Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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C'EST UN REMPART 

ESQUISSES HISTORIQUES DU TEMPS DE LA RÉFORMATION


V

LES SOUFFRANCES DE CHRIST
Albert Durer. (1)
     
  • NOTES HISTORIQUES
  • NOTES PÉDAGOGIQUES

     


    Quand il eut avalé sa saucisse et son pot de bière, Dürer sortit de l'auberge de la « Petite cloche à la Saucisse Rôtie (2 et descendit vers la place du Marché. Il eut bientôt rencontré Pirkheimer, qui rapportait un exemplaire de Cicéron acheté à la foire.

    Pirkheimer dit.

    - OÙ vas-tu, Dürer?

    - Excellent Wilibald, mon ami, je vais tenir mon banc de foire pour que mon Agnès puisse aller manger.

    Pirkheimer, retournant sur ses pas, accompagna le peintre au marché, et tous deux, causant de doctes choses, arrivèrent devant l'église Notre-Dame. Comme midi sonnait et que la cavalcade des petits bonshommes de bois tournait à l'horloge de l'église, Dürer remarqua qu'il fallait la grande foire de mai pour lui donner l'occasion de voir les figurines sortir de leur cachette.

    - Eh ! bien, dit Pirkheimer, sois plus curieux encore

    et viens voir la fontaine de l'Homme aux oies, que Pankratz Labenwolf a fait dresser hier sur la place.

    Et quand ils eurent regardé la fontaine, le paysan de pierre qui porte sous chaque bras une oie dont le bec fait un goulot ; quand ils eurent admiré la rudesse du visage de l'homme et comment l'effort qu'il fait pour porter ses deux bêtes est rendu avec vérité, les deux amis se séparèrent et Dürer alla s'asseoir à son banc.

    Agnès compta la recette de cette première matinée de foire ; elle remit à son mari la grosse bourse de cuir ; puis elle s'en alla du pas mesuré d'une bourgeoise honnête, à travers les étalages des libraires, des armuriers et des potiers.

    Et Dürer contempla les flèches dentelées des églises et de la Belle-Fontaine, les pignons en escaliers des maisons, les toits pointus des tourelles, les fenêtres ogivales à petits carreaux, les sculptures accrochées partout, tout cet effort de l'art pour élever les âmes, pour éclairer la vie, pour enrichir la cite.

    Des auberges où l'on rôtit la saucisse renommée, où l'on trinque la bière blonde, sortaient maintenant les marchands de tous pays, discutant les marchés à conclure.

    Et les paysans éperonnés, armés de vieilles épées au fourreau usé, de coutelas passes à la ceinture, envahissaient la place, la remplissaient du bruit de leur rude langage.

    Et comme deux d'entre eux s'arrêtaient devant son étalage et regardaient avec attention les gravures qui se balançaient au vent, Dürer leur offrit l'image d'un cochon monstrueux. Et, parce que les paysans continuaient de promener leur regard surpris sur les gravures aux sujets variés, le peintre leur présenta le portrait de l'empereur

    Maximilien, et une paysanne qui porte des volailles et qui dispute avec un manant devant un panier d'oeufs. Et aussi l'enfant prodigue entouré de pourceaux, à genoux dans la cour d'une ferme.

    Alors le plus vieux villageois se tourna vers l'église et dit :

    - J'ai vu, par là, des gens qui m'ont dit que tu en vendais d'autres qui représentent la vie de Notre Seigneur.

    Et Dürer leur montra les douze planches de la Passion gravées sur cuivre.

    La première représente le Christ debout contre la colonne de son supplice. Son corps, dépouillé de vêtements, cède sous la douleur et le froid. Il tient la verge et le fouet de lanières garnies de pointes.; la corde qui l'attacha est enroulée à la colonne. Ses mains et ses pieds sont perces ; un jet de sang coule de son côté ; la couronne d'épines s'enfonce sur son front. Tous ses membres sont tordus par la souffrance et son beau visage implore la pitié. Deux fidèles adorent en joignant les mains. Au loin, sur le Calvaire, les croix sont dressées. C'est l'homme de douleur, comme on l'a souvent représenté.

    Immobiles, les deux paysans regardent longuement. Quand Dürer croit qu'ils ont vu chaque détail, il leur montre la seconde scène. Le Christ, à genoux, les bras levés, prie et supplie, tandis que les trois disciples reposent inertes auprès de lui.

