Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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(Jean 17.17)
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C'EST UN REMPART 

ESQUISSES HISTORIQUES DU TEMPS DE LA RÉFORMATION


IX

FIDÈLE JUSQU'À LA MORT
John Knox.
(1505-1572)
     
  • A SAINT-ANDRÉ
  • L'APPEL DE DIEU
  • SUR LES GALERES DE FRANCE
  • EN EXIL
  • DIEU SEUL EST ROI.
  • LA MORT DU LUTTEUR
  • NOTES HISTORIQUES
  • INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
  • SUGGESTIONS POUR LES AINÉS
  • NOTES PÉDAGOGIQUES

     

    BUT DU RÉCIT

    Illustrer cette parole de Carlyle: « Il n'est pas besoin d'une grande âme pour faire un héros: il n'est besoin que d'une âme créée par Dieu, qui accepte de ne pas renier son origine. »

    .

    A SAINT-ANDRÉ

    Sur un promontoire escarpé de la côte inhospitalière d'Ecosse se dresse le château de Saint-André énorme, farouche. De la tour du donjon, ont voit s'étendre à perte de vue la sombre mer du Nord et l'on entend le bruit sourd des vagues qui déferlent contre les rochers noirs. En face de l'océan, dominant de ses proportions gigantesques cette sauvage région, s'élève la majestueuse cathédrale. Plus à l'intérieur, la petite ville aux maisons basses - comme des cabanes de pêcheurs - se presse autour de son université.

    En ce matin de Pâques de l'an de grâce 1547, la nature s'éveille lentement de son sommeil d'hiver. Un pâle soleil luit à travers la brume. A l'heure où le tintement monotone des cloches de la cathédrale et de l'église de l'Université appellent les fidèles, trois voyageurs font leur entrée dans la petite cité. L'aine des trois, un homme dans la quarantaine, court de taille et large d'épaules, aux traits énergiques et expressifs, le teint basané et les cheveux noirs, ayant plus l'apparence d'un homme du Sud que d'un Ecossais, parle avec animation :

    - Georges Wishart était pour moi comme un père. C'est lui qui a guidé mes premiers pas sur le chemin de la vérité. je me souviendrai toute ma vie de la nuit terrible dans laquelle il fut arrêté. Les émissaires du cardinal Beaton firent irruption dans sa maison, se jetèrent sur lui, le frappant avec une brutalité inouïe. Je voulus me jeter à son secours, mais il m'en empêcha d'un geste : il priait pour ses bourreaux. Quand les soldats l'emmenèrent, je voulus le suivre mais se tournant vers moi il me dit : « Knox, retourne à tes élèves, et que Dieu te bénisse

    Le sacrifice d'un seul est suffisant. »

    - Que fit-on de lui? demande un des jeunes gens.

    - On le jeta dans une des prisons d'Edimbourg, et, quelques mois plus tard, dans cette ville même, il fut condamné et brûlé vif.

    Les voyageurs étaient arrivés sur la place du château. John Knox, ému, se découvre:

    -Tenez, c'est ici que mon maître mourut sur le bûcher et vous voyez le balcon sur lequel se trouvait le cardinal entouré de ses courtisans. Il y a juste une année.

    - Sur l'échafaud, Wishart n'a-t-il pas prédit la mort de son bourreau Beaton?

    - Oui, et trois mois plus tard, cinq hommes exaspérés par l'attitude de ce cardinal ambitieux et dépravé, le tuèrent dans son propre palais. Ils prirent possession du château et, soutenus par un grand nombre d'amis, ils tinrent bon contre ceux qui cherchèrent à les en expulser. Ils refusèrent même l'absolution qu'on avait obtenue pour eux de Rome, préférant assurer par leur vaillante obstination un refuge aux âmes libres de notre pauvre Ecosse.

    Et Knox, le regard animé par les visions qu'il vient d'évoquer, se dirige vers la porte de fer du château. C'est là qu'il se réfugie avec ses deux élèves pour adorer librement son Dieu.

    .

    L'APPEL DE DIEU.

