HISTOIRE DES VAUDOIS.
IICHAPITRE
XXIV. (suite)
PERSÉCUTION ET
ÉMIGRATION (1656-1686).
Érection du fort de la Tour. -
Vexations commises par la garnison. - Condamnation de
Vaudois marquants. - Ordre de cesser tout service religieux
à Saint-Jean. - Résistance du synode. -
Léger condamné à mort. - De Bagnols. -
Us bannis. - Une armée surprend Saint-Jean. -
Générosité des Vaudois. -
Déroute de l'armée. - Médiation de la
France. - Démarche des Cantons
évangéliques. - Conférence. - Patente
de 1664, dite de Turin. - Arbitrage de Louis XIV. - Jours
paisibles. - Révocation de l'édit de Nantes. -
Exigence du roi de France. - Édit d'abolition du
culte évangélique. - Ambassade des Cantons
suisses. - Projet d'émigration. - Indécision
des Vallées. - Attaques contre celles-ci par Catinat
et l'armée de Savoie. - Soumission des Vaudois. -
Leur emprisonnement. - Leidet martyr. - Négociations
des Cantons pour la délivrance des prisonniers et
leur départ pour la Suisse. État des Vaudois
dans les forteresses. - Leur voyage au coeur de l'hiver, et
leur arrivée à Genève.
Pendant que les ambassadeurs
retournent à Turin et confèrent avec les
ministres de son altesse, les communes vaudoises
s'assemblent à Angrogne, les 28-18 mars 1686, et
délibèrent. Si la considération des
suites d'une guerre disproportionnée et
acharnée les persuade d'émigrer, d'un autre
côté ils ne peuvent penser sans
désespoir à quitter le pays de leurs
pères, le sol de leur enfance, la terre des martyrs.
L'amour de la patrie, unie aux souvenirs religieux, aux
traditions glorieuses et vénérables de
l'Église vaudoise, les lie à leurs rochers.
Incertains, divisés d'opinions, ils décident
d'écrire leurs angoisses aux ambassadeurs et de s'en
remettre à leur prudence.
Ayant pris connaissance de
cette lettre, les ambassadeurs demandent que les Vaudois
soient autorisés à sortir des états de
son altesse royale et à disposer de leurs biens.
Mais, sans raison nouvelle, par un brusque changement de
politique, le duc se refuse à traiter avec
l'ambassade et exige des Vaudois qu'ils viennent
eux-mêmes faire acte de soumission et demander la
liberté d'émigrer. Évidemment la cour,
mécontente de la tournure que prenait l'affaire,
tenait à ne pas se lier, ce qui aurait eu lieu en
traitant avec les Suisses, et à pouvoir imposer,
à des sujets suppliants, des conditions qu'on
n'aurait pas osé proposer, à leurs
défenseurs. Quoique les ambassadeurs eussent pu se
regarder comme, offensés par le refus de la cour de
traiter de l'émigration avec eux, leur prudence ne
les abandonna pas, leur« charité les soutint.
Ils obtinrent du moins des. ministres de son altesse, de
régler les termes et les clauses de la soumission.
Mais quand ils les eurent proposées aux
Vallées, celles-ci se divisèrent et
envoyèrent à Turin des députés
en désaccord. Cinq d'entre eux étaient
autorisés à faire acte de soumission, ainsi
qu'à demander la permission de quitter le pays et de
vendre leurs biens. Le sixième, député
de Bobbi, de Saint-Jean et. d'Angrogne, devait. se borner,
outre la soumission, à demander la révocation
de l'édit du 31 janvier. Les ambassadeurs, se
trouvant dans un grand embarras par cette division des
communes vaudoises, réclament à la cour un
nouveau délai, pendant que le député en
désaccord va chercher de nouvelles instructions
(1).
Mais le temps s'écoule. Les ennemis des
Vallées se bâtent, et
Victor-Amédée publie, le 9 avril, un nouvel
édit déclaré
définitif.
Par cet acte, qui mettait fin
en effet à toute négociation,
ultérieure, puisqu'il réglait d'avance tous
les points en discussion, il ne restait aux Vallées
qu'à choisir entre une. entière soumission
à la volonté absolue et arbitraire du prince,
et un exil entouré de dangers, d'embûches et
d'angoisses. D'après l'édit, il restait
loisible à la plupart de demeurer aux Vallées
(le prince se réservait toutefois d'en. exiler ceux
qu'il trouverait bon), mais aux conditions suivantes : Les
Vaudois mettraient bas les armes et se retireraient chacun
dans sa maison; ils ne feraient plus d'attroupements; ils ne
tiendraient plus d'assemblées quelles qu'elles
fussent. Les dommages soufferts par les pères
missionnaires, par les catholiques et les catholisés,
leur seraient payés au moyen des biens des susdits de
la religion prétendue réformée.
