Il
est
écrit: TA PAROLE EST LA VERITE (Jean 17.17) Cela me suffit... |
REGARD
Bibliothèque chrétienne online EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON - 1Thess. 5: 21 - (Notre confession de foi: ici) |
Il est
écrit: TA PAROLE EST LA VERITE (Jean 17.17) Cela me suffit... |
HISTOIRE DES MARTYRS PERSÉCUTÉS ET MIS Á MORTpour la vérité de l'ÉvangileDANS L'ESPACE DE QUELQUES CENTAINES D'ANNÉES. (suite)
GRÉGOIRE
IX. eut pour son successeur Innocent quatrième, lequel tint un
Concile à Lyon contre l'Empereur Frédéric, où il remit sur
l'enclume cette pointe de foudre d'excommunication, grossièrement
forgée au Concile de Latran, & l'aiguisa tellement qu'il lui
fit
trois pointes, ayant suscité les Français, Espagnols & Anglais
contre l'Empereur.
QUELQUE peu de temps après, Grégoire X. tint un autre Concile à Lyon, & pour hausser (élever) davantage le siège de Rome, il appela Michel Paléologue Empereur de Constantinople, qui se montra assez prompt à obéir, non pour amitié ou révérence qu'il portât au Pape, mais sous espérance d'obtenir le secours qui lui était nécessaire pour retenir l'Empire, dont il s'était emparé après avoir meurtri malheureusement Jean, fils de Théodore Lascaris, légitime Empereur, lequel il avait en charge.
En
ce Concile, il fut disputé de cette question de
savoir si le
S. Esprit procède du Fils.
On
traita principalement dans ce Concile des affaires
de la
guerre sainte, & le Pape faisant bien de l'empêcher, sous
couleur de vouloir poursuivre cette guerre, il
exigea des
Ecclésiastiques les dîmes de tous leurs revenus pour cinq ans, tira
d'entre les mains de l'Empereur Rodolphe l'Exarchat de Ravenne, qui
est le pays de la Romagne, & presque tout ce que les Empereurs
possédaient de reste en Italie.
BONIFACE
huitième essaya de subjuguer la France, commandant une levée de
deniers pour la guerre sainte. Mais le Roi, ayant prévenu & confermé (confirmé) les Français dans leur devoir envers lui, détourna & renversa ces machinations & les embûches de Boniface, lequel il fit prisonnier par un Italien nommé Sarra Colonne, & par Nogaret de Saint Félix, gentilhomme Français, qui le firent prisonnier dans la ville d'Anagnie, & le firent étrangler dans la prison pour un exemple nouveau, mais de très juste vengeance contre un Pape. Ce fut le remède qui éteignit l'ardente convoitise des Papes, tellement que depuis ils n'entrèrent pas en appétit de vouloir manger la France.
L'épitaphe
de ce Boniface fut qu'il était parvenu au Papat (siège
pontifical) comme un renard, avait régné comme un loup,
&
était mort comme un chien; car il avait frauduleusement supplanté
Célestin cinquième, pour se mettre à sa place, où
il avait
fait toutes les méchancetés & cruautés qu'on saurait penser.
Ce fut lui qui ramassa le sixième des Décrétales, & le fit
ratifier au Concile de Lyon. CLÉMENT
cinquième, successeur de Boniface, se peignit soi-même en ses
Clémentines (Décrétales
du pape Clément V),
combien qu'aucuns écrivirent, qu'il se rétracta & les brûla. Or, afin qu'il n'y eût rien à redire au service de ce dieu, outre les processions, solennités, pompes & fêtes ordonnées par Urbain quatrième, à la persuasion de Thomas d'Aquin, l'an mil deux cent soixante-quatre, Clément ratifia & conferma (confirma) le tout par l'autorité du Concile de Vienne. Auparavant, Innocent troisième avait ordonné quelque chose de cela au Concile de Lyon. Après que les Papes eurent, par une rêverie superstitieuse, introduit cette idolâtrie, les peuples de la Chrétienté reçurent dévotement ce dieu de pâte, & amplifièrent tellement la dignité de son service, qu'il n'y avait honneur que pour lui entre eux: aussi était-il enclos dans des magnifiques ciboires dans leurs temples, & superbement élevé par dessus toutes les autres idoles. CE Clément quitta Rome, & transporta le siège en Avignon, où il demeura l'espace de septante-cinq ans, dont vinrent les différends de l'élection des Papes. Car quelquefois, dans un même temps, il y avait deux ou trois Papes, l'un élu en un endroit, l'autre en un autre, et là-dessus c'était à déployer les moyens de fraude & de violence pour demeurer le maître, avec une ambition enragée & des cruautés les plus surprenantes du monde. Bref, ils troublèrent tellement la Chrétienté, que non seulement l'Italie, agitée de ces tempêtes comme d'un continuel tremblement de terre, & ébranlée en ses propres entrailles, chancela, & se vit sur le point d'être accablée du tout; mais aussi les Empereurs & Rois Chrétiens furent tellement occupés à apaiser les débats de ces furieux, que les forces d'Occident furent épuisées & les Turcs commencèrent à avoir le dessus. Le Concile de Pise démit deux Papes, & en créa un tiers. Celui de Constance, où Jean Hus & Hicrosme de Prague furent brûlés, & l'usage de la coupe en la Cène du Seigneur ôté à ceux qu'ils appellent laïcs & séculiers, dégrada trois Papes & en élut un quatrième. Le Concile de Bâle ayant déclaré que le Pape était au-dessous du Concile, énerva la tyrannie Papale: ce qu'apercevant Eugène, il assigna le Concile à Ferrare, puis il le transporta de là à Florence, sans se soucier de ceux qui s'étaient assemblés à Bâle. Dans ce Concile de Florence, Eugène fît tous ses efforts pour persuader les Grecs entre autres fables, celle du Purgatoire, & qu'ils reconnussent le Pontife Romain être l'Évêque universel. L'Empereur Jean Paléologue, le Patriarche de Constantinople, quelques Évêques Grecs, Bessarion entre autres, s'accordèrent à ces articles: toutefois, ils rejetèrent tout à plat la transsubstantiation, laquelle on voulait alors faire approuver. Mais étant de retour en Grèce, Marc, Évêque d'Éphèse, & plusieurs autres, s'opposèrent à ce qui avait été accordé: & le tout fut tellement débattu, qu'ils furent contraints de se rétracter de ce qu'ils avaient approuvé, & le déclarer nul. Car en ce temps-là, & auparavant aussi, la doctrine des Églises Grecques était plus solide que celle des Latines.
