NOUVELLES GLANURES
2. La prière.
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Un
souvenir.
C 'était pendant mes
années passées en Egypte ; une
après-midi de janvier, au Caire, j'attendais,
à la porte du jardin, tout rempli du parfum des
roses, l'auto qui devait nous conduire, mes
élèves et moi, à la promenade. je
m'amusais à regarder passer les brillants
équipages, nombreux en ce moment de
l'après-midi, quand survint un Arabe avec un tonneau
d'arrosage. Il s'arrête à quelques pas de moi,
ajuste un tuyau à l'hydrante, tourne un robinet, et
la voiture de se remplir lentement.
A ce moment même, du haut des
minarets, le muezzin appelle les fidèles à la
prière ; c'est la neuvième heure du jour
(trois heures de l'après-midi au cadran
européen), la troisième prière de la
journée ; il y en aura encore deux jusqu'au
soir.
L'Arabe, fidèle disciple de
Mahomet, oublie tout, enlève sa robe de dessus,
l'étend sous lui et se tournant du côté
de l'Orient se met à prier, sans s'inquiéter
de son tonneau, qui, rempli, commence à
déborder. je lui en fis deux fois la remarque, mais
ne recevant point de réponse, je me tus un peu
honteuse et reprise dans ma conscience.
Sa prière terminée, le
Musulman tourna sa belle figure de patriarche de mon
côté et, avant même d'aller arrêter
l'eau, me dit : « Allah! abla el maïa, y a Cetti
», ce qui veut dire: « Dieu avant l'eau, ô
Madame! »
(Notre petite feuille.)
L. BENOIT, institutrice.
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M. Thiers
et la prière.
En 1871, l'armée allemande
victorieuse occupait Paris. L'Assemblée nationale
venait de se réunir à Bordeaux.
Avant qu'elle eût choisi M.
Thiers comme chef du pouvoir exécutif de la
République, celui-ci se trouvait, après
dîner, avec quelques personnes dans son salon.
Tous les assistants étaient
silencieux.
L'homme d'Etat penchait la tête
et demeurait pensif. Tout à coup, relevant son regard
vers les personnes présentes :
« Vous ne priez pas, vous autres,
dit-il. Pourtant, il faut prier. je ne suis pas
dévot, moi, mais je prie... parce que dans les
désastres des nations, quand tout semble perdu, et
qu'on ne voit pas d'où peut venir le secours, on sent
bien que c'est Dieu qui mène le monde.
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Le
général Herzog en prière
On a rappelé
à l'occasion de la mort du général
suisse Herzog, la célèbre convention qu'il
conclut avec l'armée française, le 1er
février 1871. Le major Cuenod a communiqué
à la presse ce fragment d'une de ses lettres,
datée de 1873 : Quant à ma conduite en 1871,
je n'y vois rien de surprenant et il aurait
été misérable de me laisser intimider
par l'arrivée de l'armée de Bourbaki. Dieu
nous a bien protégés, en me montrant le
chemin, en ce moment un peu difficile et c'était bien
à Lui que je m'étais adressé dans la
nuit du 31 janvier au 1er lévrier.
Le
général Herzog savait se réfugier
auprès de Celui qui veille sur les destinées
des nations.
(L.
PESTALOZZI, La vie chrétienne.)
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Philosophie
et prière.
Le pieux baron de
Kottwitz avait un jour un entretien avec le philosophe
incrédule Fichte. La première impression, de
part et d'autre, ne fut pas favorable : on aborda le sujet
de la religion. Fichte parlait du ton d'un professeur en
chaire et, tout en dissertant, en vint à dire ce mot
: L'enfant prie, l'homme doit vouloir.
La réponse du
baron ne se fit pas attendre.
- Monsieur le
professeur, j'ai dans cette maison six cents pauvres aux
besoins desquels il faut pourvoir. Souvent je ne sais pas
où trouver du pain pour eux. Quand j'en suis
là, ma seule ressource est la prière.
Fichte se tut : le
trait avait porte ; des larmes coulaient le long de ses
joues.
- Vous avez raison,
mon cher baron, ma philosophie ne va pas
jusque-là.
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Heures
d'angoisse.
Un jour, J.-F. Oberlin
rentrait seul à cheval de Barr. En arrivant sur la
hauteur et en voyant son village si pauvre, si petit au fond
de sa vallée pierreuse, toute la misère, tout
le poids de sa lourde charge lui tomba sur le coeur. Il se
jeta à bas de sa monture, se coucha sur la terre et
lutta avec Dieu pour qu'il prît en pitié son
angoisse. Il finit par se relever encouragé,
consolé et reprit son chemin avec un nouvel
élan de bonne volonté. Il ne désirait
et ne voulait avant toute chose que faire la volonté
du Seigneur.
(J.-F.
Oberlin, sa vie, par C. LEENHARDT.)
