation du Sacrement; Grégoire prît occasion de mettre en avant cette opinion, à cause de quelques fantômes qui apparurent alors.

Ces erreurs établies & reçues par autorité publique troublèrent merveilleusement (extrêmement) l'Église, & polluèrent d'abus & d'idolâtries étranges (étrangères à) la pure doctrine de la justice qu'ont les fidèles devant Dieu, soit la vraie invocation qui doit être fondée sur nôtre Seigneur & unique Médiateur Jésus Christ Fils de Dieu, item la doctrine & le vrai usage des Sacrements.

Pour le dire en un mot, les Papes abolirent entièrement la doctrine de la foi en Dieu par une fausse persuasion des traditions humaines; ils ensevelirent la promesse de l'Évangile touchant les bénéfices gratuits de nôtre seul Médiateur & Sauveur Jésus Christ Fils de Dieu, sous le méchant blasphème du mérite des oeuvres & services des hommes, & sous l'intercession & l'assistance des Saints.
D'autre part, l'ambition & l'orgueil des Papes commencèrent à croître si haut, qu'ils ne cessèrent jusqu'à ce que les autres Églises fussent asservies & abattues sous le joug de la tyrannie Papale.

ENVIRON 200. ans après la nativité de Jésus Christ, le pape Victor, premier du nom, avait été si hardi d'imposer de nouvelles lois aux Églises d'Orient, & de menacer d'excommunication ceux qui ne les voudraient recevoir, qu'Irénée, Évêque de Lyon, disciple de Polycarpe, s'opposa vivement à ce Victor.

Depuis l'on observa le décret du Concile de Nicée approuvé par l'autorité de Constantin le Grand, jusqu'au temps des Empereurs Maurice & Phocas: car alors un certain Jean, Patriarche de Constantinople, renommé à cause d'une humilité feinte qu'il avait montrée pendant qu'il était moine, sorti de son cloître par ruse pour être Évêque, au lieu de se contenter de sa charge & de sa dignité, il voulut se faire un nom & devenir Évêque universel de toutes les Églises quoique Pelage second & Grégoire le Grand s'opposassent à ce glorieux, toutefois il fut favorisé par l'Empereur Maurice.

Or après que Maurice eût été tué, Phocas qui l'avait fait mourir craignant que l'Italie ne se révoltât de l'obéissance des Empereurs Grecs, se servit des Papes pour la retenir en devoir, & donna ce titre d'Évêque universel à Grégoire , lequel avait tonné & tempêté contre ce nom: l'effet montra qu'en détestant le mot il avait ardemment désiré la chose même, vu qu'il usurpa la primauté & la domination sur les Églises qui n'étaient aucunement de sa charge. Vrai est que quelque temps avant l'Empire de Maurice , Zosime & Gélase Évêques de Rome avaient débattu de la primauté avec les Évêques de Grèce & d'Afrique, mais tout cela s'était évanoui.

Après Grégoire, l'Évêque de Ravenne s'attribua le même titre, lorsque les Goths ravagèrent l'Italie, prenant & saccageant Rome, & que Valentinien le jeune établit le siège de l'Empire à Ravenne, y envoya des Exarques qui fortifièrent cette ville pour être la capitale de l'Italie.

Mais après que Valentinien eût été tué & que Grégoire fut mort, ce même combat recommença entre l'Évêque de Rome & de Constantinople, au temps de Boniface troisième, & fut plus âpre qu'auparavant.

Sur ce, Phocas prît la connaissance du différent, & en jugea tellement qu'il fut dit que l'Évêque de Rome serait appelé Évêque universel. Depuis il advînt que les Églises d'Orient furent ruinées par les Mahumétistes (Mahométans): les Évêques de Rome se voyant lors à cheval commencèrent à se faire valoir, du consentement, avec l'aide & le support des peuples barbares qu'ils avaient amiellés (endormis par des paroles mielleuses) & par superstitions; ils s'associèrent à eux pour se maintenir par ce moyen; ils firent en dépit des autres Évêques, spécialement des Grecs, qui s'y opposaient.

TELS furent les commencements de la Monarchie Papistique en l’Église. Et par telles pratiques les Papes s'attribuèrent, & occupèrent la primauté par-dessus les Évêques, se servant des occasions qu'apportèrent les ruines des Églises orientales, & les superstitions & les idolâtries des Occidentales, pour cette raison les nouveaux peuples... s'y adonnaient fort avidement & faisaient profession avec une ardeur & une obstination incroyable.

