Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



C'EST UN REMPART 

ESQUISSES HISTORIQUES DU TEMPS DE LA RÉFORMATION


VIII

LE SANG DES MARTYRS QUI EST LA SEMENCE DE L'ÉGLISE
Ulrich Zwingli (II)
(1484-1531)

 

  • « EN MÉMOIRE DE MOI. »
  • AU PRESBYTÈRE DE ZURICH
  • LA MÉCHANCETÉ DES HOMMES
  • CEUX QUI TUENT LE CORPS
  • NOTES HISTORIQUES
  • INDICATIONS & BIBLIOGRAPHIQUES
  • NOTES PÉDAGOGIQUES

     

    BUT DU RÉCIT

    Montrer que, selon la parole de Zwingli « il n'est pas encore chrétien celui qui ne sait que parler de Dieu: celui-là est chrétien qui s'applique avec Dieu à faire de grandes choses. »

    .

    « EN MÉMOIRE DE MOI. »

    Nous sommes en 1519.

    Zurich la grande ville a vu arriver chez elle, en réponse à son appel, Ulrich Zwingli, l'ancien prêtre de Glaris, le moine d'Einsiedeln, et la voix de cet homme a bouleversé les consciences, remué les coeurs, provoqué un renouveau dans les esprits. A la suite de plusieurs disputes publiques, soit à Zurich, soit dans d'autres villes confédérées la vérité s'est fait jour : tout ce qu'on ne peut baser sur la Parole de Dieu est à rejeter. Mais avec la joie d'avoir découvert la vérité est venue aussi la douleur de constater qu'il y a des gens qui lui sont hostiles, et que ces gens sont des frères, des compatriotes. Une division s'est faite, inévitable, et le coeur de Zwingli qui a toujours aimé son pays souffre de cette scission qu'il a provoquée pour l'amour de la vérité évangélique.

    Bien des choses ont changé depuis qu'il est prédicateur à la cathédrale. Il a déclaré dans son premier sermon, le 1er janvier 1519, qu'il expliquerait les évangiles et les principaux livres bibliques, et il a ainsi fait apparaître devant ses auditeurs émerveillés la perle précieuse qui était enfouie depuis si longtemps sous les vains amas de la science et des traditions humaines.

    Maintenant on a supprimé les fêtes des saints, de la chandeleur, les processions du dimanche des Rameaux et de Pentecôte ; on ne monte plus au mois de mai sur le Zurichberg en ces cortèges où l'on étalait tant de luxe, même les pèlerinages à Einsiedeln diminuent. Quelques images ont été ôtées des églises et brûlées, bien que cela fût interdit. Le jeûne n'est plus observé, les cloches ne sont plus sonnées pour conjurer les orages et enterrer les morts; les orgues même, presque neuves sont démolies, l'extrême onction n'est plus distribuée aux mourants.

    Les gens dont la piété est attachée à ces faits extérieurs sont effrayés de ces innovations. L'un d'eux dit : « Le jeudi saint des hommes et des. femmes sont arrivés à l'église en toilettes mondaines, sans porter le col et le manteau dont on avait l'habitude jusqu'à ce jour, comme s'ils voulaient aller danser. A Vendredi saint l'image de Christ n'a plus été portée au tombeau, et la prière en faveur des lieux saints abandonnée. Le jour de l'Ascension et la Pentecôte n'ont pas provoqué plus de vénération qu'un dimanche ordinaire. Moines et nonnes se sont mariés entre eux et se sont habillés comme des laïques, portant même une épée. »

    Ces transformations se sont faites au cours de plusieurs années, rien n'a été précipité ; mais il reste encore la messe célébrée dans les deux églises principales de Zurich.

    Déjà des prêtres ont déclaré ne plus vouloir la dire pour motif de conscience et réclament le rétablissement de la sainte Cène, à la manière de saint Paul, avec distribution aux fidèles du pain et du vin. Zwingli estime qu'il faut être prudent et attendre encore.

    Le moment décisif arriva ; le 11 avril 1525, mardi de la semaine sainte, le réformateur accompagné du maître d'école Myconius et du pasteur Megander se rendit devant le Conseil des Deux-Cents et réclama l'abolition de la messe et l'institution du repas du Seigneur. Cette proposition fut adoptée à une petite majorité, et l'innovation se fit durant cette même semaine sainte.

    C'est le jeudi saint, 13 avril 1525. Les cloches de la cathédrale ont sonné et le vaste édifice est rempli de fidèles. Les uns sont venus en curieux, attirés par la nouveauté qu'on a annoncée; les autres sont des sceptiques qui raillent l'étrange réformateur, la plupart cependant ont répondu à l'appel des cloches avec sincérité. Dans leurs yeux on lit l'émotion et dans leur attitude recueillie on devine la foi qui les anime. Ils sont là, dans la demi-obscurité de la cathédrale, assis ou agenouillés, jeunes au pourpoint de couleur vive, au regard clair, vieilles au manteau noir qui baissent leur tête fatiguée, le coeur rempli d'un sentiment d'adoration. Tous savent que quelque chose de grave va se passer. Là-bas, entre le choeur et la nef, une table est dressée; ce n'est pas l'autel, c'est plus beau que l'autel, une simple table de bois que recouvre une nappe blanche, sur laquelle des coupes et des plateaux de bois ont été déposés. C'est comme une tache de lumière dans l'ombre.

