Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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HISTOIRE DES MARTYRS PERSÉCUTÉS ET MIS Á MORT

pour la vérité de l'Évangile



DISCOURS DES JUGEMENTS DE DIEU SUR QUELQUES PERSÉCUTEURS

DE L'ÉGLISE PRIMITIVE CHRÉTIENNE. (suite)



Témoins les deux inquisiteurs en France, du temps du grand Roi Français, Roched (1) & Richard, lesquels après avoir fait brûler une infinité de pauvres fidèles, furent finalement tous deux brûlés eux-mêmes en divers temps, bientôt l'un après l'autre, pour sodomie dans la ville de Toulouse, en l'an 1538.

Témoins aussi les Cordeliers de Bruges, lesquels ayant été publiquement exécutés par le feu, suite à des informations plus que suffisantes faites par le Magistrat Catholique Romain à leur charge, en l'an 1578. ont été mis au catalogue des Martyrs par leurs adhérents, si bien que l'on voit encore des tableaux en taille douce en la ville de Rome où leurs beaux martyres sont représentés au vif.

Croyez donc que ce n'est pas cela qui incitait les saints Pères à leur porter une haine tant irréconciliable: ils voyaient que ces gens-la tâchaient de renverser la marmite. Voilà pourquoi il y fallait employer le vert & le sec (faire tous ses efforts) pour les exterminer, voire même pour ruiner tous ceux qui les favorisaient, ainsi qu'il apparut en exemples de Raymond , Comte de Toulouse, & mêmes de Pierre, Roi d'Aragon, lesquels pour ne point vouloir avouer les intolérables cruautés & tyrannies que l'on exerçait contre ces pauvres créatures de Dieu, furent eux-mêmes cruellement persécutés & privés de leurs états, vies & pays, quoiqu'au reste ils fussent assez bons Catholiques Romains.

Voilà le sommaire de ce qui s'est recueilli de l'histoire, dont on veut inférer (conclure) que l'Église de Dieu n'a pas cessée de subsister parmi les épaisses ténèbres de l'ignorance & apostasie Romaine; puisque Dieu a de tout temps suscité & maintenu un grand nombre de ses fidèles serviteurs qui se sont constamment opposés aux impostures de l'hypocrisie papale, & exposés à la mort pour maintenir la vérité de la doctrine Évangélique. Sans compter plusieurs autres gens érudits & craignant Dieu, lesquels n'ont pas tous eu le courage de s'opposer ouvertement aux idolâtries & aux superstitions de leur temps, mais ils ne sont pas lassés pourtant de gémir dans leurs cœurs pour l'horreur & la détestation dans laquelle ils avaient les intolérables abus qu'ils voyaient régner au milieu de ceux qu'ils estimaient être les pasteurs du peuple, tellement que Dieu par leur bouche a rendu beaucoup de témoignages à sa vérité.

Entre lesquels on range même le bon saint Bernard, qui a vécu du temps l'on faisait la guerre à ces pauvres Albigeois; car bien que, comme Moine & Abbé de Clervaux, il fût emporté avec les autres à tenir ces pauvres gens pour hérétiques, puisqu'il reconnaissait le Pape pour chef de l'Église, si ce n'est que parmi ces épaisses ténèbres, il ne se lassa pas d'enseigner dans beaucoup de points la vérité de l'Évangile; si bien qu'il servit à son siècle comme d'une lampe pour éclairer plusieurs qui aspiraient à la pâture de la doctrine céleste.

Il ne flatta guère le Pape et son clergé, disant:
Qu'en lieu des Prélats ils étaient Pilates, & qu'en lieu de ministres de Christ, ils servaient à l'Antéchrist.
Et mêmes il écrivit de la prédestination & de la grâce de Jésus Christ contre les mérites des oeuvres & du franc arbitre, non autrement que (comme) s'il eût puisé sa doctrine de la source de Luther ou de Calvin. Qui plus est, en écrivant sur le sacrement de l'Eucharistie, il osa dire que c'est un signe qui en soi-même n'est rien, mais qu'il représente le corps de Christ, tout ainsi qu'une bague qui se donne, non pas au regard de la valeur de la bague en soi-même, mais seulement pour gage & témoignage de quelque investiture ou autre chose que l'on veut signifier.

On y range pareillement Jean de Sarisburi (2), Anglais, qui vécut environ l'an 1157. & écrivit un livre nommé Obiurgatorium Clericorum, & un autre nommé Polycraticus, par lesquels il étrille tout le clergé, les appelant Scribes, Pharisiens, faux Docteurs, & disant que le Pape est du tout intolérable.

Il est précédé d'Arnould, Évêque de Breste, qui, environ l'an 1127. avait galé (égratigné) les prêtres & leurs couronnes, disant que le glaive du Magistrat ne leur appartenait d'aucune façon; si bien que le Pape Adrien le chassa de Rome comme hérétique.

Et Pierre de Blois, qui, de ce même temps, découvrit aussi le pot aux roses, écrivant que Rome était la vraie Babylone, de laquelle S. Jean avait prophétisé, que les officiers de la cour Papale n'étaient que harpies (3) infernales, les prêtres veaux de Bethel, prêtres de Baal & idoles d'Égypte.

Ils y ajoutent aussi un Nicolas Gaulois de Narbonne, qui fut quelque temps moine de l'ordre des Carmélites: parce qu'en fin ayant découvert les abominations de ces cloîtres, il publia à tout le monde leur feintetés (perfidies), écrivant dans un livre qu'il appelle la Sagette (4) de feu qu'ils étaient des enfants réprouvés, citoyens de Sodome, contempteurs (dénigreur, dépréciateur) du Testament, séducteurs & la queue du dragon mentionné en l'Apocalypse.

Laurent, docteur Anglais, à Paris, environ l'an 1275. & en l'an 1306. un Pierre Cassiodore, gentilhomme bien instruit, tâchèrent tous deux comme à l'envi de renverser la marmite.

