NOTES
BIBLIOGRAPHIQUES
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DES AVENTURIERS D'UN NOUVEAU
GENRE
Si, le 19 novembre 1620, a la tombée
de la nuit, des Indiens parmi ceux qui peuplaient alors, toute
l'Amérique, s'étaient trouvés sur le rivage
du Cap Cod (1),
ils auraient assisté, dissimulés
derrière les broussailles, stupéfaits et
méfiants, aux tentatives d'abordage d'un navire arrivant
d'Europe. Ce n'est qu'une pauvre embarcation à voiles,
raccommodée tant bien que mal en cours de route, et
lourdement chargée. A bord : une centaine d'hommes, de
femmes, d'enfants, serrés parmi les caisses et sacs de tous
genres ; des gens amaigris et sales, comme on peut l'être
après un voyage de plusieurs mois sur un navire sans
confort ; et pourtant, des gens à la fière mine,
qui, loin d'avoir l'apparence de fugitifs ou d'aventuriers
vagabonds, frappent par leur mâle allure d'hommes libres et
leur audacieux regard de conquérants.
Qui donc étaient-ils ces
étranges navigateurs, capables de se lancer dans une si
folle aventure? Car enfin, ce n'est pas le tout d'avoir
heureusement abordé ; comme le dira plus tard l'un d'entre
eux :
« Ils arrivaient au bout de leur voyage
mais ils ne voyaient point d'amis pour les recevoir, point
d'habitation pour leur offrir un abri ; on était au milieu
de l'hiver, et ceux qui ont appris a connaître notre climat
savent combien les hivers sont rudes, et quels furieux ouragans
désolent alors nos côtes. Dans cette saison, il est
difficile de traverser des lieux connus, à plus forte
raison de s'établir sur des rivages nouveaux. Autour d'eux
n'apparaissait qu'un désert hideux et désolé,
plein d'animaux et d'hommes sauvages, dont ils ignoraient le
degré de férocité et le nombre. La terre
était glacée, le sol couvert de forêts et de
buissons. Le tout avait un aspect barbare et derrière eux,
ils n'apercevaient que l'immense océan qui les
séparait du monde civilisé. »
Encore une fois, d'où venaient-ils et
qu'est-ce qui pouvait bien les avoir amenés là ces
« conquérants » qui, sur le point de
débarquer, se jettent à genoux sur le pont de leur
navire et bénissent le Dieu des cieux qui les a
portés sur les flots rageurs de l'Océan et leur
permet de poser le pied sur terre ferme?
Ces voyageurs sont des Anglais qui ont
abandonné leur patrie. Ils sont de ces « Puritains
» qui ont refusé de plier le genou devant une
autorité royale de plus en plus infidèle à la
vérité évangélique.
Tour à tour Henri VIII, Edouard VI,
Marie et Elisabeth Tudor, Jacques 1er sont montés sur le
trône d'Angleterre et servis par un clergé indigne,
ont prétendu plier à leur loi tout ce petit peuple
« dont le Seigneur avait touché les coeurs d'un
zèle divin pour la vérité ». Depuis plus
de cinquante ans, la persécution sévit pour ainsi
dire sans arrêt ; les livres saints sont
brûlés, les cultes interdits en dehors de l'Eglise
inféodée à la royauté; en la seule
année 1605, trois cents ministres puritains sont
réduits au silence, emprisonnés ou exilés...
Et cependant le nombre des Puritains augmente. Mais
surveillés, obsédés nuit et jour, par une
soldatesque impie, traqués dans les forêts où
ils se retirent pour célébrer leur culte autour de
la Bible, ils finissent par désespérer de leur
patrie et regardent s'il n'est pas, au delà des mers
quelque terre de liberté. La Hollande sortait alors
victorieuse de luttes formidables contre la catholique Espagne et
venait de proclamer la liberté religieuse. C'est vers elle
qu'un premier contingent de puritains guidés par le pasteur
Robinson, tourna ses regards.
