NOTES
PÉDAGOGIQUES
BUT DU RÉCIT
Montrer la puissance de la
persévérance et de la volonté au service
d'une noble cause: montrer que l'on peut être un admirable
patriote et homme d'Etat, en même temps qu'un
chrétien fidèle et actif.
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SI DIEU LE VEUT.
Maintes fois déjà, les
riverains avaient vu s'estomper à l'horizon les larges
voiles brunes que le vent emportait vers l'Amérique, avec
des centaines de puritains abandonnant leur pays. Il fallait en
effet partir ou se soumettre. Le roi devenait mauvais, comme il ne
pouvait pas gouverner par la bonté, il régnait par
la violence. Il était aide par un archevêque,
nommé Laud qui passait autant de temps à
persécuter les puritains, à leur faire couper les
oreilles, ou fendre le nez, ou marquer la figure au fer rouge,
qu'à présider les offices religieux dans la
cathédrale de Canterbury. Dans les rangs puritains, on
avait bien tâché d'organiser la résistance,
mais ce n'était guère facile : les troupes royales
étaient puissantes et il s'agissait de ne pas troubler
l'ordre, sinon elles se chargeaient à coups de fouet de
faire rentrer les rebelles dans leur bon sens. « Puisque nous
ne pouvons pas vivre en paix ici, dirent quelques puritains,
allons planter nos tentes de l'autre côté de
l'Océan ; là-bas nous pourrons être libres de
prier Dieu comme nous le voudrons 1 » Et ramassant leurs
biens, faisant leurs bagages, laissant en Angleterre ce qu'ils ne
pouvaient pas, emporter avec eux, ils s'en allaient l'espoir au
coeur, en chantant des psaumes.
Aujourd'hui, au port, huit bateaux sont
encore prêts à partir ; la marée du soir
permettra de prendre le large ; toute la cargaison est
embarquée ; nuit et jour on a travaillé avec amour,
empilant à fond de cale, des vivres, de l'eau, de la
poudre, des armes et des bibles. Tout s'est fait en silence,
mystérieusement pour ne pas éveiller les
soupçons des autorités. Avec les matelots, les
Puritains sont a bord ; le flot monte, et de petits remous
d'écume blanche viennent se briser contre le flanc des
navires. Le capitaine du premier bateau va donner le signal de
larguer les voiles ; alertes, les mousses et les hommes grimpent
aux mâts ; les femmes et les petits, apeurés, dans la
cale attendent avec anxiété que la passerelle soit
ramenée, et que le clapotis plus fort des vagues contre la
carène du voilier annonce enfin qu'on vogue vers la
délivrance. A bord, se trouve Cromwell, membre du
Parlement, quittant lui aussi le pays qu'il aime, pour essayer de
vivre comme Dieu le veut. Il a voulu loyalement rester
fidèle a sa loi et à sa patrie. Mais peine inutile.
On n'écoute plus les Puritains ; mieux vaut l'exil.
Les mousses tirent déjà sur
les cordes, la brise du soir gonfle les voiles qui se dorent au
soleil couchant ; le navire lève l'ancre quand la vigie
signale : « Les soldats du Roi ! » Branle-bas dans
l'équipage. On laisse retomber l'ancre, le capitaine lance
la passerelle, et d'un pas assuré court aux informations ;
on lui tend un parchemin scelle aux armes royales sur lequel il
lit : « Défense aux huit navires de quitter la
côte anglaise avec les émigrants. Ordre du Roi et du
Conseil.» Désemparé, il retourne à bord.
Cromwell voit son rêve s'évanouir, il lui faut rester
au port. Puisque Dieu le veut, il vivra dans son pays, et luttera
sans relâche, pour le bien contre le mal, pour son Dieu,
pour le peuple contre le tyran, contre le roi, contre Charles. Il
saura être vaillant. Et fièrement, la tête
haute et la démarche ferme, serrant contre son coeur la
poignée de son épée, il débarque,
suivi de tous ses amis.
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FOI CONTRE FORCE.
C'était une belle armée que
celle du Roi, disciplinée, entraînée, bien
nourrie, forte, avec des réserves, de l'argent, l'appui
d'une magnifique cavalerie, le soutien de la noblesse qui y
engageait les plus vaillants d'entre ses fils, et l'appui de tous
les prêtres et du clergé qui lui gagnaient la
sympathie des fidèles !