Quoique
l'Église Grecque ait été souillée par beaucoup d'erreurs, &
soit tombée dans la triste servitude &
horrible barbarie
des Turcs… elle a été moins impure que la Romaine. Finalement,
on en vint là que le Pape fut proclamé seigneur des Royaumes du
monde, & il
fut dit qu'il fallait croire à salut, que tous hommes doivent être
sujets de
l'Évêque de Rome.
Puis
après on disputa de l'autorité du Pape et du Concile, & savoir
si le Pape devait être par dessus les Conciles: ce qu'aucuns (tous)
soutenaient, alléguant que le Pape n'était responsable (ne
devait rendre compte) à personne, parce qu'à
cause de
son siège & de sa dignité, il ne pouvait errer. Le Concile de Bâle régla la dernière question, et assujettit le Pape à la censure du Concile: ce qui fut ratifié par Nicolas cinquième, mais ses successeurs abolirent ce décret. Ce même Concile ayant élu, en concurrence à Eugène , Amé Duc de Savoie, qui se fit appeler Félix cinquième, provoqua un schisme que Frédéric troisième apaisa finalement.
POUR
conclure ce discours, la Chrétienté en vint là, qu'après la mort
de Raoul & Adolphe, Rois des Romains, le Pape se vanta d'être
Empereur, du temps d'Albert premier, l'an 1300. Car alors Boniface
huitième remit sus l'an de jubilé (lequel néanmoins avait été
abrogé par les Apôtres) promettant plénière indulgence &
rémission des péchés à ceux qui allaient en pèlerinage à Rome. Ce Pape aussi publia les Décrétales qui portent encore son nom, où il attribue encore plus impudemment que jamais, toute puissance aux Papes.
Sitôt
après Boniface, Jean vingt-deuxième déclara & fit sentir à
l'Empereur Louis quatrième, avec un extrême orgueil, cette
puissance ou tyrannie. Car il l'excommunia, & lui fit mille
outrages, lui jetant une grosse guerre sur les bras, durant
laquelle fut répandue une mer de sang en Allemagne.
Jean
Aventin décrit amplement cette histoire, dans les
Annales de
Bavière, au septième livre.
Pourquoi
ne tiendra-on pas pour des
persécutions de l'Église
tant de diverses & de cruelles guerres par
lesquelles a
été répandu tant de sang humain, & dont les Papes ainsi élus
& puissants ont été cause? Pourquoi ne dira-on pas que l'Église a été persécutée, quand les Empereurs Chrétiens & leurs obéissants sujets ont ainsi été maniés & plongés par les Papes dans leur propre sang, & ont été si rudement fouettés par ces fléaux de guerres, & par tant d'années, avec une si grande & inhumaine effusion de sang? Dans toute cette grande misère & calamité, les pauvres Rois & Empereurs Chrétiens ont souffert, & ont été tourmentés avec leurs adhérents; au contraire, les Papes avaient victoires, triomphaient, & faisaient leurs besognes, voire se sont tellement fondés (affermis) & fortifiés, qu'ils ne craignent plus personne, mais dominent & maîtrisent à leur appétit, sans aucune peur ni souci.