Au printemps 1608, ils s'assemblent en grand
secret, sur une lande déserte d'où une barque
à rames les conduira par petits paquets au navire qui les
attend au large. Déjà les plus hardis se sont
confiés aux flots. Mais dans la nuit qui couvre la
bruyère retentit soudain le galop des chevaux et le
cliquetis des armes. C'est une compagnie de cavaliers
envoyés à la poursuite des émigrants. En un
rien de temps, les femmes et les enfants serrés les uns
contre les autres, sont pris en une seule masse : «
C'était pitié, dit un chroniqueur du temps, de voir
ces pauvres gens dans un si fâcheux état de
détresse, et d'entendre les pleurs et les cris qui
s'élevaient de tous côtés. » Mais que
faire de ces femmes et de ces enfants qui avaient voulu suivre
leurs époux et pères et qui n'avaient plus de foyer?
On finit par admettre qu'«il fallait être content de
s'en débarrasser à n'importe quel prix ». Et
c'est à la faveur de l'embarras des persécuteurs
que, finalement, Robinson et son troupeau abandonnèrent le
pays de leurs pères.
« Ils savaient - dit encore la
chronique - qu'ils étaient des pèlerins et ils ne
s'inquiétaient pas beaucoup des choses qui leur arrivaient,
mais ils élevaient les yeux vers le ciel, leur plus
chère patrie, et ils retrouvaient ainsi le calme de leurs
esprits. »
A Amsterdam ou ils
débarquèrent les familles se retrouvèrent et
se reconstituèrent. « Ils virent la pauvreté
s'avancer sur eux comme un homme armé », mais «
attentifs à garder leur parole, laborieux et diligents dans
leurs professions » ils vécurent d'abord quelques
années de paix sans se douter que ce voyage n'était
que la première étape de courses infiniment plus
longues et plus dangereuses.
En réalité, ils ne
vécurent que douze ans en Hollande. Ces laboureurs avaient
peine à se faire à un nouveau genre de vie. Ils
s'appauvrissaient, puis ils craignaient, pour leurs enfants, les
moeurs trop dissolues du pays. Aussi leurs regards se
portèrent-ils vers cette lointaine Amérique,
où quelques colons les avaient déjà
précédés. L'idée d'étendre
ainsi les possessions de leur Roi, celles de propager aussi
l'Evangile, leur souriait. Ils résolurent donc de partir
pour la Virginie septentrionale où une compagnie de Londres
avait établi quelques comptoirs de commerce et de
chasse.
Pourtant, ce n'était pas une gaie
perspective qui s'ouvrait devant eux. Il faudrait se
séparer de nouveau, les plus valides seuls partiraient tout
d'abord. A peine la vente de leurs modestes biens fournirait-elle
le nécessaire pour la traversée. Et quels risques
allait-on courir? Mais rien n'arrête ces valeureux champions
de la sincérité personnelle et de la liberté
religieuse.
« Toutes les grandes et belles choses,
dirent-ils, ne s'accomplissent jamais qu'au milieu de grandes
difficultés et réclament un courage à la
hauteur des circonstances... et, après tout, s'il nous faut
perdre la vie dans une si belle et si noble entreprise, ne
pouvons-nous pas le faire avec joie. »
La veille du départ, partants et
restants se rendirent au port où la nuit se passa sans
sommeil.
« Elle s'écoula, raconte l'un
d'entre eux, en épanchements d'amitié, en pieux
discours, en expressions d'une véritable tendresse
chrétienne. Au matin, ils se rendirent à bord ;
leurs amis voulurent encore les y accompagner ; ce fut alors qu'on
ouït de profonds soupirs, qu'on vit des pleurs couler de tous
les yeux, qu'on entendit de longs embrassements et d'ardentes
prières, dont les étrangers eux-mêmes se
sentirent émus. Le signal du départ étant
donné, ils tombèrent à genoux, et leur
pasteur levant au ciel des yeux pleins de larmes, les recommanda
à la miséricorde du Seigneur. Ils prirent
congé les uns des autres et prononcèrent cet adieu
qui, pour beaucoup d'entre eux, devait être le dernier.