Elle ne souffrait aucune comparaison avec
les troupes de fortune des puritains, dépenaillées
et sans le sou, dirigées par un incapable, le Comte
d'Essex.
Londres avait failli être conquise,
par le roi, tant les soldats puritains étaient
médiocres. Ils étaient maintenant en camp, sur les
bords de la Tamise. Les tentes, carrées et rondes, se
dressaient tout près les unes des autres le long du fleuve
auquel elles s'adossaient. Un peu en retrait, comme pour saisir
d'un seul coup d'oeil tout l'ensemble du campement, le Comte
d'Essex avait fait monter sa tente d'état-major. La brume
épaisse et humide envahissait tout ; les toiles
étaient tout imprégnées d'eau ; le sol
détrempé et noirâtre ajoutait encore de la
tristesse au paysage. Seuls, quelques soldats, peu
impressionnés par le sérieux des temps, riaient
à gorge déployée, ou chantaient dans
l'affreux jargon de Londres des chansons absurdes ; ivres du matin
au soir, ils n'étaient plus capables d'autre effort que de
porter un verre, d'une main mal assurée, à leur
bouche. Les officiers laissaient faire. Un seul d'entre eux
bouillait intérieurement. C'était le capitaine
Cromwell. En ce matin de brume, il s'approche de la tente du
commandant des troupes.
- Je veux parler au Comte d'Essex, dit-il
à la sentinelle.
- Général, mon devoir de
capitaine m'amène auprès de vous, dit-il sans
ambages, dès qu'il est introduit. Je ne suis qu'un modeste
capitaine, mais je souffre de voir une armée comme la
nôtre. Si nous avons risqué d'être battus,
c'est bien notre faute ! Nos troupes sont faites de vieux ivrognes
; pensez-vous que des hommes de ce calibre-là pourront se
battre avec succès contre les parfaits gentilshommes des
troupes royales? Nous n'avons pas besoin de ce genre de roturiers
ivres.
- Vous savez bien, capitaine, que nous
n'avons pas d'argent pour avoir de meilleurs soldats.
- Ce n'est pas de l'argent, mon
général, qui nous donnera de meilleurs
soldats!
- Alors qu'est-ce donc?
- Pour avoir le dessus, il nous faut
posséder des hommes qui aient de la conscience et de la
foi. Il nous faut des soldats d'une parfaite correction.
Autrement, c'est la défaite et la ruine.
- Que voulez-vous dire?
- Mon général, pour vaincre,
il ne faut ni armes plus perfectionnées, ni tactique plus
soignée, mais des hommes à la conscience droite,
à la foi trempée et solide comme le meilleur
acier.
- En connaissez-vous des hommes comme
cela?
- je vous demande de me donner l'ordre d'en
aller chercher.
Puis Cromwell sort de la tente de son
général, après avoir tenu ce fier langage que
rarement capitaine a parlé. Il n'attend pas, se met de
suite à la tache, personnelle. ment. Il ne va pas chercher
des brutes avinées comme ses anciens soldats, mais court
directement aux assemblées religieuses. Il a des entrevues
avec les personnalités influentes de la communauté
puritaine, avec les pasteurs. Il n'oublie aucun centre religieux,
se présente lui-même devant le,- Eglises : il est
grand, fort, parle avec feu, s'impose à tous parce qu'il
s'est préparé au combat par une discipline que rien
ne peut faiblir. Il sollicite des engagements militaires en posant
des questions précises, directes, claires. Quand il
rencontre un jeune fidèle
- Crois-tu en Dieu? lui demande-t-il.
- Oui.
- Es-tu prêt à tout faire pour
ton Dieu, à affronter la mort et les périls ?
- Oui.
- Es-tu prêt à vivre aussi
comme Dieu le veut, saintement ?
- Oui.
- Donnes-tu toute ta force à
l'armée où tu entres, oui ? Alors je te prends dans
nos troupes.
Ferme, volontaire, inflexible, fanatique
parfois, il parcourt tous les rangs des puritains. On ne peut
faire autrement qu'obéir à un homme de cette
envergure. En quelques semaines, il réunit autour de lui un
corps solide d'excellents soldats. Puis il les entraîne, et
tout en les instruisant, il veille à leur état
moral, il chante des psaumes avec eux, il prie avec son
armée. Il connaît ses hommes, sait les manier et leur
parler.