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À
deux genoux.
Un Chinois devenu
chrétien avait été un si grand fumeur
d'opium qu'il était maigre comme un squelette et
paraissait devoir bientôt mourir. On disait de lui
qu'il allait tomber en pièces. Après qu'il eut
complètement cessé de fumer, quelqu'un lui
demanda :
- Quel remède
as-tu employé pour être délivre de
l'opium ?
- J'ai employé
mes deux genoux, répondit-il, et le Sauveur m'a
donné la force de surmonter le mal.
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Prie et
travaille.
On raconte que sir
Walter Scott, le fameux romancier écossais, faisant
un jour une promenade en bateau sur un des lacs de sa
pittoresque patrie, remarqua que le batelier se servait de
deux rames sur l'une desquelles était écrit :
« Prie » et sur l'autre « Travaille ».
Ayant demande au rameur la signification de ces deux mots :
« je vais vous la montrer, monsieur »,
dit-il.
Il se servit alors
seulement de la rame qui portait écrit : «
Travaille », et le bateau se mit à tourner sur
lui-même.
Puis il se servit
seulement de l'autre rame qui portait écrit : «
Prie » et la barque recommença de tourner sur
elle-même, dans le sens contraire.
Enfin, il prit les
deux rames et les fit manoeuvrer ensemble ; la barque cessa
de tourner sur elle-même, et s'avança tout
droit vers le but de la course.
Quand il eut fait ce
petit manège, il regarda le grand écrivain
d'un regard qui voulait dire . « Avez-vous compris ?
» Et celui-ci sans attendre la question :
« J'ai compris,
dit-il, ni la prière sans le travail, ni le travail
sans la prière ne pourraient nous conduire au
but.
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Mots
d'enfants.
je connais une petite
fille que sa mère exhortait un soir à prier.
L'enfant avait si grand désir de vite en finir,
qu'elle chercha la phrase la plus concise pour tout dire
à la fois, et sa prière fut celle-ci : «
Mon Dieu, bénis tout le monde. Amen ! »
Je connais d'autres
enfants qui sont encore, plus expéditifs que cette
petite fille, et qui pour être plus tôt
débarrassés de leur prière, n'en font
point !
(NAPOLÉON ROUSSEL, L'Evangile
expliqué aux petits.)
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Agir et
prier.
Un fermier dont les
greniers regorgeaient de graines priait habituellement le
Seigneur de venir en aide aux nécessiteux, mais quand
quelque miséreux lui demandait un peu de son
blé, il répondait qu'il n'en avait pas trop
pour son usage.
Un jour, après
l'avoir entendu prier, son petit garçon lui dit
:
Papa, j'aimerais bien
avoir ton blé.
Pourquoi donc, mon
enfant, que pourrais-tu bien en faire ?
- J'exaucerais tes
prières, dit l'enfant.
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Jésus, notre hôte.
C'était dans un
orphelinat, en Allemagne. On venait de se mettre à
table. Un enfant avait dit la prière, alors
répétée chaque jour par des milliers de
coeurs avant le repas,: « Viens, Seigneur, sois notre
hôte et bénis ce que tu nous as donné.
» Ces mots prononcés, il relève la
tête et s'adressant au directeur :
- Monsieur, pourquoi
ne vient-il jamais, alors que nous l'invitons tous les jours
?
- Mon enfant, crois
seulement, et tu seras sur de le voir venir, car il ne
méprise pas notre invitation.
A ce moment, on
frappait à la porte. C'était un pauvre
apprenti, à demi-gelé et affamé. Le
faire entrer, s'asseoir à table, lui donner a manger
fut l'affaire d'un instant.
Le petit homme avait
l'air absorbé dans des pensées embarrassantes.
Tout à coup son visage s'éclaircit.
- Ah! je comprends, le
Seigneur Jésus n'a pas pu venir lui-même et il
y a envoyé ce pauvre homme à sa place.
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Une
prière qui demeure.
Parmi les
élèves de mon orphelinat, raconte le directeur
de l'asile de Hildesheim près de Hanovre, il y en a
un qui est très faible d'esprit. Il a si peu de
mémoire qu'il est presque impossible de lui faire
apprendre, ne fût-ce qu'un court verset de la Bible,
mais il est toujours tranquille et attentif. Un soir,
après la prière, il resta le dernier dans la
salle et vint tout tremblant vers moi :
- Monsieur, dit-il, je
sais aussi prier, moi!
- Vraiment, eh bien!
montre-moi comment tu pries.
Il joignit les mains,
me regarda d'un air sérieux et récita sans
faute ni accroc une strophe de cantique analogue a celle-ci
:
Oh ! que
ta main paternelle
Me bénisse
à mon coucher
Et que ce soit sous
ton aile
Que je dorme, ô
bon Berger
Très
étonné, je lui dis :
- D'où sais-tu
donc cette prière
- C'est ma mère
qui me l'a apprise ; elle me la faisait
répéter tous les soirs en me couchant.