C'est ainsi que les Évêques de Rome devinrent des Monarques. Quoique l'ambition les sollicitait de passer outre (d'aller plus loin), toutefois, au commencement ils n'osèrent pas manier toutes les affaires de l’Église à leur fantaisie, ni commander tyranniquement aux autres Évêques, & prescrire des lois ou imposer des charges, encore moins entreprirent ils d'envahir les droits des Empereurs : d'autant qu'ils étaient tenus par l'opposition & résistance des autres Évêques, & par l'autorité & la puissance des Empereurs, qui depuis Charlemagne & à l'exemple de leurs devanciers, créaient (nommaient) les Papes & les Évêques, déposaient ceux qui faisaient des choses indignes de leurs charges, & y en établissaient d'autres; ils assignaient les Synodes, & ne permettaient pas aux Papes de les convoquer, ni d'y penser en (d'y agir avec l') autorité royale ou seigneuriale, ni faire chose quelconque sans l'autorité & le consentement des Empereurs & des autres Évêques.

Souuentesfois (bien souvent) les Empereurs assignaient & assemblaient des Conciles en Allemagne & en Italie, sans en demander l'avis ni le faire savoir aux Papes: tant s'en fallait qu'ils fussent demandés pour y venir faire les maîtres.

OR combien que cette sujétion (soumission) grevât (lésât) & mît les Papes en peine (de fait, ils firent tout leur possible s'en défaire), toutefois les Empereurs, sachant bien pour quelles raisons Charlemagne avait dressé cet ordre dès le commencement, & pourquoi il l'avait muni de lois spéciales, qui avaient été renouvelées & maintenues avec les armes par ses successeurs, voyant aussi les machinations des Papes, & jusqu'où ils s'avanceraient, si on leur donnait la liberté & la licence (permission) qu'ils poursuivaient si chaudement: item combien il importait au repos & à la conservation de l’Église & de l'Empire que les Papes fussent sujets & justiciables des Empereurs; c'est ainsi qu'ils empêchèrent les Papes jusques au temps de l'Empereur Henry quatrième, de secouer leur joug, pour parvenir au but auquel ils tendaient depuis si longtemps.

Au reste, nonobstant (malgré) que les erreurs, les superstitions, les abus & les idolâtries fussent en telle vogue en ce temps-là, malgré que la lumière de la vérité était éteinte dans la plupart des pays où l'on faisait profession de la Chrétienté, il y eut toujours plusieurs doctes (savants) & bons personnages, surtout au commencement de ce second âge jusques à trois cent ans après, dans les Églises Grecques & Latines, lesquelles enseignèrent purement la doctrine des principaux points de la Religion.
De ceux-ci
furent Vigilius, Bède, Alcuin, précepteur de Charlemagne, & bien d'autres.

Jean l'Écossais fut du temps de Louis le Débonnaire. Comme il interprétait le livre de la hiérarchie de Denis & taxait d'erreur déjà reçut dans l’Église de l'oblation (l'offrande) de la Cène du Seigneur pour les vivants et pour les morts, ses auditeurs le tuèrent à coups de poinçons.

Voilà quels furent les temps du deuxième âge de l’Église.

S'ENSUIVIT puis après le troisième âge (de l'Église), qui commença au temps de ce Henry quatrième, & alors que prît fin la demie période de l'Empire depuis Charlemagne jusques alors.

Cet âge changea merveilleusement (affreusement) les affaires de l'Empire & de l'Église: car dès lors fut confermée (renforcée) la tyrannie des idolâtries & des superstitions contre le règne, c'est-à-dire contre la doctrine, le service & l'invocation du Fils de Dieu; la nouvelle puissance des Papes, abolissant la juste & légitime autorité des Empereurs, fut lors établie.

Outre les idolâtries & les superstitions du second âge, il fut introduit dans l'Église le service du dieu Maozim (2), lequel fut adoré au lieu du vrai Dieu, & a tiré à sa foi les yeux & les cœurs de tout le monde.

Sitôt que ce Dieu commença à se montrer dans les processions & à la Messe, la parole de Dieu commença à se taire, ce dieu haussa (éleva) en dignité les Ecclésiastiques, amplifia la puissance, accrût les richesses, & fortifia le royaume des Papes.

Ce dieu remplit de Moineries la Chrétienté, & y logea d'infinies troupes de Moines, qui pour de l'argent vendirent à quiconque en voudrait acheter le sacrifice quotidien de la Messe, & leurs autres oeuvres. Ils étaient en garnison pour la garde du royaume Papistique, d'où ils ne cessèrent d'inventer, de jour à autre, force géhennes (de tourments) pour les consciences, pour les retenir en prison attachées par les illusions d'idolâtrie, & enferrées par les liens des inventions & des traditions humaines.

Dans cette prison, il était plus malaisé (difficile) de subsister contre ces tourments de conscience procédant (provenant) de la frayeur que donnaient les commandements des hommes, que s'il eût fallu être déchirés en pièces.