Pour le remercier de son travail, le
général le nomme colonel. Cromwell fait ses preuves.
Il part en campagne avec ses soldats. De tous côtés
les ennemis approchent. La situation est grave. L'armée
tiendra-t-elle devant l'admirable préparation des cavaliers
royaux qui débouchent en rangs serrés, comme des
statues d'acier, revêtus de pied en cap des armures les plus
effectives et les mieux articulées, portant heaume et
bouclier, hallebarde ou lance, et poignards effilés? Dans
le silence impressionnant qui précède le combat,
Cromwell saute à bas de sa monture. Tous ses hommes ont les
yeux fixés sur lui. Ils serrent déjà
nerveusement leur lance et leur épée, et dans leur
coeur remettent à Dieu l'issue du combat, pendant que le
chef, de sa voix sonore fait monter au ciel sa requête
confiante. Les ennemis avaient beau rire, lorsque les rangs des
puritains se relevaient, ils balayaient tout devant eux. Cela leur
valut le nom de « flancs de fer ».
Huit ans après, Cromwell était
devenu général et chef militaire de sa nation. Il
avait vaincu tous ses ennemis, sauf les Ecossais contre qui une
dernière bataille se préparait. Les troupes sont
massées au bas d'une colline. Par un habile mouvement
tournant, il jette le désarroi dans les lignes
écossaises qui sont désemparées. Ses propres
soldats frappent de droite et de gauche, ne ménageant rien
ni personne. En quelques heures, la résistance ennemie est
vaincue. Cromwell sait la victoire définitive. Il est
là, sur son grand alezan, dominant le combat. Des centaines
de cavaliers écossais pour échapper au
désastre, veulent se sauver. Ils sont suivis a la
débandade par le gros de l'armée. Le grand chef
puritain lève alors son sabre. On s'attend à de
nouveaux ordres qui permettront d'exterminer l'adversaire. Mais
non, debout sur ses étriers, il s'écrie de sa
puissante voix :
- Nos ennemis fuient, halte! Soldats !
Chantons le psaume 117 ! »
Et dans la petite plaine de Dunbar où
l'armée écossaise venait d'être
écrasée, les voix mâles et rudes des «
Flancs de Fer » scandent leurs louanges à l'Eternel,
accompagnées par le bruit des vagues du Firth of
Forth.
« Dieu nous a bénis au
delà de toutes mes espérances », affirme alors
le grand général qui avait cru obstinément a
la force indomptable de la foi, de la discipline et de
l'énergie morale.
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SEUL CONTRE UN PARLEMENT.
Le roi avait été
exécuté et la république proclamée. Le
Parlement, créé après la Révolution
siégeait, mais il était en proie à toutes les
difficultés ; les députés ne s'accordaient
pas, se tiraillaient pour faire aboutir quelques malheureuses
lois, étaient jaloux et vindicatifs.
Tous étaient réunis dans la
magnifique Salle du Parlement ; ils étaient arrivés
le matin, agités, fiévreux, car ils étaient
en train d'escamoter une loi à laquelle Cromwell tenait de
tout son coeur. La séance avait repris. C'était le
20 avril 1653. Au beau milieu de la discussion, calme, sans
émotion apparente, le grand chef puritain entre simplement
dans la Salle des séances. Il s'assied, tous les yeux sont
braqués sur lui. Les discours continuent. Cromwell tend
l'oreille. Les orateurs se succèdent, interrompus par
quelques altercations entre députés. Cromwell guette
le moment de prendre la parole. Rassemblé sur
lui-même, contenant toute son énergie, il est
prêt à bondir. Subitement l'occasion se
présente. Alors, il se lève, et sa forte voix
résonne dans le vaste hall. il s'anime, parle d'injustice
et d'arbitraire. Ses gestes accompagnent sa parole vive et alerte.
Il livre un grand combat. Il attaque les députés qui
l'interrompent. On crie, on tape des mains, on fait un brouhaha
indescriptible. Peu importe il continue. On veut le faire asseoir.