L'édit du 31 janvier était d'ailleurs
confirmé. Quant à ceux qui voudraient sortir
des états de son altesse, il leur était
accordé d'emporter lès effets qu'ils
désiraient, et de vendre leurs biens à des
catholiques, ou de les faire vendre par un petit nombre de
mandataires, dans les trois mois, qui suivaient leur
départ. Le voyage se ferait par brigades et sous la
surveillance de l'autorité. Les lieux de
départ et les jours de rassemblement étaient
fixés.
Quelle que fût
l'intention qui avait dicté ce décret, qu'on
eût espéré de diviser les Vaudois ou non
en leur offrant deux moyens de sortir d'embarras au lieu
d'un, l'abandon des assemblées religieuses, ou
l'abandon du sol, toujours est-il que te but fut
manqué. Loin de les désunir, le décret
les réunit tous dans un même sentiment, celui
de rester et de se défendre. Car ils virent, dans les
diverses parties de l'ordonnance, l'intention de se
défaire d'un certain nombre d'entre eux et de forcer
le reste à embrasser le papisme. Car, pourquoi
maintenait-on le décret du 31 janvier qui
forçait les Vallées à démolir
leurs temples, si la cour consentait sérieusement au
départ? Pourquoi se réservait-elle de renvoyer
ceux qu'elle voudrait, si elle ne posait pas en fait que le
plus grand nombre resterait ? Évidemment, elle ne
voulait pas que tous les Vaudois partissent, et, d'un autre
côté, elle prenait ses mesures pour que le
culte évangélique ne pût plus,
être célébré : n'était-ce,
pas dire que les intraitables seuls seraient conduits hors
du territoire, et que tous les autres seraient contraints
à passer au papisme ? C'est ce que chacun
sentit (2).
En présence d'une si dure extrémité, on
n'eut «autre choix que la persistance dans une
résistance armée. On se prépara donc au
combat. Mais auparavant, les ministres furent invités
à prêcher au peuple et à lui distribuer
la sainte cène le' dimanche suivant qui était
le jour de Pâques.
Malheureusement, il y avait
des principes de désunion parmi les Vaudois. La
vallée de Saint-Martin penchait pour la soumission et
pour l'exil. L'Église de Villesèche, en
particulier, écrivit aux ambassadeurs qu'elle y
était décidée, les priant d'obtenir
pour elle un sauf-conduit. Le duc le refusa : on ne Pavait
pas demandé à temps,
répondit-on.
Les ambassadeurs qui, voyant
l'inutilité der leur médiation, se
préparaient à partir, reçurent encore
avant leur départ deux lettres datées
d'Angrogne, adressées, l'une aux Cantons
évangéliques, au nom des Vaudois, l'autre aux
ambassadeurs, au nom des pasteurs, lettres touchantes
où la reconnaissance se répandait en excuses
sur le peu de fruits des démarches des Cantons et de
leurs députés. Assurément, en les
lisant, leurs généreux bienfaiteurs ne purent
pas se dire qu'ils eussent travaillé pour des
ingrats.
Cependant,
Victor-Amédée s'était rendu au camp,
formé dans la plaine, aux pieds des Alpes vaudoises,
où il avait réuni sa garde, toute sa cavalerie
et son infanterie, ainsi que les milices de Mondovi, de
Bargès et de Bagnol, outre un grand nombre de
fourrageurs. Il y passa aussi en revue ayant demandé
aussitôt après la promulgation de
l'édit, de sortir des états du duc, ne purent
l'obtenir, et comme la plupart refusaient d'apostasier ou
les mit eu prison, où les uns moururent et
d'où les autres ne sortirent que neuf mois plus fard
avec les autres prisonniers. (V. Histoire de la
Persécution... p. 14) les troupes françaises
commandées par Catinat. Celles-ci se composaient de
quelques régiments de cavalerie, de sept ou huit
bataillons d'infanterie qui avaient passé les monts,
et d'une partie des garnisons de Pignerol et de
Casal.
De leur côté, les
Vaudois étaient sous les armes an nombre de deux
mille cinq cents. Ils avaient fait dans chacune de leurs
vallées quelques retranchements en gazon et en
pierres sèches. S'ils eussent concentré leurs
forces, au lieu de les éparpiller; s'ils eussent
abandonné les postes avancés pour se retirer
dans les asiles des montagnes; surtout, s'ils eussent
été tous d'un même sentiment sur la
marche à suivre ; s'ils eussent eu à leur
tête des hommes expérimentés, de coeur
et influents, comme un Léger et un Janavel; si, du
moins, ils n'eussent pas compté dans leurs rangs des
irrésolus, des lâches et probablement
dès traîtres, l'issue eut été
différente; mais, dans l'état actuel des
choses, elle ne pouvait être. que
désastreuse.
Le 22 avril, l'armée
papiste s'ébranla, divisée en deux corps; les
troupes du duc entrèrent dans la vallée de
Luserne, conduites par leur général, Gabriel
de Savoie, oncle de son altesse. Les troupes
françaises, commandées par Catinat, prirent la
route des vallées de Pérouse et de
Saint-Martin. Nous accompagnerons d'abord celles-ci.