Gérard Sagarelli, de Parme, Dulcin de Navarre, en l'an 1314.

Arnould de Villeneuve, en l'an 1315. crièrent haut & clair que Satan avait fait détourné le peuple de Christ & de la vérité; que la foi de ceux qui se nommaient Chrétiens n'était pas autre que celle des diables, & que les moines dans les cloîtres falsifiaient la doctrine de Christ, & menaient les pauvres Chrétiens en enfer; que les Théologiens avaient mêlé les songes des Philosophes avec la sainte Écriture; que les messes ne profitaient ni aux vivants ni aux morts, & que l'Antéchrist était à la porte.

Cet Arnould de Villeneuve donna par écrit au Roi Jaques d'Arragon, & à son frère Frédéric , roi de Sicile, les apostasies & les exécrables abominations du siège Papal & de tout le clergé, démontrant qu'ils falsifiaient les Écritures & qu'ils les détournaient à (pour assouvir) leurs passions, exhortant lesdits Rois à ce que sans avoir égard à l'état de l'Église d'alors, par lequel ils avaient été tellement scandalisés, qu'ils doutaient mêmes de la vérité de la Religion Chrétienne, ils s'adonnassent à lire soigneusement les Écritures, & à servir Dieu selon ses commandements, & non pas selon les traditions des hommes.

À quoi ces Rois se résolurent fort constamment, ayant en abomination les abus du clergé de leur temps, & les tenant pour apostats de la vraie doctrine des Apôtres; ainsi qu'il apparaît dans les lettres écrites & les colloques tenus de part & d'autre. Tellement que Dieu faisait reluire la lumière de sa vérité, même dans les cœurs des Rois & des Princes de ce temps-là, malgré la corruption générale de l'Église.

On fait aussi état de Michel Cefenas (Cesenans?), qui vécut environ l'an 1320. Car dès qu'il fût général des Cordeliers, il montra ouvertement qu'il n'approuvait nullement les abominations qui avaient alors la vogue au monde, écrivant que le Pape était l'Antéchrist, & les Prélats de l'Église Romaine la vraie paillarde de Babylone, enivrée du sang des saints. Et qu'il y avait deux Églises, l'une des méchants, en laquelle présidait le Pape, & l'autre des serviteurs de Dieu qui souffrait la persécution. Or quoi qu'il fût déposé de son état, il ne se lassa pas pour cela de maintenir sa doctrine jusqu'à la fin.

Comme fit pareillement Petrus Johannis, Cordelier de ce même temps, enseignant que le Pape était l'Antéchrist, & la synagogue Romaine la grande Babylone; Et François Pétrarque, excellent poète Italien, ayant vécu sous l'Empereur Charles 4. environ l'an 1360. écrit ouvertement que Rome est le nid des trahisons, l'avare Babylone, qui a Vénus & Bacchus pour ses dieux, l'école d'erreurs, fontaine de douleurs & Temple d'hérésie. Bref, il apparaît évidemment que même entre ceux qui ont été sujets au Pape, il y en a toujours eu qui ont connu & détesté sa tyrannie, & prié Dieu dans leurs cœurs qu'il les en voulût délivrer.

Car bien qu'étant emportés par les vagues des superstitions & des idolâtries Romaines qui avaient comme inondé l'univers, ils ne se sont manifestement pas séparés de la communion de l'Antéchrist pour se ranger à la vraie Église, qui était de leur temps encore comme cachée au désert.

Il ne faut-il pas douter que Dieu ait touché le cœur de plusieurs d'entre eux par son S. Esprit, & qu'il leur ait ouvert les yeux devant afin de les retirer de ce monde pour les faire espérer (connaître) parfaitement leur salut, par la seule vertu du sacrifice de l'Agneau, & renoncer à toutes les idolâtries & les superstitions de leur temps, qu'ils avaient déjà reconnues & aucunement détestées de leur vivant.

Sans une multitude innombrable de ceux qui ayant été plus abondamment éclairés de la lumière des deux lampes, & arrosés de la sainte liqueur des deux olives, desquelles nous avons ci-dessus fait ample mention, se sont courageusement & avec une invincible force & vertu de l'Esprit de Dieu opposés aux abominations & sacrilèges de leur siècle, quoi qu'ils aient été injustement condamnés & persécutés pour hérétiques.

Si comme environ l'an 1340. Me Conrad Hager en Allemagne qui, dans l'espace de vingt-quatre ans, enseigna ses paroissiens que la Messe n'était pas le sacrifice pour les péchés, & ne profitait ni aux vivants ni aux morts: tellement (à tel point) qu'il retira une grande multitude d'hommes de l'obéissance des Papes & de l'Église Romaine.


Les exploits de guerre en France contre les Albigeois sont amplement décrits par nos historiens. En voici le sommaire.
Raymond , Comte de Toulouse, était le principal protecteur des Albigeois; mais il n'était pas seul. Les Comtes de Foix & de Comminges, Gaston de Foix & Roger de Comminges, hommes fort renommés en leur temps, étaient de la partie & Alphonse, Roi d'Arragon, s'était joint en même cause avec eux. Les pays de Languedoc, Dauphiné, Guyenne, Gascogne, Provence étaient pleins de ces gens-là.
Toulouse, Carcassonne, Albi, Castelnau d'Arri, Castres en Albigeois, Narbonne, Béziers, S. Gilles, Arles, Avignon sont bien expressément marquées dans l'histoire.

Le premier sujet de cette émeute fut causé par le mécontentement qu'avait le peuple contre les gens d'Église, indigné de leur mauvaise vie. Du mécontentement naquit le mépris & enfin la querelle, & d'elle la guerre ouverte.
Les Ecclésiastiques méprisés eurent recours au Pape Innocent III. qui y envoya le Cardinal de S. Marie ,
in porticu, & Nicolas , Évêque de Thusculo, avec des Prêcheurs, qui circuirent (entouraient) tout ce pays-la, mais avec nul avancement; parce que le Comte favorisait visiblement ce mépris, & était porté de même humeur que son peuple.