«Il se lèvera un Roi félon de face & entendu en subtilités. Sa force sera renforcée, non point toutefois par sa force. Il gâtera à merveilles, & prospérera, & exploitera, & détruira les puissants, & le peuple des saints. Et la tromperie sera avancée en sa main selon son intelligence, & se magnifiera en son cœur, & en gâtera plusieurs par la prospérité; il résistera contre le Seigneur des Seigneurs, mais il sera débrisé sans main.» S'il fallait raconter toutes les grandes effusions de sang qui ont été causées les Papes dans les Royaumes de Sicile, Naples, & la Pouille, depuis Innocent 4. jusques à Clément 7. dans l'espace de 284. ans, en chassant tantôt les Allemands, & y mettant en possession les Français, puis attirant les Espagnols contre les Français, y appelant aussi derechef les Allemands, Français & Hongrois, & comment ils les mirent en discorde & dissension les uns contre les autres, il faudrait faire un gros livre. Mais les histoires en parlent bien au long. Davantage, leur grande & injuste puissance ou tyrannie a attiré par d'autres moyens une très cruelle persécution & effusion de sang humain. Car les Papes s'étant emparé (comme il a été dit) de toute puissance Ecclésiastique & civile, élus par-dessus les Conciles, ils ont ensuite ordonné & disposé de la doctrine, de la foi & de la religion, des constitutions & des cérémonies de l'Église, à leur appétit: de là sont procédées (de là proviennent) les persécutions, d'autant plus que ceux qui contredisaient les ordonnances des Papes étaient incontinent (aussitôt) tenus & persécutés comme hérétiques. Et
c'est
ce
que j'appelle ici proprement (après les guerres susmentionnées)
persécution des Papes contre les Chrétiens &
contre
l'Église Chrétienne, à cause de la foi & de la Religion, tout
ainsi qu'en la primitive Église. Car
comme les premiers fidèles ont été persécutés au commencement
par les Empereurs, ainsi sont les derniers fidèles de
la fin du monde persécutés par les Papes Romains. Depuis, le nombre de ces abus a augmenté & s'est fortifié, principalement par le moyen des Papes qui les ont mis en valeur pour que le monde les reçoive, puis les ils ont avancés & maintenus à coups d'épée, à tel point que plusieurs qui voyaient l'énormité de tant d'erreurs, n'osaient pourtant les contredire ouvertement, sachant bien que s'ils le faisaient, leur vie n'était plus à eux. Le décret ou droit Canon recueilli par Gratien , & les 4. livres des sentences de Pierre Lombard, dont a été amplement parlé ci-dessus, furent les estançons (appuis) de la tyrannie & de la persécution papistique contre l'Église Chrétienne. Car si quelqu'un n'approuvait la monarchie du Pape & l'accord de l'Église, qu'ils appellent, & ne parlait pas le langage des Canoniques & des Scholastiques, tous se ruaient sur lui, & à l'aide du Pape & du bras séculier, le diffamaient partout, le persécutaient & l'opprimaient comme un hérétique. À ce propos, il y a, dans leurs Décrétales, une loi faite par le Pape Lucius troisième, qui veut: Que ceux qui sont d'une autre opinion, touchant les sacrements... de l'Église Romaine, & tous ceux qui seront condamnés par les Papes, soient tenus pour des hérétiques & excommuniés. Puis l'exposition ajoute comment le Magistrat doit procéder contre de tels gens, & s'il ne le fait pas, comment il faut procéder contre un tel magistrat désobéissant: liv. 3. Tit. 7. de Haereticis, cap. ad abolendum, &c. Après cela sont venus les Conciles, comme il a été dit aussi, lesquels étant à la dévotion du Pape, l'accord susmentionné s'est maintenu, & par ce moyen ils ont opprimé, défait & ruiné tout ceux qui s'opposaient au siège Romain. Car il fallait que tout ce qui était ordonné aux Conciles fût exécuté & mené à fin; & à cela étaient obligés les Magistrats, & tous ceux qui pouvaient porter armes.
Nous
avons dit, ce qui est vérifié par les histoires, que les Papes pour
confirmer leur domination temporelle ont rempli de sang l'Allemagne
&
l'Italie. Ceux
qui s'opposaient à l'erreur étaient eux-mêmes si tard
dans
la nuit, qu'ils avaient
besoin que Dieu les fortifiât merveilleusement & les éclairât
d'une faveur spéciale pour voir quelque (un
peu le)
jour dans une si profonde nuit: au
moyen de quoi
il
ne faut pas
trouver étrange si le nombre a été rare (s'ils
furent si peu nombreux).
Mais,
par
la grâce à Dieu il y en a
toujours eu quelques-uns, alors
même que les ténèbres d'idolâtrie semblaient avoir étouffé
toute lumière, ont vu, comme à travers une petite fente, la lumière
de salut &
de
vérité enclose (enfermée)
dans
la doctrine de l'Évangile.
Cela
requiert quelque considération plus ample, tirée de diverses
histoires comme s'enfuit (1).
Environ vingt ans après, un autre docteur appelle Jean l'Écossais, établi principal du collège d’Oxford écrivit aussi sur le même sujet, condamna l'erreur de la transsubstantiation, & eut même sentiment que Bertramus. Leur doctrine, tirée des écrits de Saint Augustin, fut maintenue longtemps après par plusieurs de leurs disciples, qui continuèrent de temps en temps jusques à l'an 1040. Béranger, ministre en l'Église d'Angers, excellent personnage, maintint publiquement la doctrine des deux susnommés conforme à celle de l'Apôtre S. Paul, à la nature & la vérité du sacrement de la Cène, & au consentement orthodoxe de l'Église jusqu'au siècle de Charlemagne; il avait en France grand nombre de disciples. Il fut assailli par les Papes d'alors, & finalement accablé par Nicolas 2. lequel dans un sien Concile à Rome tira une déclaration de Béranger, portant qu'après la consécration le pain & le vin posés sur l'autel ne sont pas seulement signes sacrés, mais aussi le vrai corps & sang de nôtre Seigneur Jésus Christ, lequel est sensuellement, non pas seulement en sacrement, mais en vérité, touché & rompu par les mains des Prêtres, & brisé par les dents des fidèles. Nonobstant cette injuste violence, Béranger enseigna depuis la pure doctrine contraire à celle du Pape Nicolas, & écrivit contre cette sienne confession qui avait été tyranniquement extorquée de lui. Ce qui occasionna Lanfranc (2) d'écrire contre Béranger le livret qu'on trouve encore aujourd'hui, lequel n'étant pas assez ferme au gré des Romanistes, environ l'an 1200.