Parties avant jour, elles
suivirent la rive gauche du Cluson, en le remontant.
Arrivées vis-à-vis du grand village de
Saint-Germain, Catinat en détacha une division
d'infanterie et de la cavalerie, avec ordre, tandis qu'il
continuait sa route, de chasser les Vaudois de cette
localité. Ceux-ci, en effet, au nombre de deux cents
durent bientôt se replier derrière les
retranchements qu'ils avaient élevés du
côté de Pramol. Là, le colonel
français de Villevieille rencontra une
résistance invincible. Les soldats, dans la
proportion de six contre un, luttèrent sans
succès pendant dix heures et enfin reculèrent.
Voyant cela, la petite troupe vaudoise les poursuivit, les
épouvanta, les chassa devant elle
jusqu'au-delà du Cluson. Villevieille lui-même
s'était jeté dans le temple de Saint-Germain
avec soixante et dix hommes. Sommé de se rendre, il
refusa toujours, même une. capitulation honorable. Il
aurait cependant été forcé dans sa
retraite, si la nuit n'était, survenue, pendant
laquelle de nouvelles troupes vinrent de Pignerol le
dégager. Cinq cents morts ou blessés furent
regrettés par les Français.
Catinat avait continué
sa route et investi le val Saint-Martin. Le lendemain 23, il
assaillit Rioclaret qui était sans, défense,
comme toute la vallée, les habitants, comptant
être au bénéfice de l'édit du 9
avril, puisqu'ils avaient fait dire,, par les ambassadeurs,
qu'ils se soumettaient et se résignaient à
l'exil. Ils ne savaient pas que leur soumission. avait
été rejetée. Les Français,
irrités de la défaite des leurs à
Saint-Germain, défaite qu'ils venaient d'apprendre,
ne se contentent pas de piller, de brûler et de
violer, ils massacrent sans distinction d'âge ni de
sexe, avec une fureur inouïe, tous ceux qui ne se
dérobent pas par la fuite à leur barbarie.
Catinat, laissant ensuite une partie de ses troupes dans la
vallée de Saint-Martin où elles mirent tout
à feu et à sang, passe les monts à sa
gauche et vient tomber sur le vallon de Pramol, que ses
soldats traitent de la même manière. À
l'ouïe de ces horreurs, les deux cents Vaudois
retranchés en arrière de Saint-Germain vers
Pramol, se voyant coupés, se hâtent de quitter
un poste maintenant inutile et rejoignent au quartier de
Peignaient ceux de leurs frères de Pramol, de
Saint-Germain, de Prarustin et de Rocheplatte, qui s'y
étaient rassemblés.
Tandis que ceci se passait,
l'armée de Savoie attaquait la vallée de
Luserne. Arrivée, le 22 avril, à Saint-Jean,
elle balaya par le feu de son artillerie et par des charges
de cavalerie tous les corps avancés des Vaudois, puis
assaillit le vallon d'Angrogne défendu par cinq cents
montagnards. Ceux-ci réfugiés dans les
retranchements qu'ils avaient relevés, au lieu-dit
les Casses (Cassa), et sur les hauteurs de la
Vachère, témoins déjà de tant et
de si terribles combats, y résistèrent
à toutes les forces du duc pendant un jour. Mais le
24, ayant appris que la vallée de Saint-Martin
s'était rendue, que les Français
déjà maîtres de Pramol allaient les
prendre par derrière, les Vaudois
parlementèrent. Le général Gabriel de
Savoie leur promit de les admettre au bénéfice
de l'édit du 9 avril, s'ils se soumettaient. Et comme
ils hésitaient encore, il leur écrivit et
signa de sa main au nom de son altesse, un billet ainsi
conçu : « Posez promptement les armes, et
remettez-vous à la clémence de son altesse
royale. À ces conditions, recevez l'assurance qu'elle
vous fait grâce et qu'on ne touchera, ni à vos
personnes, ni à celles de vos femmes et de vos
enfants. » Sur cette promesse, les Vaudois mettent bas
les armes, et l'armée piémontaise occupe leurs
retranchements.
Cependant, sous
prétexte de les conduire à son altesse pour
qu'ils lui fassent leur soumission, on. entraîne tous
les hommes valides, à Luserne où on les
retient prisonniers. La soldatesque effrénée,
maîtresse des hameaux, se livre en attendant à
tous les actes désordonnés de la plus honteuse
licence et de la, plus terrible brutalité. Les
mêmes faits se passent au Pradutour, l'antique
boulevard des Vallées, où ceux d'Angrogne, de
Saint-Jean et de la Tour avaient retiré leurs biens
les plus précieux. Là aussi les Vaudois se
fient à une parole trompeuse et se voient indignement
traités, eux et leurs familles sans défense.
