Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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(Jean 17.17)
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C'EST UN REMPART 

ESQUISSES HISTORIQUES DU TEMPS DE LA RÉFORMATION


X

LE CHEF DES "FLANCS DE FER "
Olivier Cromwell.
(1599-1658)

 

  • SI DIEU LE VEUT
  • FOI CONTRE FORCE
  • SEUL CONTRE UN PARLEMENT
  • UN HOMME D'ETAT QUI CROIT EN DIEU
  • LE PROTECTEUR DES FAIBLES
  • NOTES HISTORIQUES
  • INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
  • NOTES PÉDAGOGIQUES

     

    BUT DU RÉCIT

    Montrer la puissance de la persévérance et de la volonté au service d'une noble cause: montrer que l'on peut être un admirable patriote et homme d'Etat, en même temps qu'un chrétien fidèle et actif.

    .

    SI DIEU LE VEUT.

    Maintes fois déjà, les riverains avaient vu s'estomper à l'horizon les larges voiles brunes que le vent emportait vers l'Amérique, avec des centaines de puritains abandonnant leur pays. Il fallait en effet partir ou se soumettre. Le roi devenait mauvais, comme il ne pouvait pas gouverner par la bonté, il régnait par la violence. Il était aide par un archevêque, nommé Laud qui passait autant de temps à persécuter les puritains, à leur faire couper les oreilles, ou fendre le nez, ou marquer la figure au fer rouge, qu'à présider les offices religieux dans la cathédrale de Canterbury. Dans les rangs puritains, on avait bien tâché d'organiser la résistance, mais ce n'était guère facile : les troupes royales étaient puissantes et il s'agissait de ne pas troubler l'ordre, sinon elles se chargeaient à coups de fouet de faire rentrer les rebelles dans leur bon sens. « Puisque nous ne pouvons pas vivre en paix ici, dirent quelques puritains, allons planter nos tentes de l'autre côté de l'Océan ; là-bas nous pourrons être libres de prier Dieu comme nous le voudrons 1 » Et ramassant leurs biens, faisant leurs bagages, laissant en Angleterre ce qu'ils ne pouvaient pas, emporter avec eux, ils s'en allaient l'espoir au coeur, en chantant des psaumes.

    Aujourd'hui, au port, huit bateaux sont encore prêts à partir ; la marée du soir permettra de prendre le large ; toute la cargaison est embarquée ; nuit et jour on a travaillé avec amour, empilant à fond de cale, des vivres, de l'eau, de la poudre, des armes et des bibles. Tout s'est fait en silence, mystérieusement pour ne pas éveiller les soupçons des autorités. Avec les matelots, les Puritains sont a bord ; le flot monte, et de petits remous d'écume blanche viennent se briser contre le flanc des navires. Le capitaine du premier bateau va donner le signal de larguer les voiles ; alertes, les mousses et les hommes grimpent aux mâts ; les femmes et les petits, apeurés, dans la cale attendent avec anxiété que la passerelle soit ramenée, et que le clapotis plus fort des vagues contre la carène du voilier annonce enfin qu'on vogue vers la délivrance. A bord, se trouve Cromwell, membre du Parlement, quittant lui aussi le pays qu'il aime, pour essayer de vivre comme Dieu le veut. Il a voulu loyalement rester fidèle a sa loi et à sa patrie. Mais peine inutile. On n'écoute plus les Puritains ; mieux vaut l'exil.

    Les mousses tirent déjà sur les cordes, la brise du soir gonfle les voiles qui se dorent au soleil couchant ; le navire lève l'ancre quand la vigie signale : « Les soldats du Roi ! » Branle-bas dans l'équipage. On laisse retomber l'ancre, le capitaine lance la passerelle, et d'un pas assuré court aux informations ; on lui tend un parchemin scelle aux armes royales sur lequel il lit : « Défense aux huit navires de quitter la côte anglaise avec les émigrants. Ordre du Roi et du Conseil.» Désemparé, il retourne à bord. Cromwell voit son rêve s'évanouir, il lui faut rester au port. Puisque Dieu le veut, il vivra dans son pays, et luttera sans relâche, pour le bien contre le mal, pour son Dieu, pour le peuple contre le tyran, contre le roi, contre Charles. Il saura être vaillant. Et fièrement, la tête haute et la démarche ferme, serrant contre son coeur la poignée de son épée, il débarque, suivi de tous ses amis.

