Mais
si le
ministère de la mort, gravé en lettres dans
des pierres, s'est produit en gloire, en sorte que les
fils
d'Israël ne pouvaient pas arrêter leurs regards
sur le visage de Moïse, à cause de la gloire de
son visage, destinée à périr, combien
plus le ministère de l'Esprit ne sera-t-il pas en
gloire ? S'il y a gloire, en effet, par le ministère
de la condamnation, combien plus surabonde en gloire le
ministère de la justice ! En effet, ce qui a
été glorifié, en ce point particulier (1)
n'a pas reçu de gloire
à cause de la gloire qui le dépasse. Si, en
effet, ce qui est soumis à la destruction traverse la
gloire, combien plus ce qui est permanent est-il en gloire
?
Ayant donc une telle espérance, nous usons d'une grande hardiesse et n'imitons pas Moïse qui mettait un voile sur son visage, afin que les fils d'Israël n'arrêtassent pas leurs regards sur la fin de ce qui se détruisait. Mais leurs pensées ont été endurcies. Car jusqu'à aujourd'hui le même voile demeure sur la lecture de l'Ancien Testament, sans être enlevé, parce que c'est en Christ qu'il est détruit; mais, jusqu'à aujourd'hui, lorsque Moïse est lu, un voile est étendu sur leur coeur. Mais lorsqu'il (Israël) se convertira au Seigneur, le voile sera complètement enlevé. Mais le Seigneur est l'Esprit. Mais où est l'Esprit [du Seigneur], là est liberté. Mais nous tous, contemplant dans un miroir, à visage découvert, la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette image même, de gloire en gloire, comme de par l'Esprit du Seigneur. (On
peut aussi
traduire: « Comme de par le Seigneur de l'Esprit
», et c'est au fond la traduction
réclamée par la grammaire.)
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S'il fallait encore une preuve convaincante que saint Paul ne méprisait point l'Ancien Testament, la voilà donnée dans ces douze versets. Il écrivait que la lettre tue ; pourtant qui établira plus solidement que lui la valeur des révélations de Dieu dans l'ancienne Alliance? Il ne se contredit point lui-même, en s'exprimant de la sorte. Il sait que la lettre purement littérale, qu'elle soit d'Esaïe ou de -Matthieu, porte des fruits de mort. Mais il sait aussi, et il proclame bien haut, que l'Esprit, partout où il circule, fait entrer la vie ; or il le reconnaît, il l'entend, cet Esprit, agissant, progressant, d'un bout à l'autre de nos saints livres. En sorte que le ministère de la loi, avec toute sa grandeur, se voit admirablement dépassé par le ministère de là grâce.
Une pensée, un mot, domine ce fragment: c'est le mot, c'est la pensée de la gloire. L'apôtre ne craint pas, nous l'avons déjà signalé, d'accumuler en un court espace des termes identiques ou similaires. Vous vous en souvenez à propos de la consolation, dont il remplissait les débuts de sa lettre; plus loin, à l'occasion du deuil, de l'affliction dont son âme fut remplie pour un temps. Le voilà maintenant qui écrit douze fois en douze versets les expressions : gloire, glorieux, glorifier. C'est qu'il se propose, toujours dans sa description enthousiaste du ministère apostolique, de mettre en regard trois apparitions éclatantes : la gloire de Moïse, la gloire des apôtres, la gloire des chrétiens. Arrêtons-nous un moment devant chacun de ces tableaux.
1. Gloire de Moïse.
J'ai traduit aussi exactement que possible les versets sept à treize, très riches, mais fortement condensés pour nos habitudes modernes. Dans son style bouillant, Paul ne se préoccupe pas des règles de notre rhétorique. Pour deux ou trois passages, d'autres traductions sont possibles, mais sans beaucoup modifier le sens général. Au verset neuvième, par exemple, au lieu de lire : « S'il y a gloire pour le ministère de la condamnation », on peut, avec un texte légèrement différent, traduire : « Si, en effet, le ministère de la condamnation est gloire », expression peut-être encore plus énergique. Mais la pensée demeure la même.
Un souvenir auquel ni vous ni moi, n'aurions peut-être songé, s'est présenté tout-à-coup à l'esprit de notre apôtre. Il donne la clef de tout ce morceau.