»
Ainsi, stoïquement, partent au devant
de l'inconnu, ceux-là qui ne se laissent conduire par rien
d'autre que la voix de Dieu. C'est par respect envers eux que,
reprenant un terme qu'ils affectionnaient, on les appela ensuite
les Pères Pèlerins. Il ne faudrait pas en conclure
qu'ils fussent des vieillards : au contraire, le plus
âgé de leurs chefs de famille n'avait que trente-six
ans.
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EN ROUTE POUR
L'AMÉRIQUE
C'est huit jours de plaisir que la
traversée de l'Océan aujourd'hui. Il en était
autrement alors, et les embarras ne tardèrent pas à
surgir. Le « Speedwell » les transporta à
Southampton, d'où, avec quelques recrues, ils devaient
partir en deux bateaux pour la grande aventure. Mais le capitaine
du « Speedwell » et son équipe,
épouvantés des dangers de l'entreprise,
s'arrangèrent de manière à ce que le bateau
fasse eau; aussi fallut-il aborder de nouveau en hâte,
laisser en Angleterre une partie de la troupe, et entasser le
reste sur l'autre embarcation qui partit seule. C'était la
« Mayflower » (Fleur de Mai), une vieille barque
vermoulue, ayant jusqu'alors servi au transport de la morue ; mais
son nom était un beau symbole d'espérance, et cette
espérance, l'avenir ne l'a point
déçue.
La navigation fut pénible ; un homme
mourut pendant le voyage ; un autre tomba à la mer, mais
put réchapper grâce à des cordages. D'autre
part, un enfant, qu'on appela Océanus, naquit en cours de
route.
Ces faits donnent une faible idée de
cette traversée héroïque qui dura deux longs
mois après lesquels les pèlerins virent enfin
apparaître les côtes de l'Amérique. Leur
intention première était d'atteindre la Virginie qui
abonde en ports magnifiques et commodes, en baies et en fleuves
superbes. C'est ainsi que les premiers colons envoyés par
la Compagnie de Londres avaient jeté l'ancre dans la
splendide baie de Chesapeak, mais les Puritains chassés par
des courants ou poussés, malgré eux, par leur
désir de trouver une terre où ils pourraient
s'établir en une société distincte,
aboutirent finalement sur la partie la plus stérile et la
plus inhospitalière du Massachusetts. Au
soixante-cinquième jour, ils jetèrent l'ancre dans
la rade du Cap Cod, comme cela a été dit au
début de ce récit.
Avant de débarquer, ils
délibérèrent sur la manière dont ils
constitueraient leur vie et leur gouvernement.
Il y avait parmi les passagers de la «
Fleur de Mai » certains éléments plus ou moins
indisciplinés, des individus qui s'étaient plus ou
moins faufilés parmi les autres au moment de l'embarquement
et manifestaient déjà leur intention de vivre
à leur guise.
La plupart, néanmoins, avaient
heureusement assez de bon sens et d'esprit de discipline pour
comprendre que s'ils ne se soumettaient pas de plein gré
aux lois de la solidarité, ils seraient tous perdus. Aussi
se donnèrent-ils des chefs énergiques, et se
constituèrent-ils en une communauté solidement
organisée. Ils confièrent le pouvoir exécutif
au gouverneur Bradford, tandis que le capitaine Standish devenait
leur chef militaire; puis, conscients de la solennité de
l'heure présente et de l'importance primordiale d'un bon
point de départ, ils signèrent d'un consentement
unanime, avant de débarquer, le pacte que voici :
« Au nom de Dieu, ainsi soit-il. Nous,
soussignés, les fidèles sujets de notre redoutable
seigneur le roi Jacques, par la grâce de Dieu Roi
d'Angleterre, d'Ecosse, etc., ayant entrepris pour là
gloire de Dieu, l'avancement de la foi chrétienne,
l'honneur de notre roi et de notre patrie, un voyage à
l'effet de fonder la première colonie dans le nord de la
Virginie, reconnaissons solennellement et mutuellement, en
présence de Dieu et l'un en présence de l'autre que,
par cet acte, nous nous réunissons en un corps politique et
civil pour maintenir entre nous le bon ordre et parvenir au but
que nous nous proposons. Et, en vertu du dit acte, nous ferons et
établirons telles justes et équitables lois, telles
ordonnances, actes, constitutions, et tels officiers qui nous
conviendra, suivant que nous le jugerons opportun et utile pour le
bien général de la colonie. En foi de quoi nous
avons signe. au Cap Cod, le 11 novembre l'an du Seigneur 1620.