    Jamais Dürer n'avait agité le Christ d'un tel frisson de désespoir; jamais il ne lui avait prêté un geste aussi pathétique.

    Le vieux paysan demande:

    - C'est toi qui a fait cela?

    Dürer montre l'arrestation de Jésus, où, parmi des bras qui se lèvent pour frapper, des piques et des hallebardes qui se dressent, des flammes que le vent agite, des corps qui roulent et des bouches qui hurlent, Jésus, calme, digne, muet, reçoit, les yeux baissés, le baiser de Juda. Il y a dans cette figure de Jésus, à demi-cachée par celle du traître, une majesté et une douceur surprenantes.

    Et quand le peintre a fait voir Jésus lié, soumis, sans défense, posant un long regard triste sur Caïphe, le vieux paysan dit :

    - Explique-nous, car le prêtre de mon village ne sait rien.

    Plus tard, il regarde tout autour de lui et il dit

    - Ah ! si Luther venait à Nüremberg!

    Dürer leur montre toutes les planches et leur explique tout : Jésus devant Pilate, tiré en tous sens par les soldats, mais le regard fermement arrêté sur son juge. Flagellé par deux brutes, courbant l'échine sous les coups et sous le regard dur des prêtres, et gardant une expression grave et douce. La même attitude et la même expression dans le couronnement d'épines. La même expression concentrée de quelqu'un qui souffre pour des maux de l'âme plus que pour ceux du corps. Et encore cette même attitude, cette même expression, ce même corps grand, nerveux et meurtri et la silhouette menaçante des trois croix qu'on apporte quand Pilate dit : « Voici l'homme ».

    Il montre Jésus qu'on entraîne pendant que le gouverneur se lave les mains du sang innocent. Et la belle figure douce et régulière de Jésus qui porte sa croix.

    Il fait voir le corps sans vie, le visage qui semble songer du Seigneur crucifié ; et la douleur calme de la mère et de saint Jean. Puis la scène de la descente de la croix, où Madeleine se lamente et se tord les bras ; où le corps de Jésus, pantelant et inerte, déjeté et endolori, est pose sur le sol dur ; où sa figure est convulsée et sa bouche ouverte et douloureuse.

    Le même corps lourd et raidi, tendrement porté par des amis, pieusement mis au tombeau. Le recueillement de cette poignée d'hommes et de femmes ; et le bourgeois de Nüremberg, en chapeau à poils, qui s'unit aux Juifs aux robes flottantes pour déposer le Christ au pied d'un rocher noir. Et les troncs noueux qui se cramponnent sur le roc.

    Dürer leur montre tout cela et leur explique tout.

    Enfin, il met sous leurs yeux le Christ aux limbes et le Christ ressuscité ; son corps souple et sa figure rajeunie ; ses vêtements soulevés par le souffle de l'Esprit ; sa tête auréolée de lumière éclatante.

    Longtemps les paysans regardent les gravures éparses sur la table. Puis le vieux lève son visage bouleversé vers le peintre et lui demande :

    - Tu n'en as pas d'autres?

    Dürer fait passer une seconde fois l'histoire tragique devant leurs yeux. Il dit :

    - Des ouvriers ont gravé ceci sur les bois d'après mes dessins. Souvent l'expression des visages est mauvaise, mais l'ensemble n'est pas altéré. A la première page, le Christ pleure, assis sur un tombeau, le visage caché derrière la main, accoudé sur ses genoux. Puis j'ai représenté le premier péché par lequel le mal est entré dans le monde, et la naissance du Sauveur. Le voici, doux et inexorable, qui dit adieu à sa mère et va commencer sa mission. Ici, Jésus chasse les vendeurs du temple ; il lève le bras droit pour frapper, et le gauche rend l'équilibre à son corps qui trébuche sur un marchand renversé.

    Ceci est le dernier souper ; Jésus révèle avec tristesse qu'un des disciples le trahira. Et, tandis que les onze se regardent avec méfiance et échangent des propos amers, Judas lève effrontément la tête et demande : « Est-ce moi? » Et, dans ce grand bassin, le Christ lave les pieds à Pierre au milieu des contestations des disciples.

    Sur la place du Marché, le tumulte augmente ; des milliers de gosiers profèrent le rude dialecte du pays. Les marchands hurlent et les coqs s'appellent ; les paysannes jacassent ; les oies claironnent ; les intérêts se croisent et les passions s'entrechoquent.

