NOUVELLES GLANURES
14. Devant la mort.
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Impressions
d'un blessé allemand.
(Episode de la guerre
1914-1918.)
Le journal National suisse, de La
Chaux-de-Fonds, publie le récit qu'a fait à
l'un de ses rédacteurs, un soldat allemand
blessé, qui a été renvoyé chez
lui, à La Chaux-de-Fonds. Ce soldat, dit le journal,
est bien connu dans notre ville, ayant établi avec
science et conscience nombre d'installations
électriques.
Cet homme a pris part, comme
téléphoniste, à la bataille qui s'est
déroulée direction Luneville-Nancy, et qui a
dure cinq jours sans interruption, du 19 au 23 août
1914. Voici son récit.
Une épouvante sans
nom.
Pendant ces cinq jours on n'a Pas
enlevé les cadavres. Il faisait très chaud,
même la nuit. Aussi le champ de bataille
répandait-il une odeur épouvantable, qu'on
sentait au loin. Le spectacle est horrible, au delà
de toute expression. C'est une épouvante sans nom.
Les chevaux crient, les corps se tordent et se convulsent.
Une fois un de ceux-ci implorait de. l'eau : « Mein
lieber Kamerad, gieb mir Wasser. » - je voulus lui en
donner... A ce moment de son récit, le narrateur
s'est arrêté... Cherchait-il un mot ?... Non,
c'était l'émotion, qui lui serrait la gorge et
faisait jaillir les larmes. Quand il voulut donner à
boire au malheureux, celui-ci était mort, serrant
dans la main son chapelet. Tous les soldats prient. Un
blessé racontait : « J'étais un bon
socialiste. Depuis quinze ans je n'avais pas mis les pieds
dans une église. Mais ici, celui qui dira qu'il n'a
pas prié est un menteur. »
La bataille est un épouvantable
enfer, qui défie toute tentative de
description.
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Le naufrage
du « Titanic ».
Le 14 avril 1912, le plus beau et le
plus grand des navires qui faisait sa première
traversée, sombrait dans les parages de Terre-Neuve.
La rencontre d'une montagne de glace avait suffi pour
blesser à mort le colossal vaisseau qui portait deux
mille trois cent quarante personnes. Il a sombre avec ses
appartements d'un luxe inouï, avec sa
télégraphie sans fil, avec son nom arrogant,
avec ses millionnaires, car il a entraîné avec
lui dans l'abîme près de quatorze cents
passagers.
Comment dépeindre les
scènes de désespoir qui eurent lieu sur le
navire en détresse ? Là se trouvaient
réunies toutes les classes sociales : ouvriers,
millionnaires, officiers, journalistes, banquiers. Nulle
imagination ne retracera jamais le drame de ces deux heures
d'agonie. Des cris, des larmes, des séparations
infiniment douloureuses, des actes de lâcheté,
des actes d'héroïsme, des appels
désespérés, des hommes et des femmes
qui voulaient vivre et dont la plupart n'étaient pas
préparés à la rencontre de Dieu.
On vit un millionnaire, le colonel
Astor - un vrai chrétien - installer avec douceur sa
jeune femme dans un canot de sauvetage, puis, après
lui avoir dit un dernier adieu, remonter sur le navire et
employer la dernière heure de sa vie à
travailler énergiquement au sauvetage des autres
femmes et des enfants.
Et pendant que les parents se
séparent de leurs enfants, que les femmes quittent
leurs maris, qu'elles ne reverront plus ici-bas, que des
cris déchirants - les cris des suprêmes
séparations se font entendre, les musiciens de
l'orchestre, héroïques et sublimes, jouent
d'émouvants cantiques : « Jésus mis
à mort pour moi, je cherche un refuge en toi »
et « Mon Dieu, plus près de toi ! »
C'est ainsi qu'ils coulèrent
dans la nuit
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1) Certains journaux français
ont raconté que, pendant la soirée du dimanche
qui précéda la catastrophe du « Titanic
», il y eut bal et divertissement, et que les musiciens
jouèrent des valses et autres pièces
légères. Cela est faux, et en voici la preuve
empruntée à un Français qui n'est pas
suspect de puritanisme, M. Pierre Maréchal, qui fut
un des rescapés. Voici ce qu'il écrit au
Journal -
« C'était le dimanche 14
avril, et vous savez ce qu'est le dimanche en Angleterre ;
c'est la même chose sur un bateau anglais. Mais il y
avait à bord un café français, le
café Parisien, avec les moeurs françaises,
où beaucoup de passagers se réfugièrent
tout l'après-midi et dans la soirée du
dimanche. On buvait, on jouait joyeusement tandis que le
restant du bateau était dans le silence
austère. La musique elle-même était
restée silencieuse et ne joua qu'au moment où
nous coulâmes ».