    .

    FOI CONTRE FORCE.

    C'était une belle armée que celle du Roi, disciplinée, entraînée, bien nourrie, forte, avec des réserves, de l'argent, l'appui d'une magnifique cavalerie, le soutien de la noblesse qui y engageait les plus vaillants d'entre ses fils, et l'appui de tous les prêtres et du clergé qui lui gagnaient la sympathie des fidèles !

    Elle ne souffrait aucune comparaison avec les troupes de fortune des puritains, dépenaillées et sans le sou, dirigées par un incapable, le Comte d'Essex.

    Londres avait failli être conquise, par le roi, tant les soldats puritains étaient médiocres. Ils étaient maintenant en camp, sur les bords de la Tamise. Les tentes, carrées et rondes, se dressaient tout près les unes des autres le long du fleuve auquel elles s'adossaient. Un peu en retrait, comme pour saisir d'un seul coup d'oeil tout l'ensemble du campement, le Comte d'Essex avait fait monter sa tente d'état-major. La brume épaisse et humide envahissait tout ; les toiles étaient tout imprégnées d'eau ; le sol détrempé et noirâtre ajoutait encore de la tristesse au paysage. Seuls, quelques soldats, peu impressionnés par le sérieux des temps, riaient à gorge déployée, ou chantaient dans l'affreux jargon de Londres des chansons absurdes ; ivres du matin au soir, ils n'étaient plus capables d'autre effort que de porter un verre, d'une main mal assurée, à leur bouche. Les officiers laissaient faire. Un seul d'entre eux bouillait intérieurement. C'était le capitaine Cromwell. En ce matin de brume, il s'approche de la tente du commandant des troupes.

    - Je veux parler au Comte d'Essex, dit-il à la sentinelle.

    - Général, mon devoir de capitaine m'amène auprès de vous, dit-il sans ambages, dès qu'il est introduit. Je ne suis qu'un modeste capitaine, mais je souffre de voir une armée comme la nôtre. Si nous avons risqué d'être battus, c'est bien notre faute ! Nos troupes sont faites de vieux ivrognes ; pensez-vous que des hommes de ce calibre-là pourront se battre avec succès contre les parfaits gentilshommes des troupes royales? Nous n'avons pas besoin de ce genre de roturiers ivres.

    - Vous savez bien, capitaine, que nous n'avons pas d'argent pour avoir de meilleurs soldats.

    - Ce n'est pas de l'argent, mon général, qui nous donnera de meilleurs soldats!

    - Alors qu'est-ce donc?

    - Pour avoir le dessus, il nous faut posséder des hommes qui aient de la conscience et de la foi. Il nous faut des soldats d'une parfaite correction. Autrement, c'est la défaite et la ruine.

    - Que voulez-vous dire?

    - Mon général, pour vaincre, il ne faut ni armes plus perfectionnées, ni tactique plus soignée, mais des hommes à la conscience droite, à la foi trempée et solide comme le meilleur acier.

    - En connaissez-vous des hommes comme cela?

    - je vous demande de me donner l'ordre d'en aller chercher.

    Puis Cromwell sort de la tente de son général, après avoir tenu ce fier langage que rarement capitaine a parlé. Il n'attend pas, se met de suite à la tache, personnelle. ment. Il ne va pas chercher des brutes avinées comme ses anciens soldats, mais court directement aux assemblées religieuses. Il a des entrevues avec les personnalités influentes de la communauté puritaine, avec les pasteurs. Il n'oublie aucun centre religieux, se présente lui-même devant le,- Eglises : il est grand, fort, parle avec feu, s'impose à tous parce qu'il s'est préparé au combat par une discipline que rien ne peut faiblir. Il sollicite des engagements militaires en posant des questions précises, directes, claires. Quand il rencontre un jeune fidèle

    - Crois-tu en Dieu? lui demande-t-il.

    - Oui.

    - Es-tu prêt à tout faire pour ton Dieu, à affronter la mort et les périls ?

    - Oui.

    - Es-tu prêt à vivre aussi comme Dieu le veut, saintement ?

    - Oui.