Par la suite, les moineries devinrent démesurément riches par tels (ce genre de) trafics. C'est alors que naquit une nouvelle sorte de docteurs qui abolirent presque entièrement la doctrine contenue dans les livres des Prophètes & des Apôtres touchant le péché, la loi, la justification, les bonnes oeuvres &, par de nouvelles impositions (règlements) du tout contraires à la règle & au fondement de la religion Chrétienne, fardèrent & maintinrent les abus, les erreurs, les idolâtries, & le trafic des pardons du Pape.

La majesté & la dignité de l'Empire ébranlées & presque renversée par les Papes, fut alors abattue & les Papes firent tant que non seulement ils secouèrent le joug des Empereurs, mais aussi usurpèrent les droits impériaux, spécialement dans l'élection des Papes, des Évêques & dans la convocation des Conciles. Puis ils mirent le pied sur la gorge des Empereurs, & les pressèrent & les foulèrent cruellement, si bien qu'il s'ensuivit un établissement de nouvelle monarchie sur toute la Chrétienté; bref, il y eut un entier changement dans l'Empire & dans l'Allemagne.

La première pratique des Papes, qui plusieurs fois auparavant avaient essayé (mais en vain & mal à propos) de rompre la loi qui donne puissance aux Empereurs sur le Pape & sur les Évêques, fut de chercher quelque prétexte pour allumer les guerres civiles, désunir les Princes d'Allemagne, & les bander contre l'Empereur.

Ayant gagné sur ce point, mis l'Allemagne en troubles, dissipé, ébranlé & rompu les forces de l'Empereur par la conspiration de ceux de Saxe, ils commencèrent à demander tout ouvertement l'abolition de cette loi.

Finalement après que les Allemands se furent entretués, que les principales maisons eurent été exterminées, les anciennes lois & les mœurs abolies, l'autorité des Empereurs entièrement mise bas, les Papes usurpèrent le droit de créer les Évêques de Rome, & d'ailleurs établirent un Sénat ou collège de Cardinaux qui éliraient les Papes, & commanderaient non seulement aux Évêques, mais aussi aux Princes & Rois Chrétiens, manieraient la religion & les affaires d'état à leur poste & selon que leur profit & leur dignité le requerraient, donneraient & ôteraient les Évêchés & les royaumes à qui bon leur semblerait.

Les Empereurs & autres Rois Chrétiens devinrent alors les laquais des Papes, & leur servirent de corps de garde pour maintenir leur tyrannie à l'encontre de tous les ennemis qui la voudraient assaillir (l'agresser, la dénoncer) au dehors par la force & les armes découvertes: de même pour aviser & procurer (faire en sorte) qu'elle demeurât dans son entier, pour maîtriser les consciences & qu'aussi que chacun se tienne prêt pour courir sus à tous ceux que les Papes voudraient exterminer. Outre cette audace, qui accrût (augmenta), à cause des guerres civiles de l'Allemagne, l'impudence des Papes qui fut si débordée (grande) & si détestable, qu'ils s'emparèrent de l'autorité & du nom de Dieu, & d'une puissance qu'ils prétendirent leur avoir été donnée par Jésus Christ, pour exercer une tyrannie horrible, & telle que jamais elle ne fut autant ressentie dans l'ordre Ecclésiastique. Ils agissaient avec un orgueil diabolique, comme les paroles du Pape Alexandre, qui mit le pied sur la tête de l'Empereur Frédéric, le montrent évidemment.

Tel fut l'état du troisième âge de l'Église & de l'empire. Quoique plusieurs excellents personnages aient condamné & combattu de vive voix & par écrit cette tyrannie pendant qu'elle a duré, toutefois elle demeura appuyée sur sa propre force & sur la folle dévotion des pauvres abusés & cela jusqu'au temps de Martin Luther: car jusqu'alors la monarchie de l'Église Romaine avait subsisté l'espace de cinq cents ans.
Il est
vrai que Wiclef, Jean Hus, & d'autres s'y opposèrent, comme nous le verrons au livre suivant. Mais ces résistances n'étaient que les préfaces de ce qui s'est très clairement manifesté depuis cent ans.

Du temps de l'Empereur Lothaire, successeur de Henri cinquième, fils de Henri quatrième, vécut Gratien, qui ramassa en un volume les décrets des Papes, combien qu'aucuns disent qu'avant Gratien il y avait un semblable livre entre les mains des hommes, recueilli par un certain Burkard, Évêque de Wormes.

Gratien mêla parmi ces décrets quelques fragments de canons des anciens Conciles, spécialement ceux qui lui semblaient plus convenables pour agrandir & élever la dignité de la hiérarchie Romaine. Il y fourra aussi les constitutions nouvelles, accommodées à l'état de son temps: mais quant aux bonnes lois qui maintenaient la discipline & l'Église primitive en sa splendeur, il changea tout cela en batelages (rémunérations d'ecclésiastiques).