Moïse, après avoir brisé les premières tables de la loi, quand il aperçut le veau d'or, remonta sur le Sinaï. Il y resta de nouveau quarante jours et quarante nuits. Lorsqu'il redescendit, cette longue communion avec l'Eternel avait imprimé sur son visage quelque chose de tellement glorieux, tellement supra-terrestre, qu'il rayonnait et resplendissait comme un soleil. Moïse ne savait pas, dit le texte, ce qui venait de se passer. Mais les Israélites s'en aperçurent tout de suite, et, pour pouvoir converser avec eux sans les aveugler, il dut couvrir son front d'un voile, l'enlevant seulement quand il s'entretenait avec Dieu.... (2) Ainsi le diacre Etienne, au moment où il commençait son apologie devant le sanhédrin, apparut à ses juges comme transfiguré; son visage leur sembla celui d'un ange (3).
Rien ne nous dit que cette manifestation extraordinaire se soit prolongée jusqu'à la mort de Moïse. Peut-être n'a-t-elle pas même duré très longtemps, et cela paraît résulter des paroles de notre texte. Ce qui demeure certain, ce que Paul relève très nettement, c'est que la gloire céleste enveloppa de ses reflets, non pas Moïse seulement, mais toute l'économie dont il fut le représentant le plus éminent, en d'autres termes, toute l'ancienne Alliance. Que nous prenions l'époque de la loi ou celle des prophètes, un mot les caractérise ; et, malgré beaucoup de misères, beaucoup de révoltes et beaucoup de châtiments, ce mot, c'est bien celui de gloire. Gloire de Moïse, avec qui Dieu s'entretenait, comme un ami avec son ami; gloire de Samuel qui rétablit au sein du peuple la parole de l'Eternel demeurée longtemps silencieuse; gloire de David, qui organisa dans Jérusalem, avant qu'il s'y trouvât un temple, le culte le plus spiritualiste et le plus vivant de l'antiquité; gloire d'Esaïe, qui contemple en vision le Seigneur assis sur son trône, et en esprit le serviteur de Jahveh conduit « comme un agneau, comme une brebis muette devant celui qui la tond. » Gloire admirable! Gloire divine à travers plus de dix siècles!
Tout éclat cependant, si radieux qu'il fût, n'était et ne devait être que passager. En outre, il n'a pu se produire complètement; il a dû être, il a été voilé. Comme le voile dont Moïse couvrit sa face atténua les rayons éblouissants qui en jaillissaient, de même, un autre voile, infiniment plus épais, couvrit les coeurs des Israélites. Voile d'ignorance chez les uns, d'endurcissement chez la plupart, chez tous d'un tissu assez serré pour les empêcher de voir, non pas seulement la gloire de Moïse, mais aussi celle de l'Alliance dont il était le ministre. Ils ne comprenaient pas ; plusieurs ne voulaient pas comprendre.
Mais Moïse, en personne, a-t-il tout compris?
Le pouvait-il? Expliquer la loi, certainement; il l'a fait maintes fois. La saisir dans la profondeur de son sens prophétique, y voir le pédagogue qui devait conduire à Christ, le témoin qui confond le coupable mais pour l'amener au tribunal de la miséricorde, en vérité, le pouvait-il ? Ne lui manquait-il pas pour cela, malgré les clartés de son visage, cette illumination intérieure que produit seule l'Evangile ? Paul n'écrit donc point un paradoxe quand il lance cette affirmation, contraire à toutes les déductions de la logique : « Ce qui est couvert de gloire n'est point glorifié. » Qu'ils sont glorieux, n'est-ce pas, les astres qui éclairent nos nuits! Mais que devient leur gloire, quand le soleil apparaît dans sa force ? Alors la lune même éteint ses feux et ne s'aperçoit que comme un nuage. Ainsi, lorsqu'est venu sur notre terre celui qui osait dire : « je suis la lumière du monde (4) », les astres même les plus grands, qui brillaient avant lui, ont perdu beaucoup de leur éclat. Partout où l'Evangile est annoncé, ce n'est plus Moïse qui règne en législateur, c'est Jésus-Christ. La loi du Sinaï ne retrouve ses splendeurs, tout ensemble grandioses et terribles, que dans la mesure où l'homme repousse la grâce ou bien la méconnaît.