»
Cet acte fut signé par tous les
émigrants mâles au nombre de quarante et un qui, avec
leurs familles, formaient la colonie de cent personnes
arrivée dans la Nouvelle-Angleterre.
L'un des grands historiens des Etats-Unis a
dit de ce pacte que ce fut la « la naissance de la
liberté constitutionnelle des peuples ». Un autre
historien ajoutait : « Ils furent les premiers à
croire et a démontrer que la démocratie est
essentielle a la pleine réalisation de la foi
chrétienne, et que la foi chrétienne est essentielle
à la pleine réalisation de la démocratie
».
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LES LUTTES AU BERCEAU DU MONDE
NOUVEAU.
Nos amis sont sur terre ferme. Mais les
vraies difficultés ne font que commencer.
Ils furent atteints dans leur santé
tout d'abord ; ils mangèrent des moules qui les rendirent
tous malades. Puis le climat auquel ils n'étaient pas
accoutumés leur fut rude. Les premiers jours, leurs
chaloupes ne pouvaient aborder directement, et les hommes devaient
se jeter à l'eau. Celle-ci gelait sur leurs habits, de
sorte qu'ils paraissaient vêtus de cottes de mailles. Le
manque d'hygiène, de nourriture saine, les
intempéries, le surmenage firent des ravages au milieu
d'eux : au printemps, la moitié exactement des
Pèlerins avait succombé. On les ensevelissait sur le
bord de la mer, faisant soigneusement disparaître toute
trace de sépulture de peur de révéler aux
Indiens l'affaiblissement de la Colonie. Malgré tout,
quand, en avril, la « Fleur de Mai » remit le cap sur
l'Angleterre, aucun des Pèlerins ne songea à s'y
joindre.
La compagnie qui s'était
chargée du transport, « les Entrepreneurs de Londres
», leur fit aussi mille ennuis. Ces gens, en concluant un
arrangement commercial avec nos Pèlerins, poursuivait un
but uniquement mercantile. Ils s'étaient
réservés le droit d'adjoindre aux Puritains des
compagnons, qui vinrent troubler l'unité d'inspiration de
la Colonie. Une nouvelle embarcation, « la Fortune », en
1622, puis deux autres en 1623, amenèrent une
société très mélangée, qui,
arrivant sans vivres, augmenta encore la disette de la
communauté. Les deux premières moissons avaient
été chiches, en effet ; puis, comme tous les biens
étaient propriété commune, il se trouvait des
paresseux pour vivre aux crochets d'autrui. Aussi, au bout de
trois ans, se décidèrent-ils à faire une
équitable répartition du sol entre les familles, ce
qui améliora notablement la prospérité
générale; puis, une abondante récolte vint
enfin mettre un terme au dénuement du début et
rendre leur avenir moins sombre. Ils purent se libérer de
leurs engagements a l'égard des Entrepreneurs de Londres,
et réaliser enfin en 1629 et 1630, le projet longtemps
différé de faire venir leurs frères et amis
restés en Hollande, ce qui vint donner
définitivement la prépondérance a
l'élément puritain au sein de leur colonie, qu'ils
avaient appelée Plymouth.
Dès la première arrivée
des colons, une de leurs plus grosses préoccupations avait
été, on le comprend. les relations avec les
Indiens.