    Zwingli est monté en chaire et sa prédication est une explication de la sainte Cène : le catholicisme en a fait une opération au cours de laquelle l'hostie (qui remplace le pain) est changée réellement en corps du Christ sacrifié perpétuellement a nouveau; il faut en faire ce que Jésus a voulu, un repas du souvenir, un «mémorial» reconnaissant de l'oeuvre de réconciliation accomplie une fois pour toutes par le sacrifice de la croix ; la communauté en renouvelant ce repas solennel affirme sa foi en son Sauveur et resserre les liens fraternels qui unissent ses membres. Après une courte prière il lit le récit de saint Paul. Et pour la première fois retentit dans la cathédrale, en allemand, dans la langue du peuple, le texte même de l'Ecriture sainte: «Ceci est mon corps qui est rompu pour vous ; faites ceci en mémoire de moi . » Moment solennel où le Seigneur ne peut être vu ni touché, mais où l'on éprouve très fort sa présence.

    Les coeurs des bourgeois de Zurich sont émus. Des fragments de la liturgie de la messe ont été conservés et sont encore prononcés en allemand par les ecclésiastiques qui officient, puis la communauté s'unit à l'Eglise universelle par la récitation du symbole des apôtres et de l'oraison dominicale. Alors les diacres portent d'un banc à l'autre le pain, puis le vin. On a écarté tout luxe, afin d'être plus près de ce que fut la réalité historique, c'est pourquoi les assiettes et les coupes sont de bois ordinaire, sans recherche, contraste étrange avec la richesse des ostensoirs employés habituellement. Pendant cet acte le pasteur lit les discours d'adieu de Jésus (Jean 13-17) ravivant ainsi les souvenirs de son dernier repas.

    Les fidèles ont été saisis par la grandeur qui éclate dans la simplicité de la Cène ainsi comprise. Ceux qui venaient pour se moquer sont vaincus, et bien peu nombreux furent ceux qui retournèrent à l'ancienne coutume romaine. La fête se termina par une prière d'actions de grâces tirée du Psaume 113 que les Juifs chantaient au repas pascal.

    Les portes de la cathédrale se sont rouvertes, les fidèles sont sortis en longues files silencieuses. On ne parle pas parce qu'on est rempli d'une joie intérieure, édifié, ému salutairement. Beaucoup ont éprouvé, ce jour-là, un grand bonheur d'avoir été reçus à la table sainte, d'avoir participé au repas du Seigneur qui avait dit : « Faites ceci en mémoire de moi. »

    .

    AU PRESBYTÈRE DE ZURICH.

    C'est le Seigneur qui nous donne la vie,
    Qui la soutient en nous donnant son pain.
    En Jésus-Christ sa grâce est infinie
    Et rien ne peut nous ravir de sa main. »

    Régula, la petite fille de Zwingli, a fait ainsi la prière après le repas du soir. Elle a aidé sa mère à serrer la vaisselle, en bonne petite ménagère, puis elle a regagné sa chambrette et s'est endormie reconnaissante. Les petits frères et la petite soeur dorment déjà. Gérald, le frère aîné, veille encore ; c'est un étudiant sérieux. Il veut achever la traduction latine qu'il a commencée.

    Mme Zwingli va et vient. L'ouvrage abonde dans la maison, et elle s'oublie elle-même pour mieux servir les autres et seconder son mari. Souvent il y a des hôtes à héberger; elle les reçoit avec joie et ils ont d'elle l'impression d'une fidèle servante du Christ. Autrefois elle était noble, riche, honorée. Mais Anna Meyer de Knonau, a renoncé à ses privilèges pour partager la vie de privations d'Ulrich Zwingli et les outrages qu'il reçoit. Les vêtements somptueux qu'elle portait autrefois, au temps de son premier mariage, elle les a enfermés dans un bahut et ne les a plus sortis. Les bijoux qui faisaient sa joie il y a quelques années ne l'orneront plus jamais. Elle a laisse les parures frivoles pour être la femme dont parle l'Ecriture :

    « Elle a plus de valeur que les perles. Le coeur de son mari a confiance en elle. Elle lui fait du bien tous les jours de sa vie, et jamais du mal. »

    Elle est vêtue comme une femme du peuple ; elle ne veut pas se faire remarquer par l'apparence extérieure. Mais quelle compagne dévouée pour son mari ; elle est la collaboratrice de chaque instant : secours à porter aux pauvres et aux malades, asile à offrir aux persécutés et aux étrangers, sans compter tous les soins du ménage et le souci que donnent les enfants. Ces temps-ci précisément, un jeune ministre qui veut s'instruire auprès du réformateur lui-même, partage leur logis et leurs repas. Anna Zwingli calcule comment elle fera demain s'il lui arrive encore, comme l'autre jour, un étranger. C'était un vieillard chassé pour sa foi, exténué, affamé. Elle l'avait restauré. Pourra-t-elle en faire autant demain ? Ses ressources sont minimes. Son mari a dit : « Mes revenus sont maigres ; ils pourraient à peine nourrir un avare ou un pauvre petit paysan. » Alors les paroles de la prière de Régula lui reviennent en mémoire

    « C'est le Seigneur qui nous donne la vie,
    Qui la soutient en nous donnant son pain ... »

    Elle reprend sa tâche avec courage, et elle regarde son mari d'un long regard affectueux.

    Ulrich Zwingli veille. Et pourtant il ne devrait pas.