Sur le rapport de son Légat, le Pape Innocent décrète une sentence d'excommunication contre le Comte Raymond, & à cet être (5) y envoie Pierre de Châteauneuf, Légat, pour la lui intimer (pour lui faire connaître), mais il fut tué.

Innocent, extrêmement courroucé par ce meurtre, envoie de recharge Gallon, son Légat, & par lui dénonce au Roi Philippe, surnommé Auguste, de s'armer contre le Comte Raymond & ses peuples, comme contre des hérétiques & des ennemis jurés de l'Église; par le même moyen il commande à Odun, Duc de Bourgogne, & à Guillaume, Comte de Nevers, de se joindre à cette guerre.

L'assemblée se tint à Paris, où une grande troupe de gens d'Église aborda (discuta de ce sujet), & là, il fut résolue (décidé de faire) une croisade comme contre les infidèles.

Les Archevêques de Toulouse, Rouen, Sens; les Évêques de Lisieux, de Bayeux, de Chartres, de Comminges, de Coserans, de Lodève, de Béziers, & plusieurs Abbés se croisent les premiers pour éteindre le feu avant qu'il passe outre (qu'il ne se répande plus loin).

Simon, Comte de Montfort, près de Paris, brave & vaillant chevalier, issu d'un bâtard de Robert, Roi de France, est élu chef de cette levée pour laquelle tous contribuent en donnant une grande somme de deniers.

Ce fut l'an 1210. que l’armée entre dans le Languedoc où le nom du Roi était respecté comme celui du Souverain; mais les villes ne voulaient ouvrir leurs portes à leurs ennemis armés qu'ils disaient abuser du nom du Roi. Ainsi au refus d'une volontaire ouverture, Simon menace de les assiéger.

Béziers fut la première attaquée, mais avec un si effroyable succès, qu'ayant été emportée de force, le sang y regorgea par la perte d'au moins 60000. personnes; elle fut ensuite pillée, saccagée, brûlée, désolée.
Tout le reste des villes effrayées se rendait d'ouye (se rendait simplement suite à ce qu'elles avaient entendue).

Carcassonne néanmoins voulut résister, mais enfin elle fut prise par composition (selon accord), que les habitants sortiraient tous nus, leurs natures découvertes.

Castelnau aussi voulut se roidir, mais à la fin elle se rendit, & Simon y fit brûler 50. hommes tous vifs, pour l'exemple.

Albi se rend sans force.

La Vaur (Lavaur), par la résolution de Gérarde, dame du lieu, voulut résister. Mais la ville fut prise par la force, & cette femme jetée dans un puits, puis, Amaulry, gentilhomme du pays, qui avait voulu tenir le siège contre Simon, fut pendu & étranglé.

Ainsi Castres, Rabastens, Gaillac, la Caussade, Puy-Laurens, S. Antonin , S. Marcel se rendirent.

Cahors suivit, mais Moissac se voulant opiniâtrer (résister), fut prise & saccagée.

Cette subite exécution étonna le Comte Raymond , qui s'étant excusé au Roi touchant la mort du Légat, & lui appartenant de si près comme étant son beau-frère, attendait toute autre chose que de voir une armée ennemie sur ses bras; & même la sentant lever & la voyant marcher, ne craignait rien de tel que ce qui fut exécuté contre ses peuples.
Il estimait seulement que c'était pour autoriser les prêches de S. Dominique, qui accompagnait l'armée avec fort grand nombre de gens d'Église. Étant donc éveillé par une si notable perte, il recherche tous ses moyens, & de ses amis, pour s'opposer au Comte Simon de Montfort, extrêmement craint & redouté partout, à l'occasion d'un tant (d'un si) victorieux succès.

Le Roi Alphonse d'Aragon, les Comtes de Foix & de Comminges (6) lui amenèrent un grand peuple, animé par ces exemples à leur conservation.

Raymond y employa le vert & le sec (fit tous ses efforts), si bien qu'on dit que son armée était composée de cent mille hommes. Les forces de Simon étaient beaucoup moindres, & néanmoins les voilà victorieuses de ce grand nombre de peuple ramassé, & à fort peu de perte.

La mort d'Alphonse fut ajoutée à la défaite, & ensuite la prise & le sac de Toulouse, où il fut tué 20000. hommes par les victorieux.

Les villes de Rouergue & d'Agenois, effrayées par ces grands châtiments, prennent le mords de la main de Simon. & lui rendirent obéissance. Cela advint l'an 1213. Le lieu de la bataille est diversement marqué, ou à Marcel ou à Mirebeau.

Après une si étrange ruine, le Comte Raymond se voyant dépouillé de son bien, se retira en Espagne, dans les États d'Alphonse, attendant la commodité (l'opportunité) de rebâtir ses affaires.
Cependant Simon de Montfort se promet la propriété de tous les biens de Raymond qu'il s'était acquis par son épée; mais d'autant (sachant) qu'il y avait apparence (de bonnes raisons) que le Roi souffrirait malaisément qu'une si belle province ôtée à son allié fût baillée (donnée) à un de ses sujets, Simon recourut au Pape, par l'autorité principalement duquel toute cette guerre avait été par lui administrée.

Innocent III. voyant aussi que Philippe qui avait bien eu le cœur de passer outre à la poursuite de Jean Roi d'Angleterre, malgré toutes ses interdictions, ne serait... par sa simple autorité, de remettre une pièce tant importante, assembler un grand & numéreux Concile, comme Oecuménique, pour faire ployer le Roi à sa volonté.