Qu'on veuille bien remarquer cette
dernière phrase. Elle prouve que, si l'on jouait le
dimanche à bord du « Titanic »,
c'était dans « le café parisien »,
et que l'orchestre du bord n'a joué, ce
soir-là, que pour accomplir une mission de
salut.
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Un
aviateur.
Le lieutenant Marcel
Lugrin, un des plus sympathiques aviateurs de l'armée
suisse, s'est tué au cours d'un vol à Zurich,
à l'âge de vingt-quatre ans, le jeudi 24 juin
1915. Il est mort au service de son pays.
Le hardi pilote
était chrétien. On a retrouvé dans sa
vareuse, après sa mort, une feuille portant le
cantique :
Mon coeur
joyeux, plein d'espérance,
S'élève
à toi, mon Rédempteur...
avec cette mention de
sa main : « Pour chanter quand je suis dans les airs.
»
Aux obsèques
solennelles qui lui furent faites à Lausanne le 28
juin, au temple d'Ouchy, en présence de nombreux
officiers supérieurs et d'une foule énorme, M.
le pasteur Jules Amiguet, un ami du défunt, a
raconté le fait suivant: « Le lieutenant Lugrin
espérait en ce ciel, à ses sublimes promesses,
auxquelles il croyait fermement. A un ami qui
s'étonnait de la fermeté de sa foi et de sa
confiance religieuse, il répondit, il n'y a pas
longtemps : « Quand on est aviateur, on doit toujours
être prêt ! » Il était
prêt.
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Mort d'un
héros.
L'heure de la
délivrance approche pour le hardi et infatigable
pionnier du Christ, David Livingstone. L'illustre
explorateur est de plus en plus faible, il ne peut plus
marcher; ses serviteurs noirs fabriquent, pour le porter,
une sorte de palanquin, de litière, suspendue
à deux grosses branches. Il souffre de fièvre
et de dysenterie. C'est une vraie agonie...
Au soir du 30 avril
1873, on est à Ilala, sur le territoire de Chitambo.
Devant la hutte, les hommes veillent autour des feux.
A quatre heures du
matin, Majwara appelle Souzi : « Viens voir notre
maître ; j'ai peur ; je ne sais pas s'il est vivant.
» Les noirs se réveillent l'un l'autre et, tous
les six, les derniers fidèles, ils
pénètrent, silencieux, dans la case :
Livingstone est agenouillé sur le sol ; appuyé
sur le bord de son lit de camp, il semble en prière.
Sa tête repose sur ses mains, croisées sur
l'oreiller. A côte, une bougie brûle, comme un
cierge funéraire. Silence.
Alors l'un d'eux
s'approche et caresse la joue de son maître. Elle est
froide. Livingstone est mort en prière.
(TH.-D.
PACHE, David Livingstone.)
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La Bible
à l'heure de la mort
Le professeur J.-T.
Beck de Tubingue raconte que son père mourant
était entouré de beaucoup d'amis. Tout a fait
immobile, il ne donnait aucun signe de vie.
Je lui demandai
à haute voix s'il souffrait beaucoup ; il ne
répondit rien, mais je remarquai sur ses traits une
expression de douleur et d'angoisse. je lui dis alors un
verset de la Bible.
Se tournant de mon
côté, il murmura distinctement ce mot: «
Encore ». C'étaient les paroles les plus simples
de l'Evangile qui le rassuraient et réjouissaient son
coeur.
A l'instant de la fin,
il balbutia ces deux mots : Ciel ! Jésus ! puis il
rendit l'Esprit.
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Etre
prêt.
Le petit-fils d'une
grande dame française causait un jour avec elle des
jours sombres de la Terreur, qu'elle avait traverses, et
où comme tant d'autres elle avait failli périr
sur l'échafaud.
- Que diriez-vous,
demanda-t-il, grand' mère, si jamais vous voyiez
revenir des jours pareils ?
- Mon enfant,
répondit l'aïeule, mourir sous le glaive ou
mourir dans son lit, c'est chose secondaire. Ce qui importe,
c'est d'être prêt.
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Deux
morts.
- Couronnez-moi de
fleurs, enivrez-moi de parfums ; que je meure au son de la
musique, disait Mirabeau mourant. Et quand la mort fut plus
rapprochée :
- Mes souffrances sont
intolérables, dit-il, je me sens pour cent ans de vie
et pas un moment de courage.
Alors il prit une
forte dose d'opium, sous l'influence de laquelle il
s'endormit et mourut.
Comme le
célèbre de Humboldt approchait de la fin, le
soleil rayonnait dans sa chambre et les dernières
paroles du mourant a sa nièce furent celles-ci
:
- Que cette
clarté est belle ! On dirait qu'elle est
envoyée pour éclairer le chemin de la terre
aux cieux!