Le
Pape Innocent troisième fit un décret bien exprès, auquel sous
peine d'être déclaré hérétique fut enjoint à chacun de croire &
de recevoir ce point de transsubstantiation
entre les articles
de la foi Chrétienne. Sitôt après elle fut accompagnée des quatre ordres de moines mendiants, suivis d'une infinité de superstitions, impiétés & détestables hypocrisies. Alors il semble avoir été accomplie la prédiction ou jussion (commandement) Apocalyptique au chap. 11. vers. 1. & 21. où un Ange dit à Jean: «Lève-toi, & mesure le temple de Dieu, & l'autel, & ceux qui adorent.... Mais jette hors le parvis, qui est hors du temple, & ne le mesure point: car il est donné aux Gentils, & ils fouleront aux pieds la sainte Cité par quarante-deux mois, ou trois ans & demi, de mille deux cent soixante jours.» Mais Dieu par sa miséricorde ne voulant pas perdre ses fidèles, qui sont son sanctuaire, suscita ses deux témoins pour prophétiser, c'est-à-dire annoncer la voie du salut par cet espace de quarante-deux mois, jusqu'à la venue du temps de rétablissement, après l'accomplissement des temps, du temps, & de la moitié du temps. Car environ l'an 1152. parut en France Pierre Valdo, riche & notable bourgeois de Lyon, vivant sans reproche entre tous ceux qui le connaissaient. Celui-ci, touché par quelque accident fort particulier, donna tous ses biens aux pauvres, pour vaquer à prières & à la méditation des saintes Écritures, lesquelles il traduisit ou (comme aucuns disent) fit traduire en langue vulgaire Française, avec des annotations recueillies des docteurs anciens. Après s'être soigneusement exercé dans cette étude des S. Ecritures, il enseigna la vérité qu'il y avait apprise à ses amis, les détournant de ces idolâtries & abominations qui étaient déjà trop en vogue, afin de les ramener à la teneur de l'alliance, par l'adoration d'un seul Dieu, & l'intercession d'un seul médiateur Jésus Christ: & là-dessus, il assembla un fort grand nombre de disciples, qui répandirent en peu d'années cette doctrine loin & près en divers pays de la Chrétienté, malgré les résistances, les puissances, les persécutions, les ruses & les pratiques des ennemis de la vérité. Car
comme sur l'interdiction qu'on leur avait faite de par l'Archevêque
de Lyon, nommé le Sieur Jean de Belles-Majons (ou maisons) de ne
prêcher davantage
contre la doctrine reçue dans
l'Église Romaine, ils eussent répondu qu'il fallait plutôt obéir
à Dieu qu'aux hommes. Ceci
eut pour cause
que de là ils se retirèrent en Allemagne, où leur doctrine fut
aussi répandue en
long & large, mais principalement dans
tout le pays d’Alsace & le long du Rhin, où peu
de temps après
ils furent aussi cruellement persécutés par les Évêques de
Mayence & de Strasbourg, dont l'un en fit brûler en
une fois jusques à dix-huit, qui endurèrent fort constamment la
mort, & une autre fois trente-cinq bourgeois de Mayence, brûlés
en la ville de Binguen; un
autre
en fit brûler environ quatre-vingts tous ensemble à Strasbourg. Et, quoique plusieurs historiens les accusent de plusieurs crimes & erreurs, dont leurs ennemis les chargeaient à tort, comme de l'innocence de Lucifer, de leurs douze Apôtres, qui tous les ans entraient une fois en paradis, & je ne sais quelles autres telles badineries: on voit manifestement, par les écrits même de ceux qui ainsi les blâment, que l'occasion de les condamner pour hérétiques n'était autre, sinon:
-
parce qu'ils maintenaient que la messe était une méchante
corruption de la S. Cène du Seigneur; Pour tout cela, il fut impossible de tout extirper, vu que les historiens racontent que d'eux est procédée la compagnie & la doctrine des Bohémiens, maintenue par les écrits de Jean Hus & de Jérôme de Prague. Laquelle doctrine a dû... toujours duré malgré les persécutions qu'on leur ait suscitées, et cela jusqu'au temps de Luther, après l'an 1517. alors que les 42. mois de leur témoignage ont été accomplis. D'autre part, comme plusieurs d'entr'eux furent des le commencement épars (dispersés) deçà delà, leur doctrine se répandit aussi par la Lombardie, de là en Sicile & au royaume de Naples, où elle a duré d'âge en âge jusqu'à nôtre temps, lorsqu'en Calabre étant fortifiés par la doctrine de Luther, de Calvin & d'autres ministres des Églises, environ l'an 1563. ou 64. on en a fait mourir un grand nombre. D'autre part, alors que la doctrine de Valdo avançait, Dieu suscita d'autres personnages en Provence & en Languedoc dont les trois principaux furent Arnould, Esperon & Joseph; les disciples desquels furent nommés Arnoldistes, Espéronistes & Josephistes. D'autres, à cause que leur doctrine fut premièrement reçue en Albi, furent communément appelés Albigeois, d'autres les nommaient Agennois, d'autres Begards, de façon que d'une part les Vaudois & de l'autre les Albigeois étaient comme les deux olives ou les deux lampes, desquelles parle S. Jean, Apoc. 11. 