Il en fut de même des quinze cents personnes
réunies à Peignaient près de Pramol,
des réfugiés à Ciamprama et aux
Geymets, localités reculées de la Tour, et
disons-le pour éviter les répétitions,
de toutes les Vallées. Tous les détachements,
même ceux qui sont retranchés dans les lieux
les plus forts, s'effraient de se sentir isolés, au
milieu d'une population qui se soumet successivement.
Inquiets sur leur avenir, ils prêtent l'oreille aux
douces paroles et aux promesses de leurs ennemis et se
livrent les uns après les autres. Ceux de Bobbi se
rendirent les derniers et non sans s'être bien
défendus. Ils mirent bas les armes sur les rochers du
Vandalin.
Nous ne souillerons pas ces
pages par les détails des horreurs que les soldats de
Catinat commirent sur le sexe à Peignaient,
après le départ de ce chef, ni par le
récit de celles dont se rendirent coupables les
troupes du duc, et surtout les bandes de Mondovi, à
Angrogne et dans la vallée de Luserne. Ces
indignités, qui ne rappellent que trop celles de la
persécution de 1655, ont été
énumérées dans l'ouvrage authentique,
déjà cité, intitulé : Histoire
de la Persécution des Vallées du
Piémont... en 1686, imprimé à
Rotterdam, en 1689. Il nous suffit de rappeler que les chefs
d'armée, dans les guerres contre les Vaudois, ont
toujours regardé les femmes et les filles de leurs
ennemis comme une pâture à leurs lubriques
soldats, les vieillards et les enfants comme des jouets pour
essayer leurs épées.
De toutes parts les bandes
armées conduisaient à Luserne les prisonniers.
On leur avait promis qu'après avoir fait acte de
soumission devant son altesse royale elle-même, on les
enverrait dans leurs maisons, et que là ils se
décideraient pour l'exil ou pour le papisme. Au lieu
de cela, ils se virent séparés les uns des
autres, le fils de son père, le mari de sa femme, les
parents de leurs enfants, et conduits dans des places
fortes. Douze mille (3)
personnes, hommes, femmes et enfants, furent en quelques
jours arrachées au sol natal et
disséminées dans treize ou quatorze
forteresses, où nous les verrons bientôt
souffrir mille maux. Environ deux mille enfants, soustraits
à leurs parents, furent en ce même temps
dispersés en Piémont parmi. les
papistes.
Plusieurs exécutions
eurent aussi lieu. Nous ne citerons que celle du ministre
Leidet, de Prali. Après avoir passé plusieurs
mois en prison, nourri de pain et «eau, ayant un pied
serré dans de pesants ceps de bois qui
l'empêchaient de se coucher, il fut condamné
à mort, comme s'il eût été pris
les armes à la main, ce qui n'était pas,
puisqu'il avait été trouvé sous un
rocher chantant des cantiques. Les moines qui ne lui avaient
laissé aucun repos, car ils venaient pour ainsi dire,
chaque jour le harceler sur sa foi et le provoquer à
des disputes, voulurent se donner le plaisir de le
tourmenter encore dans ses derniers instants. Ayant
assisté à la lecture de sa sentence, que le
martyr entendit sans trouble, les moines ne le
quittèrent et ne le laissèrent point
tranquille de tout le jour, quoiqu'il les en priât,
leur disant qu'il désirait prier Dieu avec
liberté d'esprit. Bien plus, ils revinrent le
lendemain au point du jour pour l'inquiéter encore.
Cependant ils ne purent troubler sa paix. En sortant de
prison, il parla de la double délivrance qui allait
lui être accordée; savoir, de celle de la
captivité qu'il subissait depuis longtemps entre
d'étroites murailles et de celle que la mort
donnerait à son âme, libre dès ce moment
de s'envoler vers le ciel. Il alla au supplice avec une
sainte joie. Au pied de l'échafaud, il fit une grande
et belle prière dont tous les assistants furent
extrêmement touchés. Il emprunta ses
dernières paroles à son Rédempteur :
Mon père, s'écria-t-il je remets mon âme
entre tes mains.