Ce ramas (cet assemblage) de Gratien fut cause que de là en avant (par la suite) les Papes se donnèrent licence, sans mesure quelconque, pour dresser & entasser décret sur décret. Par de tels artifices, ils changèrent ce qu'ils voulurent dans la doctrine céleste & dans les lois civiles, & selon leur avis (conception) ils se fortifièrent ainsi contre toute puissance céleste & terrienne. Ce qui engendra de grands débats dans les Églises & les gouvernements politiques.

Alors était en grande vogue l'étude du droit civil, à quoi les Italiens & les Allemands s'adonnaient de grande affection, selon que le naturel de l'homme est fort ami de choses nouvelles, & semblait que cet établissement de lois, qui munissait & armait les Empereurs, menaçait la tyrannie des Papes, laquelle ne faisait (comme on dit) que sortir de terre, & n'avait pas encore pris racine.

Afin donc de prévenir de bonne heure les dangers qui pouvaient environner la Papauté, si le droit civil avait le dessus, on commença à magnifier l'autorité des canons, & la préférer aux lois Romaines, alléguant que ces canons traitaient des choses ecclésiastiques & que l'Église était en plus grande autorité, ayant la puissance de modifier & déterminer des choses civiles.

Pour cette raison, on commença à dresser des lois, qui dérogeaient en quelque sorte au droit civil, comme étant corrigé & limité par l'autorité de l'Église. Et d'autant que ce nouveau droit & ces nouvelles lois avaient besoin de nouveaux protecteurs, on vit incontinent naître deux sortes de gens, à savoir les Canonistes & Scholastiques.

Les Canonistes prennent charge de maintenir la hiérarchie & la tyrannie Papale par le droit Canon, ce qu'ils exécutèrent aussi vivement que les docteurs en droit civil soutenèrent, par l'Écriture & par les lois Romaines, la puissance de l'Empereur.

Les Scholastiques inventèrent une nouvelle doctrine, pour attirer & ensorceler par des erreurs & des superstitions les écrits des hommes afin qu'étant enlacés dans ces erreurs ils se continssent (restent) dans l'obéissance du siège Romain.

Ce que la doctrine scolastique a fait, ç'a été de fouler aux pieds & d'éteindre ce qui restait de pureté et de clarté dans la doctrine céleste, touchant la Loi, l'Évangile, le péché, la grâce, la foi, la justification devant Dieu, le droit usage des Sacrements, la vraie invocation du Nom de Dieu, & les bonnes oeuvres. Car autant que l'on ne pouvait maintenir les erreurs & les abus reçus par la coutume, introduits ou approuvés par les Papes, en les examinant à la règle de la parole de Dieu, on délaissa cette parole pour chercher d'autres appuis.

Sous l'empire de Frédéric premier, Pierre Lombard, maître des sentences, réduisit en quatre livres les fondements de la doctrine scholastique, & depuis toute cette racaille de sophistes & de moines fut tellement occupée à gloser & à commenter ces livres, que la sainte Bible s'évanouit presque entièrement de leurs mains & de leurs esprits; & en chaires des docteurs & des prêcheurs, au lieu du Nom de Jésus Christ & de saint Paul, on n'oyait (entendait) parler d'autre chose que du maître des sentences.

Thomas d'Aquin & Lescot ses commentateurs, écrivains comme à l'envie l'un de l'autre qui serait le plus subtil, remplirent l'Église de tant de questions ineptes, méchantes & inexplicables, corrompirent & polluèrent tellement la philosophie, qu'ils contraignirent leurs successeurs, comme Guillaume Occam & d'autres, d'inventer & de suivre des opinions contraires. De là sortirent de nombreux conflits, que la lumière de la parole de Dieu a finalement écartés & fait évanouir.

Or cette doctrine, amassée de quelques partages de l'Écriture sainte, détournée de leur vrai sens & confondue avec les disputes (débats contradictoires) morales, naturelles & surnaturelles d'Aristote & de Platon, mal entendus & dépravés aussi en quelques endroits, item des constitutions des Papes, fut enveloppée de difficultés inexplicables. Tout ce que l'on pouvait apprendre là c'était d'avoir l'exposition de quelques commandements de la Loi, ou plutôt c'était lire un discours sur la philosophie morale selon la façon des philosophes.

Au reste, elle abolit la doctrine de l'Évangile, anéantissant la certitude de la promesse & de la foi, & déboutant le seul Médiateur. En somme, elle fut entièrement accommodée à la tyrannie des Papes, & aux superstitions qui régnaient alors, & qui ont continué depuis.

Elle est fondée sur des propositions fausses & méchantes, à savoir que les décrets des Papes & tout ce qu'ils approuvent, & ce qu'ils changent dans la doctrine ou dans les anciennes cérémonies, sont de droit & commandement divin, quoiqu'ils soient contraires à la règle de la parole de Dieu: car telles constitutions (disent-ils) sont valables à cause de l'autorité de l'Église qui ne peut errer, & que c'est une grande impiété de la contredire, notamment cette Église qui a l'Évêque de Rome pour chef.