4. dont la graisse & la lumière se répandirent par tous les bouts de la terre. De ce même pas suivit aussitôt Pierre de Bruis, dont plusieurs les nommèrent Pierre Brusiens, auquel succéda en doctrine un nommé Henri; l'un avait été Prêtre & l'autre Moine. Ils enseignèrent dans les Évêchés d'Arles, d'Ambrun, de Die & de Gap; d'où étant chassés ils furent reçus à Toulouse. Si bien que malgré la mort de Pierre Bruis, brûlé comme hérétique à S. Gilles, près de Nîmes, toutefois leur doctrine se répandit par tout le Languedoc & la Gascogne, au Comté de Fois, Querci, Agenois, Bourdelois, & presque dans tout le Languedoc, & dans le Comté d'Ingrane, qu'on appelle aujourd'hui le Comtat de Venice (3), dont Avignon est la capitale. Ainsi la Provence reçut cette même doctrine, presque généralement partout. Et les villes de Cahors, de Narbonne, de Carcassonne, de Rhodais, d'Agen, de Magères, de Toulouse, d'Avignon & de Montauban, de S. Antonin, de Puy-Laurens, de Castres, de Ménerbes (4), Béziers, Beaucaire, Lombes, Pamiers, & le pays de Bigorne en furent remplis, sans compter plusieurs autres villes qui les favorisaient, comme Tarascon, Marseille, Perces d'Agénois, Marmande & Bordeaux. Au moyen de quoi cette doctrine se répandit encore plus avant d'un côté jusqu'en Espagne & Angleterre, & de l'autre jusqu'en Allemagne, en Bohême, Hongrie, Moravie, Dalmatie & même en Italie: tellement que quelque diligence que fussent les Papes (quelque fut leur zèle), avec tout leur clergé & l'assistance des Princes & des Magistrats séculiers, pour les extirper, premièrement par disputes (débats contradictoires), puis par proscriptions, bannissements, excommunications, publication de croisades, d'indulgences & de pardons à tous ceux qui leur feraient la guerre; finalement par toutes sortes de tourments, de feux, de flammes, gibets & cruelle effusion de sang, tellement que tout le monde en fut mis en trouble; ils ne purent jamais empêcher que les éclats n'en volassent & furent dispersés au long & au large presque par tous les bouts de la terre. Ils avaient leurs Ministres ou Pasteurs, & leurs Diacres partout, ils tenaient leurs écoles en quelques endroits de la Lombardie, là où ceux d'Alsace envoyaient des collectes & des subsides, pour les entretenir, & des jeunes gens pour y être élevés dans la connaissance du vrai Dieu. Aussi célébraient-ils leurs assemblées tant de jour que de nuit, selon que la rigueur des persécutions le leur permettait. Ils établissaient des Églises dans plusieurs lieux, ainsi qu'appert (qu'il apparaît) par l'exemple d'un Barthélémi , natif de Carcassonne, qui en Bulgarie, Croatie, Dalmatie & Hongrie, dressa des Églises & institua des Ministres, comme le raconte Matthaeus Paris, le nommant leur Pape & Évêque, & alléguant à ce propos la lettre que l'Évêque du Port, Légat du Pape, en ces quartiers, écrivit à l'Archevêque de Rouen & à ses suffragants, demandant secours & assistance contre eux, jusques à ce que finalement ils furent contraints de se retirer dans les déserts, suivant la Prophétie de l'Apocalypse, chap. 12. disant que la femme enceinte qui enfanta le fils mâle, & est la vraie Eglise de Dieu, serait tellement persécutée par le dragon (qui jetterait de l'eau, comme un fleuve, de sa gueule après elle pour l'engloutir), qu'elle serait contrainte de s'enfuir au désert, où elle serait nourrie pour un temps, & par des temps, & par la moitié d'un temps, ou bien par l'espace de 42. mois ou de 1260. jours, qui est un même nombre. En prenant un temps pour un an séculier, ou un siècle (c'est à dire pour un temps de l'âge d'un homme, qui est de 100. ans) il revient à 350. ans.
Or
il est certain que, comme dès que la publication de la croisade fut
faite par le Pape Innocent troisième & ses successeurs contre
les Albigeois, plusieurs Princes de la Chrétienté s'armèrent &
leur coururent après. Ainsi furent-ils à la longue tellement harassés, matés & abattus, ayant leurs villes saccagées, leur pays détruit & ravagé, les hommes, femmes & enfants misérablement tués par plusieurs milliers, qu'ils furent finalement contraints de se retirer aux déserts, comme dans les Alpes de Savoie, du Piémont, & dans les montagnes de Dauphiné, de Calabre, de Bohême, & en Pologne, en Livonie & d'autres pays déserts, où ils ont depuis leurs Églises & leurs prédications en petites troupes, étant revêtus de sacs, c'est-à-dire en tristesse & en deuil jusques à nôtre siècle, ainsi qu'il appert (apparaît) par les déclarations que ceux de Cabrières, de Mérindol & leurs associés firent à la Cour de Parlement en Provence, en vertu des lettres patentes du Roi, remontrant (démontrant) que la doctrine, & la manière de vivre qu'ils tenaient, leur avait été enseignée de père en fils, depuis l'an mil deux cent: tellement que ce temps de 350. ans a été justement accompli, en comptant depuis qu'ils commencèrent à être persécutés jusques à la restauration des Églises, faite de nôtre temps par la doctrine de l'Évangile. Car il est certain que durant le temps de 350. ans, qui sont les trois jours & demi, ou les quarante-deux mois mentionnés dans l'Apocalypse, les habitants de la terre ont triomphé avec grande joie & liesse, & toutes sortes de congratulations les uns envers les autres, pour avoir (à leur avis) vaincu, extirpé, & comme du tout déracinés ces deux témoins de Christ, qu'ils appelaient Albigeois, Bégards, Lollards, Turelupins, & celle des Vaudois, ou pauvres de Lyon, Picards, Bohémiens (car ainsi les nommait-on) qui avaient tourmenté les habitants de la terre, mis le règne de leur Souverain Seigneur & Chef en grand branle (agitation), lesquels on fit mourir par grosses troupes pour en exterminer la race: si bien qu'environ l'an 1304. on en brûla à Paris en une fois jusqu'au nombre de cent quatorze; mais au bout de ces trois jours & demi, c'est-à-dire de ces 350. ans, qui fut environ l'an de nôtre Seigneur 1517. ou 18. l'esprit de vie procédant de Dieu les a ressuscités & a remis leur doctrine sur pied; si bien qu'une grande frayeur & un épouvantement tomba sur les habitants de la terre qui les virent; & une voix du ciel les a séparés d'avec le reste du monde, & les a rappelés au ciel, dont est venu un grand tremblement de terre, & une générale émotion & le trouble parmi le monde, lequel doit être suivi de la trompette du septième Ange, par laquelle toute domination & gloire sera rendue à Dieu & à Jésus Christ.