    Recueillis comme ils le seraient au pied de l'autel de saint Sebaldus ou derrière les vitraux imagés de l'église de Notre-Dame, Dürer et les deux villageois contemplent la vie du Christ. Ils remarquent les détails connus, que le peintre a fidèlement rendus, comme avaient fait ses devanciers ; qu'il a puisés à la source commune de la tradition et que chacun s'efforce de retracer de son mieux. Et Dürer souligne ingénument quelques inventions, quelques poses nouvelles : Jésus plié en avant, tiré par les cheveux devant Pilate. Ou le corps étendu sur le sol, la face contre terre, les bras allongés, suppliant son Père à Gethsémané.

    Et parce qu'au milieu de tant de détails pittoresques, la scène reste simple et compréhensible ; parce que tous ces visages, où se peignent la rage, la peur, l'étonnement douloureux, la lassitude et toutes les passions qui secouent la race humaine, contrastent toujours avec la souveraine dignité du Sauveur ; et parce que la douleur, la tendresse, la sincérité, l'humilité et la mort ne ravagent jamais la figure divine et n'altèrent jamais sa grandeur, les paysans qui regardent les trente-sept planches de la Petite Passion sont saisis d'une émotion profonde.

    Seulement une fois, quand Jésus succombe sous le poids de sa croix, quand sainte Véronique s'apprête à essuyer la sueur de son visage et qu'un soldat le frappe de son bâton, on voit sur la figure du Fils de Dieu une douleur hagarde, une douleur de bête qui se retourne en hurlant contre celui qui l'attaque. Mais Dürer explique que le graveur a exagéré cette expression ; qu'il a agrandi, par son dessin maladroit, l'orbite des yeux caves, et déformé la bouche sur la gauche.

    Et quand ils ont contemplé les horreurs du crucifiement, remarqué les coups de marteau qui enfoncent les clous dans les mains du Christ renversé ; assisté à la déposition, et montré du doigt les tenailles qui arrachent le clou maudit, ils reposent leurs coeurs agités près des arbres touffus où Madeleine prend Jésus pour le jardinier. A l'horizon, le soleil se lève ; ses rayons embrasent l'étendue du ciel, et Jésus est calme et souriant, comme un convalescent.

    Puis Dürer leur montre le Seigneur rompant le pain dans l'auberge d'Emmaüs. Le geste de ses mains, la ligne de ses épaules, les boucles flottantes de ses cheveux, ses lèvres légèrement ouvertes ; les traits de sa figure et le port de sa tête, sont empreints de tant de grâce, de tant d'amour meurtri et vainqueur qu'une larme roule sur le cuir tanne du vieux paysan.

    Et quand ils ont encore regardé Jésus qui se fait voir à Thomas, qui disparaît dans le ciel, qui revient dans la sainte colombe et qui juge les hommes au dernier jour, le vieux dit au peintre :

    - je veux te payer tout, de quelque prix que tu le fasses.

    Mais sans prendre garde a son offre, Dürer leur présente encore de grandes feuilles où il avait dépeint les scènes les plus tragiques des souffrances du Seigneur. Et pour la troisième fois, la Passion du Christ se déroule devant leurs yeux.

    Au milieu d'arbres aux branches tordues, de roches déchirées, de racines et d'herbages qui pendent, sur la terre nue, le Christ est agenouillé ; ses mains intercèdent, ses yeux supplient, ses traits douloureux implorent, et son corps voûté se soumet ; il accepte de boire jusqu'à la lie la coupe que lui présente un ange. Cependant que Pierre, Jacques et Jean dorment lourdement, affaissés en avant, en arrière, de côté, sur un rocher, sur un tertre, sur un tronc. Et toute cette nature pleure, et toute cette nuit lugubre s'écoule goutte à goutte, sans faire grâce d'une seconde.

    Plus terrible encore la flagellation. Le corps du Seigneur ne s'appartient plus. La bête humaine se l'approprie ; elle fait main basse sur lui. Par ses poings dont elle lui, assène des coups, par sa bouche qui vomit des injures, par ses regards qui se promènent insolemment sur son corps nu, par les instruments de son industrie dont elle se sert pour le bafouer, la bête humaine s'empare du Christ. Tous ses amis ont disparu. Pas un visage attentif qui épie dans l'ombre ; pas un regard de pitié qui s'offre dans un recoin, Jésus est à la merci de la foule qui le bat, qui le lie, qui le flagelle, qui crache contre lui, qui l'insulte, qui se moque de lui et qui le dévisage. Elle remplit ses yeux, son coeur, d'un tintement infernal. A pleines joues un gamin souffle dans une trompe. Seul un caniche se tait et détourne la tête.