    Depuis que la peste a décime Zurich sa santé a été ébranlée. Ce soir-là il écrit, mais des douleurs le surprennent, et dans la lettre qu'il adresse à son ami il dit : « je suis tellement surcharge d'ouvrage que j'ai de violents maux de tête, si bien que, si je ne voyais ma plume courir sur le papier, je saurais à peine ce que je fais. »

    Il s'arrête et il songe à ces temps affreux où la peste fit de si grands ravages. Pendant plus de six mois, depuis août 1519, elle avait sévi avec intensité. Deux mille cinq cents Zurichois environ avaient été emportés. Oh ! les tristes souvenirs : les râles des mourants, la contagion s'étendant, des familles entières anéanties, les frères bien-aimés qu'il avait fallu ensevelir! Et ce transport des cadavres le soir à la lueur des torches, dans la fosse commune... Et tandis qu'on faisait dire des messes, qu'on récitait des litanies, qu'on invoquait les saints, Zwingli, faisant fi de tout cela, avait fait entendre partout les avertissements de la Parole de Dieu et apporté ses consolations éternelles. Puis, se dépensant sans craindre la contagion, il était tombé à son tour, il avait été à deux doigts de la mort. De ce temps-là dataient ces souffrances qui le tenaillaient... De tout cela il se souvient. Il se rappelle aussi comment il avait crié à Dieu. Bien des fois depuis lors il a répété son «cantique de la peste »

    «Oui Seigneur tu peux me guérir
    Tu peux aussi m'anéantir
    Me sauver, me réduire à rien
    Je crie en vain,... »

    Serait-il découragé, peut-être, ce soir? Non. Le souvenir des bénédictions de Dieu ne s'est pas effacé, et les paroles d'actions de grâces du chant qu'il a composé lui reviennent aux lèvres :

    « Guéri, Seigneur ! et me voici
    Ressuscité, vivant, merci.
    A toi ma force et ma vigueur
    A toi mon coeur
    Qui veut ta gloire et ton honneur.
    Un jour il faudra bien partir,
    Peut-être encore beaucoup souffrir
    Mais que m'importe, ô mon Sauveur,
    Ton bras vainqueur
    Fera merveille en ma faveur.»

    .

    LA MÉCHANCETÉ DES HOMMES.

    L'ombre dans la nuit.

    Dans le presbytère tout est silencieux maintenant. Les chandelles sont éteintes depuis longtemps. La maison, se repose, et les hommes, fatigues des travaux du jour, dorment d'un lourd sommeil. Dans la rue cependant, sans bruit, une ombre passe. Elle s'arrête, elle frappe ; la maison résonne, mais rien ne bouge. Elle frappe plus fort encore, mais rien ne lui répond, les coups seuls font comme un trou dans le silence. Impatientée, elle redouble d'énergie en proférant des sons inintelligibles. Alors on entend du bruit à l'intérieur, des pas précipités, un « Qui va là?» étonné. Et avant qu'on ait pu y répondre, la porte s'ouvre ; c'est le jeune ministre qui loge chez Zwingli qui est accouru. Il tient une chandelle en sa main, petite lueur tremblotante dans la nuit, qui éclaire un peu l'ombre qui est devant la porte. Il distingue alors un homme enveloppé dans un manteau.

    - De grâce, appelle maître Zwingli ! Mon voisin est à l'agonie. Là-bas, près de la porte du tilleul, par la ruelle des forgerons, je le conduirai... Dans un instant ce sera fini. Il nous faut l'assistance du pasteur.

    - Il est minuit passé. Le vent va éteindre ma chandelle. Je vais venir.

    - Non point! Que m'importe que tu viennes ! C'est Ulrich Zwingli qu'il veut voir et entendre une dernière fois.

    La pluie commence à tomber, serrée, pénétrante, désolante dans le silence de la nuit.

    - Il ne faut point réveiller mon maître, reprend le jeune homme. Il est fatigué de son dur labeur, et ses souffrances l'ont repris aujourd'hui encore. Drogues et emplâtres ne suffisent s'il n'a le repos nécessaire. Mais... un instant, je viens moi-même. Que le Bon Berger accompagne ce mourant dans la vallée de l'ombre de la mort !

    -Eh quoi! reprend l'homme au manteau, il ne se lèvera donc pas? Le beau courage pour un ministre de l'Evangile! Un prêtre nous eût aussitôt apporté le Sacrement! Un lit moelleux est plus agréable que le froid et la nuit! Est-ce paresse ou lâcheté? Qu'il vienne, je l'attends, sinon l'homme aura déjà trépassé!

    -C'est bien, attends!

    La petite lumière rentre ; la porte se referme et les verrous grincent. Le jeune pasteur dans le corridor de la maison reste. songeur : cette heure insolite, ce regard méfiant, ces paroles dures, cette insistance à réclamer Zwingli, à ne vouloir que lui dans l'obscurité des rues étroites? Plusieurs fois déjà des avertissements ont été donnés au réformateur, on l'a mis en garde contre les dangers qu'il courait, on lui a conseillé la prudence. Non,

    Zwingli ne sera pas réveillé cette nuit ; le malfaiteur pourra attendre, dehors. Il attendit, en effet ; puis, n'entendant plus rien, craignant que le complot ne fût découvert, il se sauva à grands pas. Au matin, voici ce qu'on apprit : des ennemis du réformateur avaient formé un projet d'après lequel Zwingli devait être arrête de nuit, bâillonné et conduit sur un bateau qui l'aurait emmené dans le plus grand secret, vers un lieu inconnu. Cette nuit-là il avait failli tomber entre ces mains criminelles.

    Les hallebardiers.

    Un autre soir, c'est une autre scène. Les honnêtes gens sont rentrés chez eux depuis longtemps et ont clos portes et fenêtres. Dans la rue circulent quelques rares passants. Mais voici du bruit, des cris, du vacarme. QUI est-ce? Deux hommes titubent, la tête en feu, les yeux hors des orbites, la bouche menaçante. L'un a son casque de travers, l'autre un béret jaune dont la plume rouge se dresse comme une flamme. Que veulent ces vaillants guerriers? De leurs hallebardes ils semblent mettre en pièces quelque personnage invisible. Ils s'arrêtent devant la maison de Zwingli, lèvent la face vers les fenêtres et crient de leur voix éraillée d'ivrogne :

    - Holà ! sors donc, grand hérétique! Amène-toi ici, Ulrich rouge! Viens donc, voleur, trompeur de gens!