De fait, les Patriarches de Jérusalem & de Constantinople y furent en personne, & ceux d'Antioche & d'Alexandrie y envoyèrent leurs Ambassadeurs.
Il y avait 70. Archevêques, 400. Évêques, mille Abbés
ou Prieurs; les Empereurs d'Orient & d'Occident, les Rois de France, d'Angleterre, d'Espagne, de Jérusalem, de Chypre & d'autres Rois, Princes, tandis que de grands États y avaient envoyé leurs Ambassadeurs.

Par l'ordonnance d'une si notable assemblée, le Comte Raymond fut excommunié avec tous ses associés, & son bien adjugé à Simon de Montfort pour les services faits & à faire.
Philippe n'eut r
ien à répliquer contre cet arrêt, autorisé par un si grand consentement.
Il reçut Simon à foi & hommage du pays de Languedoc, duquel il prît paisible possession; mais elle ne fut longtemps entre ses mains. Il commence à gourmander
(Réprimander avec dureté) ses nouveaux sujets comme peuples subjugués (asservi); mais sans trop presser l'anguille de crainte de la perdre.

Ayant repris haleine, ils se décident de rappeler leur Comte Raymond qui était en Espagne; ses affaires n'étaient pas encore tant désespérées que celles des Comtes de Viuarez, d'Avignon & de Die, où les armes de Simon n'étaient pas parvenues, ne fussent encore à son commandement. Raymond revient à Toulouse, assez bien accompagné des Arragonois qui l'aimaient, outre ce qu'ils étaient animés (en colère) de la mort de leur Roi.

Revenu qu'il est, il fortifie la ville où Simon est tué d'un coup de pierre; si bien que son nouveau Comté, acquis par les titres susdits, ne lui dure guère. Il laisse néanmoins un fils nommé Guy, qui s'en porta pour Comte. Mais dès que Simon fut mort, l'exemple de Toulouse fit soulever la plus grande part des villes subjuguées (réduite à la soumission par la force): & Raymond fit tuer ce Guy, auquel son frère Amaulry succéda.

Philippe, qui aimait mieux cette belle province pour lui que pour les enfants de Simon de Montfort, était néanmoins bridé par l'autorité du Pape & du Concile. Il envoie donc son fils Louis en Languedoc pour l'assurer à son obéissance; mais à peine eut-il pris quelque château que la mort de son père le rappela, & ses affaires le retinrent quelque temps; si bien que le Comte Raymond & ses sujets de Languedoc eurent loisir de recueillir leurs esprits.

Et la semence de vérité, répandue ça & là en divers lieux de l'Europe, partie en Languedoc & en pays voisins, demeura couverte jusques en sa saison, & sous l'hiver des persécutions elle fut conservée dans maintes petites Églises des Vaudois & Albigeois.

Voyons quelques autres pièces de l'histoire de France touchant les Albigeois.
Comme le Pape voulait redresser la persécution à main armée contre eux, Louis IX. petit-fils de Philippe Auguste, Roi de France, ne voulut permettre qu'on leur fît guerre, disant qu'il fallait les persuader par la raison
& non point contraindre par la force. Dont il en fut ainsi environ l'an 1227. jusques à l'an 1328.
Alors beaucoup de familles des Albigeois furent conservées en Languedoc
& en plusieurs autres provinces où elles étaient.

Les guerres fomentées par les artifices des Papes en Orient pour conquêter (conquérir) la terre sainte, la querelle de Boniface 8. contre le Roi Philippe le Bel, les cruelles dissensions Guelfes & Gibellines en Italie, dont les Papes voulaient (comme il est arrivé) chasser les Empereurs, & dresser un puissant patrimoine ou domaine à S. Pierre, comme ils parlent, tout cela contribuèrent à donner du repos aux fidèles, surnommés depuis plus communément Vaudois; plusieurs familles desquels se retirèrent dans les vallées & les montagnes de Savoie, du Piémont, Viuarez, Diois & de Provence, où la principale semence se garda à Lormarin, Mérindol, Cabrières, comme il sera vu dans les histoires décrites ci-après selon l'ordre des temps.

Sous le règne de Philippe Auguste, environ l'an 210., 24. Albigeois furent exécutés à mort dedans Paris, à cause de la Religion.

L'année suivante on y en brûla 400. item 80. y eurent les têtes tranchées, & tous pour cette même cause.

Un nommé Beghard fut brûlé à Erford en Allemagne, l'an 1218. & un Diacre à Oxford en Angleterre, l'an 1222, sans remonter vers la fin du siècle précèdent, qui vit mettre à mort très grand nombre de Vaudois & Albigeois surnommés par mépris calomnieux Publicains, Cathares ou Puritains, Paterins, & rejetés par autres sobriquets de la populace ignorante.

Mais nous laissons passer un autre acte mémorable de la tyrannie de l'Antéchrist en ces mêmes temps, tel qu'il s'enfuit.
L'an mil trois cens dix se trouva un homme de métier en Angleterre, lequel endura le feu avec une persévérance merveilleuse.

Voici ce qu'il maintenait: Que le corps de Jésus Christ est pris sacramentalement en l'Église, non point charnellement.
Il fut impossible de détourner ce bon personnage de son opinion, ni par menaces, ni par flatteries: mais il prît résolution en lui de mourir plutôt que de se rétracter, & c'est ainsi qu'il fut livré par les Évêques au bras séculier.

Après la sentence prononcée contre lui, il fut mené sur une grande place hors de la ville, & quoi qu'on lui fît, il ne s'étonna point malgré que le tourment & le supplice de mort à quoi on l'avait condamné fût terrible & merveilleusement étrange (exceptionnellement dur). Car on devait le mettre dans un tonneau, pour y être brûlé à petit feu.