    John Knox est déjà depuis quelques mois dans le château de Saint-André. Il partage son temps entre ses heures d'étude et les leçons qu'il donne à ses élèves. Chaque jour, dans l'église, il leur enseigne le catéchisme et lit avec eux l'Evangile de Jean. Aussi la petite communauté réformée, soupçonnant en Knox un véritable talent, aimerait-elle faire de lui un prédicateur de l'évangile. A plusieurs reprises, on lui propose cette fonction ; mais toujours il résiste : il allègue son incompétence ; « de plus, dit-il, je n'ai reçu aucun appel de Dieu ».

    Un dimanche matin, le pasteur de Saint-André, John Rough, prêche avec intention sur le sujet de l'élection des ministres. Dans son sermon, il déclare qu'une Eglise a le droit, quand elle distingue dans son sein un homme doué pour le ministère, de l'appeler à cette charge, et que, d'autre part, celui qui a reçu vocation ne peut en conscience repousser un tel appel. A la fin du sermon, Rough se tourne vers Knox qui, mêle à la foule, s'était senti personnellement visé au cours de cette prédication incisive, et il s'écrie : « Au nom de Dieu et de son Fils Jésus-Christ, et au nom de tous ceux qui sont ici rassemblés et qui t'appellent par ma bouche, je t'adjure de ne pas refuser la sainte vocation qui t'est adressée. Tu es appelé à glorifier Dieu, à travailler à l'extension de son royaume et à l'édification des fidèles. Crois-moi, il te serait dur de regimber contre les aiguillons. Il ne t'est pas permis de priver l'Eglise des dons que tu as reçus pour son édification. »

    Mais John Knox demeure attéré et ne peut, tant il est ému, articuler un seul mot. Le Prédicateur se tourne alors vers les fidèles :

    - Ne suis-je pas votre interprète à tous, mes chers frères ?

    Un long murmure d'assentiment parcourt les rangs des fidèles et plusieurs voix s'élèvent pour proclamer l'accord général.

    John Knox fait effort pour se lever ; il essaie de parler, mais les mots s'étranglent dans sa gorge, et c'est un sanglot qui répond pour lui. Trop ému, il quitte la chapelle et s'enfuit dans sa chambre solitaire. Il se jette à genoux.

    Quelques jours plus tard il parlait aux foules en la cathédrale de la ville.

    .

    SUR LES GALERES DE FRANCE.

    La galère Notre-Dame descend la Loire, emportée par le courant et le mouvement régulier des rames. Les galériens, coiffés d'un bonnet rouge et rangés par cinq ou six sur leurs dures banquettes, marquent le rythme monotone au balancement de leurs torses nus. L'effort a fournir est relativement minime ce jour-là et les hommes ont le loisir de causer.

    - Knox, vous souvenez-vous qu'il y a aujourd'hui exactement huit mois que la garnison de Saint-André était obligée de se rendre et que nous étions emmenés en captivité dans ce pays? Huit mois de chaîne, de fatigues, d'outrages, de mauvais traitements !

    - Les rames sont lourdes, et nos bras n'en peuvent plus ; mais n'oublie pas, mon frère, que Dieu nous a puissamment soutenus.

    - Je ne vois pas en quoi cela a changé notre régime tous les jours du pain, de l'eau, des fèves dures comme des cailloux.

    - Moi, j'ai le sentiment que l'heure de la délivrance sonnera bientôt. As-tu remarqué que depuis six semaines on nous traite avec moins de rigueur? A Nantes, on a eu pour nous plus d'égards qu'à Rouen.

    - Oui, certes, les comités (1) se sont montrés moins grossiers, mais les journées ne m'en paraissent pas moins harassantes. Etre rivé à son banc, sous le soleil ardent et par les nuits froides, ne pouvoir le quitter ni pour manger ni pour dormir, quelle vie!

    - je supporterais d'un coeur léger tous ces tourments si les prêtres ne s'acharnaient pas contre nous. Chaque jour ils sont là, essayant de nous faire revenir à l'idolâtrie dont nous sommes sortis grâce à Dieu. On offre la liberté à ceux de nos compagnons qui acceptent de renoncer à leur foi. Leur messe m'est en horreur, et leurs chants m'exaspèrent. Hier, je me suis bouché les oreilles pour ne pas entendre le Salve Regina.