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Messager de
Dieu.
Le docteur Wilson, de
l'Alliance Mission, raconte le fait suivant : C'était
en plein hiver ; un de mes amis et moi, nous rentrions chez
nous, quand, au milieu des rues de la ville, nous
fûmes surpris par une de ces bourrasques qui,
subitement, vous assaillent au point de vous arrêter
net.
Tout en me
hâtant, je m'efforçais de boutonner mon
pardessus, mais sans y parvenir. je priai mon compagnon de
m'attendre une minute, juste le temps d'entrer dans
l'embrasure d'une porte et d'ajuster mon
vêtement.
«Ce n'est pas la
peine, répondit-il, hâtons-nous de rentrer
à la maison. »
Mais
déjà je m'étais réfugié
sous la porte voisine, où mon attention fut
éveillée par une voix d'enfant à
l'intérieur de la maison. On eût dit un cri de
détresse.
Nous entrâmes
sans hésiter. La voix venait d'une seconde
pièce dont la porte était
entrebâillée et nous prêtâmes
l'oreille. L'enfant priait :
« 0 Seigneur !
Vous ne répondez pas encore à ma lettre ! je
vous ai cependant écrit pour vous dire que maman est
si malade, et que nous n'avons pas de médicaments, ni
rien à manger! »
Poussant la porte,
nous entrâmes. La chambre était toute nue et
les deux occupantes - une femme malade et une petite fille -
semblaient se mourir de froid et de besoin. En nous
apercevant, l'enfant se leva :
- Est-ce le Seigneur
qui vous a envoyés?
- Oui,
répondis-je.
N'était-ce pas,
en effet, le Seigneur qui nous avait fait entrer là
?
(Echo
de la Vérité.)
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Pour
l'amour du maître.
C'était par une
radieuse matinée de printemps. Un gai soleil
éclairait les rues étroites et pittoresques de
Florence, cette fleur de l'Italie, et jetait avec profusion
sa lumière dans l'atelier d'un des maîtres les
plus en renom de la Toscane, André Verrochio.
Près de lui, un pâle jeune homme, penche sur
son chevalet, paraissait absorbé dans son travail. Sa
noble figure était voilée d'un nuage de
tristesse.
Tout a coup le jeune
peintre fut interrompu dans son travail. Une femme
âgée, qui venait d'entrer, lui dit d'une voix
étouffée par l'émotion :
- Mon fils, le
maître désire te voir. Hâte-toi d'aller
auprès de lui.
Immédiatement
Leonardo posa palette et pinceau et se rendit dans la
chambre de son maître vénère, qui se
trouvait entre la vie et la mort.
- Léonardo, lui
dit le malade, à voix basse, je suis près de
mourir ; veux-tu me faire un plaisir ? C'est peut-être
la dernière prière que je t'adresse.
Le jeune homme
s'agenouilla près du lit de son maître, prit
entre ses mains la main tremblante qu'il lui tendait et
répondit avec une émotion profonde :
- Mon maître,
sur ton désir, je suis prêt à aller
partout, à tout faire ; il n'est aucun sacrifice qui
me paraisse trop grand si je le fais par amour pour toi
!
Le malade se tourna,
regardant longuement son élève :
- Leonardo, lui
dit-il, le tableau que j'ai commencé pour l'autel du
cloître de saint jean, voudrais-tu l'achever pour
moi
Léonardo baissa
les yeux:
- Maître, j'en
suis incapable, absolument incapable. je gâterais ton
oeuvre, rien qu'en la touchant.
Verrochio sourit et
dit d'une voix calme et nette :
- Non, mon fils, fais
de ton mieux. Travaille pour l'amour de moi. La peinture
doit être achevée, et tu peux faire
cela.
Le soir avec ses
ombres était descendu. De la mansarde d'une des
maisons de Florence montait vers le ciel la prière
d'un suppliant : « Mon Dieu, disait Leonardo - car
c'était lui qui se trouvait là à genoux
- mon Dieu, aide-moi, pour l'amour de mon maître,
à faire du mieux que je puis! je ne suis pas digne de
cette oeuvre, je le sais, mais aide-moi par amour pour lui
!
Un mois s'était
passé, temps de sérieux travail pour le jeune
artiste, qui sentait que l'heure du délogement
arrivait pour son maître. L'oeuvre achevée, il
vint la présenter au malade et lui dit simplement
:
- J'ai fait de mon
mieux, Andrea, et c'est par amour pour toi!
A son grand
étonnement, le bon vieillard fondit en larmes et lui
répondit avec une profonde émotion :
- Mon fils, mon fils,
tu as bien réussi, très bien. je n'ai pas
besoin de me remettre jamais au travail, et Florence sera
fière un jour du nom de Léonard de
Vinci.
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