    Un passant apeuré presse le pas ; une porte se ferme bruyamment. Les hallebardes frappent le sol, ou de leurs tranchants égratignent le mur. Les paroles provocantes se répètent, avec l'insistance qu'y mettent les hommes ivres :

    - Hé! le brigand, homme de sang, montre-toi ! Et que la terre te vomisse, hérétique du diable !

    Personne ne répond à leurs injures ; personne non plus ne vient les arrêter. Pourtant le vacarme met en éveil tous les habitants des maisons voisines, mais la peur retient ces bons bourgeois. Ils ne descendent pas dans la rue, derrière leurs fenêtres grillées, ils se contentent d'observer prudemment les événements, curieux de voir comment tout cela finira. Les ivrognes ont déposé leurs armes ; ils tâchent d'ébranler la porte de la maison ; elle est solidement verrouillée. Autrefois elle était toujours ouverte, maintenant il y a trop de dangers. Les hommes ramassent les pierres de la route et les lancent une à une contre les fenêtres du presbytère. Des vitres volent en éclats, à la grande joie des misérables. Cela dure un moment... Ils ne cessent que quand les pierres, les paroles et la force leur manquent... Zwingli se montre pourtant à une fenêtre.

    - Ah! tu as peur, dit l'un d'eux. Je te croyais intrépide !

    - je n'aurais pas peur de toi si j'étais avec toi la nuit dans la forêt !

    - Alors, descends

    - Je viendrais si tu étais homme d'honneur.

    Le dialogue ne se poursuit pas. Déjà les hommes fuient et continuent en titubant leur course nocturne.

    Le bruit se répandit bientôt dans Zurich qu'un complot était ourdi contre le réformateur. Le bourgmestre fit fermer les portes de la ville et l'on se livra à la recherche des deux auteurs du scandale. L'un avait déjà réussi à s'échapper, quant à l'autre, des femmes qui étaient complices, le trahirent involontairement : il était caché dans un tonneau appartenant à un prêtre. On l'en tira et le conduisit en prison, à la grande joie des badauds.

    Un homme suspect.

    Une autre fois encore l'émoi fut provoqué par un étranger qui se promenait en ville. Il avait une mine d'aventurier, le port altier, le regard dur. Il ne portait pas de manteau et attirait l'attention des gens par la longue épée dont il était armé. On le voyait rôder d'un air sûr de lui, et souvent caresser la tête de cette épée terrible, en proférant des menaces. On eut vite des soupçons et l'on apprit qu'il venait probablement de Zoug et qu'il cherchait une occasion favorable pour tuer Zwingli. Il fut emprisonné, mais réussit à s'évader.

    Ces événements prouvèrent que la vie du réformateur était réellement en péril, et, chaque fois qu'il sortait le soir, une escorte de bons citoyens l'accompagna désormais. Le conseil de la ville fit même garder sa maison pendant la nuit, aux temps les plus dangereux.

    Et lui, Ulrich Zwingli, que pensait-il de tout cela? Voici : « Sans ma confiance en Dieu et en son secours, il y a longtemps que j'aurais lâché la barre, mais comme je vois que c'est lui qui assujettit les cordages, enfle les voiles et commande même aux vents, je ne mériterais pas d'être appelé un homme si j'abandonnais mon poste. La foi chrétienne a tout d'abord été affermie par le sang de Christ, et puis elle s'est accrue merveilleusement par le sang des confesseurs. Il faut de nouveau qu'elle soit purifiée au moyen de beaucoup de sang versé. Parler brillamment de la bravoure quand on est hors de danger est lâche et prête aux soupçons, mais être ferme et inébranlable en face du péril est la preuve d'un coeur vaillant. Ne pas avoir avoir peur, voilà mon bouclier. »

    .

    CEUX QUI TUENT LE CORPS.

    La surprise. - 9 octobre 1531, au soir.

    Le soleil couchant répand sur la ville de Zurich ses dernières lueurs.

    Les rues sont déjà noyées dans l'ombre, mais les toits des maisons brillent encore, et les clochers et les tourelles sont dorés par les rayons du crépuscule. Sur les pavés sonnent les pas des gens affairés et le trot paisible des chevaux qui rentrent. C'est l'heure où les boutiques vont se fermer. L'échoppe du cordonnier retentit encore d'un bruit régulier : l'apprenti est là-dedans, tandis que le maître de la maison est sorti pour humer l'air frais. Sur le seuil de la porte de la maison voisine le charcutier discute avec un passant. Gras et souriant sous son pourpoint rouge, la culotte bouffante, les guêtres serrées, il dit en faisant sonner le trousseau de clefs suspendu à sa ceinture et en regardant le ciel : « Nuages roses, beau temps demain ! »

    Des compagnons défilent, membres de diverses corporations, l'humeur joyeuse ; leur voix retentit sous les arcades. Des jeunes filles rentrent de promenade ; coiffe blanche, longues tresses flottantes, taille serrée, jupe à traîne, vives et colorées, elles rient parce qu'en passant devant la boutique de l'orfèvre à l'enseigne de l'ours, maître Fussli a dit : « Hé, Catherine! à quand l'anneau des fiançailles?» Et voici une porte cochère qui s'ouvre : c'est pour laisser entrer la voiture à deux chevaux richement harnachés de maître Rodolphe Thumisen, membre de la haute bourgeoisie, homme influent au Conseil.