Le fils aîné du Roi Henri voulut assister à ce beau spectacle, & étant ému d'une compassion toute autre que celle des Évêques, il s'approcha du patient. l'exhorta d'avoir égard à sa vie & à se dédire de ses opinions. Sa compassion était charnelle tendante à un but pernicieux, cependant toutefois il voulait sauver le corps que ces suppôts de l'Antéchrist voulaient détruire. Mais le vaillant champion de Jésus Christ repoussa constamment les flatteries de ce Prince, autrement bénin, & il surmonta courageusement toutes les machinations des hommes, prêt à endurer toutes sortes de cruautés plutôt que de se laisser tomber dans une telle impiété & consentir à quelque blasphème contre sa conscience. Il fut donc mis dans le tonneau qui était préparé pour son martyre.

La flamme commençant à monter, ce bon personnage criait au milieu du feu d'une façon effrayante. Le Prince ému de ce cri tant horrible s'approcha encore du patient pour l'induire (le conduire) à avoir pitié de lui-même. Il commanda donc que le bois fût soudainement ôté & le feu éteint. Puis s'approchant de plus près commença à parler fort doucement à ce personnage, promettant de lui sauver la vie s'il voulait le croire, et qui plus est ajoutait ceci à sa promesse, qu'il lui serait donné tous les jours du revenu du Roi trois pièces d'argent pour s'entretenir le reste de sa vie.
Derechef ce vaillant Martyr du Seigneur refusa ces belles offres, démontrant ainsi que son cœur était plus ardent après les biens célestes qu'après les douceurs & les flatteries de ce monde.

Le Prince, voyant qu'il demeurait ferme dans son opinion, commanda qu'on le rejetât dedans le tonneau sans espoir de plus avoir grâce. Mais tout ainsi que les loyers (salaires) proposés ne l'avaient pas fait fléchir, ainsi on ne put le décourager par menaces & frayeurs.
Le combat était grand & difficile; mais la barbarie cruelle ne put le détourner de persévérer dans la confession de Christ.

L'an 1330. Eckhard, Jacopin Allemand, fut brûlé pour la confession de la vérité. Bref, il n'y pas eut d'homme qui s'opposât aux superstitions extraditions de l'Antéchrist, à qui grands & petits ne courussent après, comme ils ont encore plus furieusement continué après, comme le montre les récits des livres suivants.

OUTRE ces efforts de Satan contre l'Église du Seigneur par le glaive des percuteurs, il ne faut pas oublier l'autre glaive dans la main des hérétiques, lesquels donnèrent beaucoup plus de peine à l'Église que toutes les persécutions du dehors.

Toutefois, comme le salut des élus de Dieu est en si bonne main et qu'il ne peut être anéanti, le Diable a toujours été confondu aussi bien d'un côté que de l'autre, de telle sorte que le juste juge du monde voulant faire voie à ses secrets & adorables jugements, donna telle efficace d'erreur aux hérésies, que renaissantes les unes des autres, pour punition de l'ingratitude des hommes, elles produisirent finalement l'Antéchrist d'Orient & d'Occident. À savoir Mahomet & l'Évêque de Rome, qui par armes découvertes & cachées (c'est-à-dire, Mahomet par la violence manifeste et le Pape par l'hypocrisie & la trahison, puis aussi finalement à force toute évidente à l'aide de ses esclaves) ont fait plus de maux à l'Église de Jésus Christ que n'avaient fait tous les persécuteurs & les hérétiques précédents.

OR il n'y a pas d'article de la loi, ni de la foi, ni de la prière, ni des sacrements, que ces anciens hérétiques n'aient pollué & falsifié, les uns d'une sorte, les autres d'une autre. Surtout lorsque les fidèles regardaient sans cesse à Jésus Christ, Fils éternel du Père Éternel, vrai Dieu & vrai homme, dans une seule personne, un seul Sauveur, Prophète, Roi & Sacrificateur de l'Église. Cela a toujours été le but que Satan a visé de brouiller & d'abolir par ses instruments, s'adressant tantôt à la nature divine, tantôt à la nature humaine, puis à la personne, séparant ou confondant les natures, & finalement, surtout en ces derniers temps, à ses offices.

Mais comme ce puissant Roi fortifia les siens au milieu de tous les assauts & les tourments des persécuteurs des corps pour persévérer la confession de son saint Nom, aussi suscita-t-il, de temps en temps, dans son Église quelques bons personnages qui s'opposèrent de vive voix & par écrit, avec heureux succès, aux cavillations (procédés frauduleux), calomnies & blasphèmes des hérétiques: tellement qu'aussitôt que Satan avait mis aux champs quelque telle bande pour assaillir la Jérusalem céleste, le Seigneur lui envoyait peu après au-devant de lui quelques vaillants champions qui repoussaient les coups, au point que les élus de Dieu sont toujours demeurés à couvert, & les hérétiques confus, périssants très malheureusement pour la plupart, comme les histoires Ecclésiastiques en font foi.

LES principaux patriarches de ces hérétiques anciens ont été Simon le Magicien, Valentin, Cerdon, Artemon, Novatus & Arius.
Du premier & du second sont procédés un grand nombre de sectes étrangement vilaines & fantastiques.
Le troisième a engendré une infinité d'hypocrites & de blasphémateurs contre les principaux articles de la foi.
Le quatrième, de même, & a été comme la pépinière des Ariens.
De Novatus sont sortis les Justiciaires & ennemis de la grâce de Dieu.
Et du dernier, plus pestilent que les autres, un million d'autres hérétiques ennemis jurés du Fils de Dieu, lesquels ont eu pour arrière-garde & clôture de leurs bandes les deux Antéchrists susnommés.

Quant aux fidèles Docteurs de l'Église, qui se sont courageusement & heureusement opposés à ces malins esprits, les livres d'une partie de ces derniers sont en lumière que les vrais Chrétiens se servent encore aujourd'hui dans de nombreuses occasions contre les hérésies renaissantes.