    Mais la hideur des figures, des jambes décharnées, des cous goitreux, des ventres graisseux, à peine plus horribles que la face bouleversée du Christ, sa grimace de douleur et la dure anatomie de ses muscles et de ses os, ne font pas horreur au vieux paysan dont la figure est rude et l'existence austère.

    Pas plus que les Juifs aux masques de sorcières, le prêtre obèse, le griffon et le faune de pierre, le gamin crapuleux et la mine sordide de la femme de Pilate, dans la scène de l'Ecce Homo.

    Ailleurs Jésus porte sa croix, grossièrement équarrie. Son corps décemment vêtu s'affaisse. Son noble visage se tourne vers Véronique. Jean et les saintes femmes suivent en pleurant et en aimant. Le caniche aboie gaiement ; et dans le ciel serein tournent les hirondelles.

    D'une voix éraillée par l'émotion, d'une voix qui vient de loin, le vieux paysan remarque que Jésus tombe sur une plante de chardon.

    Mais devant le corps cloué au bois, la tête pendante, les reins déviés, les plaies saignantes, et la mère accablées, le vieux fronce les sourcils, avance ses lèvres minces et contracte tout son visage épais, pour ne pas pleurer.

    Plus loin le pauvre corps mort s'abandonne; une des Marie soulève une main ; Jean appuie à ses genoux les épaules du cadavre. Et la nature, comme à Gethsémané, s'agite, s'attriste, se penche et sympathise.

    L'heure s'écoule. Les acheteurs affluent sur la place. Les petites filles achètent des fichus de soie ; les paysans choisissent des tridents. L'argent roule et l'argent s'empile.

    Dürer montre ses gravures au vieillard et lui explique les choses. Il dit :

    - Les cinq que je te montre maintenant ont été faites après les autres ; j'avais voyagé en Italie, et j'avais appris la manière de peindre de ce pays-là. J'ai voulu donner à mes compositions plus de clarté majestueuse ; à la figure du Seigneur plus de beauté et de grandeur.

    Regarde le titre de cette Grande Passion ; le corps fermement modelé de Jésus, ces masses d'ombres et de lumières ; et surtout l'expression de la figure. Ce soldat présente à Jésus le roseau, symbole de sa royauté bafouée. Et Jésus, les mains jointes, le dos courbé, assis sur la pierre froide du tombeau, détourne la tête et te regarde avec douceur.

    Pour la première fois le fils du paysan parait ému ; il approuve en branlant le chef.

    Ensuite il se baisse un peu pour mieux voir le beau visage du Christ de la sainte cène, doux et souverain, tendrement penché sur saint Jean, tandis que le Maître fait entendre aux siens la sinistre révélation.

    Ils admirent encore en silence le mélange de douleur tragique et de confiance inaltérable sur la face du Christ que baise le traître. Et le contraste entre les corps des soldats lourdement chargés d'armures et de sommeil, écroulés sous la nuit épaisse, et le Seigneur glorieux qui s'élance dans la lumière, entouré d'amours ailes au matin de la résurrection. Son beau corps souple, et son visage ovale aux yeux en amande. Et encore l'opposition plus violente entre les monstres de l'enfer, vampires ailés, sangliers cornus, oiseaux chevelus, et les corps des saints délivrés et des petits enfants, et du Seigneur plein de force, de joie et de beauté.

    Et quand ils voient qu'il n'y a pas d'autres gravures représentant les souffrances du Christ, qu'il n'y a plus que des madones, ou des saints Jérôme, ou des chevaliers, ou des portraits de grands personnages, ou Adam et Eve, ils se taisent.

    Le vieux passe son poing sur ses yeux ; il regarde sans voir l'église gothique et ses statues de couleur, et les échoppes des autres marchands. Il voit le Christ, et ses souffrances, et sa mort, et sa gloire.

    Dürer ne dit rien non plus ; il ne pense pas à vendre ses gravures.

    Mais le vieux dit encore:

    - je veux te payer tout cela ; fais le prix que tu veux.

    Et pendant que son fils compte la valeur d'un florin rhénan et étale les pièces de cuivre sur le banc de foire, le vieux dit à Dürer :

    - Pourquoi ne viens-tu pas prêcher cette histoire chez nous, puisque tu la connais comme si tu avais vu le Seigneur. On m'a dit qu'il n'y avait qu'un homme en Allemagne qui fut éclairé du Saint-Esprit et prêchât par amour pour ses frères; c'est le moine de Wittenberg. Mais je vois que tu connais Jésus et que tu l'aimes comme lui.