Mais pour connaître mieux cette doctrine des Scholastiques, il faut lire leurs livres imprimés, qui font tellement rougir plusieurs qui s'en servent contre la vérité, qu'ils les condamneraient les premiers, s'ils n'avaient d'autres armes pour se défendre.

Cette doctrine en somme contient ce magnifique consentement que les docteurs Papistiques font sonner si haut dans leurs livres & leurs sermons, voulant que ce soit la règle selon laquelle on dresse & plie toutes ordonnances dans l'Église, & que toutes opinions & expositions soient rapportées là & examinées par elle: en quoi ils se montrent si aveuglément obstinés, qu'ils aiment mieux rejeter les témoignages de l'Écriture sainte & des purs théologiens de l'Église primitive, que quitter un seul point de la doctrine de leurs Scholastiques, tant ils ont peur que le royaume Papistique, appuyé & fondé sur de tels décrets, ne s'ébranle & trébuche.

Au reste, cette nouvelle doctrine du droit canon & des Scholastiques engendra des envies très ambitieuses & de terribles estrifs (querelles) entre les jurisconsultes, les théolagastres ou Scholastiques, & les Canonistes.

De là sortirent diverses factions, tellement qu'en fin de compte la Chrétienté fut divisée, les uns adhérant aux Empereurs, sous le nom de Gibellins, les autres tenant le parti des Papes, & s'appelant Guelphes. Dès lors, ce fut à courir sus les uns aux autres avec une haine irréconciliable, se surprendre, défaire (détruire) & s'entretuer par toutes sortes de séditions, de violences, de saccagements & de cruautés du tout étranges & incroyables.

Or si quelqu'un demande: D'où vient que les Papes ont ainsi mis le pied sur la gorge aux Empereurs & pourquoi de tels grands Princes n'ont pas brisé la tyrannie démesurée des Papes, lors qu'elle était encore faible & aisée à rompre: item, pour quelle raison ils ont souffert que l'Église & l'état public fussent réduits dans une telle injuste & abominable servitude?

Je réponds que les Empereurs se sont laissés abattre, non point par crainte, ni par faute de cœur, ni pour l'appréhension des dangers, encore que ç'ait été un mal horrible de voir ruiner l'empire, meurtrir leurs fidèles sujets, & perdre tant de vaillants seigneurs & gentilshommes; mais ils furent vaincus par l'opinion (la conception) de la religion, qui dominait puissamment dans les cœurs ensorcelés de superstition & des erreurs d'alors déjà fort enracinés au monde.

De tout temps, cette considération a eu un merveilleux crédit envers ceux qui ont quelque conscience, de quelque source que procède la religion, & quelques fondements qu'elle puisse avoir, moyennant qu'elle ait apparence de religion, & paisse les yeux & les cœurs de quelque sentiment de divinité: ce que nous voyons avoir merveilleusement aiguillonné & fléchi les Païens mêmes.

Ainsi donc, l'opinion (la conception) de la religion renversa ces bons Princes, & il n'y eut autre moyen de les abattre qu'en leur faisant croire assurément que tout ce que les Papes proposaient & entreprenaient était saint, & légitime, & réglé selon la volonté de Dieu révélée dans les saintes Écritures.

C'était le titre à l'aveu par lequel toutes choses se faisaient, & on estimait faire (commettre) un grand péché de s'opposer un tant soit peu à cela. Puis après, cette persuasion haussa (augmenta) davantage l'audace & l'impudence des Papes, qui profitèrent de l'occasion pour machiner & mettre en avant des conseils, dont s'ensuivit la ruine de l'Église & de l'empire.

Pour cette raison, les yeux du peuple étant aveuglés par de fausses & méchantes superstitions, les Princes étaient contraints d'endurer les outrages des Papes. ... il ne se trouvait presque personne qui osait dire un seul mot, ni découvrir l'impiété des ordonnances Papistiques, sinon (à moins) qu'on eût envie de perdre sa tête.

En ce temps-là, à savoir environ douze cent ans après la nativité de Jésus Christ, naquirent en l'Église plusieurs ordres de moines, pestes publiques & destructeurs de la vraie religion, de la doctrine Chrétienne, & des sciences libérales.

Deux de ces ordres, faisant profession de suivre la règle de Saint Bernard, furent néanmoins fort différents en lois, cérémonies & manière de vivre.

Les uns s'appelaient les pauvres de Lyon, les autres humbles d'Italie. Ces pauvres de Lyon vivaient parmi les autres hommes, prêchaient & exposaient les Écritures; les humbles d'Italie méprisaient les richesses, vivaient d'aumônes & se vantaient d'être imitateurs des Apôtres.