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Les
derniers moments de Haendel
Le
célèbre compositeur G.-F. Haendel mourut
à Londres en 1759, âgé de
soixante-quinze ans.
Sur son lit de mort,
à l'heure de la fin, il se fit lire par son
fidèle serviteur le psaume XCI. Quand la lecture fut
achevée:
- Que c'était
beau! Voilà une nourriture qui rassasie et qui
restaure. Lis-moi encore quelque chose ; prends-moi le
chapitre quinzième de la première Epître
aux Corinthiens.
Jean lut ce que son
maître lui demandait et plusieurs fois le malade
l'interrompit pour lui dire :
- Arrête-toi,
répète-moi cela encore une fois.
Quelques instants
après, il voulut qu'on lui lût dans le recueil
de cantiques de sa bien-heureuse mère celui qu'elle
aimait particulièrement : « J'ai l'assurance
dans la foi qui m'unit à Christ. »
Haendel avait souvent
exprimé le désir de mourir le jour du
Vendredi-Saint. Ce voeu fut exaucé. Ses
dernières paroles furent celles-ci : « Seigneur
Jésus, reçois mon esprit ! Fais que je meure
et que je ressuscite avec toi »
Il fut enterré
dans l'abbaye de Westminster. Sur son tombeau, une statue le
représente devant son orgue ; il tient dans ses mains
une feuille de musique sur laquelle se lisent ces mots: je
sais que mon Rédempteur est vivant.
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Dernières paroles.
Le président
des Etats-Unis, Mac Kinley se mourait à la Maison
Blanche. Sa compagne était auprès de
lui.
- Adieu, dit-il, adieu
à tous!
Mme Mac-Kinley regarda
la blanche figure de son mari : «Ce sont les voies de
Dieu, dit-elle. Que sa volonté soit faite et non la
nôtre ! »
Le malade se tourna
faiblement vers elle. On entendait le tic-tac de l'horloge
dans la chambre voisine. Encore une fois le président
parla.
« Plus
près de toi, mon Dieu, plus près de toi.
Même si cela est une croix. » Il y eut un moment
de silence, après quoi il ajouta :
« Telle a
été ma continuelle prière. » On
pouvait à peine entendre sa voix. « Ce sont les
voies de Dieu », ajouta-t-il encore.
Ce fut la
dernière parole du président
Mac-Kinley.
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Sur le lit
de maladie.
Pendant qu'il
était pasteur à Codognan (Gard), le jeune
Henri Appia, tomba gravement malade ; il descendit jusqu'aux
portes de la mort.
Durant ces heures
d'angoisse, il ne cessait de répéter des
versets. A un ami qui voulait l'arrêter, craignant
qu'il ne se fatiguât trop, il répondait:
Voulez-vous m'empêcher de rendre témoignage
jusqu'à la fin ?
Quand son père
arriva, le malade l'accueillit par ces mots: « Dieu
avait quelque chose à me dire et il m'a parlé.
»
Plus tard, il lui
disait encore : « Qu'au moins ces affreuses souffrances
servent à la gloire de Dieu ! »
(HENRI
APPIA. Sa jeunesse, son activité.)
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La mort de
Voltaire.
Au moment de la mort
du grand sceptique, le Dr Tronchin écrivait dans une
lettre conservée à la Bibliothèque
publique de Genève :
En comparant la mort
de l'homme de bien, qui n'est que le soir d'un beau jour,
à celle de Voltaire, j'ai vu bien sensiblement la
différence qu'il y a entre un beau jour et une
tempête. Ces derniers temps, exaspère par des
contrariétés littéraires, il a pris
tant de drogues et fait tant de sottises qu'il s'est
jeté dans l'état de désespoir et de
démence le plus affreux. je ne me le rappelle pas
sans horreur. La mort fut toujours devant ses yeux et la
rage s'est emparée de son âme ; il est mort en
proie aux furies.
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La fin
d'Agrippa d'Aubigné.
Parlant de la
dernière heure de son mari, sa veuve écrit
:
Il eut très
bonne connaissance jusque quelques heures avant qu'il
mourût. Le mercredi, tout le jour, il sommeillait et
s'éveillait en riant et élevant ses mains au
ciel. Il nous a rendu grand témoignage de la joie
qu'il sentait, et quand il faisait ses difficultés de
pouvoir prendre nourriture, il disait: «Ma mie,
laisse-moi aller en paix, je veux aller manger du pain
céleste. Deux jours avant sa fin, il me dit d'une
face joyeuse et d'un esprit paisible et content
La voici,
l'heureuse journée
Que Dieu a faite
à plein désir
Par nous soit joie
démenée
Et prenons en elle
plaisir
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Il y a une
autre vie.
Le professeur Paulus
était un homme éminent, mais il ne croyait ni
a l'Evangile, ni a la vie future.