L'apôtre nous l'apprend dans un langage d'une admirable précision ; ce qui se détruit, - ce qui est destiné à la destruction, - passe par la gloire, la traverse, mais n'y reste pas. Ce qui subsiste, ce qui dure est en gloire, y vit et n'en sort plus. Or grâces en soient rendues à Dieu : ce qui demeure, ce n'est pas le ministère de la condamnation, c'est celui de la vie.
2. Gloire de l'apôtre.
Il était déjà singulièrement audacieux de comparer au ministère de Moïse celui des prédicateurs de l'Evangile. A combien plus forte raison de déclarer que le second surpasse en gloire le premier. Mais nous ne savons plus nous étonner de ces audaces. Paul en est coutumier, rien ne lui coûte quand il s'agit d'arracher des âmes au joug de la loi pour les amener à la liberté des enfants de Dieu.
La supériorité du ministère apostolique sur celui de Moïse ressort de trois considérations principales.
D'abord, il est un ministère de l'Esprit et non de la lettre. Ce point nous est devenu familier dans un chapitre précédent. Nous pouvons ne pas nous y arrêter à nouveau, et nous borner à conclure que le « service » des apôtres (pour employer le terme original) aboutit à la vie et non à la mort.
En second lieu, il est un « service » de justice celui de Moïse était un « service » de condamnation. Comment cela ? Il suffit pour s'en convaincre d'étudier la loi. Elle justifie ceux-là seulement qui l'accomplissent dans son entier, sans en laisser échapper la moindre prescription. Qui présentera jamais, au terme de sa vie, un accomplissement pareil ? Personne. Donc la loi condamne tout le monde. « Maudit est quiconque ne persévère pas dans tout ce qui est écrit pour le faire. » Que disent, en revanche, les apôtres ? Ils prêchent, ils enseignent, nous dirions presque : ils apportent la justice justifiante du Christ, justice qui ne vient point des oeuvres, mais de la foi, et qui transforme la vie pour la rendre capable d'obéir à Jésus. Qui dira que ce ministère ne surpasse pas le précédent, autant que les cimes de nos monts dominent les premières pentes de la vallée ?
Le ministère apostolique, enfin, dépouille tous les voiles ; Moïse devait, au contraire, en conserver un sur sa figure pour communiquer à son peuple le message de l'Eternel. Sur quoi, donnant à la scène contemplée jadis au pied du Sinaï une interprétation hardiment allégorique, exacte cependant, Paul transforme le voile de Moïse en une couverture qui s'étend sur l'intelligence de ses frères et les empêche de comprendre la Bible. Brouillard de l'esprit et de la conscience, nuage opaque enveloppant le coeur! Malgré les milliers de synagogues où Moïse est lu chaque jour de sabbat (5), les enfants d'Israël n'entendent pas sa parole; leurs yeux restent fermés devant les révélations les plus claires.
En sera-t-il toujours ainsi ? Non; aucune fatalité ne condamne Israël à l'ignorance indéfinie des voies de Dieu. Une seule condition à remplir, et ils verront, ils comprendront, ils sauront. Malheureusement cette condition leur coûte énormément; elle s'appelle la conversion. « Lorsque Israël se retournera vers le Seigneur, poursuit l'apôtre, alors le voile sera enlevé » (v. 16). Et qu'est-ce donc que se retourner vers le Seigneur, vers le Christ nommé au verset 14, sinon se convertir?
Singulière leçon jetée comme en passant sur la manière de lire et de comprendre l'Ancien Testament. Car vous n'avez pas supposé, je m'assure, que Paul écrive ces lignes uniquement pour ses compatriotes. On lit Moïse dans nos temples comme dans les synagogues; y est-il mieux compris? Les auditeurs et les lecteurs chrétiens ont-ils ou n'ont-ils plus sur leur coeur ce voile qui recouvre encore celui des juifs ? je ne m'occupe pas ici de l'Eglise romaine qui ne peut guère lire l'Ecriture que dans une langue étrangère; autant dire de la plupart de ses adhérents qu'ils ne la lisent pas. Non, je m'adresse à vous, protestants, qui vous glorifiez de posséder la Bible et de la connaître, et je vous demande : La comprenez-vous ?