Les Papes condamnèrent ces deux ordres; puis comme la superstition est fertile, & une erreur en engendre d'autres, survinrent de nouveaux ordres, qui sous une apparence vaine & déguisée, ravirent tellement le monde, qu'en moins de rien ils commencèrent à multiplier & s'étendre dans tant d'endroits, qu'ils remplirent tout l'Occident en peu d'années.
Ces monstres de diverses couleurs se fourrèrent
dans les villes, dans les cours des Princes, dans les chambres & les cabinets des dames, où ils se faisaient écouter & croire. Cependant, ils s'entre-haïssaient étrangement, & firent tout ce qu'ils purent, chacun de leur côté, pour élever leur ordre par-dessus les autres. Ils ne se servirent d'autres armes que de la langue.

Leurs principaux fondateurs furent François & Dominique. François était Italien d'une ville nommée Assise, dans le Duché de Spolète; Dominique était Espagnol.

Les Carmes vinrent d'Asie en Europe, se vantant d'être descendus du mont Carmel, & furent amenés par un certain Albert, Patriarche de Jérusalem.

Les Augustins naquirent en France par le moyen de Guillaume, Duc d'Aquitaine & Comte de Poitou, lequel les établit, afin de suivre la doctrine & la façon de vivre de Saint Augustin , dont ils portaient le nom: comme les moines Grecs nommés Calogeres (mot corrompu & composé de deux mots Grecs qui signifient beau père) se disent suivre la règle de S. Basile.

Peut-être que l'intention des fondateurs de ces ordres n'était pas mauvaise. Car je pense qu'ils voulaient appuyer la discipline de l'Église, laquelle allait en décadence, & voulaient ramener les choses à quelque état plus étroitement réglé, parce que les chapitres des chanoines & les autres couvents étaient diffamés à cause de leur gourmandise, leur paillardise, & autres telles dissolutions; l'étude de la Théologie était anéantie, & les Ecclésiastiques s'arrêtaient après la pompe des grands du monde, & aux gouvernements politiques.
Les gens sages
& craignant Dieu approuvèrent l'intention de ces fondateurs: là-dessus, les ordres s'emplirent de moines qui s'y rendaient de toutes parts, mais l'hypocrisie faisait bien valoir la besogne.
Mais quand la superstition se fut emparée des consciences, & que la tyrannie des Papes eut le dessus, incontinent ces moines s'appliquèrent à maintenir & affermir leur état, & ajoutèrent tant de nouvelles erreurs aux précédentes, qu'ils cachèrent & éteignirent entièrement ce qu'il y avait de reste de lumière. Car ils forgèrent une sorte de doctrine toute nouvelle, inventèrent une autre sorte d'oeuvres: le tout plus conforme à la philosophie mondaine qu'à la doctrine céleste, & convenant mieux à la tyrannie Papistique qu'au royaume de Jésus Christ. Mais ils fardèrent (peignirent) cela de belles couleurs.

Premièrement, ils falsifièrent la doctrine touchant le péché, & ne dirent rien des ténèbres qui sont dans l'intelligence & des vices en la volonté; puis ils firent croire que le mal qui reste dans les régénérés n'est pas péché répugnant à la Loi de Dieu.
Ensuite ils rapportèrent ce mot de concupiscence aux sens & à l'appétition
(appétit, passion) naturelle, au lieu de dire que nos affections sont dépravées, que notre intelligence est aveugle & nôtre volonté méchante.

Quant à la Loi de Dieu, ils la transformèrent entièrement en philosophie, qui parle seulement de la conduite de nôtre vie devant les hommes, & maintenèrent que l'on pouvait satisfaire la Loi de Dieu par cette discipline civile, c'est à dire par les oeuvres extérieures & un tel quel (avec l') effort de la volonté, quoiqu'il reste des ténèbres dans l'intelligence, & plusieurs mauvaises inclinations dans la volonté & dans le cœur.

Aussi soutinrent-ils que ces ténèbres & ces inclinations mauvaises n'étaient point des péchés.

De là ils tirèrent d'autres fausses conséquences, par lesquelles ils effacèrent la promesse de l'Évangile, & tout le bénéfice de Jésus Christ; car ils enseignèrent que les hommes étaient justes devant Dieu, c'est à dire agréables à Dieu pour l'amour (en raison) de leurs oeuvres, au lieu de dire que nous sommes réputés justes par grâce, pour l'amour de Christ nôtre Médiateur appréhendé par foi, qui est la doctrine annoncée continuellement dans l'Église de Dieu par les Prophètes & les Apôtres.

Bien plus encore, ils confondirent la Loi avec l'Évangile, disant qu'il y avait triple Loi, à savoir: Naturelle, Mosaïque & Evangélique.