Vrai est que ce que l'on dit qu'il ne se trouvera pas d'homme qui soit parfait, ce qui se peut aussi se rapporter en quelque sorte à ces saints personnages, qui, en travaillant à l'œuvre du Seigneur sur un fondement très précieux & très ferme, y ont parfois jeté du foin & d'autres matières de peu de durée, & mêlé un peu beaucoup de la misère de leurs temps avec des matières bien solides & par eux dextrement (avec dextérité) agencées.
Mais
ce que l'esprit de Dieu leur a donné de bonne adresse demeure encore & aura toujours son usage, le feu des saintes Écritures ayant réduit en cendres ce qui n'était durable.

Entre tous ceux qui ont grandement servi à l'Église Chrétienne dans leur temps, saint Augustin, Évêque Africain, mérite d'être ramentu (rappelé), pour les grandes grâces que le Seigneur lui départit, lesquelles ce personnage cultivé, modeste & craignant Dieu fit merveilleusement bien valoir.

Ce n'est pas pour exclure les autres qui se sont courageusement employés & dont les écrits font encore aujourd'hui preuve d'une érudition, piété & affection singulière; mais celui-là semble emporter le prix entre tous les instruments dont il a plu à Dieu de se servir jadis pour l'ornement & pour la défense de son Église.

Ce bon docteur, consolant les fidèles affligés à cause du sac de Rome fait par les Goths, propose des doctrines en 10. 11. & 20. chapitres de son premier livre de la cité de Dieu, que tous Chrétiens doivent souvent méditer, en jetant l'œil sur les désolations, les ruines & les tourments de leurs frères, afin de se fortifier dans le Seigneur contre les mêmes épreuves esquilles (échardes) qu'ils apercevaient chez les autres. Nous les avons ici insérés, afin que le lecteur les eût promptement devant (sous les yeux).

Voici donc ses paroles, en faisant mention de ce qui était advenu dans ce saccagement de Rome où les Chrétiens n'avaient été nullement épargnés dans leurs biens ni dans leurs corps.
«LES Chrétiens (dit-il) ont perdu tout ce qu'ils avaient. Ont-ils perdu la Foi, la crainte de Dieu, les biens de l'homme intérieur qui est riche au ciel?
Les richesses des Chrétiens sont celles dont l'Apôtre abondait, disant:
1. Tim. 6. 6.

«Piété avec contentement est un grand gain. Car nous n'avons rien apporté en ce monde & n'en emporterons rien aussi; mais ayant la nourriture & de quoi être vêtus nous serons contents de cela, d'autant que ceux qui veulent être riches tombent en tentation & en laqs (dans les pièges) du diable & dans plusieurs désirs fols (insensés) & nuisibles, qui plongent les hommes dans la ruine & la perdition. Car la racine de tous maux c'est la convoitise des richesses, lesquelles aucuns appetans (et quelques-uns, en étant possédés), se sont défuoyés (égarés) de la Foi & enserrés en plusieurs douleurs.»
Ainsi donc, les fidèles qui ont perdu les biens terriens
dans ce saccagement fait par les Goths, les possédaient, comme ce riche au dedans & pauvre au dehors les avait enseignés, c'est à dire usant de ce monde comme n'en usant point. (1. Cor. 7. 31)

Ils ont pu dire avec ce personnage si gravement éprouvé, & toutefois victorieux:
«Le Seigneur l'a donné, le Seigneur l'a ôté; il en est advenu comme il a plu à Dieu, le Nom du Seigneur soit béni.» (
Job 1. 21.)

Afin que ce bon serviteur eût de grands biens, il s'est assujetti à la volonté de son maître, pour être riche en son âme en la suivant, & de ne point se contrister (s'attrister) en laissant en ce monde les choses qu'il devait quitter, mourant tôt après. Or, ces gens «infirmes» qui étaient tant soit peu attachés aux biens terriens, encore qu'ils ne les préférassent point à Christ, ont néanmoins senti, en les perdant, quelle faute ils avaient faite en y mettant leur affection. Car ils ont reçu de la tristesse selon qu'ils s'étaient enfermés dans leurs douleurs, comme nous l'avons montré ci-dessus par les mots de l'Apôtre.

Il fallait aussi qu'ils apprennent par expérience, ce que la parole n'avait pu les persuader. Au reste, quand l'Apôtre dit:
«Ceux qui veulent devenir riches, tombent en tentation, &c.» (
1. Tim. 6. 17.) certainement, il reprend la convoitise des richesses, non pas la possession de ces dernières, vu qu'il est écrit dans un autre endroit:

«Dénonce à ceux qui sont riches en ce monde, qu'ils ne soient point hautains, qu'ils ne mettent point leur espérance dans l'incertitude des richesses, mais en Dieu vivant, qui nous baille (donne) toutes choses abondamment pour en user; qu'ils fassent du bien, soient riches en toutes bonnes oeuvres, qu'ils soient faciles à distribuer, communicatifs, se faisant trésor d'un bon fondement pour l'avenir, afin qu'ils obtiennent la vie éternelle.»

Ceux qui ont ainsi gouverné leurs biens ont beaucoup gagné en perdant peu & ont eu plus de contentement des richesses que ceux qui les ont conservées  en ne les donnant pas alaigrement (de bon coeur), que de tristesse pour des biens vite perdus pour avoir voulu les garder soigneusement.

Aussi ce qu'ils ne pouvaient emporter du monde était périssable & corruptible. Mais ceux qui ont cru le conseil du Seigneur, disant (Matt. 6. 19.):

«Ne vous amassez point de trésors sur la terre, où la teigne & la rouillure gâtent tout, & où les larrons (voleurs) percent & dérobent; mais amassez-vous des trésors au ciel, où la teigne & la rouillure ne gâtent rien & où les larrons (voleurs) ne percent ni ne dérobent, car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur;»

Ceux-ci ont connu au temps de l'affliction combien ils avaient sagement bien fait de ne mépriser ce docteur véritable, fidèle & invincible gardien de leur trésor. Et, s'ils se sont réjouis d'avoir caché leurs richesses dans un lieu dont l'ennemi ne pouvait approcher, combien plus certainement & assurément se sont-ils réjouis, étant eux-mêmes recueillis dans ce lieu, où l'on ne les pouvait nullement les attraper?
À ce propos, Paulin, Évêque de Nole, notre bon ami, étant fort riche des biens du monde, très pauvre de volonté & de très sainte vie, se trouvant entre les mains des Barbares, quand Nole fut saccagée, priait en son cœur en cette sorte, comme il le nous a déclaré depuis:
«Seigneur, ne permets point que je me tourmente pour perte aucune d'or ou d'argent; car tu sais où sont tous mes biens.»