Dans leurs premières tournées
d'exploration, ils avaient aperçu des feux dans le lointain
; l'un des Pèlerins tomba un jour dans une trappe à
chevreuil ; un matin une pluie de flèches les surprit alors
qu'ils se mettaient à déjeuner ; une autre fois,
sous des monticules de terre fraîchement remuée,
qu'ils prirent tout d'abord pour des tombes, ils
découvrirent une abondante provision de maïs. Il
était le bienvenu, et nos amis se l'approprièrent se
promettant de le rendre plus tard. Mais les hommes disparaissaient
toujours à leur approche.
Pourtant, trois mois après
l'arrivée de la « Fleur de Mai», les colons
virent brusquement entrer dans leur village un individu vêtu
de quelques peaux brutes, le teint basané, le visage
maquillé de vives couleurs. Il parlait un mauvais anglais,
dit s'appeler Samoset, et être le sujet du sachem
Massasoït. Il proposait une entente pour le trafic des
fourrures ; il revint le lendemain avec quelques compagnons, et se
fit héberger quelques jours. Puis, il fit comprendre la
nécessité d'envoyer à leur tour des
émissaires auprès de son souverain. Non sans
hésitation et rassures à demi, trois des principaux
de la colonie partirent rendre visite au chef indien, qui les
reçut avec amabilité, et les hospitalisa avec lui
dans son propre lit ; mais ils ne purent y dormir à cause
des moustiques et des puces. Tout était sale et
répugnant. Ils rentrèrent à Plymouth le
cinquième jour, défaillants faute de sommeil et de
nourriture. Mais l'accord était conclu : on ne se ferait
réciproquement aucun tort, et l'on se prêterait
mutuellement assistance en cas de danger. L'inconvénient
était que nos colons se trouvaient entraînés
désormais dans les luttes entre Massasoït et les
tribus indiennes qui lui étaient hostiles.
Tout aurait bien été
cependant, si de nouveaux colons Européens, établis
à peu de distance des nôtres, ne s'étaient mis
à agir à l'égard des Indiens d'une
manière brutale et inique. Ils firent tant que nos amis
apprirent un jour l'existence d'un complot tramé entre
toutes les tribus de la contrée pour l'extermination des
blancs. Qu 1 allaient devenir nos quelque cinquante hommes contre
les centaines d'indigènes? L'heure était tragique,
il fallait sans tarder tenter un grand coup. Une dizaine d'hommes,
munis de mousquets - l'arme à feu inventée depuis
peu et ignorée des Indiens - partirent pour surprendre le
foyer de la conspiration et le dérouter par la terreur ;
ils surgirent brusquement au milieu des Indiens, tuèrent
trois hommes à coups de feu et pendirent un
quatrième. Epouvantés, les Indiens s'enfuirent.
Informé plus tard du fait, le pasteur Robinson
écrivait aux Puritains: « Oh! quelle heureuse chose
si, avant d'en tuer aucun, vous en aviez converti quelques-uns!
» Toutefois cet audacieux coup de main évita
vraisemblablement une effusion de sang beaucoup plus grave.
Ce fut là l'un des derniers grands
dangers qu'ils coururent de la part de leurs voisins
indigènes ; la population de race blanche augmentait, du
reste, rapidement. En 1643, Plymouth entra dans la
Confédération de la Nouvelle-Angleterre et, en 1691,
elle fut incorporée dans l'Etat de Massachusetts, l'un des
Etats-Unis de l'Amérique du Nord.
En danger sur mer et sur terre,
persécutés par leurs concitoyens, menacés par
les tribus étrangères, trompés par de faux
frères, nos héros ont tenu bon.
Plusieurs d'entre eux avaient reçu
une bonne éducation; il y avait parmi eux des gens
très cultivés, et habitués à une vie
confortable. C'est délibérément qu'ils
avaient choisi cette rude existence. Ils savaient que rien ne
débilite le caractère comme une vie facile et molle,
et que seuls accomplissent de grandes choses, les hommes qui ne
craignent pas l'effort.