    - Donnes-tu toute ta force à l'armée où tu entres, oui ? Alors je te prends dans nos troupes.

    Ferme, volontaire, inflexible, fanatique parfois, il parcourt tous les rangs des puritains. On ne peut faire autrement qu'obéir à un homme de cette envergure. En quelques semaines, il réunit autour de lui un corps solide d'excellents soldats. Puis il les entraîne, et tout en les instruisant, il veille à leur état moral, il chante des psaumes avec eux, il prie avec son armée. Il connaît ses hommes, sait les manier et leur parler.

    Pour le remercier de son travail, le général le nomme colonel. Cromwell fait ses preuves. Il part en campagne avec ses soldats. De tous côtés les ennemis approchent. La situation est grave. L'armée tiendra-t-elle devant l'admirable préparation des cavaliers royaux qui débouchent en rangs serrés, comme des statues d'acier, revêtus de pied en cap des armures les plus effectives et les mieux articulées, portant heaume et bouclier, hallebarde ou lance, et poignards effilés? Dans le silence impressionnant qui précède le combat, Cromwell saute à bas de sa monture. Tous ses hommes ont les yeux fixés sur lui. Ils serrent déjà nerveusement leur lance et leur épée, et dans leur coeur remettent à Dieu l'issue du combat, pendant que le chef, de sa voix sonore fait monter au ciel sa requête confiante. Les ennemis avaient beau rire, lorsque les rangs des puritains se relevaient, ils balayaient tout devant eux. Cela leur valut le nom de « flancs de fer ».

    Huit ans après, Cromwell était devenu général et chef militaire de sa nation. Il avait vaincu tous ses ennemis, sauf les Ecossais contre qui une dernière bataille se préparait. Les troupes sont massées au bas d'une colline. Par un habile mouvement tournant, il jette le désarroi dans les lignes écossaises qui sont désemparées. Ses propres soldats frappent de droite et de gauche, ne ménageant rien ni personne. En quelques heures, la résistance ennemie est vaincue. Cromwell sait la victoire définitive. Il est là, sur son grand alezan, dominant le combat. Des centaines de cavaliers écossais pour échapper au désastre, veulent se sauver. Ils sont suivis a la débandade par le gros de l'armée. Le grand chef puritain lève alors son sabre. On s'attend à de nouveaux ordres qui permettront d'exterminer l'adversaire. Mais non, debout sur ses étriers, il s'écrie de sa puissante voix :

    - Nos ennemis fuient, halte! Soldats ! Chantons le psaume 117 ! »

    Et dans la petite plaine de Dunbar où l'armée écossaise venait d'être écrasée, les voix mâles et rudes des « Flancs de Fer » scandent leurs louanges à l'Eternel, accompagnées par le bruit des vagues du Firth of Forth.

    « Dieu nous a bénis au delà de toutes mes espérances », affirme alors le grand général qui avait cru obstinément a la force indomptable de la foi, de la discipline et de l'énergie morale.

    .

    SEUL CONTRE UN PARLEMENT.

    Le roi avait été exécuté et la république proclamée. Le Parlement, créé après la Révolution siégeait, mais il était en proie à toutes les difficultés ; les députés ne s'accordaient pas, se tiraillaient pour faire aboutir quelques malheureuses lois, étaient jaloux et vindicatifs.

    Tous étaient réunis dans la magnifique Salle du Parlement ; ils étaient arrivés le matin, agités, fiévreux, car ils étaient en train d'escamoter une loi à laquelle Cromwell tenait de tout son coeur. La séance avait repris. C'était le 20 avril 1653. Au beau milieu de la discussion, calme, sans émotion apparente, le grand chef puritain entre simplement dans la Salle des séances. Il s'assied, tous les yeux sont braqués sur lui. Les discours continuent. Cromwell tend l'oreille. Les orateurs se succèdent, interrompus par quelques altercations entre députés. Cromwell guette le moment de prendre la parole. Rassemblé sur lui-même, contenant toute son énergie, il est prêt à bondir. Subitement l'occasion se présente. Alors, il se lève, et sa forte voix résonne dans le vaste hall. il s'anime, parle d'injustice et d'arbitraire. Ses gestes accompagnent sa parole vive et alerte. Il livre un grand combat. Il attaque les députés qui l'interrompent. On crie, on tape des mains, on fait un brouhaha indescriptible. Peu importe il continue. On veut le faire asseoir. Il se redresse et dans le tumulte que domine sa parole hardie, il clame son indignation : « Taisez-vous tous, leur crie-t-il, j'en ai assez 1 Vous n'êtes pas un Parlement, Dieu ne veut plus de vous ! »