Comme il allait
mourir, il rassembla quelques amis autour de son lit, afin
qu'ils pussent voir comment un philosophe peut quitter la
vie sans frémir :
-
J'énumérerai, leur dit-il, les symptômes
de la fin, je décrirai les progrès de cette
lente dissolution ; ce sera la fin complète de ce que
l'on est convenu d'appeler : l'âme.
Les amis attendirent
ses révélations. Le professeur retomba sur son
lit et ferma les yeux. Un instant, il resta immobile, puis
soudain, il se souleva, les yeux tout étincelants
d'une grande surprise et cria à haute voix :
- Il y a une autre
vie, il y a une autre vie !
Puis il mourut.
Qui peut dire ce que
son esprit a vu au moment de son départ et quelle
révélation de l'éternité lui a
été donnée ?
(L'Etendard
évangélique.)
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En face du
bûcher.
Jérôme
Savonarole, le réformateur de Florence, venait
d'être condamné à mort. Au moment
d'aller au bûcher, il communia avec deux de ses amis
condamnés comme lui. Au moment où
l'évêque chargé de le dégrader
suivant la coutume romaine, lui enlevait ses insignes
ecclésiastiques en lui disant : « je te
sépare de la communion de l'Eglise, » il
répliqua - « De l'Eglise militante mais non de
l'Eglise triomphante ; cela n'est pas en ton pouvoir.
»
Au moment où
l'on allait mettre le feu, la populace cria : « Moine,
c'est ici le moment de faire un miracle! » Mais il
recommanda à ses compagnons de ne rien
répondre, afin de mourir à l'exemple du
Christ, comme des brebis muettes.
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Henri Heine
sur son lit de mort.
Henri Heine, un des
écrivains les plus frivoles et les plus cyniques du
siècle dernier, eut à passer par des
années de terribles souffrances, causées par
une maladie de la moelle épinière.
La maladie se
prolongea, et voici ce que raconte un de ses amis qui le
visitait quelques années plus tard, en 1849 :
« J'ai, dit-il,
trouvé Heine à Paris, mais dans quel
état ! Il était couché sur un matelas
étendu par terre ; le pauvre homme était
presque aveugle, et son corps était en proie aux
douleurs les plus aiguës. Ses bras amaigris
étaient étendus immobiles, il était
atteint d'une incurable maladie de l'épine dorsale;
son dos, brûlé de place en place par les
médecins n'était qu'une plaie. Il offrait
l'image frappante de la souffrance, et pourtant son noble et
beau visage avait je ne sais quelle expression de paix et de
soumission. Il me parlait de ses souffrances comme si elles
eussent été celles d'un autre.
» Pendant
longtemps je ne pus m'expliquer tant de paix et de
résignation au milieu d'une telle épreuve, et
surtout de la part de celui qui s'était montre
athée de profession. Il ne tarda pas à m'en
donner l'explication.
» Après
m'avoir entretenu encore quelques temps de ses maux, et
avoir ajouté qu'il savait qu'il ne se
rétablirait jamais, il poursuivit de cette voix ferme
et forte qui lui était restée malgré sa
faiblesse :
- Mon ami, croyez-moi,
c'est Henri Heine qui vous le dit, après y avoir
réfléchi pendant des années, et
après avoir examine et sonde ce qui a
été écrit a ce sujet par toutes les
nations. Eh bien ! j'en suis arrivé à la
conclusion qu'il y a un Dieu qui juge nos actions, que notre
âme est immortelle, et qu'après cette vie il y
en a une autre où le bien sera récompense et
le mal puni. Oui, voilà ce que vous déclare
Henri Heine qui a si souvent renié le Saint-Esprit.
Si jamais vous avez doute de ces grandes
vérités, rejetez loin de vous ces doutes, et
apprenez par mon exemple, que la foi pure et simple dans la
miséricorde du Seigneur, peut seule faire supporter
sans plainte et sans murmure les souffrances les plus
cruelles.
Profondément
touché en entendant ces paroles, poursuit cet ami, je
saisis avec une grande émotion sa main
paralysée, et il ajouta :
« Il y a des
insensés qui, après avoir passé leur
vie dans l'incrédulité et dans l'erreur, et
après avoir renié Dieu par leurs paroles et
par leurs actions, n'ont pas le courage d'avouer qu'ils
s'étaient trompes. Quant à moi éprouve
le besoin de déclarer que c'est une erreur maudite
qui m'a longtemps aveuglé. Maintenant seulement je
vois clair, et celui qui me voit et me connaît, doit
avouer que si je prononce ces paroles, ce n'est pas que mes
facultés intellectuelles soient affaiblies, car
jamais mon esprit n'a été plus lucide, ni sa
force plus grande qu'en ce moment. »
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