    - Prends garde que ton attitude ne nous attire de nouveaux coups de fouet.

    - C'est plus fort que moi. Ce matin, quand ils ont passé dans les bancs avec leur madone de bois et qu'ils ont exigé que tous les galériens l'embrassent, je n'ai pu me retenir de leur arracher ce morceau de bois des mains et de le jeter à l'eau. Les prêtres croyaient que j'allais être foudroyé sur place. Tu as vu leur frayeur. Ils se demandaient si leur madone n'allait pas se noyer dans les flots. je leur ai, dit alors : « Votre Vierge se sauvera bien elle-même. Elle est trop légère pour se noyer. » Ils ont repêché leur idole et, après l'avoir séchée au soleil, ils l'ont emportée dans leur chapelle. En ce moment ils doivent dire une messe en guise d'expiation. »

    Quelques mois plus tard la flotte française à laquelle se rattache la galère de Knox et de ses compagnons poursuit la flotte anglaise. Les galériens ne quittent plus leurs lourdes rames et pendant des heures, des journées, sous les coups de fouet, les menaces et les cris, ils continuent leur harassant travail. Quelques-uns se sont effondrés sur leurs bancs, brises, anéantis. Knox, si robuste pourtant, est malade aussi, épuisé par l'effort gigantesque qu'il fournit depuis de longues semaines. Son courage a faibli ; la libération lui parait problématique et lointaine.

    Tout a coup, l'un des compagnons du réformateur scrute l'horizon avec un fol espoir :

    « Knox, Knox, ne te semble-t-il pas que la rive qui se profile là-bas est notre terre d'Ecosse »

    C'est comme un coup de fouet pour Knox. Son corps fatigué se redresse, son regard s'illumine.

    - Bien sûr que c'est notre Ecosse ! je vois le clocher de l'église où pour la première fois j'ai ouvert la bouche pour glorifier Dieu en public. J'ai la conviction que, malgré mes chaînes, je ne mourrai pas avant d'avoir glorifié Dieu dans cette même église.

    Le 25 février 1549, Knox, grâce à l'intervention du roi d'Angleterre, recouvrait sa liberté. Mais de longues années d'exil devaient s'écouler avant que la prophétie du galérien malade ne se réalisât.

    .

    EN EXIL.

    A Genève, dans une modeste chambre de la ville haute, le réformateur écossais, assis à sa table de travail, médite assidûment. De sa fenêtre, on voit se profiler sur le ciel bleu les tours majestueuses de Saint-Pierre. Le lac scintille au loin.

    Dans son élan de ferveur, Knox joint les mains, car il se sent pressé de crier à Dieu son immense reconnaissance pour les mois de repos bénis et féconds qu'Il a mis enfin dans sa vie agitée, pour cette vie de famille si paisible qu'Il lui permet de goûter pour la première fois depuis trois ans de mariage et qui a été enrichie encore par la venue de deux bébés. Il remercie Dieu des études qu'il peut faire, de l'ami fidèle et du conseiller précieux qu'Il lui donne en Calvin.

    Tout rayonnant encore des moments de communion qu'il vient d'avoir avec son Père et débordant de joie intérieure, il éprouve le besoin de communiquer à ses chers amis d'Ecosse sa merveilleuse expérience de la prière : « La prière est tellement nécessaire qu'il ne convient à aucun chrétien de la méconnaître, vu qu'elle est le fruit même de la vraie foi : si un homme en est dépourvu' quoiqu'il soit doué de n'importe quelle autre vertu, Dieu ne le tiendra pas du tout pour chrétien.