Et c'est pour cela qu'ils maintenèrent que l'homme satisfaisait à la justice de Dieu. Leur folie les transporta jusqu'à inventer d'autres oeuvres & un nouveau service de Dieu; ils préférèrent en tout & partout leurs inventions aux oeuvres commandées dans la Loi; puis, pour de l'argent, firent part de leurs oeuvres à ceux qui voulurent en acheter.

Quelles absurdités ont-ils forgées touchant leur état de perfection?
De quelles louanges ont-ils orné leur caymanderie
(mendicité), qu'ils appellent renoncement volontaire aux biens du monde?
Leur vilain célibat & autres fatras monastiques n'ont-ils pas été préférés par eux à tout ce qui pouvait être de plus parfait & d'excellent au monde?

Finalement, leur impudence parvînt jusque là, à prêcher que la moinerie était une manière de vivre établie pour mériter le pardon des péchés & la justice devant Dieu; que c'était un état de perfection, plus excellent sans comparaison avec toutes les autres sortes de vocations ordonnées de Dieu.

De plus, ils furent si sots de vouloir contrefaire les cérémonies légales, qu'ils voulurent avoir dans l'Église Chrétienne un souverain Pontife sur terre, des Sacrificateurs, de semblables sacrificatures, sacrifices & cérémonies que les Mosaïques (selon la loi Mosaïque).
Tout cela est procédé de bêtise, pour
(tout cela est le résultat de) n'avoir pas su remarquer la différence entre l'Évangile & la Loi.

Mais combien de disputes (débats contradictoires) inexplicables ont-ils obscurci & brouillé la doctrine de la repentance? de combien d'horribles tourments ont-ils bourelé (tourmenté) les consciences?

Premièrement, elles ont été chargées de la confession & enveloppées des cordeaux du dénombrement des péchés.
Quant à l'absolution, elle n'avait aucune efficace, car ils niaient qu'elle pût profiter sans mérites précédents, & commandèrent aux personnes d'être toujours en doute.
En outre plus ils commandèrent aux confés (3) certaines oeuvres de nécessité, établissant de leur propre autorité des satisfactions pour les péchés & pour mériter la délivrance des peines d'enfer.

Ces erreurs en engendrèrent d'autres & firent croître de nouvelles erreurs, pleines de mensonges, d'impiété & de blasphèmes, contre Dieu; des erreurs touchant les vœux des moines, l'application de la Messe pour les vivants et pour les morts, les pèlerinages dans les temples des saints, les pardons, le purgatoire, & d'autres semblables supersticieuses observations d'oeuvres vaines, de différence de viandes, de jours, d'habillements, d'images, de vœux, de processions, de jeûnes & d'autres traditions humaines, lesquelles accablaient les consciences, les remplissant d'horreur & de crainte, & les étranglaient d'infinis cordeaux dont il ne faudrait d'autres témoins que les moines & les prêtres, & tels autres inventeurs de nouveaux supplices d'âmes.

Si les Papes étaient embesognés (affairés, occupés) à établir leur tyrannie spirituelle pour persécuter cruellement... la vérité de l'Évangile, ils ne l'étaient pas moins à augmenter & affermir la domination temporelle & la domination sur les pays qu'ils avaient usurpés aux Empereurs, Rois & princes terriens, afin de tenir tout le monde sous leurs pieds.
Or, ce fut l'an 1000. que les actes tyranniques des Papes contre les Empereurs eurent la vogue à bon escient, tellement qu'ils furent délivrés de tout joug, gouvernant tout à leur plaisir, sans se soucier d'aucun Magistrat: mêmes ils foulèrent aux pieds les Princes & les Empereurs, les contraignant de les servir
en tout & les ensorcelaient par leurs impostures.

Quels horribles tumultes (agitations) le Pape Grégoire septième ne mit-il pas en route contre l'Empereur Henri quatrième?
Il ne l'excommunia pas seulement ne tenant compte de lui, mais aussi il incita contre lui ses propres sujets, princes
& seigneurs, les absolvant du serment qu'ils lui avaient fait, & donna commencement (naissance) à une grande effusion de sang. Cette cruelle histoire est décrite par Jean Aventin et par d'autres aussi.

Le Pape Urbain second, successeur de Grégoire, duquel il avait été un diligent disciple, fut auteur de la Guerre des Chrétiens contre les Sarrasins, au Concile de Clermont, ainsi qu'il en a été parlé ci-devant.
De plus, il banda (braqua) contre l'Empereur Henri quatrième son propre fils Conrad, Prince d'Italie, renversant en cela les lois de nature.

Le Pape Pascal deuxième incita Henri cinquième contre son propre père Henri quatrième, qu'il excommunia par trois diverses fois, & fit tant et si bien que les trois Évêques de Mayence, de Cologne & de Wormes, dépouillèrent le bon Empereur... dans son palais d'Ingelheim, de ses ornements impériaux, & en ornèrent son fils Henri cinquième.