Je ne sais pas. Au jugement de l'apôtre, le seul moyen de la bien comprendre c'est d'être converti. Voilà, probablement, à quoi l'exégèse n'a pas toujours pensé. Oh! acceptons avec gratitude toutes les découvertes sérieusement contrôlées que la science met à notre portée. Qu'elles nous viennent de l'Egypte, de Ninive, de Babylone ou d'ailleurs, nous nous empresserons de les accueillir, nous savons qu'un grand nombre de ces travaux contribuent à éclairer d'une vive lumière maintes pages de l'Ancien Testament. Ils ne peuvent pourtant pas remplacer la conversion.
On faisait l'autre jour encore un bruit considérable autour d'un législateur nommé Hammurabi qui, bien des siècles avant Moïse, aurait dit les mêmes choses que lui. Et pourquoi pas, je vous en prie? Prétendez-vous limiter l'Esprit de Dieu? Lui interdirez-vous d'instruire un seul autre sage que les auteurs de nos livres saints? D'ailleurs toutes les lois et tous les préceptes des plus anciens Assyriens empêcheront-ils que « la loi nous ait été donnée par Moïse (6) » et non par le vénérable Hammurabi ? Or, pour la comprendre cette loi, pour ne pas être maudit par elle, il nous faut la grâce et la vérité, l'une et l'autre venues par Jésus-Christ et reçues par la conversion. Le sens profond, le sens complet de l'Ecriture devra beaucoup à la science; mais il restera caché au savant le plus éminent, s'il n'a pas été converti. Ce n'est pas moi qui le dis; c'est l'apôtre Paul.
3. Gloire des chrétiens.
Il ne suffisait point à cet apôtre de parler de sa gloire, ou plutôt de celle de son ministère comparé au ministère de Moïse : une plus haute ambition l'anime, mêlée à plus de charité. Il veut faire connaître aux Corinthiens et à tous les fidèles la gloire qui resplendit en eux et autour d'eux, du fait même de leur foi.
Gloire, d'abord, dans la possession de la liberté. Affranchis de l'esclavage de la lettre, ils ont passé dans le domaine de l'Esprit. Or, partout où est l'Esprit du Seigneur, là aussi est la liberté. Peu d'enseignements sont plus chers à Paul. Son épître aux Galates, deux ans environ avant celle que nous étudions, revenait constamment sur cette leçon. L'épître aux Romains s'y arrêtera longuement. Les Corinthiens aussi, ces Grecs passionnés d'indépendance, mais la cherchant longtemps là où elle ne se trouve pas, en connaîtront la vraie source, l'unique dispensateur. Liberté partout où agit l'Esprit du Seigneur!
Gloire, ensuite, par une transformation graduelle et constante de la vie. « Nous tous, écrit l'apôtre, - et l'on ne saurait trop insister sur ce toits, qui embrasse la totalité des croyants, - à visage découvert, contemplant dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en son image, de gloire en gloire, comme de par l'Esprit du Seigneur. » Chaque mot mérite d'être retenu dans cette magnifique affirmation.
A visage découvert! Le voile de Moïse ne nous servirait plus à rien. Les autres voiles tombent les uns après les autres. L'ignorance disparaît petit à petit; l'indifférence aussi; le mauvais vouloir également. Nous voulons voir et être vus. Et les nuages que nous ne pouvons pas chasser par nos efforts, nous demandons à l'Esprit de les dissiper; il exauce notre prière; les ténèbres, le clair-obscur même disparaissent; les coeurs se dégagent de leurs entraves; les visages se découvrent.
Nous contemplons la gloire du Seigneur. Précisément cette majesté suprême que Moïse demandait un jour à voir et dont il put saluer le plus merveilleux rayon, celui de la bonté de Dieu (7). Oh ! comme nous le voyons à notre tour, et bien mieux que le législateur d'Israël, nous qui sommes entrés par la foi dans Gethsémané, et montés sur le Calvaire !