    Quiconque veut prier doit savoir et comprendre que la prière est une conversation sérieuse et familière avec Dieu, auquel nous déclarons nos misères, dont nous implorons le soutien et le secours dans nos malheurs, et que nous louons et célébrons à cause des bienfaits reçus, de sorte que la prière contient l'exposition de nos douleurs, le désir de la protection de Dieu et la louange de son nom magnifique, comme les psaumes de David l'enseignent clairement. »

    Soudain il pose la plume, songeur. Il relève la tête et son visage tout à l'heure si illuminé s'assombrit subitement. Pourquoi ce nuage de tristesse dans ses yeux? Il a reçu, la veille, une lettre de ses amis d'Ecosse qui luttent péniblement pour sauvegarder leur foi. On lui raconte qu'en son absence il a été condamné et que son effigie a été brûlée à Edimbourg par la main du bourreau. Mais une phrase en fin de lettre, surtout, l'attriste: on a l'air de lui reprocher sa vie sans danger à Genève, tandis que ses amis s'épuisent à la lutte.

    A ce moment Marjory, sa femme, paraît sur le seuil. C'est une douce compagne, qui partage avec bonheur la vie de tourments de son mari et qui s'est épanouie dans l'atmosphère calme de Genève.

    - Si tu savais, mon John, ce que la vie me paraît belle ici, avec nos deux bambins, et avec ma mère qui me dit n'avoir jamais été si heureuse. Mes journées sont une continuelle action de grâces et ce dont je remercie Dieu par-dessus tout c'est de pouvoir te procurer enfin cette vie recueillie et quelque peu confortable après laquelle tu as tant soupiré.

    - Ma pauvre chère femme...

    - Qu'y a-t-il? Tu as l'air tourmenté. A quoi songes-tu?

    - J'ai peur de te causer une bien grande peine. Dans cette riante contrée où nous jouissons d'un si grand bonheur, je ne puis oublier ceux qui dans notre lointaine patrie luttent et souffrent pour leur foi. Je me reproche ma vie facile et je me sens appelé à partager leur martyre, mais je ne puis me résoudre à t'exposer à de nouvelles souffrances.

    La jeune femme a pâli. Pourtant, se dominant

    - Mon ami, là où Dieu t'appelle, je te suivrai.

    Alors Knox, ému aux larmes, mais infiniment heureux, reprend sa plume et, d'un trait, ajoute au bas de sa lettre :« Chaque jour je demande à Dieu, non seulement de vous revoir mais surtout de pouvoir retourner combattre à vos côtés. »

    .

    DIEU SEUL EST ROI.

    Nous sommes à Holyrood, l'antique palais des rois d'Ecosse a Edimbourg. Il y a quelques mois déjà que la jeune reine Marie Stuart s'y est installée confortablement ; mais ses pensées s'en vont constamment à la cour de France où elle vient de passer de si belles années. A Edimbourg, plus de fastueuses réjouissances, de fêtes joyeuses, de bals brillants. La prédication de la Réforme a établi des moeurs austères que la reine ne peut supporter. Bien résolue à ne pas adopter les idées nouvelles, odieuses à ses yeux, elle a, dès le premier dimanche de son arrivée, fait célébrer la messe dans la chapelle de Holyrood. Elle est exaspérée par les succès de John Knox, par les grands auditoires qu'il attire en la cathédrale de Saint-Giles. Jalouse de ce. pouvoir qui s'exerce à côté du sien, confiante en sa puissance de séduction, elle résolut en son coeur d'user de ses artifices pour gagner le réformateur a sa cause : « J'en ai gagne bien d'autres, se disait-elle, et j'espère que celui-ci ne résistera pas longtemps aux promesses de fortune et de gloire que je ferai briller a ses yeux. »

    Elle envoya une députation au pasteur de la ville pour le prier de venir la voir. Knox fut quelque peu surpris de cette invitation, mais il ne refusa pas à la reine l'entretien qu'elle désirait avoir. Quelques jours plus tard, il franchissait le seuil du palais. D'un pas résolu il s'avance à travers les somptueux salons jusqu'à la reine qui l'attend,

    - J'ai appris, dit la reine, que vous avez déclare en chaire qu'une messe vous inspirait plus d'horreur qu'une troupe de 10,000 hommes débarquant dans le pays. Or, vous savez que je suis catholique et que je veux le rester. Ne sentez-vous pas que votre langage hardi est une insulte a votre reine et qu'il excite le peuple contre le pouvoir établi par Dieu ?