Comme tous les grands coeurs, les
Pères Pèlerins recherchaient l'indépendance.
Ils ont tout sacrifié pour posséder celle qui est la
plus précieuse : la liberté de conscience.
S'affranchir du mal et ne se laisser détourner par rien de
ce qui est juste et vrai, tels furent les principes grâce
auxquels ils devinrent le sel de ces terres nouvelles où
ils abordèrent. Ce sont eux qui donnèrent une
âme à ces lointaines colonies.
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NOTES HISTORIQUES
En 1531, le Roi d'Angleterre Henri VIII
avait soustrait l'Eglise de son pays à la domination de
Rome, pour des raisons personnelles (l'Eglise catholique
n'admettant pas le divorce) ; on conçoit que cela ne marqua
pas un réveil de la foi. A deux reprises après lui,
le culte catholique fut réétabli et renversé
par ses successeurs.
Dans le marasme général, des
souffles plus toniques se faisaient pourtant sentir. L'Angleterre
avait eu au XlVe siècle un réformateur avant la
lettre: Wiclef, et son action avait laissé des traces
durables ; l'influence de John Knox (mort en 1384), le
réformateur écossais. agit aussi ; enfin, le
calvinisme du continent pénétrait également
la grande île. C'est ainsi que peu à peu parurent,
dans le clergé comme dans la foule, des hommes
résolus à purifier l'Eglise de ses nombreuses traces
de catholicisme, et à placer au centre du culte la
prédication évangélique : c'étaient
les Puritains.
Au commencement du siècle qui nous
occupe, la reine Elisabeth Tudor cherchait à rallier tout
son peuple à l'anglicanisme, et réprimait toute
liberté de pensée. On ne pouvait rien publier sans
avoir l'autorisation de l'archevêque de Canterbury. Les
évêques pouvaient citer quiconque à comparer
devant eux, et le condamner à la prison sans autre
instance.
Jacques 1er, succédant à
Elisabeth en 1603, se montra plus tyrannique encore. Il convoqua
une conférence entre les Puritains et leurs opposants:
c'était simplement pour se moquer d'eux et les couvrir de
ridicule. Il déclara, en renvoyant les Puritains, que, s'il
n'arrivait pas à les soumettre, il les chasserait de son
royaume. Et les évêques présents
déclarèrent que ces injures étaient
dictées par le Saint-Esprit lui-même.
Mais ces efforts allèrent à
fin contraire. Alors que la plupart des Puritains restaient tout
d'abord fidèlement attachés à l'Eglise
anglicane, il s'en trouva, et toujours plus nombreux, pour
affirmer qu'il fallait se soustraire à cette
autorité, et que l'Eglise doit être formée des
seuls croyants convaincus et pratiquants fidèles. C'est
parmi ces derniers que se recrutèrent les Navigateurs de la
« Fleur de Mai ».
A propos de l'Amérique rappelons que
c'est en 1492 que Christophe Colomb découvrit le Nouveau
Monde. Il débarqua d'abord dans une des îles de
Bahama, qu'il baptisa San-SaIvator. Une seconde expédition
le conduisit à la Jamaïque, une troisième tout
au long des côtes de l'Amérique du Sud. En 1519, F.
Cortez conquit le Mexique et dix ans plus tard, Pizarre s'empara
du Pérou.
Privée des mines d'or qui attiraient
tant d'aventuriers dans l'Amérique du Sud, la partie
septentrionale du Nouveau Monde fut longtemps
négligée par les colons européens. Au 161,
siècle quelques marchands de fourrures y
séjournèrent pour traiter avec les indigènes,
mais les premiers colons qui s'y fixèrent d'une
manière sérieuse et durable furent les
Puritains.
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NOTES PÉDAGOGIQUES
Pour les aînés.
1. Que penser des Puritains
séparatistes?