    Et Dürer répond:

    - Frère, l'habileté que le Seigneur m'a donnée est dans mes doigts et point sur ma langue. Je fais mon métier pour plaire à Dieu, et Luther fait le sien. Des colporteurs répandent mes estampes ; des fidèles contemplent mes tableaux ; moi, je médite sur les souffrances de notre Seigneur Jésus-Christ et je les raconte comme je peux.

    .

    NOTES HISTORIQUES

    Albrecht Dürer, peintre et graveur, né en 1471, fut le grand artiste dont le burin continua, amplifia l'oeuvre de la parole des Réformateurs. On ne saurait dire s'il fut protestant, au sens étroit du mot, en faisant acte de rupture avec le catholicisme et acte d'adhésion à l'église évangélique, mais il est certain qu'il suivit avec une ardente sympathie les efforts de Luther et qu'il fut un émouvant interprète non seulement des angoisses, des passions et des espérances de son temps, mais de l'Evangile lui-même dans ce qu'il a de plus profond et de plus sacré.

    Il commença par travailler avec son père qui était orfèvre, puis se voua à la peinture qui l'entraîna, d'atelier en atelier, à Bâle, à Venise, ailleurs encore. De retour dans sa patrie, il s'établit à Nüremberg, en 1506, s'adonna particulièrement à la gravure, créa chef-d'oeuvre sur chef-d'oeuvre avec un zèle infatigable, jusqu'à l'heure de sa mort en 1528. Les premiers travaux furent à la gloire de la Vierge Marie, dont il a donné plusieurs images. Mais, après une suite de grandes planches sur l'Apocalypse qui parut en 1498, on peut dire qu'il consacra tout son talent et toute son activité à redire les souffrances du Christ.

    «C'est bien de propos délibéré qu'il a choisi et comme isolé pour son art, ces quelques pages du Livre, et qu'il s'est concentré sur elles. Mais alors, il les a lues et relues sans se lasser, avec un besoin insatiable d'en approfondir toujours le sens, d'y faire de nouvelles découvertes. A cinq reprises, sur bois, sur cuivre, sur fer, son poinçon a décrit, en des suites de planches distinctes, le martyre et la mort du héros de Golgotha ; il en méditait une sixième quand Dieu le reprit. Au cours de sa carrière, chaque fois qu'il eut le sentiment que sa vie intérieure s'était enrichie et que son génie avait atteint une maturité plus grande, avec ses moyens nouveaux, il revenait à ce qu'il considérait comme son sujet. Maintes fois il a avoué que, d'attirer les regards sur le Fils de l'Homme, c'était son devoir d'artiste chrétien, sa façon à lui de réformer, de montrer à ses semblables, en des temps apocalyptiques, où se trouvait la délivrance et le salut. Son insistance est émouvante.» (W. Cuendet dans les « Cahiers de Jeunesse », mars 1923. Il faut lire cet article qui pourra être, pour plusieurs, une vraie introduction, non seulement à la compréhension de Dürer mais à l'art religieux en général.) On trouve facilement des reproductions des chefs-d'oeuvre de Dürer à des prix très accessibles. Il existe aussi

    des séries de cartes postales utiles pour donner une idée des suites de la Passion. (Fr.-A. Ackermann's Kunstverlag, Munich-Universal-Galerie, Serie 212: A. Dürer, Passion, 16 Stiche). N'importe quelle librairie les fournira.

    J. V.

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    NOTES PÉDAGOGIQUES

    Ce récit n'aura d'intérêt pour les jeunes que s'il est accompagné d'images. (Les estampes de Dürer se trouvent en cartes postales). Nous conseillons de demander aux cadets de réunir, à l'avance, les reproductions artistiques qu'ils possèdent sur la vie du Christ. Les classer, les exposer, décrire et apprécier chacune.

    Après le récit, rechercher les arts qui concourent à l'édification. Visiter avec les cadets quelques peintures et sculptures qui se rapportent à la vie du Christ (églises, musées).



Table des matières

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UN HOMME DE PAIX Philippe Mélanchthon.
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UNE VIE BOURGEOISE Jean-Sébastien Bach.

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1 Voir ce que dit la préface sur l'origine de cette étude.

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2 Bratwurstglöcklein.

 

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