Victor-Amédée
avait donc vaincu. Des jardins du palais de Luserne,
où il était venu savourer la victoire, il
pouvait contempler les ravages que son armée
triomphante avait faits. Les campagnes étalées
à ses yeux étaient désertes, les
hameaux sur le penchant des monts, les riants villages avec
leurs berceaux de verdure et leurs vergers splendides, ne
comptaient plus un seul de leurs anciens habitants; les
vallons ne retentissaient plus des cris des troupeaux ni des
voix des bergers; les champs, les prés, les
côteaux vineux, les pâturages alpestres, toute
cette nature autrefois si belle, toutes ces contrées
si heureuses le printemps précédent,
étaient réduites en une, vaste solitude,
triste comme les plus âpres rochers. Plus de saints
cantiques ne s'y feront entendre pour célébrer
l'auteur de tant de merveilles. Ceux qui cultivaient ces
beaux lieux sont, les uns morts, et leurs cadavres couvrent
le sol; les autres, entassés dans des prisons,
ignorant leur sort réciproque; d'autres, enfin, ce
sont des enfants, livrés à la merci
d'étrangers, qui ne cesseront de les
persécuter que lorsque ces pauvres créatures
auront oublié leurs parents, leur patrie et leur
religion. Mon Dieu! quel outrage sanglant cette peuplade
avait-elle donc fait à son prince, pour être
traitée ainsi ? Était-ce une tribu
féroce, une race adonnée au vol, au pillage,
à l'assassinat ? Tu le sais, Seigneur! ils
respectaient ton nom; ils ne demandaient qu'à suivre
tes préceptes; ils aimaient leur prince; son honneur
et sa gloire leur étaient chers. Fidèles,
dévoués, soumis à ses lois, ils ne lui
avaient préféré que toi, et n'avaient
résisté à sa volonté que
lorsqu'il avait essayé de les détourner du
culte qu'ils te rendaient depuis des
siècles.
Sur les Alpes
écartées, dans le fond des bois, dans les
creux des rochers, quelques hommes avaient cependant
réussi à cacher leur présence, vivant
chétivement de restes de provisions et de ce qu'ils
pouvaient trouver autour de leurs retraites. Et quand les
Français se furent retirés, avec les bandes de
Mondovi et une partie des troupes piémontaises, on
vit ces infortunés sortir de leurs cachettes.
Bientôt réunis, ils s'entraidèrent.
Contraints souvent de descendre dans les lieux
habités pour y chercher de la nourriture, ils s'y
rendirent redoutables. La force armée qui leur donna
souvent la chasse ne put, ni les intimider, ni les
atteindre. Leur audace s'en accrut d'autant. Ne pouvant se
défaire d'eux, on leur offrit des sauf-conduits
à condition de passer à l'étranger. Ils
n'y consentirent que lorsqu'on leur eut donné des
otages qu'une bande gardait tandis que l'autre voyageait, et
que l'on eut permis à quelques-uns de leurs parents,
prisonniers dans les places fortes, de partir avec eux. Ils
arrivèrent en Suisse en trois détachements
dans le courant de novembre (4).
Les Cantons
évangéliques de la Suisse, quoique leur
intervention eût été vaine et qu'ils
n'eussent pu sauver leurs frères en la foi de la
catastrophe qui les avait atteints, n'avaient pas
cessé de s'intéresser vivement à eux.
Ils avaient supplié Dieu en leur faveur, dans un jour
de jeûne extraordinaire, et ordonné des
collectes dans tout leur territoire
(5).
Ils redoublaient leurs instances auprès de la cour de
Turin. Et, comme il leur avait été
répondu que le comte de Govon, résident de
Savoie en Suisse, avait. reçu des pouvoirs pour
traiter avec eux, ils chargèrent de cette mission
deux députés, après s'être
concertés sur les bases de la négociation dans
leur assemblée, à Arau, en septembre 1686. Les
mandataires convinrent, sauf ratification, que tous les
prisonniers seraient mis en liberté, vêtus
convenablement, conduits et défrayés jusqu'aux
frontières de la Suisse, aux dépends du duc ;
que ceux qui erraient encore sur les montagnes recevraient
des sauf-conduits pour la même destination. Les
Suisses s'engageaient à leur tour, à les
recevoir et à les garder dans le coeur de leur pays,
pour qu'ils ne pussent pas retourner en arrière. La
ratification de la convention fut immédiate de la
part des Suisses; elle fut moins prompte de la part du duc,
qui toutefois la signa.
La décision des Cantons
évangéliques de la Suisse est au-dessus de
tout éloge. Ils se chargent de tout un peuple de
malheureux. Ils auront des milliers de gens faibles,
souffrants et découragés à nourrir,
à loger et à établir. Quel fardeau pour
leur médiocrité 1 Il est vrai qu'ils peuvent
compter d'avance sur les secours des protestants de
l'Europe; mais ils ignorent dans quelle proportion. La
source en est tarie en France, d'où les protestants
persécutés s'échappent par milliers,
réclamant pour eux-mêmes un asile et
quelquefois aussi du pain. L'Angleterre, dont le roi
catholique romain, Jacques II, favorise la religion du pape,
et qui elle-même se débat contre ses
prétentions, n'aura peut-être pas assez de
liberté pour faire des collectes en faveur de ses
anciens protégés. La Hollande et l'Allemagne.
seules, quoique fatiguées par des guerres longues et
dispendieuses, sont en mesure de secourir encore les
malheureux qu'elles ont si souvent soutenus dans leur
détresse. Les Cantons leur ont fait savoir leur
intention. Ils s'attendent à une réponse
favorable. Bientôt l'électeur de Brandebourg,
Frédéric-Guillaume, répondra le premier
à leur appel; les États de Hollande le
suivront, et après eux plusieurs princes allemands
qui seront nommés en leur lieu. Pour le moment,
payons notre premier tribut d'admiration à ces
Cantons suisses que leur proximité des Vallées
invitait à donner avant tous leurs frères la
preuve de leur sincère charité à des
disciples de Christ sous la croix.