    A l'auberge du Colimaçon, dans la grande salle basse et sombre, parce qu'on n'a pas encore allumé les lampes, des hommes sont attablés qui discutent. Ils parlent de politique à mots couverts, et de la hausse des céréales et du poisson. Mais voici que quelqu'un entre, l'air égaré, et crie :

    - Citoyens, la guerre

    On regarde cet insensé.

    - Vous ignorez donc tout? Les ennemis sont déjà sur notre territoire, et demain Zurich sera prise !

    Les hommes autour de la table écoutent et hochent la tête, incrédules.

    - La guerre est impossible, dit l'un. Qui oserait attaquer la ville? Comment une poignée de paysans pourraient-ils prétendre lutter contre les bourgeois de Zurich et leurs alliés de Berne? Racontars, fausse alerte !

    - D'ailleurs n'avons-nous pas tout fait pour l'éviter? Ces messieurs du Conseil n'ont-ils pas promis de s'abstenir de toute attaque contre les Waldstaetten?

    - Tranquillisez-vous, l'homme avait mauvaise vue. Il aura pris un troupeau pour une armée, ou bien il aura rêvé en plein jour, le drôle!

    - Monsieur Funk, qui est dans le secret des dieux, m'a dit aujourd'hui même, en sortant de la séance de l'Hôtel de Ville : « Nous sommes contents de nos affaires, Konrad! »

    Mais voici que l'agitation se répand dans la ville et que d'autres nouvelles arrivent d'un instant à l'autre, alarmantes : la guerre est vraiment déclarée. Les hommes des cinq cantons sont en marche et approchent de la frontière zurichoise. Leur armée est nombreuse et bien préparée, leurs chefs choisis, leur plan d'attaque réglé dans ses détails. Alors c'est la consternation à Zurich. On a vécu dans l'insouciance, et maintenant, en quelques heures, tout est à organiser pour la défense. Le Conseil est convoqué en toute hâte et siège une partie de la nuit.

    Le départ.

    Le lendemain, vers midi, une avant-garde composée de soldats recrutés au hasard quitte la ville. Mille deux cents hommes partent en désordre. La plus grande confusion règne en ville. Georges Göldli est à la tête de cette petite troupe. Il est du parti des réformés, mais son frère est dans le camp ennemi, et, soupçonné à juste titre d'avoir agi de connivence avec l'adversaire il sera accuse de haute trahison.

    Le 11 octobre seulement, mille cinq cents hommes de la ville et de la campagne sont groupés. Mais il manque des chevaux et des munitions. Le chef est Lavater, et auprès de la bannière se tient Ulrich Zwingli. Une vieille coutume voulait qu'un ecclésiastique accompagnât le drapeau ; on pensait que Zwingli était bien désigné pour cela. Lui partait le coeur triste, assailli de noirs pressentiments. Il avait en vain conseillé d'attendre du renfort avant de se mettre en route. Depuis plusieurs semaines il était assombri, et le désordre de ces jours n'était pas pour le réconforter. Une image ancienne nous le représente à cheval, enveloppé d'un manteau, la hallebarde sur l'épaule. Beaucoup de ministres évangéliques marchent à ses côtés.

    La troupe s'ébranle ; elle presse le pas sous la chaleur du milieu du jour, et tandis qu'à l'horizon disparaissent les dernières cuirasses et les dernières pointes de lances, dans la ville il reste des femmes en pleurs et des vieillards qui prient et attendent les événements.

    Le corps d'armée arrive au début de l'après-midi sur la hauteur de l'Albis. Les chefs portent leurs regards aussitôt vers la troupe qu'on distingue dans la plaine, près du village de Cappel. Tout de suite ils comprennent que la situation est désespérée. En effet Göldli, au lieu de se tenir sur la défensive et d'attendre les renforts, avait attaqué avec les faibles moyens dont il disposait. Or l'emplacement qu'il occupait était absolument défavorable en cas de défaite. C'était un plateau entouré d'une part d'un fossé, dans une terre marécageuse, et d'autre part de grandes forêts, ce qui rendait difficile toute tentative de fuite. Les ennemis avaient en outre réussi à occuper une position qui leur permettrait de tirer dans le flanc des Zurichois, et Göldli les avait laissés s'installer là tranquillement.

    Que faire? Les hommes de Lavater sont fatigués de leur marche hâtive, et leur intention est de reprendre des forces avant d'aller au combat. Zwingli donne son avis, catégorique : « Si nous attendons, nous arriverons trop tard. Il ne nous sied pas de rester ici et de laisser les nôtres souffrir là en bas. Je veux aller rejoindre nos frères, aider à les sauver, OU périr avec eux. » Ainsi la course se continue, on descend la montagne en courant et l'on rejoint la première troupe réformée. Zwingli et les autres ecclésiastiques se tiennent au premier rang, protégeant la bannière.

    La bataille.