    - Madame, si détourner les hommes de l'idolâtrie pour les conduire à la vérité, c'est les exciter contre leur reine, je suis en effet coupable envers votre Majesté, car Dieu m'a confié la mission d'éclairer ceux qui gémissent sous le joug des papistes. Mais je crois plutôt avoir enseigné à mon troupeau que la vraie connaissance de Dieu engage les hommes à obéir à leurs princes. Je puis vous assurer, Madame, que les protestants d'Ecosse vous seront soumis comme ils l'ont été à votre père et à vos ancêtres, tant que vous n'abuserez pas de vos droits.

    - Je suis, de droit divin, reine d'Ecosse, maîtresse absolue de mes sujets. Ne puis-je pas disposer de leur vie et de leurs biens?

    - On vous a égarée, Madame, sur ce que vous appelez le droit divin. Imaginez qu'un père de famille ait un accès de folie, dans lequel il menace de tuer ses enfants. Si ses enfants s'emparent de leur père, arrachent son épée et le conduisent en prison, jusqu'à ce que sa folie soit passée, pensez-vous, Madame, qu'ils aient tort? Il en serait ainsi d'un prince qui s'aviserait de massacrer les enfants de Dieu qui sont ses sujets.

    La reine ne s'attendait pas à une telle franchise. L'audace de cet homme qui lui résiste la met dans une terreur folle, mais elle sent qu'il faut user de prudence. Après un moment de silence, elle reprend d'une voix mal assurée:

    - Je vois où vous voulez en venir. Mes sujets doivent obéir à vous plutôt qu'à moi ! C'est le peuple qui gouvernera et moi qui obéirai.

    - Dieu me garde d'avoir jamais demande à quelqu'un de m'obéir. Dieu seul est roi. Princes et sujets lui doivent obéissance. Soumettez-vous à Dieu, Madame. C'est Lui qui règle les destinées des peuples et des rois.

    - Qui êtes-vous, qui prétendez donner des leçons aux nobles et à la souveraine de ce royaume?

    - Madame, un libre citoyen de ce royaume. Quelque petit que je sois à vos yeux, j'ai ma place ici que je remplirai fidèlement avec l'aide de Dieu.

    La reine ne pouvant contenir davantage sa colère se lève en faisant signe à ses serviteurs de reconduire le 'Réformateur.

    .

    LA MORT DU LUTTEUR.

    Lorsque parvint en Ecosse, dans les premiers jours de septembre 1572, la nouvelle de la nuit tragique de la Saint-Barthélemy, John 'Knox, âgé et malade depuis plusieurs semaines s'écria :

    « Qu'on me porte en chaire !

    - Mais, lui dirent ses amis, où trouverez-vous des forces pour parler?

    - Dieu me soutiendra. »

    Devant un auditoire immense, pouvant à peine se tenir debout dans sa chaire, le visage amaigri et le corps brisé, Knox prêcha avec une puissance extraordinaire. « Dès qu'il ouvrit la bouche, raconte un témoin, ses yeux s'illuminèrent et un rayon de gloire tomba sur son front. Ses auditeurs étaient suspendus à ses lèvres et leur émotion allait jusqu'aux larmes. Son discours allumait dans les coeurs une flamme véhémente qui les dévorait. Jamais ils n'avaient entendu ni éprouvé rien de semblable. » Il prédit la juste punition de Dieu pour le roi de France et ses complices. Avec un accent prophétique que n'oublièrent jamais ses auditeurs, il s'écria:

    « Dites a l'ambassadeur français que le peuple écossais exècre l'acte criminel de son maître. Et qu'il sache que la vengeance divine éclatera sur lui et sur son peuple. La main de l'Eternel sera sur sa maison et, quel que soit son repentir, son nom ne sera prononcé qu'avec horreur et dégoût par les générations futures. »

    L'ambassadeur de France, quelques jours plus tard, quittait l'Ecosse en jurant que le roi son maître ne laisserait pas impunie pareille injure.

    Le 9 novembre de cette même année, Knox occupa la chaire de Saint-Giles pour la dernière fois. Il était d'une faiblesse telle que deux hommes durent se tenir à ses côtés pour le soutenir. La foule était saisie d'une émotion profonde, comprenant que c'était la dernière fois que cette voix puissante se faisait entendre.