L'automne tendait à sa
fin, la neige blanchissait déjà les
sommités des passages des Alpes; bientôt elle
allait couvrir toutes les pentes et menacer de ses
avalanches et de ses rapides tourbillons les voyageurs
imprudents ou attardés.
Cependant les Vaudois
étaient encore en prison. Ils y étaient
entrés au printemps, au nombre de douze on quatorze
mille, selon les relations. Ils ne pouvaient tous être
rendus à la liberté, puisque
déjà cinq cents d'entre eux n'étaient
plus sous la dépendance du duc. Ce prince, voulant se
montrer reconnaissant du secours que le roi de France lui
avait fourni, les avait envoyés en présent
à sa majesté très-chrétienne qui
les avait placés sur ses galères
(6),
à Marseille. Un grand nombre de ceux qui
étaient restés dans les forteresses y
étaient morts de chagrin ou de maladie. Un changement
de situation si complet avait courbé vers la tombe
des hommes habitués au grand air, à la vie des
champs et des chalets, et surtout à la
liberté. La mauvaise eau, une chétive
nourriture, leur entassement dans des salles
étroites, sur les dures briques dont elles
étaient pavées, on sur une paille en
poussière ou même pourrie, la chaleur
étouffante de l'été, le froid des nuits
aussitôt que vint l'hiver, et la vermine qui couvrait
leurs corps amaigris, avaient aggravé la disposition
maladive de plusieurs et engendre des
épidémies. On compta même jusqu'à
soixante et quinze malades à la fois dans une seule
salle. Du reste, ils ne recevaient que peu ou point de
secours médicaux. On raconte que plusieurs enfants
qui avaient la petite vérole périrent, parce
qu'on les laissa exposés à la pluie. Si les
Vaudois manquaient de secours pour leurs corps souffrants,
en revanche ils étaient obsédés par les
moines. Toujours est-il que, de douze mille au moins qu'ils
étaient à leur entrée en prison, il
n'en sortit pour se rendre en Suisse que trois à
quatre mille. Qu'étaient devenus tous les
autres?
Pour la plupart ils
étaient morts ; «autres s'étaient
catholisés (7) ;
plusieurs enfants et jeunes gens avaient été
soustraits; enfin, un nombre considérable d'adultes
avaient été condamnés pour leur vie aux
fortifications et aux galères.
Au reste, il est un fait qui
achève de prouver l'intention arrêtée
où était le gouvernement piémontais de
traiter avec la dernière rigueur les
misérables restes des Vaudois; c'est le retard qu'on
mit à leur départ et la manière dont on
l'effectua. S'il est une saison en laquelle, à moins
d'y être obligé, nul ne se met en voyage pour
franchir les Alpes, c'est l'hiver. Cette observation encore
vraie de nos jours, malgré les routes excellentes qui
traversent ces hautes montagnes, l'était surtout il y
a deux siècles, quand ces moyens de communication
étaient en général bien
inférieurs à ce qu'ils sont devenus. Un voyage
que quelques hommes robustes n'eussent entrepris qu'avec
hésitation, à cause des périls de la
saison, du gel et des neiges, il était cruel, il
était barbare de le faire entreprendre au coeur de
l'hiver, au travers des Alpes, à des milliers
d'hommes affaiblis, sortant de prison, et dont plusieurs
relevaient de maladie, à des vieillards cassés
par la souffrance autant que par les années, à
des femmes et à des enfants, même de
l'âge le plus tendre. C'était consentir
d'avance à la mort d'une foule d'entre eux,
c'était la provoquer. Esprit de Rome, combien tu as
fait de victimes !
L'on dira peut-être, non
sans fondement, qu'en choisissant cette saison, les
ministres de Victor-Amédée comptaient sur le
découragement qui s'emparerait des malheureux
exilés, à la vue des souffrances et des
périls qui les attendaient, pour les induire à
l'apostasie et les retenir dans les états de son
altesse royale. Mais le but eût-il été
louable, le moyen l'était-il ? C'est ce qu'aucun
homme quelque peu humain, et à plus forte raison,
c'est ce qu'aucun chrétien
n'accordera.
L'intention de retenir dans
les états du duc ces pauvres prisonniers qui, pendant
huit mois, avaient été privés de leur
liberté, parut avec évidence dans les moyens
qu'on employa pour amollir leur courage. On proclama, il est
vrai, que tous, même ceux qui avaient promis
d'abjurer, étaient libres de partir; mais, comme ils
l'ont raconté, on essaya de les capter par des
promesses et de les effrayer par la description des dangers
de toute espèce qui les attendaient sur la route.
Plusieurs en effet se laissèrent détourner.
Mais rien ne put arrêter l'élan de la masse.