Il se redresse et dans le tumulte que domine sa parole hardie, il
clame son indignation : « Taisez-vous tous, leur crie-t-il,
j'en ai assez 1 Vous n'êtes pas un Parlement, Dieu ne veut
plus de vous ! »
A ces mots, le bruit redouble. Cromwell sent
qu'il doit tout mettre en jeu. Il sait ce que valent tous les
représentants du peuple qui siègent autour de lui.
Il va frapper le grand coup, et s'adressant au fur et à
mesure à chacun d'eux.
« Toi, dit-il, tu es un
débauché ; toi, un adultère ; toi, un fripon
; toi, un ivrogne ; allez, disparaissez tous loin de moi,
disparaissez ! »
A chaque apostrophe, il frappe du pied.
C'est le signal convenu. Les portes s'ouvrent, et tout
armés, ses soldats envahissent la salle qu'ils ont
reçu l'ordre de nettoyer. En un clin d'oeil tous les
députés sont entourés ; des mains vigoureuses
les conduisent dans la rue. Les récalcitrants crient, se
sauvent dans la salle ou se cachent sous les bancs. On leur fait
la chasse et les emmène. D'autres résistent des
mains et des pieds. Les militaires les empoignent, les
soulèvent comme des sacs et les déchargent dans la
cour. Toute résistance est vaine ! Le maître est
là, bravant le courroux des députés.
Bientôt il ne reste dans la salle
comme vestiges de la lutte que gants, chapeaux et armes. Cromwell
embrasse du regard le grand hall en désordre et vide, puis
calmement il sort, ferme la porte avec soin et met la clé
dans sa poche.
Le soir même un inconnu confectionna
un écriteau qu'il vint clouer sur la porte du Parlement ;
les Londoniens purent y lire ces mots: Maison à louer.
C'était la fin d'un Parlement indigne. On le regretta si
peu, dit la légende, que « pas même un chien
n'aboya lors de sa dissolution ».
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UN HOMME D'ETAT QUI CROIT EN
DIEU.
Il n'était pas facile pour Cromwell,
devenu Lord Protecteur de la République d'Angleterre, de
diriger les affaires religieuses de son pays. Il y avait de
nombreuses sectes, baptistes, quakers, indépendants,
presbytériens ; des sortes de prophètes sillonnaient
le pays, prêchant un évangile de révolte ou de
communisme, ameutant une foule naïve et faisant germer des
espoirs trompeurs. Dans tout ce dédale, Cromwell voit
clair, use de la plus grande patience, tâche de comprendre
chacun, même les Juifs, à qui il serait prêt
à donner droit de cité.
Le Protecteur est dans son palais, chaque
jour les hommes d'Etat viennent le renseigner sur les affaires de
la République. On lui signale que Georges Fox, le grand
Quaker, avait amené des désordres par ses
prédications, et avait été emprisonné.
Cromwell le fait chercher. L'évangéliste arrive
aussitôt dans la chambre à coucher du Protecteur ;
celui-ci se levait.
« Que la paix soit sur ta maison
», lui dit Fox.
« Que la Paix soit sur toi
!»
« Tâche de conserver ta foi en
Dieu, car pour un souverain comme toi, il faut être
guidé par une sagesse immortelle ! »
C'est ainsi que Georges Fox, un prisonnier
accusé et jugé, aborde le plus grand homme
d'Angleterre, puis il lui expose ses doléances, ses
convictions, sa foi, les sévices qu'endurent les «
amis ». Bientôt d'autres personnes arrivent pour
discuter de problèmes avec le Protecteur d'Etat. Fox se
retire et Cromwell, les yeux brillants, lui dit en lui tendant les
bras :
« Reviens me voir 1 Si toi et moi nous
pouvions passer une heure du jour ensemble, nous serions vite tout
près l'un de l'autre ; sois sûr que je ne te veux pas
plus de mal qu'à moi-même! »
Et Georges Fox, s'éloignant, assurait
que pour « quiconque écoute la voix de Dieu, son coeur
ne s'endurcit jamais. »
Cromwell est bien le fondateur de la
liberté religieuse.
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LE PROTECTEUR DES FAIBLES.
Ce jour-là, le 3 juin 1655, Cromwell
allait ajouter un rayon de plus a sa gloire. Il s'était
levé joyeux, puis avait passé en prières
quelques instants, pour bien commencer sa journée. Une
grande tâche l'attendait : la signature d'un traité
avec la France.