    - Frères, dit-il, d'une voix faible et entrecoupée, je vais bientôt comparaître devant Dieu. L'heure des illusions est passée et je vais me trouver en face de la réalité. Je déclare devant l'Eglise et devant Celui qui sait tout, que je me suis toujours conduit en toute bonne conscience. J'ai prêché l'Evangile avec toute l'énergie de mon âme. Le seul but que j'ai poursuivi, c'est la gloire de mon Sauveur et le salut des âmes. Je puis dire avec saint Paul : « J'ai achevé ma course : j'ai garde la foi. » La couronne de justice m'est réservée...

    J'ai pu, par mes paroles ou mes actes, plusieurs fois déshonorer mon Maître. Si j'ai offensé quelqu'un d'entre vous, je lui en demande humblement Pardon. Oh ! que Dieu oublie les imperfections de mon ministère et qu'il nous accorde, à vous et à moi, la grâce de le glorifier et de lui rester fidèles jusqu'à la fin. »

    Une grande émotion s'était emparée de tous les auditeurs. Aussi quand on reconduisit Knox chez lui une escorte immense le suivit pour voir une dernière fois son visage.

    Le mardi suivant il se mit définitivement au lit. Se sentant plus mal il demanda à sa femme de lui lire le chapitre XV de la seconde épître aux Corinthiens, puis le chapitre XIV de Jean. D'une voix presque éteinte, il ajouta : « Que c'est beau et réconfortant. Dieu est avec moi. je ne crains rien. »

    Le lundi 24 novembre, il perdit connaissance. De temps en temps ceux qui entouraient son lit percevaient sur ses lèvres mourantes quelques paroles confuses : ... « Qu'as-tu que tu n'aies reçu ?... Par la grâce de Dieu, je suis ce que je suis... Pas moi, mais la grâce de Dieu qui est en moi. »

    Bientôt cette voix qui avait fait trembler les grands et qui avait consolé les humbles, se tut pour toujours. A 11 heures du soir, John Knox s'endormit paisiblement dans le Seigneur.

    Sur sa tombe, le Régent Morton put dire :

    « Ici repose celui qui n'a jamais tremblé devant les hommes. »

     

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    NOTES HISTORIQUES

    Précisions biographiques. - John Knox est né en 1505, à Haddington, au nord de l'Ecosse, « un pauvre pays stérile, plein de brouilles, de dissensions et de massacres continuels; un peuple dans le dernier état de rudesse et de dénuement, guère meilleur peut-être que celui de l'Irlande aujourd'hui. De faméliques et féroces barons, pas même capables de former quelque arrangement entre eux pour se partager ce qu'ils tondaient de ces pauvres esclaves » (Carlyle). Le jeune homme, de bonne heure, fut voué à la prêtrise par ses parents. A dix-sept ans, il entre à l'Université de Glasgow, puis est attiré à l'Université de Saint-André, sur la côte nord-est d'Ecosse par le célèbre humaniste John Major.

    De bonne heure les idées de Luther pénétrèrent dans cette contrée reculée. En outre le jeune étudiant, ardent et droit, est frappé par la décadence de l'Eglise en Ecosse. Toute la vie des prêtres était remplie d'intrigues d'Etat pour lesquels ils ne rougissaient pas d'employer, soit la ruse, soit la violence. « Ambition, orgueil, passion pour l'éclat terrestre, voilà le caractère du clergé de cette époque: évêques et curés essayaient de l'emporter sur la noblesse, par la pompe ; ils occupaient les sièges du Parlement, ils étaient devenus conseillers d'Etat, et lorsqu'une place d'évêque devenait vacante, on se battait littéralement comme s'il s'agissait d'un royaume » (Mc Crie).

    Nous ne savons pas grand'chose de la jeunesse du réformateur. Il sort de l'ombre le jour où il se réfugie avec ses élèves au château de Saint-André. Dès ce moment et pendant vingt-cinq ans il est à l'oeuvre et l'on peut diviser cette période de sa vie en deux parties égales : la première, de 1547-1559, Knox est loin de son pays, sauf une courte apparition en 1555-56 ; la seconde, de 1559-1572, où il est à l'oeuvre en Ecosse.