Toutefois, l'on empêcha à un grand nombre
d'enfants, qui, bien que disséminés en
Piémont, eurent connaissance de la proclamation, de
rejoindre leurs parents lorsqu'ils essayèrent de le
faire. De plus, on ne publia pas la proclamation dans les
prisons de Luserne, on l'afficha seulement sur la place; en
sorte que les détenus dans ce bourg ne purent pas
profiter de la liberté qui leur était,
accordée. On retint également les prisonniers
qui gémissaient dans les basses fosses d'Asti et
leurs parents qui les attendaient dans la citadelle de
Turin. C'est dans l'enceinte de celle-ci que l'on gardait
également neuf pasteurs avec leurs familles, dont il
sera parlé ci-après.
Les Vaudois
s'acheminèrent par troupes, escortées par des
officiers et des soldats de son altesse. On avait promis de
les habiller convenablement; mais on ne leur distribua qu'un
petit nombre de paires de bas et de mauvais justaucorps. Les
deux faits suivants achèveront de peindre la
situation de ces malheureux. À Mondovi, ce fut
à cinq heures du soir, à l'époque de
Noël, que l'on annonça aux prisonniers leur
libération; mais en ajoutant que, s'ils ne partaient
sur le champ, ils ne pourraient plus le faire, parce que le
lendemain l'ordre serait révoqué. Craignant de
perdre l'occasion favorable, ces malheureux, minés
par la maladie, se mirent en route, de nuit, et firent
quatre ou cinq lieues sur la neige et par un froid des plus
intenses. Cette première marche coûta la vie
à cent cinquante d'entre eux, qui moururent en
chemin, sans que leurs frères pussent leur donner
aucun secours.
Autre fait. Une troupe de
prisonniers de Fossan ayant couché à la
Novalèse, au pied de mont Cenis, quelques-uns d'entre
eux, au départ, font observer à l'officier qui
les conduit qu'il s'élève un orage sur la
montagne. Dans les Alpes, en hiver, on ne s'y expose jamais
sans d'amers regrets. Les Vaudois, à qui leur
habitude des montagnes révèle le danger,
supplient de suspendre la marche, par pitié pour tant
de personnes débiles et épuisées qu'ils
comptent dans leurs rangs. Si leur demande amène un
retard, ils ne réclameront pas de pain. Ils voient
moins de danger dans le manque de nourriture, que dans le
voyage par un temps pareil.
L'officier refuse... La troupe
est contrainte de se mettre en route, et quatre-vingt-six
succombent sous la neige en tourbillons et glacée
(8) :
ce sont des vieillards, des malades, des femmes et de petits
enfants. Les bandes qui les suivirent, et des marchands qui
passèrent quelques jours après, virent les
cadavres étendus sur la neige, les mères
serrant encore leurs enfants dans leurs bras. Des
commissaires suisses, dont il va être fait mention,
prirent, en se rendant à Turin., des mesures pour
faire inhumer les cadavres à mesure qu'ils
paraîtraient à découvert.
Disons cependant, car Dieu
nous garde d'injustice! que tous les officiers ne
ressemblaient pas à celui-là. Il en est
plusieurs qui déployèrent une grande
humanité dans l'accomplissement de leur
pénible tâche.
La nouvelle de tant de
souffrances dans les prisons et en voyage, apportée
par le premier détachement des malheureux Vaudois, ne
parvint pas plutôt à la connaissance des
magistrats des Cantons que, émus de pitié,
obéissant aux inspirations de la charité
chrétienne, ils envoyèrent sur les lieux des
commissaires chargés de secourir les exilés
par tous les moyens possibles. Ces agents,
agréés par les autorités
piémontaises, s'échelonnèrent dans les
premiers jours de février sur la route de Turin; l'un
à Chambéry ou Annecy, l'autre à
Saint-Jean-de-Maurienne, un troisième à
Lansle-Bourg, un quatrième à Suse.
C'étaient MM. Roy, châtelain de
Romainmôtier, Forestier de Cully, Panchaud de Morges
et Cornilliat de Nyon. Leur correspondance avec le
gouvernement de Berne montre qu'ils étaient à
la hauteur de la commission confiée à leur
sollicitude. Chacun, dans sa station, veillait à ce
que les infortunés Vaudois eussent, à leur
arrivée, pendant leur court séjour et à
leur départ, tous les adoucissements que la maladie,
la fatigue, l'âge, la faiblesse ou la froidure leur
faisaient désirer. Fournir des moyens de transport
aux uns, des médicaments, des vêtements chauds
à d'autres, de l'argent à un grand nombre,
donner à tous des consolations et des encouragements,
telle fut la tâche dans l'accomplissement de laquelle
ces hommes de coeur s'attirèrent la louange de leurs
supérieurs et la reconnaissance profonde des
exilés. Par leurs soins, des infirmes, des multitudes
épuisées, abattues, reprirent force et
courage, et purent rejoindre leurs frères qu'ils
n'auraient jamais été en état de
suivre, et qu'ils n'auraient par conséquent jamais
revus sans eux. Plus d'une fois, ils accompagnèrent
eux-mêmes telle ou telle bande jusqu'à sa
destination, parce que le soin des malades et des nombreux
enfants exigeait leur présence. Leurs recherches et
leurs réclamations amenèrent aussi la
libération de la plupart des enfants et des filles
enlevés à leurs parents pendant le
voyage.