Or, il les tenait dans ce lieu où Christ, qui avait prédit que ces maux devaient arriver au monde, l'avait admonesté (exhorté) à ne pas amasser de l'argent... Ceux qui ont bien écouté le Seigneur, les enseignant où & comment ils devaient thésauriser (épargner), n'ont point perdu les richesses terriennes quand les infidèles ont aussi ravagé partout.
Ceux qui, au contraire, se sont repentis de n'avoir point suivi ce conseil, ont appris, par l'expérience, ce qu'ils n'avaient pas sagement pourpensé (réfléchi) auparavant. Mais (dira quelqu'un) plusieurs bons Chrétiens ont été tourmentés pour déceler (révéler) leurs biens aux ennemis.
Je réponds qu'ils n'ont pu déceler (révéler) ni perdre le bien qui les faisait bons. S'ils ont mieux aimé être tourmentés de leurs ennemis que de déceler (révéler) les richesses iniques, ils n'étaient pas Chrétiens. Ils devaient être admonestés.

Si pour de l'or ou de l'argent, ils se mettaient dans de telles peines, combien plus doivent-ils souffrir volontiers pour Jésus Christ, en apprenant à aimer celui qui enrichit de vie éternelle les témoins de sa vérité; non pas l'or ou l'argent qui ne peuvent que rendre misérables ceux qui souffrent pour eux, soit qu'on les cache en mentant ou qu'on les décelé (révèle) en confessant la vérité. Car personne n'a jamais perdu Jésus Christ en le confessant, & nul n'a jamais sauvé son or ou argent qu'en niant qu'il en eût.
Il faut donc dire que les tourments apprenant
(qui nous apprennent) à aimer le bien incorruptible étaient plus utiles que ces biens terriens, qui sans aucun profit donnaient tant de peine à ceux qui y avaient mis leur affection, &c.

» La longue famine a dévoré beaucoup de Chrétiens; soit; mais aussi les vrais fidèles ont converti cela à leur usage par une sainte patience. Car la faim fait comme une maladie, sauvant le corps des misères de ce monde. Elle a appris aux survivants à vivre plus sobrement & jeûner plus longuement. Mais plusieurs Chrétiens ont été tués, & grand nombre ont été exterminés par des supplices vilains & cruels.

Si la mort est une chose étrange, tant il y a, qu'il faut que toutes créatures vivantes dans ce monde passent par là. Je sais bien que nul n'est mort qui ne dût mourir quelquefois. Que chaut-il (que m'importe-t-il) en fin de la vie, si elle a été longue ou brève?

Car ce qui n'est plus n'est pire, ni meilleur, ni plus grand. Quel intérêt y a-il de quelle sorte de mort on meure, puisqu'on ne peut contraindre le mort à mourir encore une fois? Et vu qu'une infinité de morts menacent chacun tous les jours, à cause des divers accidents de cette vie, autant de temps que l'incertitude des choses à venir dure, je demande lequel des deux est meilleur, ou souffrir une mort pour une fois en mourant, ou en craindre cent mille en vivant?

Je n'ignore point que plusieurs ne choisissent plutôt la vie accompagnée de la crainte de mille morts, que d'être délivrés de toute crainte de mort en mourant une fois. Mais c'est autre chose de ce que la chair étonnée & craintive abhorre, & de ce que la raison bien instruite & éclairée connaît & confesse être expédient (convenable, avantageuse). Il ne faut point estimer malheureuse la mort qui suit une vie Chrétienne. Car il n'y a rien qui face la mort malheureuse, que ce qui vient après la mort.


Ceux donc qui sont nécessairement obligés à mourir ne se doivent pas beaucoup soucier par quel accident ils mourront, mais où ils seront contraints d'aller après la mort.
Vu donc que les Chrétiens savent que la mort du pauvre fidèle entre les chiens léchant ses plaies, a été meilleure que toutes ces horribles sortes de perdition du riche malheureux vêtu de lin & d'écarlate, quel dommage peut apporter la mort à ceux qui ont bien vécu?
Mais les corps des fidèles n'ont pu être ensevelis lors de ces horribles massacres. La vraie foi ne craint pas tel accident, se souvenant des choses susdites, & que les bêtes charognières ne nuiront point aux corps qui doivent ressusciter, de la tête desquels ne périra pas un seul cheveu. Aussi la vérité ne dirait pas: «Ne craignez point ceux qui tuent le corps & ne peuvent tuer l'âme, (Matt. 10. 28.)» si ce que les ennemis ont voulu faire des corps massacrés nuisait d'une façon quelconque au bien de la vie avenir.

Si d'aventure quelque étourdi veut maintenir qu'avant la mort il ne faut point craindre les meurtriers qui tuent le corps, mais qu'après la mort il faut craindre qu'ils n'empêchent d'ensevelir le corps qu'ils ont tué, il s'oppose à Christ quand il dit que ceux qui tuent le corps ne peuvent faire davantage puisque ce serait faux, s'ils ont tant de pouvoir sur les corps morts.