Il
est vrai que les docteurs papistiques maintiennent que ces gens ne
sauraient avoir été témoins ou Prophètes de Dieu, puisque, non
seulement ils ont eu des opinions contraires à
l'Église
Romaine, mais, en plus ils ont été infectés de
l'opinion
des Manichéens touchant deux Principes ou Dieux; ils ont du tout
méprisé & rejeté les Évangiles & le Baptême des
enfants. Quoi qu'il en soit, on répond là dessus, premièrement que quant à la doctrine, il est manifeste que ce sont des calomnies qu'on leur a imposées. Et de ce fait, il se trouve plusieurs autres Chroniqueurs & historiens plus graves (sérieux) & véritables, qui convainquent ce maître moine de menterie (mensonge); voire... Papyrius Masson (7). Encore que partout cet auteur se découvre être un ennemi mortel des Albigeois, & qu'en ses Annales il suive le fil de l'histoire dudit Pierre des Vallées; si est-ce qu'en récitant (racontant) les erreurs des Albigeois, il ne les charge d'autre chose, sinon: Quòd docebant templa dirui, cruces deiici oportere : in Eucharistia verum Christi corpus non esse: preces ad Deum pro mortuis frustra fieri, c'est-à-dire qu'il fallait ruiner les temples & abattre les croix; que le corps de Christ n'est point dans l'hostie, & qu'il ne faut point prier pour les trépassés. Ainsi est-il aisé à tout homme versé en histoires, avec quelque jugement, de voir d'où ces blâmes ont pris leur origine; car on sait qu'en ce même temps les Papes avaient publié pour article de foi, que quiconque voudrait maintenir que l'Empereur eût reçut sa puissance immédiatement de Dieu, sans être sujet au Pape, serait tenu pour Manichéen, comme s'il soutenait qu'il y eût deux principes ou deux souveraines puissances dépendantes immédiatement de Dieu. Or comme les Albigeois
maintenaient ouvertement cette doctrine, ce frère Pierre des
Vallées, & plusieurs autres caphards (8)
après
lui, pour obéir à l'ordonnance du Pape, prennent de là cette
occasion pour
les accuser d'être Manichéens, & d'établir deux principes. Et pareillement, comme souvent ils étaient contraints de différer le Baptême des enfants, à cause que leurs ministres étaient dispersés en raison de l'âpreté des persécutions, de sorte que plusieurs ne pouvaient recevoir Baptême, sinon après être venus en âge; on leur mettait dessus qu'ils rejetaient le Baptême des enfants; alors qu'à la vérité on découvre par la déposition & le témoignage de plusieurs graves (sérieux) auteurs de ce temps-là, qui ont mêmes été leurs ennemis, & de plusieurs autres depuis, qui ont recherché la vérité plutôt que les calomnies, que leur doctrine ne fût jamais autre que celle de ceux qui s'appellent aujourd'hui évangéliques ou réformés, sauf que par aventure plusieurs simples gens parmi eux, pour ne pouvoir faire baptiser leurs enfants par des ministres de la parole de Dieu, vinrent à croire que le baptême des enfants n'était ou pas profitable ou pas du tout nécessaire. Il semble, par le témoignage de saint Bernard, qu'aucuns d'entr'eux étaient de cette opinion. Mais quant au reste, on trouve encore aujourd'hui de leurs livres écrits en parchemin, dans l'ancienne langue Provençale & du Languedoc; par exemple la prière à la sainte Trinité, faite en façon de rythme, qui commence ainsi: O Dio, paire eternal poissant, conforta me, &c.