Tout avait été arrangé,
la France et l'Angleterre étaient tombées d'accord
sur les lignes principales et les détails. En. grande
pompe, le Protecteur allait devoir apposer sa signature. La salle
était parée, la noblesse et les officiers y jetaient
les couleurs vives de leurs vêtements et l'éclat de
leurs armes ; des grandes baies largement ouvertes descendait la
chaude lumière de juin. Sur la monumentale table de
chêne, une plume blanche, toute neuve et pas encore
taillée reposait auprès du pot d'encre et du
sablier. Devant la table, le fauteuil où Cromwell devait
s'asseoir pour signer, restait vide.
On attendait. Ce n'était pourtant pas
dans les habitudes de Cromwell, homme Ponctuel et volontaire, de
se faire désirer. L'attente se faisait longue. Les
assistants craignaient quelque malheur.
Soudain un familier entre. On l'entoure pour
s'informer du retard.
« Un courrier vient d'arriver du
continent, dit-il, et apporte avec lui la nouvelle du massacre des
Vaudois par les troupes de Charles-Emmanuel Il de Savoie. Ce sont
des enfants arrachés à leurs mères et
écrasés, contre les rochers, ou coupés en
deux, des hommes liés la tête entre les jambes, et
roulés comme des pelotons à travers les
précipices des Alpes. Cromwell, ajoute-t-il, en entendant
cela, s'émeut aux larmes.»
Au lieu de venir à la Salle du
Traité y signer le par, chemin qu'on lui présentait,
il se cache la figure dans les mains et sanglote en
s'écriant :
« Les souffrances de ce pauvre peuple
touchent mon coeur autant que si elles avaient frappé mes
plus proches parents. Je ne peux pas signer ce traité avec
un toi qui permet de tels crimes. Jamais je ne commettrai cette
lâcheté ! »
A peine ce récit est-il fait que la
porte des appartements du Protecteur s'ouvre. Les traits
ravagés par la douleur, il s'avance et redit aux assistants
l'horreur de ces massacres de protestants par un prince
catholique.
« Qu'un messager parte de suite pour la
France, dit-il, et qu'il annonce au Roi et au cardinal Mazarin que
jamais je n'apposerai ma signature au bas du traite, avant que la
France m'ait promis assistance pour que justice soit rendue aux
Vaudois! »
Le messager partit avec cette fière
demande. Mais comme les jours devaient passer avant qu'une
réponse soit donnée, le Protecteur voulut montrer la
puissance de sa foi et de son amitié. Il organisa à
Londres une immense collecte pour les pauvres protestants. Et
quand, le 13 juin, le peuple se réveilla, des clercs
vinrent frapper à la porte de chaque maison
particulière, apportant des papiers officiels et demandant
de l'argent avec une telle insistance que chacun était bien
forcé de donner. Tout le monde y travailla ; les ministres
autant que le peuple et que Cromwell lui-même. Ainsi
patronnée cette grande oeuvre de charité rapporta
100 000 livres.
Le Pape lui-même en fut
effrayé. Profitant des circonstances, Cromwell caresse un
projet de Société des nations protestantes. «
Il est temps, écrit-il, que les protestants du monde entier
s'unissent et prennent en considération leur propre
sûreté. Le sommeil leur serait fatal. »
La lettre à Mazarin fit de l'effet.
La Cour de France fut sens dessus dessous. Le Cardinal, dit-on,
changeait de couleur toutes les fois qu'on prononçait le
nom du Protecteur devant lui. De dépit, il fit arranger les
choses et l'accord de Pignerol fut signé, qui donna aux
Vaudois leur liberté religieuse.
Ce n'avait pas été sans
menaces, mais la foi avait encore ici triomphé de la force.
La lettre au roi Louis XIV. écrite de la main de Cromwell,
avait moralement forcé le roi de France à user de
toute son influence pour faire cesser ces massacres.