Là n'advienne (arrive) que ce que dit la vérité soit mensonge. Car il est dit que si les massacreurs font quelque chose en massacrant, parce que le corps sent les coups mortels, après la mort ils ne sauraient faire du mal au corps, qui n'a plus de sentiment. Si donc plusieurs corps des Chrétiens sont demeurés nus sur terre, nul n'a pu les séparer du ciel ni de la terre, laquelle est toute remplie de la présence de celui qui sait bien d'où doit ressusciter ce qu'il a créé.

Il est dit au Ps. 79, 2. 3.: «Ils ont donné les corps morts de tes serviteurs pour viande aux oiseaux du ciel, & la chair de tes débonnaires aux bêtes de la terre. Ils ont répandu leur sang comme de l'eau à l'entour de Jérusalem, & il n'y avait personne qui les ensevelit.»

Mais cela est dit pour amplifier la cruauté des massacreurs, non pas pour faire penser que ceux qui ont souffert telles indignités soient malheureux. Car bien qu'en apparence cela semble dur & effroyable, il n'empêche que la mort des fidèles est précieuse (Ps. 116. 15) devant la face du Seigneur. Pour cette raison, tout cet appareil d'enterrement, le tombeau, la pompe des funérailles, servent plus de réjouissance aux vivants, que de soulagement aux morts.

Si la précieuse sépulture sert à quelque chose au méchant, il s'ensuit que le pauvre est malheureux s'il est pauvrement enterré, ou s'il ne l'est point du tout. Ce riche vêtu d'écarlate (Luc. 16. 19.) a été pompeusement enseveli par une troupe de ses serviteurs, en la présence des hommes; mais ce pauvre, tout couvert de plaies, a été beaucoup plus magnifiquement enseveli par les Anges en la présence du Seigneur, étant porté, non point en un tombeau de marbre, mais au sein d'Abraham, &c.

» Mais plusieurs disent que les Chrétiens ont été emmenés captifs. Pour vrai, c'est un accident pitoyable s'ils ont été menés quelque part où ils n'aient pu trouver leur Dieu. Il y a dans l'Écriture sainte de grandes consolations contre un tel inconvénient. Les trois jeunes hommes ont été en captivité, Daniel & d'autres Prophètes semblablement (Dan. 2.); mais le Dieu consolateur n'a pas été loin d'eux.

Ainsi donc celui-là n'a pas abandonné les siens sous la domination d'un peuple barbare & toutefois humain, de même qu'il a été près de son serviteur Jonas dans le ventre du poisson. Nos adversaires aiment mieux se moquer de tels miracles que les croire, & toutefois ils tiennent pour vrai ce que leurs livres racontent du renommé harpeur (harponneur) Arion, qui étant jeté dans la mer, fut porté sur le dos d'un Dauphin, & arriva finalement à bon port.
Ce que nous lisons de Jonas le Prophète est plus difficile à croire, voire d'autant qu'il est plus admirable; & plus admirable, parce que la puissance de Dieu y reluit magnifiquement.

Ainsi donc toute la famille du vrai & souverain Dieu a une consolation assurée, qui n'est point fondée sur l'espérance des choses corruptibles; elle a aussi une vie temporelle accompagnée de plaisir, puisqu'elle y apprendra à méditer la vie éternelle.
Elle use des biens de ce monde comme étrangère, sans en être enveloppée (prisonnière, esclave); l'adversité lui sert d'épreuve & de correction.

Au reste, ceux qui s'élèvent contre elle quand elle est tombée en quelque affliction, lui demandent: Où est ton Dieu? (Ps. 42. 4.) alors, ils répondent eux-mêmes: Où sont leurs dieux, au temps de l'adversité, qui, pour l'éviter, les adorent?
L'Église répond: Mon Dieu est présent en tous lieux, il est tout partout, n'étant enfermé nulle part, qu'il ne puisse assister en particulier, & se retirer sans faire bruit. En me secouant par les afflictions, il examine ma foi, ou châtie mes péchés, & me garde un loyer
(salaire) éternel, pour les maux que j'ai endurés pour son nom dans la vie présente.
Mais vous, qui êtes-vous que vous soyez dignes qu'on parle de vos idoles? (
Ps. 96. 5.) osez-vous bien parler de mon Dieu, qui est terrible sur tous les dieux: car tous les dieux des idolâtres sont des diables, mais l'Éternel a fait les cieux.»

Nous avons beaucoup d'autres consolations proposées dans les écrits des autres docteurs de l'Église, mais parce que ci-après le sommaire en sera proposé dans divers endroits, & que ce premier livre sert de préface aux suivants, notre intention principale ayant toujours été d'arrêter les fidèles dans ces recueils à la considération de l'état de l'Église de Dieu depuis le temps de Wiclef en ça (jusqu'à maintenant), il n'est pas besoin de nous étendre davantage sur ce point.

Ajoutons ici ce mot, quant à la doctrine de l'Église primitive Chrétienne, qu'elle a été fondée sur la parole de Dieu, & malgré les efforts de Satan par les persécuteurs, hérétiques apostats, & par l'Antéchrist, les fidèles ont toujours retenu ce fondement: Que Jésus Christ est le seul moyen par qui nous obtenons rémission des péchés, grâce devant Dieu, & vie éternelle en corps & en âme sur les cieux.

MAIS au reste ceux qui se sont ainsi furieusement attachés aux membres de Jésus Christ, ont senti dans la vie présente même son juste courroux, ce dont il nous faut traiter maintenant, & parler aussi sur tout de ce qui est advenu aux principaux persécuteurs de l'Église ancienne; car quant à ceux qui ont couru sus aux fidèles en ces derniers temps, ils sont marqués en divers endroits des livres suivants, & point n'est besoin de répéter une même chose.


Table des matières

1) Il s'appelait Rochette, comme le dernier pasteur martyr, exécuté à Toulouse, en 1762.

2) Salisbury.

3) Être mythologique à tête de femme et à corps de vautour.

4) La flèche.

5) Dans ce but.

6) Ancien pays de France, dans la Gascogne, entre les Pyrénées et l'Armagnac.

 

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