Leur
confession faite au Roi des Rois, qui commence:
&
leurs sept Articles de foi, dont la préface commence ainsi: Et plusieurs autres livres & discours semblables, comme par exemple le traité des dix Commandements, l'échelle de Jacob, contenant les trente degrés pour monter au ciel, les quatre paradis, la noble leçon contenant le sommaire de l'histoire du Vieil & du Nouveau Testament, les traités des tribulations des justes, de la consolation, du mépris que l'homme doit avoir de soi-même pour parvenir à la vie éternelle; & plusieurs sermons écrits en la même langue, qui découvrent manifestement l'impudente fausseté des calomnies que les moines leur ont imposé, & montrent à vue d'œil qu'ils ont eu en très grande révérence la parole de Dieu, contenue dans les livres sacrés du Vieil & du Nouveau Testament, n'ayant rien rejeté que les traditions des Papes, qui n'ont point de fondement en l'Écriture. Qui plus est, on trouve même par les statuts & les ordonnances faites contre eux au concile de Toulouse, & publiées l'an 1229. par un Diacre, Cardinal & Légat du Pape, nommé Romain, que tant s'en faut qu'ils aient rejeté les saintes Écritures, qu'au contraire il leur fut... expressément défendu de les avoir & de les lire en langue vulgaire, on permettait seulement des bréviaires ou quelque psautier en latin, sous ombre (prétexte) que la fréquente lecture & la connaissance desdits livres les rendait hérétiques. Et ce moine qui n'a pas eu honte de les calomnier si effrontément, se démentant, vient lui-même taxer le Comte de Toulouse, qu'il n'allait nulle part sans le Nouveau Testament, ce qu'encore d'autres ont témoigné dans leurs écrits. Ainsi l'histoire que l'on trouve encore pour aujourd'hui, écrite à la main en rythme Provençale, par un gentilhomme qui a toujours assisté à la guerre contre eux, montre évidemment que toutes les erreurs que l'on leur attribuait de ce temps-là consistaient en ce qu'ils tenaient le Pape de Rome pour l'Antéchrist, & l'Église Romaine pour la grande paillarde décrite dans l'Apocalypse; qu'ils rejetaient l'adoration du Sacrement, l'invocation des saints trépassés, le service des images, des reliquaires des os morts, & autres superstitions forgées par l'Église Romaine, sous titre de parole non écrite: comme du purgatoire, du sacrifice de la messe, de l'intercession des saints, des pèlerinages, reliquaires, vœux de continence, règles de moineries, etc. autres choses semblables. Ajoutons que les disputes (débats contradictoires) qui ont été tenues de ce temps-là contre eux, dans les villes de Verseil, d'Anduze & de Pamier, le découvrent fort évidemment; mais sur toutes les autres celle de Montréal (9), qui a été la plus solennelle & qui a duré quinze jours, dans laquelle de la part du Pape étaient députés (envoyés) Pierre de Castelnau, légat & moine de Cîteaux, Rodolphe aussi envoyé du Pape, Didacq ou Jaques, Évêque d'Osuicq (10), & son Chanoine Dominic (qui ont été les deux premiers auteurs de l'ordre des Jacopins ou Dominicains). Et de la part des Albigeois, Pond Jordain, Arnould d'Auerisan, Arnould Othon, & Philebert Caslieus ou Philebert Calleux (car ainsi était-il nommé dans l'histoire de Toulouse) & Benoît Thermes: & y présidèrent deux gentilshommes, Bernard Villeneuve & Bernard Arrens, & deux autres, Raymond Gondi & Arnould Riberia (dont les originaux sont encore aujourd'hui en être), que leur doctrine s'accordait en tout & par tout avec celle que maintiennent les protestants d'aujourd'hui.
Et
même le thème qui y fut proposé à disputer de leur part était: Ajoutons aussi que Jaques de Riberia, secrétaire du Roi, parlant de leurs erreurs, ne leur impose autre chose que ce qu'ils soutiennent dans leurs dites disputes (débats contradictoires), & que le Seigneur n'approuvait point ce que l'Église Romaine approuvait, & que Christ ou ses Apôtres n'avaient pas ordonné la Messe, mais que c'était une invention humaine, avec autres choses semblables. Comme pareillement l'Abbé Pierre de Clugny, qui a vécu de leur temps, dans ses Épîtres, où il tâche de réfuter leur doctrine, ne leur impose autres articles, sinon qu'ils maintiennent que le corps & le sang de Christ ne sont pas offerts en la Messe; qu'une telle oblation ne sert pas au salut des âmes; que la substance du pain & du vin n'est pas changée réellement; que les messes, oraisons & aumônes pour les trépassés ne profitent de rien; que les préfixes & les moines qui brûlent en la fournaise d'impudicité se devraient marier; que les croix ne doivent point être adorées, & que tant de croix qui servent à superstition devraient plutôt être ôtées. Pareillement S. Bernard, vivant en ce même temps, encore qu'il confesse, comme par ouï (entendu) dire, qu'il y avait des hérétiques qui, en leurs assemblées, exerçaient paillardise, toutefois il n'en charge pas les Albigeois, n'alléguant contre eux autre chose, sinon qu'ils se moquent des prières & des oblations pour les morts, des invocations des saints, des excommunications des préfixes, des pèlerinages, des bâtiments des Églises, des observations des jours de fêtes, consécrations du chrême & de l'huile, bref de toutes les traditions ou ordonnances Ecclésiastiques. Et mêmes Vincent de Beauvais (dans son miroir historial), autrement assez libéral à assurer (propager) mensonges & fables, ne les accuse d'autre chose, sinon de ce qu'ils tenaient le Pape pour l'Antéchrist, & son Église pour la Babylone décrite en l'Apocalypse, rejetaient la transsubstantiation, le purgatoire, l'invocation des saints, le franc arbitre, la moinerie & d'autres superstitions de l'Église Romaine. Tellement que c'est une chose toute manifeste que les blâmes qu'on leur a imposés outre cela ne sont que calomnies inventées pour les rendre odieux au peuple. Car quant aux Vaudois que l'on a aussi appelés pauvres de Lyon, Picards & Paterins, Passagers, Lollards & Turelupins; puisque par le témoignage de tous les historiens on trouve que les Bohémiens ont reçu leur doctrine, on ne saurait ignorer ce qu'elle a été de point en point, vu que nous en avons les témoignages d'Aeneas Sylvius , qui a été lui même Pape de Rome, nommé Pie second, & de Jean Dubraw, Évêque d'Olmus, dans leurs histoires de Bohême, lesquels décrivent fort particulièrement leur doctrine, ni plus ni moins que s'ils l'eussent extraite de mot à mot des livres de Jean Calvin ou de Martin Luther.