    Ses années d'exil commencèrent par une année et demie de captivité sur les galères. Plus tard dans sa prédication il dira, et l'on devine combien il a dû souffrir sur les galères françaises, quelle école de patience elles ont dû être pour cet esprit si fougueux: « je sais combien la lutte est dure entre l'esprit et la chair pendant les lourdes épreuves de l'affliction où il ne parait aucune consolation terrestre, si ce n'est la mort : je connais les plaintes et les murmures de la chair : je connais la colère, le courroux et l'indignation que ces épreuves soulèvent contre Dieu, mettant en doute toutes ses promesses et nous poussant à chaque heure à abandonner Dieu. La foi seule peut nous arrêter sur cette pente, nous poussant à prier, à appeler sérieusement le secours de Dieu : si nous faisons cela, alors nos malheurs les plus désespérants se changeront en joie et en une En bénie ».

    Lorsque Knox fut libéré, comme il ne pouvait retourner dans son pays, l'archevêque Cranmer l'invita à travailler dans l'Eglise anglicane, alors en train de s'organiser. Il fut successivement pasteur à Berwick et à Newcastle. Nommé chapelain du roi Edouard VI, il collabora au « Common Prayer Book », le livre de prières de l'Eglise anglicane. Après la mort du jeune roi la réaction catholique dirigée par Marie Tudor l'obligea à se réfugier sur le continent. Il passe quelque temps à Dieppe. C'est alors qu'il est nommé pasteur de l'église anglaise de Francfort-sur-le-Main, puis plus tard pasteur d'une même communauté à Genève. Son séjour dans cette ville est la période la plus calme de sa vie. Il jouit des heures d'intimité passées avec Calvin qu'il admire beaucoup ainsi que l'oeuvre accomplie par le grand réformateur. a je ne crains pas de dire, écrit-il, que Genève est l'école du Christ la plus perfectionnée qui ait jamais existé sur la terre depuis l'époque apostolique. Certes, dans d'autres endroits Christ est fidèlement prêché, mais je n'ai vu aucune ville où les moeurs et la piété sont si complètement transformées. »

    En 1559, Knox peut rentrer en Ecosse. Pendant treize ans, il se dépense sans compter pour la cause réformée dans son pays. Dans cette époque troublée par des luttes politiques, des intrigues de cour, les desseins ambitieux des nobles, il lutte avec ardeur pour proclamer les droits de l'Evangile. « Il ressemble plus qu'aucun des modernes à un prophète hébreu. La même inflexibilité, la même intolérance, la même adhésion rigide et étroite à la vérité de Dieu » (Carlyle).

    Le 19 août 1561, arrivait en Ecosse Marie Stuart, la jeune veuve de François 11, roi de France. Catholique, élevée à la cour la plus brillante d'Europe, d'une rare beauté, la reine s'attendait à être acclamée par les Ecossais. On la reçut au contraire très froidement et Knox, sachant qu'elle était une adversaire irréductible de la Réforme, s'éleva avec force contre ses prétentions. On peut s'étonner de la rudesse du réformateur en face de la gracieuse reine. Certains historiens lui en ont fait un grief, mais nous dirons avec Morton qu' « il vaut mieux que les femmes pleurent que de voir des hommes barbus forcés de pleurer » et Carlyle a écrit: «Reine malheureuse, mais pays plus malheureux encore au cas où elle serait devenue heureuse.»

    A propos de la réponse de Knox à Marie Stuart: « Il faut que princes et sujets obéissent à Dieu ! », M. Ch. Martin écrit: «Il est impossible d'affirmer plus haut cette souveraineté de Dieu qui fut pour Knox la colonne vertébrale de toute son oeuvre, aussi bien pour organiser l'Eglise et la patrie écossaises que pour les libérer du joug du papisme et de l'étranger. Elle a pu s'exprimer chez lui sous une forme parfois rude et violente, elle n'en a pas moins contribué, par l'action de la puissante personnalité de celui qui s'en constituait le prophète, à la formation du peuple écossais avec toutes ses énergies, et à la préparation des libertés modernes dans les pays anglo-saxons. »

    L'infortunée reine, après une vie mouvementée, mourut sur l'échafaud en 1587.