Vers le milieu de
février, après le passage des principales
bandes vaudoises (9),
deux des commissaires, MM. Roy et Forestier, se conformant
aux instructions de leurs supérieurs, se rendirent
à Turin pour solliciter l'élargissement des
prisonniers restants, savoir des ministres et de leurs
familles, ainsi que de ceux qui avaient été
pris les armes à la main. Ils réclamaient
aussi les enfants enlevés dès les premiers
désastres.
La présence des
commissaires bernois souleva des susceptibilités
à Turin. Tant d'insistance fut vue de mauvais oeil.
La propagande romaine en prit de l'ombrage. Les pasteurs
vaudois qui, auparavant, pouvaient sortir quelquefois de
leur prison sous la garde d'un employé, n'en
reçurent plus la permission
(10). Les nombreux laquais barbets ou vaudois, que
les seigneurs faisaient figurer, dans un costume
particulier, derrière leurs voitures, n'y furent
bientôt plus aperçus. Au reste, toutes les
réclamations restèrent sans effet. Les
commissaires obtinrent seulement de visiter les ministres,
et encore en présence de plusieurs officiers. Mais,
comme si l'intérêt qu'ils leur avaient
témoigné était un motif suffisant de
resserrer les liens des reclus, on fit partir, dès le
lendemain, pour le château de Nice, trois pasteurs
avec leurs familles, en compagnie d'un malfaiteur de
Mondovi. Le jour suivant, on expédia pour Montmeillan
trois autres pasteurs avec leurs familles. Le malfaiteur de
Mondovi ne fut pas oublié. Les commissaires, ayant
appris le départ des premiers et des seconds,
surveillèrent, dans le voisinage de la citadelle, la
sortie des derniers. En tête était le bandit
enchaîné, puis venait une charrette avec les
enfants et les malades, enfin les trois ministres et leurs
femmes à pied, accompagnés d'un sergent-major.
Dirigés sur le Pô, on les y embarqua pour le
château de Verceil. Les commissaires furent à
peine admis à échanger quelques mots avec eux
et à leur remettre tout ce qu'ils avaient d'argent
sur eux. Le père du ministre Bastie, âgé
de soixante-quinze ans, atteint en outre par la maladie,
avait dû se séparer de son fils et rester dans
la citadelle avec une personne de sa famille pour l'assister
(11).
Ce n'est pas que le conseil de
son altesse royale eût résolu la perte de ces
pasteurs fidèles, il avait même promis de les
élargir dans la suite; mais il craignait leur
influence sur les exilés et voulait les en tenir
éloignés un certain temps encore
(12).
Les efforts, pour obtenir le
retour des jeunes enfants, enlevés au moment de
l'emprisonnement, restèrent sans succès. Les
commissaires revinrent dans le courant de mai de l'an 1687,
ayant eu la douceur, si ce n'est de sauver tous les
malheureux opprimés dont ils s'enquirent, du moins
d'avoir empêché de plus grands maux, et
d'être devenus pour un grand nombre, des appuis contre
le découragement, des soutiens dam la
détresse, des guides bravant la tempête, des
pilotes habiles dirigeant «une main amie la barque des
naufragés vers le port. Christ, le chef de
l'Église, avait ménagé de
fidèles protecteurs et des frères
compatissants à ses témoins sous la croix. La
Suisse était le foyer où, par ses soins, les
enfants des martyrs, les descendants des plus anciens
chrétiens, venaient s'asseoir à
côté des fils de la liberté, dans les
demeures des disciples des réformateurs Calvin,
Viret, Farel, Zwingle, OEcolampade, Haller, anciens et
vénérables amis de leurs
pères.
Accourez, montagnards des
Alpes vaudoises, rejetés par votre prince; venez,
familles ravagées par le fer de vos
persécuteurs, parents désolés de la
perte de vos enfants arrachés de vos bras par la main
cruelle de l'Antéchrist; hâtez-vous, vieillards
affaiblis, veuves en pleurs, et vous enfants
abandonnés ou orphelins! Au-delà des limites
de votre ingrate patrie, Christ, votre chef, votre
époux, votre frère, vous attend. Ses
frères, qui vous aiment à cause de lui, et
parce qu'ils ont reconnu en vous la foi qui est en eux, vous
ouvrent leurs bras. Voyageurs fatigués, un jour de
repos vous attend, une station bénie, sur le chemin
arrosé de larmes qui vous conduit au ciel. (V. les
registres de Berne, onglets A, B, C.)
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