C'est dans un miroir, cependant, que nous percevons cette gloire. Nous n'en supporterions pas l'éclat si nous la rencontrions en face ; nos yeux mortels en seraient aveuglés. Il faut un miroir entre nous et ces feux étincelants. Et quel est-il ce miroir, préparé pour nous par la prévoyance paternelle de notre Dieu, afin que nous puissions voir sans mourir? C'est l'Evangile lui-même, c'est cette alliance nouvelle dont Paul et les apôtres ont été faits les ministres. A qui sait lire dans ce livre d'or, sous la direction du Saint-Esprit, la gloire de l'Eternel apparaît dans l'abaissement de Jésus.
Ce n'est pas tout de voir. Spectateurs de plus en plus captivés par les scènes sans Pareille qui se déroulent devant nous, voici que peu à peu, nous subissons, comme malgré nous, l'influence extraordinaire de ce spectacle. Pénétrés de part en part de cette lumière, nous devenons lumineux à notre tour. Irradiés par cette gloire, nous sommes métamorphosés, - c'est le mot exact du texte, - au point de la reproduire dans nos personnes. Nous ne sommes plus nous-mêmes, nous sommes l'image du Seigneur. Image imparfaite, tachée, troublée? Oh! je crois bien, mais écoutez : image chaque jour moins mauvaise et plus ressemblante, car nous sommes « transformés de gloire en gloire. » La gloire d'aujourd'hui dépasse déjà par quelques traits celle d'hier; que sera-ce de celle de demain? D'une gloire moindre à une gloire plus pure, et toujours ainsi, sans recul malgré les nuées qui essaieront maintes fois d'obscurcir cette image, jusqu'au jour où nous entrerons, serviteurs fidèles, « dans la gloire de notre Maître. »
Mes amis, je ne me charge pas d'expliquer. je ne saurais qu'affaiblir, et vraiment c'est trop beau pour que nous consentions a rien perdre de cette perspective. Vous êtes-vous élevés quelquefois sur les hauteurs de nos Alpes? Quelle gloire lorsque vous aviez dépassé les premiers plateaux, et que votre regard, se promenant curieux tout ensemble et reposé sur un vaste panorama, passait de l'humble chalet à la forêt profonde, du lac d'émeraude à la colossale paroi de rochers ! Mais il fallait monter encore. Quelle gloire, lorsque, franchissant les limites de la végétation, vous avez vu surgir de tous côtés les sommités couvertes de neige immaculée, dont les aiguilles les plus fines se détachaient sur l'azur du firmament! Et vous montiez toujours. Quelle gloire, enfin, quand, posant le pied sur la dernière cime, vous écoutiez le silence et vous admiriez l'immensité ! Etait-ce la nature qui s'était transformée de gloire en gloire ? Etait-ce vous-même, à chaque étape nouvelle? Vous n'auriez su le dire au premier instant. Et puis il vous a semblé, n'est-ce pas ? que la nature comme vous, et vous comme la nature, vous aviez passé par cette mystérieuse et solennelle transformation.... Image très incomplète, mais image pourtant de celle qui s'opère dans l'âme et dans la vie du croyant, quand il contemple à visage découvert la gloire de son Seigneur (8).
Il y a dans le monde, comment ne pas le rappeler ? une autre progression. Celle qui descend au lieu de celle qui s'élève : de honte en honte et non de gloire en gloire. Progression du péché qui amène, elle aussi, une transformation graduelle de tout l'individu. Les traits mêmes du visage prennent alors l'apparence du vice, et l'homme se rapproche de la bête au lieu de monter jusqu'à l'ange. Entre ces deux métamorphoses, il faut choisir. Hier, nous fêtions avec reconnaissance un glorieux anniversaire de notre Genève, une délivrance telle qu'il n'en fut accordé qu'à peu de républiques (9). Depuis le 12 décembre 1602, notre patrie s'est-elle transformée de gloire en gloire ? S'est-elle élevée, ou s'est-elle abaissée ? Dieu le sait. Mais pour qu'une cité prospère moralement, il ne suffit pas que ses remparts tombent et que de beaux édifices les remplacent. Il faut que tous ses citoyens se sentent appelés, pour parler avec juste Olivier, à ...
ou, pour reprendre le langage de Paul, il faut que nous soyons transformés de gloire en gloire, jusqu'à ressembler au Seigneur!
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