Voici cette lettre
« Et maintenant, ô Roi
chrétien, je vous adjure et vous supplie par cette main
droite que vous nous avez donnée en signe de votre alliance
fraternelle, d'empêcher ces choses. Ne permettez pas que des
flots de sang soient de nouveau répandus par des fanatiques
qui se donnent pour des disciples de Christ, et qu'ils se servent
de ses commandements et de son nom glorieux pour massacrer de la
façon la plus cruelle de pauvres innocents. Ne souffrez pas
que les frontières de votre royaume soient souillées
d'un tel déshonneur, et que sous votre règne,
l'Evangile de paix soit avili par de telles infamies. Il y a aussi
des raisons d'Etat qui devraient vous engager à accueillir
les plaintes de ce peuple. Mais un Roi tel que vous n'a pas
à défendre les malheureux par d'autres motifs que sa
propre piété, sa royale bienveillance et la grandeur
de son caractère. »
Alors Cromwell, fort de cette victoire
spirituelle, apposa sa grille au traité que la France lui
demandait depuis des mois, puis épuisé par son
activité, il tomba gravement malade.
La foule remplissait les églises en
Angleterre et sur le continent, priant pour sa vie. Il
s'éteignit en disant :
« Je suis la plus pauvre des
créatures ; mais j'aime Dieu ou plutôt je suis
aimé de Dieu ; je suis un vainqueur et bien plus qu'un
vainqueur, par le Christ qui me fortifie. »
Le 3 septembre 1658, Cromwell connut enfin
le repos dont il n'avait jamais pu jouir sur cette terre.
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NOTES HISTORIQUES
Olivier Cromwell, né à
Huntington en 1599, dans une famille aisée de la haute
bourgeoisie anglaise. Orphelin de père, doit, après
des études hâtives de droit assumer la direction d'un
important domaine familial. Puritain large mais strict, élu
au Parlement se range dans l'opposition au gouvernement et au Roi,
despote et catholique. Passe comme officier dans les troupes
anti-gouvernementales, devient capitaine, réorganisateur de
l'armée, puis général, fait arrêter et
décapiter le roi Charles 1er, est nommé Protecteur
de l'Angleterre, instaure un régime protestant puritain en
1653, prend la défense de toutes les minorités
protestantes de l'Europe, devient l'un des plus puissants
monarques, exerce une influence profonde sur les moeurs de son
temps, qu'il réforme et régénère.
Meurt en 1658. Son fils lui succède, puis abandonne le
pouvoir.
Homme de génie politique
évident, protestant et enthousiaste, ambitieux pour lui,
pour sa religion et son pays, a été un des hommes
à la fois les plus hais. et les plus aimés.
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INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
- Pasteur Goth. Olivier Cromwell, avec une
introduction du professeur Borgeaud.
- Victor Hugo. Cromwell, avec une
introduction historique.
- Carlyle. Lettres de Cromwell (en
anglais).
- Gardiner. La Révolution puritaine
(en anglais).
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NOTES PÉDAGOGIQUES
Pour les aînés.
1. Etudier l'attitude de Cromwell à
la bataille de Dunbar.
2. Jusqu'où doit aller l'enthousiasme
religieux? De la tolérance au fanatisme? Etudier à
ce propos l'attitude de Cromwell à l'égard des
sectaires et des catholiques. Pouvons-nous observer une même
attitude aujourd'hui?
3. Discuter le projet de «
Fédération des Nations protestantes » et se
demander si la Société des Nations, la
Fédération internationale des Eglises
chrétiennes (Congrès de Stockholm), l'Alliance
Universelle des Unions chrétiennes de Jeunes gens ne sont
pas des reprises de ce projet primitif.
4. Comparer la vie de Cromwell avec celle
d'autres grands capitaines chrétiens comme Coligny ou
maréchal Feng.
5. Déterminer la puissance de
l'influence d'un chef, quel qu'il soit en prenant comme point de
départ la puissance exercée par Cromwell dans son
armée. Jusqu'où l'influence d'un tel homme est-elle
légitime, quand dépasse-t-elle les limites
normales?
Pour les cadets.
Images: Cromwell. Charles 1er.
Mazarin.
Carte de l'Europe. Faire retracer par un
cadet la carrière politique de Cromwell.
Dessin d'illustration: 1. Les huit bateaux.
- 2. Cromwell officier; - 3. Le Parlement « maison à
louer ». - 4. Cromwell refuse de signer le pacte avec la
France.
Rédaction-modelage: Portrait de
Cromwell.
Saynète: Cromwell et le comte
d'Essex.