Albert Krantz (4) décrit cette histoire tragique au chapitre vingtième du cinquième livre de son histoire de Saxe.

Ce même Pascal fit une infinie de maux à l'Empereur Henri cinquième, & fut cause (fut responsable) de faire répandre beaucoup de sang, seulement à cause de la collation (l'affectation) & l'investiture des Prélatures (dignités ecclésiastiques) & des prébendes (revenus), desquelles l'Empereur avait disposé jusques à ce temps-là; mais le Pape voulait lui arracher cette puissance des mains: ce qu'il ne pouvait faire alors; Calixte deuxième s'attacha alors à l'Empereur, & ne cessa de le tourmenter jusqu'à ce qu'il eût en ses mains cette puissance.
L'Abbé d'Ursperg a diligemment écrit de ces choses, lesquelles sont advenues
(arrivées en) l'an 1122.

Mais ce ne fut pas encore assez. Car les Papes qui suivirent les susdits (ceux qui viennent d'être nommés), furent aussi les successeurs de leurs méchancetés pour persécuter les Empereurs. Car ils s'opposèrent à eux de plus en plus, & ne cessèrent avec leurs excommunications, séditions, guerres, fausses, déloyales & continuelles pratiques, jusques à tant (jusqu'au point) qu'ils lassèrent les Empereurs & les oppressèrent en haussant (plaçant) leur siège au-dessus d'eux, tant et si bien qu'ils acquirent une souveraine puissance sur tous.

Que celui qui veut avoir une plus ample connaissance de ces choses, lise l'histoire de l'Empereur Frédéric Barberousse, & ce que firent contre lui les Papes Adrien quatrième & Alexandre troisième, lequel, par une arrogance extrême, lui mit le pied sur la gorge; sans compter ce que le Pape Célestin quatrième commit contre l'Empereur Henri cinquième; et de quel orgueil, menace & violence usa le Pape Innocent troisième, homme téméraire & superbe (orgueilleux), contre l'Empereur Philippe.

Tout l'esprit des Papes en ce temps-là fut occupé à brasser les guerres par lesquelles ils maintenaient leur tyrannie contre les Empereurs, ce qu'ils ont continué durant l'espace de 200. ans.
En après (ensuite), ils se font montrés vaillants à tirer de l'argent de tous côtés pour maintenir la grandeur, la pompe & la magnificence de la Cour de Rome, pour bâtir & publier des lois sur lesquelles toutes leurs méchancetés seraient fondées et fermement appuyées.
Et pourtant le Pape Grégoire IX. de ce nom (nom malencontreux
(qui fut la cause de nombreux tracas) pour toute la Chrétienté dans la hiérarchie Romaine, depuis Grégoire, le grand architecte de superstition) voulant chasser d'Italie l'Empereur Frédéric second, duquel il redoutait la force & la présence, s'avisa d'un tour de finesse: c'est qu'il fallait pousser cet Empereur en Asie, pour y faire la guerre en hasard & grande incommodité (malgré les dangers et les peines).
Il renouvela sa demande & remit en avant le décret du Concile de Latran touchant la guerre sainte, & commença à solliciter l'Empereur d'entreprendre ce voyage sous peine d'excommunication.

Mais à peine l'Empereur fut-il arrivé en Chypre, que le Pape se saisit de l'Apouille, laquelle il avait désirée depuis si longtemps, & parce qu'après le retour de l'Empereur il ne pouvait la retenir par force, il s'aida d'une nouvelle foudre d'excommunication forgée & aiguisée en ce Concile de Latran, par laquelle il darda contre l'Empereur pour le chasser au loin, comme nous le dirons ci-après.

Le même Grégoire fît recueillir, par un certain Raymond de Barcelone, les constitutions décrétales, dont il environna & étreignit tellement comme de chaînes d'aimant, cette hiérarchie Romaine, qu'elle ne pouvait branler ni tomber à qu'il ce pensait. Cela fut fait environ l'an 1233.


Table des matières

       1) Lexicographe grec, probablement du onzième siècle.

2) Mot hébreu (voir Daniel, XI, 38) qui signifie «des forteresses, et qui s'applique, sans doute, à Jupiter Capilolin qu'adorait Antiochus Épiphane. Ce mot a été pris à tort pour un nom propre par les Septante et la Vulgate: ‘Deum autem Maozim venerabitur.’ Goulart, empruntant cette fausse traduction, a vu, dans ce dieu, le type de celui que, dans la messe et dans les processions, on honore avec de l'or et de l'argent.
3) Ceux qui s'étaient confessés.

4) Historien allemand, né à Hambourg, mort en 1517, enseigna la théologie à Rostock


 

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