    L'armée ennemie cependant s'est déployée et cerne les deux ailes de la troupe zurichoise. Le soleil va bientôt se coucher lorsqu'une série de détonations annonce que l'attaque décisive commence : au milieu des coups de feu, les injures et les imprécations retentissent :

    - Idolâtres, papistes, sans Dieu, esclaves

    - Voleurs d'églises, pillards, hérétiques » Le capitaine Lavater dit à ses hommes :

    «Braves gens, souvenez-vous de l'honneur de Dieu et de messeigneurs, et conduisez-vous comme d'honnêtes gens ! »

    On demande à Zwingli de parler au peuple ; il s'adresse ainsi à ceux qui sont autour de lui :

    « Braves gens, consolez-vous et ne craignez rien. Si nous devons souffrir, notre cause est bonne. Recommandez-vous à Dieu ; il peut prendre soin de nous et des nôtres. Que Dieu nous soit en aide! »

    Il n'a pas fini de parler que l'attaque ennemie redouble l'armée réformée, prise entre deux feux va succomber. Le désordre et la confusion empêchent toute résistance efficace ; les soldats sont serrés les uns contre les autres, si fort qu'ils ne peuvent se défendre. C'est la panique, la fuite sous les balles et les pierres ennemies. Zwingli est entraîné aussi ; les coups ne l'épargnent pas. Il est blessé à deux reprises à la cuisse par une lance, puis, frappé d'un coup violent sur la tête, le casque brisé, il s'effondre dans la mêlée. La débandade continue ; ceux qui ont pu se sauver se sont sauvés. Sur le champ de bataille il ne reste plus que des cadavres ou des mourants ; près de cinq cents reformés sont tombés.

    Le soir, des soldats qui pillent les morts aperçoivent un homme blessé encore en vie, les mains jointes pour la prière, le regard tourne vers le ciel ; il remue ses lèvres muettes. Ils lui demandent alors s'il désire un prêtre qui reçoive sa confession, mais il refuse d'un mouvement de tête. Là-dessus un de ces soldats, un capitaine d'Unterwald, l'achève d'un coup d'épée. Une vieille version raconte que les derniers mots du malheureux auraient été : « Ils peuvent tuer le corps, mais non pas l'âme ! »

    Peu après les catholiques reconnurent là le cadavre de Zwingli et ils furent dans la joie. Ils l'outragèrent grossièrement et le lendemain l'exposèrent aux regards de l'armée ; chacun voulait le voir et l'insulter. Un beau témoignage pourtant est à relever, dans cette triste journée, c'est celui d'un prêtre de Zoug qui avait été collègue de

    Zwingli à Zurich et qui dit : «Quelle qu'ait été ta croyance, je sais que tu as été un bon Confédéré. Que Dieu te pardonne tes péchés!» Par suite d'une décision du conseil de guerre, le cadavre fut écartelé et brûlé, les cendres jetées au vent.

    Ainsi finit tragiquement, à l'âge de quarante-sept ans, Ulrich Zwingli, le grand réformateur. Il avait écrit à un ami, peu avant sa mort : «En vain vous chercherez à me détourner de ma carrière en me rappelant la fin tragique de ceux qui m'y ont précédé ; vos prédictions ne sauraient m'effrayer. Je ne renierai point mon Sauveur devant les hommes, afin qu'il ne me renie point devant son Père céleste et devant ses anges. Lui aussi est mort pour la vérité, lui qui est la vérité même. Vous citerai-je les apôtres? Vous citerai-je cette foule de martyrs parmi les premiers chrétiens? Ils ont succombe sous les coups de leurs ennemis, mais ce qu'ils ont enseigné n'en restera pas moins éternellement vrai. Quel que puisse être mon sort, je sais que la vérité triomphera, alors que depuis longtemps mes ossements seront réduits en poussière.»

    On peut voir, aujourd'hui encore, dans un champ près de Cappel, le lieu où mourut Zwingli. Un bloc de granit s'élève en cet endroit, portant une inscription en allemand, une autre en latin, qui disent :

« Ils peuvent tuer le corps, mais non pas l'âme !»
Ainsi parla en cet endroit même
ULRICH ZWINGLI
mourant de la mort des héros pour la vérité et la liberté de l'Eglise chrétienne,
le 11 octobre 1531.
    .

    NOTES HISTORIQUES

    Jeunesse et études.

    Zwingli est né le 1er janvier 1484, à Wildhaus, dans le Toggenbourg, fils de parents modestes et travailleurs. Comme il est doué pour l'étude, on ne se contente pas de lui donner un enseignement élémentaire, mais de bonne heure on le confie à son oncle Bartholomé Zwingli, curé, doyen de Wesen. Celui-ci ayant remarqué la vive intelligence de l'enfant, le conduit en sa dixième année dans une école de Bâle où il se familiarise particulièrement avec le latin et la musique. Nous le trouvons ensuite à Berne, puis à l'Université de Vienne, puis de retour à Bâle où il devient maître de latin à l'école Saint-Martin. Il suit cependant les cours de Thomas Wittenbach qui dit: « La foi est la seule clef qui ouvre l'accès au pardon. »

    Alors qu'il aimerait encore poursuivre ses études, avant même qu'il ait reçu l'ordination, la paroisse de Glaris, peut-être par l'intermédiaire de son oncle, le choisit comme curé. Il s'y installe après avoir été consacré par l'évêque de Constance, ayant prononcé son premier sermon à Rapperswyl, et sa première messe dans l'église de son village natal. Nous sommes en 1596.

    Les deux premières paroisses.

    Le curé de Glaris ne néglige pas l'étude. Il lit le Nouveau Testament dans la langue originale, s'intéresse aux idées nouvelles des humanistes, se montre hardi dans sa prédication. Il encourage les jeunes gens à l'étude et à l'amour de la patrie. Il écrit deux poèmes allégoriques, flétrissant le service mercenaire. En 1512 et 1513, il participe lui-même aux guerres d'Italie en qualité d'aumônier ; il assiste aux victoires des Suisses à Pavie et Novare et revient écoeuré de voir que des milliers de ses compatriotes sont tombés sur le champ de bataille italien, répandant leur sang pour sauvegarder les intérêts de princes étrangers.