    D'Edimbourg, Knox continue à diriger le mouvement réformé d'Ecosse. Quelque temps avant sa mort, il séjourna plusieurs mois à Saint-André où il prêcha souvent, réalisant ainsi la prédiction faite sur la galère. Il mourut paisiblement le 24 novembre 1572.

    Ecoutons le témoignage qu'a rendu Carlyle au réformateur écossais : « Il est prophète dans le sens le plus complet du mot: tout son langage, toute sa manière d'agir nous le montrent comme un véritable prophète. Il est vrai que, seul, un tel prophète pouvait donner la force nécessaire pour faire éclater la Réforme en Ecosse: Knox appela tous aux armes; il fit entendre à tous, grands et petits, le signal d'alarme. A tous il fit comprendre leur devoir. »

    Les efforts de Knox aboutirent pour son pays à une véritable résurrection. Avec la Réforme, le peuple écossais commença à vivre. « La littérature et la pensée écossaises, l'industrie écossaise ; James Watt, David Hume, Walter Scott, Robert Burns ; je trouve Knox et la Réformation agissant au coeur du coeur de chacun de ces personnages et de ces phénomènes ; je trouve que sans la Réformation ils n'auraient pas été. Mais que dis-je de l'Ecosse? Le puritanisme de l'Ecosse devint celui de l'Angleterre et de la Nouvelle Angleterre » (Carlyle).

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    INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

    - Thomas McCrie. Life of John Knox. (Edimburg).

    - J. Stalker. John Knox. (Londres 1904).

    - Carlyle. Héros. Trad. Izoulet. (Paris).

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    SUGGESTIONS POUR LES AINÉS

    1. Peut-on dire que l'Eglise catholique est également favorable à tous les régimes politiques. Le catholicisme dans la logique ne contribue-t-il pas à imposer aux peuples une autorité extérieure, royauté ou dictature? Le protestantisme n'est-il pas le père de la démocratie et n'aboutit-il pas logiquement à ce système?

    2. A propos de la discussion entre John Knox et Marie Stuart, étudier cette pensée: « L'autorité, c'est l'irrésistible action de la vérité sur la conscience. Elle est de l'ordre moral. On ne la restaure qu'en obéissant à la vérité, dans l'humilité et le désintéressement, Ce ne sont pas les régimes de liberté qui tuent l'autorité : ce sont les régimes de relâchement, de complaisance, de complicité, d'usurpation ou d'égoïsme. »

    L'introducteur lira avec profit l'étude de M. DuPasquier: « Le pouvoir et l'autorité » dans les Cahiers de Jeunesse d'avril 1926, et à propos de la première question E. Doumergue : « Les vraies origines de la démocratie moderne. Ed. Foi et Vie 1919.

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    NOTES PÉDAGOGIQUES

    Si ces récits plaisent spontanément aux enfants, ils ne devront pas être seulement des histoires. Au travers des épisodes essentiels de cette vie, l'aîné s'efforcera de conduire ses cadets au sens actuel et personnel qu'ils contiennent. Sur les galères de France: opposition entre la souffrance physique et morale des galériens et l'attachement à leur foi, alors que la tentation rôde chaque jour autour d'eux. A Genève : savourer les douceurs de la vie de famille ou lutter avec les frères persécutés? Devant Marie Stuart: accepter honneurs et richesses ou conserver sa foi?

    Images: Vue de l'Ecosse. Edimbourg. Portrait de Knox (groupe central du Mur de la Réformation). Marie Stuart. Les galères.

    Dessin d'illustration : 1. A la cathédrale de Saint-André. - 2. Sur les galères. - 3. A Genève. - 4. Knox. Marie Stuart.

    Modelage: Une galère.

    Saynètes: Knox et ses compagnons de galères. Knox et Marie Stuart.



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LE CHEF DES "FLANCS DE FER " Olivier Cromwell.

. 1 Surveillant des galériens.

 

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