    A ces mots, le bruit redouble. Cromwell sent qu'il doit tout mettre en jeu. Il sait ce que valent tous les représentants du peuple qui siègent autour de lui. Il va frapper le grand coup, et s'adressant au fur et à mesure à chacun d'eux.

    « Toi, dit-il, tu es un débauché ; toi, un adultère ; toi, un fripon ; toi, un ivrogne ; allez, disparaissez tous loin de moi, disparaissez ! »

    A chaque apostrophe, il frappe du pied. C'est le signal convenu. Les portes s'ouvrent, et tout armés, ses soldats envahissent la salle qu'ils ont reçu l'ordre de nettoyer. En un clin d'oeil tous les députés sont entourés ; des mains vigoureuses les conduisent dans la rue. Les récalcitrants crient, se sauvent dans la salle ou se cachent sous les bancs. On leur fait la chasse et les emmène. D'autres résistent des mains et des pieds. Les militaires les empoignent, les soulèvent comme des sacs et les déchargent dans la cour. Toute résistance est vaine ! Le maître est là, bravant le courroux des députés.

    Bientôt il ne reste dans la salle comme vestiges de la lutte que gants, chapeaux et armes. Cromwell embrasse du regard le grand hall en désordre et vide, puis calmement il sort, ferme la porte avec soin et met la clé dans sa poche.

    Le soir même un inconnu confectionna un écriteau qu'il vint clouer sur la porte du Parlement ; les Londoniens purent y lire ces mots: Maison à louer. C'était la fin d'un Parlement indigne. On le regretta si peu, dit la légende, que « pas même un chien n'aboya lors de sa dissolution ».

    .

    UN HOMME D'ETAT QUI CROIT EN DIEU.

    Il n'était pas facile pour Cromwell, devenu Lord Protecteur de la République d'Angleterre, de diriger les affaires religieuses de son pays. Il y avait de nombreuses sectes, baptistes, quakers, indépendants, presbytériens ; des sortes de prophètes sillonnaient le pays, prêchant un évangile de révolte ou de communisme, ameutant une foule naïve et faisant germer des espoirs trompeurs. Dans tout ce dédale, Cromwell voit clair, use de la plus grande patience, tâche de comprendre chacun, même les Juifs, à qui il serait prêt à donner droit de cité.

    Le Protecteur est dans son palais, chaque jour les hommes d'Etat viennent le renseigner sur les affaires de la République. On lui signale que Georges Fox, le grand Quaker, avait amené des désordres par ses prédications, et avait été emprisonné. Cromwell le fait chercher. L'évangéliste arrive aussitôt dans la chambre à coucher du Protecteur ; celui-ci se levait.

    « Que la paix soit sur ta maison », lui dit Fox.

    « Que la Paix soit sur toi !»

    « Tâche de conserver ta foi en Dieu, car pour un souverain comme toi, il faut être guidé par une sagesse immortelle ! »

    C'est ainsi que Georges Fox, un prisonnier accusé et jugé, aborde le plus grand homme d'Angleterre, puis il lui expose ses doléances, ses convictions, sa foi, les sévices qu'endurent les « amis ». Bientôt d'autres personnes arrivent pour discuter de problèmes avec le Protecteur d'Etat. Fox se retire et Cromwell, les yeux brillants, lui dit en lui tendant les bras :

    « Reviens me voir 1 Si toi et moi nous pouvions passer une heure du jour ensemble, nous serions vite tout près l'un de l'autre ; sois sûr que je ne te veux pas plus de mal qu'à moi-même! »

    Et Georges Fox, s'éloignant, assurait que pour « quiconque écoute la voix de Dieu, son coeur ne s'endurcit jamais. »

    Cromwell est bien le fondateur de la liberté religieuse.

    .

    LE PROTECTEUR DES FAIBLES.