    L'étude approfondie du grec et du Nouveau Testament l'amènent à accorder à la Parole de Dieu la première place, à puiser l'enseignement de Jésus-Christ à la source même. Son opposition aux alliances étrangères lui attire l'inimitié du parti français de Glaris ; appelé en 1516 à Einsiedeln, il quitte sa première paroisse.

    Dans la ville des pèlerinages, il peut consacrer beaucoup de temps à ses chères études. Mais il est frappé par ce qui se passe autour de lui: moines paresseux et débauchés, peuple superstitieux. Ses prédications traitent avant tout ces sujets et opposent au faux salut par les oeuvres et les pratiques superstitieuses, le vrai salut de Dieu par la foi, Jésus-Christ étant le seul médiateur. La réputation de Zwingli se répand au loin et en 1518, après bien des pourparlers, il accepte le poste de prédicateur à la cathédrale de Zurich.

    La Réformation à Zurich.

    Lorsque Zwingli arrive à Zurich, son intention est de prêcher l'Evangile d'après l'Ecriture Sainte ; par conséquent il s'oppose à certaines idées de l'Eglise: la foi au mérite des oeuvres extérieures et à l'autorité du prêtre qui seul communique le salut par les sacrements. D'autre part, en bon patriote, il s'efforce de sauver son pays de l'emprise étrangère en lui persuadant de renoncer au service mercenaire et aux pensions, et par là-même il fera une oeuvre morale en ramenant le peuple à la simplicité et à la pureté des moeurs. « Voici un véritable prédicateur de la vérité chrétienne, dit un pieux Zurichois. C'est un Moïse qui délivrera le peuple de la servitude. » En 1519 survint la peste qui décima la ville de Zurich. Zwingli tombe dangereusement malade. En une touchante poésie il décrit la détresse par laquelle il a passé, mais aussi ses espérances chrétiennes. Il recouvre la santé, continue sa prédication sans être inquiété jusqu'au jour où éclate la lutte avec Rome à propos du jeûne que Zwingli a désigné comme une invention humaine. Il exprime son opinion en soixante-neuf articles publiés en opposition à l'évêque de Constance. Il adresse en outre à ce dernier une pétition signée de dix autres ecclésiastiques du canton de Zurich, réclamant la libre prédication de l'Evangile et l'abolition du célibat des prêtres.

    Le 29 janvier 1523 une dispute religieuse est organisée à Zurich et le réformateur soutient victorieusement soixante-sept thèses, se basant uniquement sur la Bible, tandis que Jean Faber son adversaire, vicaire général de l'évêque de Constance, demande qu'on se soumette à l'Eglise. A la suite de cette dispute, les deux conseils de la ville reconnaissent l'Ecriture Sainte comme seule autorité religieuse. Une deuxième discussion, le 26 octobre de la même année, convainc les Zurichois de l'erreur de l'Eglise en ce qui concerne la hiérarchie, le purgatoire, les images, la messe. Les conséquences pratiques ne tardent pas. Quelque temps après, les images sont brisées et la messe abolie. La Réforme se constitue définitivement à Zurich en 1524; les couvents sont supprimés et des écoles s'ouvrent. Zwingli fait célébrer publiquement son union avec Anna Reinhard, veuve de Meyer de Knonau, d'une famille noble zurichoise. Il deviendra père de quatre enfants et son foyer sera ouvert à tous. La vie de famille ne l'empêche pas de se livrer avec ardeur à l'étude.

    Les luttes.

    Il serait difficile de rapporter ici tous les assauts que le Réformateur eut à subir et avec quelle vaillance il les a repoussés. Les ennemis se trouvèrent non seulement dans l'Eglise de Rome, mais encore dans le mouvement des Anabaptistes, issu de la Réformation. Zwingli fut aussi profondément peiné dé constater que l'entente avec Luther - resté beaucoup plus conservateur que lui en particulier dans la notion de la sainte Cène - était impossible et que l'idée d'une grande alliance des Eglises réformées n'était qu'un rêve. Mais la lutte qu'il fallut soutenir sans cesse fut la lutte contre Rome et contre les petits cantons restés rebelles l'influence de la Réformation. La dispute de Baden en mai 1526, organisée par les catholiques, devait prouver qu'ils étaient dans la vérité. Zwingli refusa de s'y rendre, se souvenant de l'exemple de Jean Huss. Oecolampade fut le principal défenseur de la cause évangélique, tandis que le Dr Eck tonnait contre l'hérésie.

    La dispute fut favorable aux catholiques et la Diète condamna Zwingli et ses partisans comme hérétiques.

    Cependant une autre dispute, le colloque de Berne, en janvier 1528, donna pleinement raison aux réformateurs. A cette époque de sa vie, Zwingli fut particulièrement mêlé à la politique de son pays. Il avait fait conclure aux cantons réformés l'alliance de la combourgeoisie chrétienne et avait lui-même élaboré un plan de défense du territoire zurichois en prévision d'une invasion, Les catholiques répondirent par une alliance avec l'Autriche. De là naquirent de graves dissensions qui expliquent l'issue fatale : la guerre. Elle fut évitée une première fois à Cappel. L'épisode de la soupe au lait et les interventions du landammann de Glaris, Aebi, sont bien connus. Une paix qui ne devait pas durer fut conclue le 25 juin 1529. On vivait cependant dans une méfiance réciproque et Zwingli avait acquis la conviction que les relations tendues entre Confédérés ne trouveraient de solution que par une guerre. Il avait les preuves en mains qu'une attaque contre les villes évangéliques était préparée par l'Autriche et les Waldstaetten. Il insistait pour qu'on agit avant que les ennemis fussent trop bien organisés. « Celui qui ne frappe pas est frappé «, disait-il. Mais il était seul de son avis. Il estimait qu'il fallait obtenir des cantons catholiques l'autorisation de prêcher l'Evangile sur leurs territoires, et l'assurance qu'ils ne persécuteraient pas leurs habitants réformés. Berne était d'accord de punir les rebelles, mais non par la guerre.