2. Méditer ces paroles que le pasteur
Robinson adressa à ses ouailles le dernier dimanche qu'ils
vécurent en Hollande:
« Il déplora, dit un de ses
auditeurs, l'état des Eglises réformées qui
avaient mis un point d'arrêt à leur
développement religieux, refusant d'aller plus loin que
ceux qui furent les instruments de leur réformation.
Aveuglement déplorable! car, pour si grandes qu'aient
été les lumières des réformateurs et
de leurs contemporains, il n'est pas dit qu'il n'y eût plus
en eux d'obscurité. Il avait la conviction que le Seigneur
nous tenait en réserve d'autres lumières dans sa
parole.»
3. Citer des hommes de la Bible, qui, comme
les Pèlerins, pour obéir à la voix de Dieu
sont partis au devant de l'inconnu, ou ont encouru la
persécution.
4. Discuter les affirmations de la lettre
suivante de Robinson aux Pèlerins, lettre qui les avait
atteints au moment de leur départ d'Angleterre, et qui les
inspira dans l'organisation première de leur vie commune.
Noter ce qu'elle avait de nouveau à l'époque et pour
ces hommes :
« Vous allez être appelés
à former un corps politique et à établir un
gouvernement civil, sans avoir parmi vous des personnages
particulièrement distingués que vous puissiez
élever aux charges de l'Etat. Agissez en hommes sages et
chrétiens, non seulement en choisissant des candidats
dévoués au droit public, mais aussi en leur rendant
l'honneur et l'obéissance qui leur sont dûs dans
l'exercice de leurs fonctions ; ne vous arrêtez pas à
considérer qu'ils ne sont que des hommes comme tous les
autres, mais songez qu'ils sont établis de Dieu pour votre
bien. N'imitez pas la multitude frivole, qui fait plus de cas des
habits chamarrés que des vertus des fonctionnaires et de
l'ordre de Dieu. Mais vous connaissez mieux que cela, sachant que
pour si humble que soit la personne d'un fonctionnaire, il faut
respecter en lui le pouvoir et l'autorité de Dieu dont il
est le représentant. Vous devez vous attacher d'autant plus
scrupuleusement à l'observation de ce devoir dans votre
position actuelle que vous aurez pour vous gouverner des hommes
que vous aurez vous-mêmes choisis. »
5. Comparer le pacte des Pèlerins
avec le pacte helvétique de 1291.
6. Discuter l'affirmation citée d'un
historien sur les rapports entre la démocratie et la foi
chrétienne.
7. Que penser du communisme qui se pratiqua
au début à Plymouth ?
8. Comment juger l'acte des Pèlerins
s'adjugeant la provision de maïs des Indiens ; et, plus tard,
l'acte par lequel, devançant l'attaque indigène, ils
tuèrent par surprise quatre d'entre eux?
Pour les cadets:
Cartes géographiques pour
préciser la distance qui sépare l'Angleterre de
l'Amérique, la durée du trajet alors et
aujourd'hui.
Dessin d'illustration : 1. l'Angleterre et
la Hollande. - 2. La « Fleur de Mai ». - 3. Le pacte. -
4. Indiens et Puritains. - 5. Les colonies puritaines.
Travail manuel (à faire
collectivement): Construction d'une petite barque
représentant la « Fleur de Mai ». - Village
indien. - Indiens et Puritains.
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NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
- J.-F. Astié : Histoire de la
république des Etats-Unis. 2 vol. Grassart. Paris
1865.
- G.-H. Wood: Venturers for the Kingdom.
Hodder and Stoughton. Londres 1919.
- J. Brown: The Pilgrim Fathers of New
England. The Religious Tract Society. Londres 1920.
- J. Audéoud: Les Pères
Pèlerins et l'origine des Etats-Unis. Article dans «
La Famille ». G. Bridel, Lausanne 1920.
- E. Doumergue: Les Pères
Pèlerins. Article dans « Foi et Vie ». Paris
1920.
- J. Eaton Feasey: The Mayflower Pioneers.
The Sunday School Union. Londres.