    Ce jour-là, le 3 juin 1655, Cromwell allait ajouter un rayon de plus a sa gloire. Il s'était levé joyeux, puis avait passé en prières quelques instants, pour bien commencer sa journée. Une grande tâche l'attendait : la signature d'un traité avec la France.

    Tout avait été arrangé, la France et l'Angleterre étaient tombées d'accord sur les lignes principales et les détails. En. grande pompe, le Protecteur allait devoir apposer sa signature. La salle était parée, la noblesse et les officiers y jetaient les couleurs vives de leurs vêtements et l'éclat de leurs armes ; des grandes baies largement ouvertes descendait la chaude lumière de juin. Sur la monumentale table de chêne, une plume blanche, toute neuve et pas encore taillée reposait auprès du pot d'encre et du sablier. Devant la table, le fauteuil où Cromwell devait s'asseoir pour signer, restait vide.

    On attendait. Ce n'était pourtant pas dans les habitudes de Cromwell, homme Ponctuel et volontaire, de se faire désirer. L'attente se faisait longue. Les assistants craignaient quelque malheur.

    Soudain un familier entre. On l'entoure pour s'informer du retard.

    « Un courrier vient d'arriver du continent, dit-il, et apporte avec lui la nouvelle du massacre des Vaudois par les troupes de Charles-Emmanuel Il de Savoie. Ce sont des enfants arrachés à leurs mères et écrasés, contre les rochers, ou coupés en deux, des hommes liés la tête entre les jambes, et roulés comme des pelotons à travers les précipices des Alpes. Cromwell, ajoute-t-il, en entendant cela, s'émeut aux larmes.»

    Au lieu de venir à la Salle du Traité y signer le par, chemin qu'on lui présentait, il se cache la figure dans les mains et sanglote en s'écriant :

    « Les souffrances de ce pauvre peuple touchent mon coeur autant que si elles avaient frappé mes plus proches parents. Je ne peux pas signer ce traité avec un toi qui permet de tels crimes. Jamais je ne commettrai cette lâcheté ! »

    A peine ce récit est-il fait que la porte des appartements du Protecteur s'ouvre. Les traits ravagés par la douleur, il s'avance et redit aux assistants l'horreur de ces massacres de protestants par un prince catholique.

    « Qu'un messager parte de suite pour la France, dit-il, et qu'il annonce au Roi et au cardinal Mazarin que jamais je n'apposerai ma signature au bas du traite, avant que la France m'ait promis assistance pour que justice soit rendue aux Vaudois! »

    Le messager partit avec cette fière demande. Mais comme les jours devaient passer avant qu'une réponse soit donnée, le Protecteur voulut montrer la puissance de sa foi et de son amitié. Il organisa à Londres une immense collecte pour les pauvres protestants. Et quand, le 13 juin, le peuple se réveilla, des clercs vinrent frapper à la porte de chaque maison particulière, apportant des papiers officiels et demandant de l'argent avec une telle insistance que chacun était bien forcé de donner. Tout le monde y travailla ; les ministres autant que le peuple et que Cromwell lui-même. Ainsi patronnée cette grande oeuvre de charité rapporta 100 000 livres.

    Le Pape lui-même en fut effrayé. Profitant des circonstances, Cromwell caresse un projet de Société des nations protestantes. « Il est temps, écrit-il, que les protestants du monde entier s'unissent et prennent en considération leur propre sûreté. Le sommeil leur serait fatal. »

    La lettre à Mazarin fit de l'effet. La Cour de France fut sens dessus dessous. Le Cardinal, dit-on, changeait de couleur toutes les fois qu'on prononçait le nom du Protecteur devant lui. De dépit, il fit arranger les choses et l'accord de Pignerol fut signé, qui donna aux Vaudois leur liberté religieuse.

    Ce n'avait pas été sans menaces, mais la foi avait encore ici triomphé de la force. La lettre au roi Louis XIV. écrite de la main de Cromwell, avait moralement forcé le roi de France à user de toute son influence pour faire cesser ces massacres.