Guy
de Perpignant, inquisiteur de la foi & Évêque de Lodève, dans
le livre qu'il a intitulé les fleurs des Chroniques, raconte
fort particulièrement l'histoire de Pierre Valdo, &, dans
son livre des hérésies, particularise les opinions des Vaudois,
sans aucunement les charger d'autre chose, sinon qu'ils maintenaient
que l'Église Romaine avait délaissé la foi de Jésus Christ ,
était la paillarde Babylonique, & le figuier stérile, lequel le
Seigneur avait jadis maudit; & qu'il ne fallait pas obéir au
Pape, comme n'étant nullement chef de l'Église; que la moinerie
était une charogne puante, & les vœux de celle-ci, des
caractères & marques de la
grande bête; que le purgatoire, les messes & les
dédicaces des temples, la vénération des saints & la
commémoration des morts n'étaient qu'inventions des diables &
des trappes (pièges)
d'avarice. Et touchant le blâme des souillures & les abominations dont plusieurs ont voulu les charger au regard de leur vie & de leurs comportements, on voit aussi clairement que ce ne sont que pieuses fraudes, c'est à dire dévotes fraudes & impostures que l'on a controuvé (imaginé) contre eux pour les rendre odieux, & empêcher qu'on ne vînt à rechercher quelle était leur doctrine, de peur que cela n'apportât du préjudice aux intrigues papistiques, suivant la coutume ancienne de l'Église Romaine, pratiquée de tout temps.
Je
dis aussi bien du temps des anciens Pontifes Pompiliens &
Capitolins que des modernes Vaticans. Et de nôtre temps je n'en veux autre preuve que le témoignage de Charles le Quint, en l'édit qu'il a fait contre Luther & sa doctrine, en l'an 1522. en la ville de Worms, lequel a été la source & le fondement de tous les autres édits qui, depuis ont été faits, tant par ledit Empereur que par son fils le Roi Philippe, contre ceux de la Religion.
Voilà
comme il dit avoir été informé, à savoir: Davantage: Il établit une manière de vivre, par laquelle il est loisible à chacun de faire tout ce qui lui plaît, à la façon des bêtes brutes, & des hommes qui sont sans loi, détestant & méprisant toutes lois tant temporelles que spirituelles, &c. C'est en vertu de ces informations que le Roi d'Espagne a fait une si cruelle & sanglante guerre contre les Provinces unies des pays bas, sans que personne n'ait voulu prendre connaissance s'il était ainsi à la vérité ou non, ayant condamné à une mort ignominieuse ceux qui, par humbles remontrances & supplications, tâchèrent de l'informer de la vérité, & fait mourir mêmes les principaux seigneurs du pays que l'on y envoya comme ambassadeurs ou députés du peuple & de la noblesse, voire de la gouvernante & du conseil d'état, pour lui remontrer (prouver) leur innocence. Ce n'est pas donc pas étonnant si dans ce temps-là, lors que presque tout le monde généralement avait ses yeux bandés du voile de l'ignorance, & le col pressé du joug de la superbe tyrannie des Papes, l'on forgeait ces faux blâmes & calomnies contre ceux qui tâchaient de s'opposer à une cruauté si barbare, & de ramener la vérité de l'Évangile dans la lumière, les chargeant de toutes les calomnies que l'on pouvait imaginer, jusqu'à les nommer tous sorciers, Vaudois, pour rendre leur nom détestable envers le pauvre peuple; comme si ces pauvres gens-là eussent été sorciers & enchanteurs. Et mêmes on osait bien maintenir que, comme monstres, ils avaient quatre rangées de dents, avec plusieurs autres semblables menteries. Cependant,
il est notoire que non seulement les plus saints & plus graves
(sérieux)
historiens les déchargent de ces faux blâmes, en témoignant qu'ils
avaient en abomination toutes souillures & corporelles
&
spirituelles; mêmes le nom qu'on leur donnait communément les
justifie assez, en ce qu'on les nommait partout les
bons hommes, à
cause de la rondeur & la
sincérité par laquelle ils se comportaient envers chacun. Par là, on voit que la haine & la détestation, dans laquelle ils avaient les vices, était la cause de ce qu'on les persécutait si cruellement; tant s'en faut qu'ils aient été entachés de ces vilenies dont aucun des flatteurs du Pape veulent les charger dans leurs fausses histoires. Et de fait, s'ils eussent été infectés de sodomies, d'adultères, de paillardises ou d'autres semblables pollutions qui sont les plus belles fleurs qui ornent les tiares, mitres & chapeaux Catholiques Romains, les saints pères eussent bientôt ouvert les entrailles de leur miséricorde pour les recevoir au giron de leur douce mère, qui n'est que trop seconde de semblables enfants; & mêmes les inquisiteurs ne leur eussent jamais voulu faire la guerre pour des choses auxquelles ils sont ordinairement sujets eux-mêmes. |
Table des
matières Page précédente:
|
|