    Cette opinion prévalut et l'on tenta alors le blocus pour surprendre les cinq cantons par la famine. Ceux-ci ne firent qu'aiguiser leur haine, renouveler leurs démarches auprès de l'empereur et du pape et se préparer à la guerre. Et tandis que dans les villes on avait une politique d'hésitation, de temporisation, de désaccord, Zwingli se sentant incompris, ayant tenté de démissionner, ce fut soudain la déclaration de guerre et la deuxième bataille de Cappel, le 11 octobre 1531. Désastre complet pour les réformés, mort de Zwingli et de nombreux chefs du parti évangélique. La paix conclue le 16 novembre laissait la liberté de culte aux réformés et aux catholiques, mais supprimait la ligue de la combourgeoisie chrétienne. Dans les bailliages communs le catholicisme était bientôt rétabli par force. Une grande scission se faisait entre les cantons réformés et les cantons catholiques, et même entre Zurich et Berne il y avait profonde désunion.

    Et cependant Zwingli, enlevé en pleine activité, a laissé une oeuvre énorme. Nous nous nourrissons aujourd'hui encore de sa pensée, et la petite semence qu'il avait jetée est devenue un arbre robuste dont les branches couvrent aujourd'hui notre pays.

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    INDICATIONS & BIBLIOGRAPHIQUES

    - J.G.HESS Vie d'Ulrich Zwingli. Paris - Genève 1810.

    - G.A.HOFF Vie d'Ulrich Zwingli Paris,1882.

    - FRID. HEER « Ulrich Zwingli pendant la peste à Zurich » pièce historique en 3 actes, trad. Ch. Ecklin, Cahiers de Jeunesse mars 1919.

    - JAMES SIORDET Ulrich Zwingli, brochure publiée par la Société des traités religieux, Lausanne.

     

    Pas de bonne biographie récente en français.

    Signalons en allemand, outre le plus ancien récit de Myconius, Zurich 1532, l'oeuvre remarquable en 2 gros volumes : RUD. STAEHELIN « Huldreich Zwingli, sein Leben und Wirken » Bâle 1895.

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    NOTES PÉDAGOGIQUES

    1. Commentez la parole de Zwingli : « La parole de Dieu suivra son cours comme le Rhin : on peut bien un moment, par une digue l'enfler ; l'arrêter, jamais. » Preuves historiques.

    2. Comparez la destruction des images dans les églises au temps de la Réformation et les restaurations et décorations actuelles dans nos temples. L'art dans le culte.

    3. Méditez cette pensée du réformateur : « On m'accuse des plus grands crimes. C'est pour moi précisément un signe que ma doctrine plaît à Dieu et que les calomnies me sont salutaires ; car jamais le nom de Dieu n'est plus glorifié que lorsque notre nom est méprisé par les hommes. Autres exemples. (Mat. 5. 10-12).

    4. Zwingli a dit, selon la parabole du semeur (Mat. 13): « Si nous ne pouvons assister ici-bas au triomphe de notre cause, ne regrettons pas nos luttes et nos périls. Dieu juge et voit les combattants; d'autres jouiront des résultats sur terre, nous au ciel.» Résultats de son oeuvre, et encouragement pour ceux qui travaillent après lui.

    5. Illustration dans la vie de Zwingli des paroles de Jésus: « Celui qui perdra sa vie le sauvera » (Marc 8: 35) et « Si le grain de blé meurt il porte beaucoup de fruit » (Jean 12: 24). Pourquoi? Autres exemples.

    6. De la nécessité qu'il y a pour nous d'être fidèles aux principes des réformateurs qui se sont sacrifiés pour le triomphe de l'Evangile. Que pensez-vous d'un mouvement catholique actuel, qui en est à ses débuts et qui, souhaitant une union de tous les chrétiens, demande la réforme de la Réformation, sans proposer de réforme au catholicisme? «Que les Eglises évangéliques répudient le titre de protestantes, qu'elles vivent en parfaite entente avec le pape, qu'elles refusent de recevoir les catholiques qui viendraient à elles.» (L'ordre chrétien, juillet 1925.)

     

    Pour les cadets.

    Pièces à l'appui: Carte de la Suisse. Vues du Haut-Toggenbourg. Le chalet de Wildhaus. Le couvent d'Einsiedeln. Cathédrale de Zurich. Bataille de Cappel. Portraits.

    Dessins: Le chalet de la famille Zwingli. Croquis géographiques montrant les différentes localités où Zwingli exerça son activité. Sur une carte muette de la Suisse colorier les cantons qui ont adopté la Réforme.

    Le récit, tel qu'il est présenté ici, sera capable de faire pénétrer l'enfant dans l'intimité du grand réformateur et de lui révéler autre chose que de l'histoire nationale ou ecclésiastique. C'est un portrait vivant dont plusieurs traits ont conservé une actualité précieuse.

    Nous conseillons de relever: l'esprit de la famille de Wildhaus. La valeur d'une instruction solide. Ce qui dans les pratiques du couvent d'Einsiedeln met Zwingli en opposition avec la religion de son temps. La Cène réformée.

    En conclusion: faire développer ce jugement d'un collègue catholique de Zwingli: « Quelle qu'ait été ta croyance, je sais que tu as été un bon Confédéré ».



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