    Voici cette lettre

    « Et maintenant, ô Roi chrétien, je vous adjure et vous supplie par cette main droite que vous nous avez donnée en signe de votre alliance fraternelle, d'empêcher ces choses. Ne permettez pas que des flots de sang soient de nouveau répandus par des fanatiques qui se donnent pour des disciples de Christ, et qu'ils se servent de ses commandements et de son nom glorieux pour massacrer de la façon la plus cruelle de pauvres innocents. Ne souffrez pas que les frontières de votre royaume soient souillées d'un tel déshonneur, et que sous votre règne, l'Evangile de paix soit avili par de telles infamies. Il y a aussi des raisons d'Etat qui devraient vous engager à accueillir les plaintes de ce peuple. Mais un Roi tel que vous n'a pas à défendre les malheureux par d'autres motifs que sa propre piété, sa royale bienveillance et la grandeur de son caractère. »

    Alors Cromwell, fort de cette victoire spirituelle, apposa sa grille au traité que la France lui demandait depuis des mois, puis épuisé par son activité, il tomba gravement malade.

    La foule remplissait les églises en Angleterre et sur le continent, priant pour sa vie. Il s'éteignit en disant :

    « Je suis la plus pauvre des créatures ; mais j'aime Dieu ou plutôt je suis aimé de Dieu ; je suis un vainqueur et bien plus qu'un vainqueur, par le Christ qui me fortifie. »

    Le 3 septembre 1658, Cromwell connut enfin le repos dont il n'avait jamais pu jouir sur cette terre.

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    NOTES HISTORIQUES

    Olivier Cromwell, né à Huntington en 1599, dans une famille aisée de la haute bourgeoisie anglaise. Orphelin de père, doit, après des études hâtives de droit assumer la direction d'un important domaine familial. Puritain large mais strict, élu au Parlement se range dans l'opposition au gouvernement et au Roi, despote et catholique. Passe comme officier dans les troupes anti-gouvernementales, devient capitaine, réorganisateur de l'armée, puis général, fait arrêter et décapiter le roi Charles 1er, est nommé Protecteur de l'Angleterre, instaure un régime protestant puritain en 1653, prend la défense de toutes les minorités protestantes de l'Europe, devient l'un des plus puissants monarques, exerce une influence profonde sur les moeurs de son temps, qu'il réforme et régénère. Meurt en 1658. Son fils lui succède, puis abandonne le pouvoir.

    Homme de génie politique évident, protestant et enthousiaste, ambitieux pour lui, pour sa religion et son pays, a été un des hommes à la fois les plus hais. et les plus aimés.

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    INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

    - Pasteur Goth. Olivier Cromwell, avec une introduction du professeur Borgeaud.

    - Victor Hugo. Cromwell, avec une introduction historique.

    - Carlyle. Lettres de Cromwell (en anglais).

    - Gardiner. La Révolution puritaine (en anglais).

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    NOTES PÉDAGOGIQUES

     

    Pour les aînés.

    1. Etudier l'attitude de Cromwell à la bataille de Dunbar.

    2. Jusqu'où doit aller l'enthousiasme religieux? De la tolérance au fanatisme? Etudier à ce propos l'attitude de Cromwell à l'égard des sectaires et des catholiques. Pouvons-nous observer une même attitude aujourd'hui?

    3. Discuter le projet de « Fédération des Nations protestantes » et se demander si la Société des Nations, la Fédération internationale des Eglises chrétiennes (Congrès de Stockholm), l'Alliance Universelle des Unions chrétiennes de Jeunes gens ne sont pas des reprises de ce projet primitif.

    4. Comparer la vie de Cromwell avec celle d'autres grands capitaines chrétiens comme Coligny ou maréchal Feng.

    5. Déterminer la puissance de l'influence d'un chef, quel qu'il soit en prenant comme point de départ la puissance exercée par Cromwell dans son armée. Jusqu'où l'influence d'un tel homme est-elle légitime, quand dépasse-t-elle les limites normales?

     

    Pour les cadets.

    Images: Cromwell. Charles 1er. Mazarin.

    Carte de l'Europe. Faire retracer par un cadet la carrière politique de Cromwell.

    Dessin d'illustration: 1. Les huit bateaux. - 2. Cromwell officier; - 3. Le Parlement « maison à louer ». - 4. Cromwell refuse de signer le pacte avec la France.

    Rédaction-modelage: Portrait de Cromwell.

    Saynète: Cromwell et le comte d'Essex.



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